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Citations sur Terminus Radieux (68)

Quand on progresse dans la vieille forêt, quand on écrase sous ses bottes des branchettes perdues par les arbres, les sapins centenaires, les mélèzes noirs, quand on a le visage caressé ou battu par les mousses ruisselantes, on se trouve dans un univers intermédiaire, dans quelque chose où tout existe fortement, où rien n’est illusion, mais, en même temps, on a l’inquiétante sensation d’être prisonnier à l’intérieur d’une image, et de se déplacer dans un rêve étranger, dans un bardo où l’on est soi-même étranger, où l’on est un intrus peu sympathique, ni vivant ni mort, dans un rêve sans issue et sans durée.
Qu’on s’en rende compte ou pas, on est dans un domaine qui a Solovieï pour maître absolu. On bouge dans les ténèbres végétales, on essaie de bouger et de penser pour en sortir, mais, dans la vieille forêt, on est avant tout rêvé par Solovieï.
Et là-dedans, en résumé, on ne peut être autre chose qu’une créature de Solovieï.
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Il ou Je peu importe. Lui ou moi même chose. Il est là, à proximité des sapins, en rien remarquable, à première vue. Il ressemble à tous les corbeaux mâles de cette région du monde (...) il bat l'espace transparent, l'espace fluide, et il entend le claquement de ses ailes, et cela lui procure une satisfaction ineffable, j'entends avec plaisir le claquement de mes ailes qui m'indiquent sans ambiguïté que je suis là, concret et noir, et il craille deux fois, un cri de contentement pur, pas de joie mais de contentement, la première fois sans y avoir mis plus que de l'instinct, la deuxième en connaissance de cause. C'est une affirmation de soi, mais aussi un appel. Il ne s'adresse à personne en particulier (...) c'est plutôt un appel qui est destiné aux forces qui l'entourent et qui le portent, pas une prière et encore moins une supplique, plutôt un salut, plutôt une marque d'affection qu'il lance vers le Premier Ciel gris et vers le Troisième Ciel girs, vers Madame la Gauche-Mort, vers Notre-Dame des vibrations très-chaudes, vers Grande-Dame des vibrations très-froides, une caresse sonore pour les Sept Flux étranges, pour les Cinq Museaux, pour les Flammes du Silence étrange (...)
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L'exténuation était en train de les désunir. Ils ne communiquaient pratiquement plus. Cachés en terrain découvert, contraints d'attendre sans bouger soit le départ des soldats, soit d'improbables secours, ils n'étaient plus en état de se réconforter mutuellement.
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La neige tombait. De l'autre côté du portail, le sous officier crachotait dans le haut-parleur un silence ahuri d'homme ivre. Le discours de Matthias Boyol franchissait quelques mètres et il était aussitôt absorbé par la cascade continue des flocons.

p.283
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L'ambre, non. Pas la moindre lumière, ce serait plutôt l'espace noir, une solitude absolue et un silence noir que rien ne rompt, sinon quelquefois d'infimes avalanches, d'infimes crissements, comme si sous les pieds on froissait quelque chose, par exemple une suie hideuse ou du mâchefer réduit en poudre, oui, ce pourrait bien être l'espace noir.

p.466
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Ciel. Silence. Herbes qui ondulent. Bruit des herbes. Bruit de froissement des herbes. Murmure de la mauvegarde, de la chougda, de la marche-sept-lieues, de l’épernielle, de la vieille-captive, de la saquebrille, de la lucemingotte, de la vite-saignée, de la sainte-valiyane, de la valiyane-bec-de-lièvre, de la sottefraise, de l’iglitsa. Crissements de l’odilie-des-foins, de la grande-odilie, de la chauvegrille ou calvegrillette. Sifflement monotone de la caracolaire-des-ruines. Les herbes avaient des couleurs diverses et même chacune avait sa manière à elle de se balancer sous le vent ou de se tordre. Certaines résistaient. D’autres s’avachissaient souplement et attendaient un bon moment, après le souffle, avant de retrouver leur position initiale. Bruit des herbes, de leurs mouvements passifs, de leur résistance.
Le temps s’écoulait.
Le temps mettait du temps à s’écouler, mais il s’écoulait.
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— Peut-être que je dors et que je rêve, réfléchit la mourante.
— Oui, soupira Vassilissa Marachvili. Ou peut-être que c'est eux qui dorment et qu'on voit leur rêve.
Il y eut de nouveau une bouffée très intense d'herbes aromatiques.
— Ça pourrait être une explication, fit Iliouchenko, par compassion.
— Bah, murmura Kronauer.
— Peut-être que ce qu'on voit, c'est leur rêve, insista Vassilissa Marachvili.
— Tu crois ? dit Iliouchenko.
— Oui, dit Vassilissa Marachvili. Peut-être qu'on est déjà morts, tous les trois, et que ce qu'on voit, c'est leur rêve.
Puis elle se tut, et ils l'imitèrent.

p.20
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La vieille forêt n'est pas un lieu terrestre comme les autres. Rien de comparable n'existe ni dans des forêts de taille moyenne, ni dans la taïga qui est sans frontières et où l'on meure. À moins d'emprunter un chemin monstrueusement long et hasardeux, on ne peut atteindre le Levanidovo et son kolkhoze "Terminus radieux" sans la traverser. Mais la traverser signifie aussi errer sous ses arbres hostiles, avancer sans repères, en aveugle, signifie marcher avec effort au milieu de ses traquenards étranges, hors de toute durée, signifie avancer à la fois tout droit et en cercle, comme empoisonné, comme drogué, en respirant avec difficulté, comme dans un cauchemar où I'on s'entend ronfler et gémir mais où le réveil n'advient pas, signifie être oppressé sans discerner l'origine de sa peur, signifie redouter aussi bien les bruits que le silence, signifie perdre le jugement et, pour finir, ne comprendre ni les bruits ni le silence. Être au cœur de la vieille forêt signifie aussi parfois ne plus sentir sa fatigue, flotter entre vie et mort, demeurer suspendu entre apnée et halètement, entre sommeil et veille, signifie aussi s'apercevoir qu'on est un habitant bizarre de son propre corps, pas vraiment à sa place, comme un invité pas vraiment bienvenu mais qui incruste et qu'on supporte à défaut de pouvoir I'expulser, qu'on supporte en attendant d'avoir un prétexte pour se séparer de lui sans douceur, qu'on supporte en attendant de Ie chasser ou de le tuer.
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Elle prit la gazette qui était en haut de la pile et elle se mit à en ânonner les gros titres. Le journal datait du siècle précédent, mais Ies nouvelles étaient encourageantes.
La révolution marquait des points sur tous les fronts et on observait une montée des luttes. La Deuxième Union soviétique s'étendait à présent sur la majeure partie du globe. Il y avait encore sur quelques continents éloignés des poches remplies de capitalistes agressifs, et, évidemment, on ne
pouvait nier que les catastrophes du nucléaire civil avaient rendu problématique la survie de la population mondiale, mais, ne serait-ce que sur le plan militaire,la situation s'améliorait,
Bon, commenta-t-elle. Comme prévu, on va vers la victoire totale, faut juste avoir un peu de patience. C'est plus qu'une question de temps.
Satisfaite, elle délaissa les gros titres et se plongea dans les pages intérieures. Elle cherchait la rubrique météo pour confronter les informations imprimées à la réalité du ciel au-dessus de« Terminus radieux», et en conclure une fois de plus que Ia presse était bourrée d'âneries.
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[Un père abusif]
- Tout à l'heure tu m'as dit que Samiya Schmidt lui avait percé l'oeil et l'oreille avec un tuyau. Quand on a la cervelle traversée par un bout de fer, en général, on s'occupe pas d'espionner les conversations des autres. Si ça se trouve, il est déjà mort.
- Parle pas si fort, supplia Myriam Oumarik.
Elle avant vraiment l'air d'avoir peur. Il se rapprocha d'elle et baissa le ton.
- Il a eu le cerveau bousillé, dit-il. Il pourra pas s'en sortir.
Maintenant ils étaient assis sur le bord du lit, côte à côte. (...)
- Il s'en sortira très bien, murmura-t-elle. C'est pas la première fois que quelque chose de pareil lui arrive. Il s'en sort toujours. Il n'est ni mort ni vivant depuis sa naissance. Les radiations lui font rien. Les bouts de fer dans le crâne non plus lui font rien.
- Tout de même, la tête transpercée par un tuyau, objecta Kronauer à voix basse.
- C'est que du théâtre, dit Myriam Oumarik. C'est que du rêve. Sa tête transpercée ou pas peu importe. On est tous ni morts ni vivants à "Terminus Radieux". On est tous des morceaux de rêves de Solovieï. On est tous des espèces de bouts de rêves ou de poèmes dans son crâne. Ce qu'on lui fait, ça compte pas pour lui. Ce que lui a fait Samiya Schmidt cette nuit, c'est comme un épisode dans un livre, ça compte pour du beurre.

p. 369-370
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