Eric Vuillard a souhaité livrer ici son histoire de Buffalo Bill. Que dire sinon que ce livre m'avait fait de l'oeil dès sa sortie ? Mais sa toute petite taille (158 pages serrées dans un format de livre plus petit qu'un Poche) et son prix (18€) m'avait poussé à attendre sa venue à la BM. Je l'ai lu il y a déjà plusieurs semaines et j'avais oublié de publier ma chronique ! Mauvais signe. Ma chronique risque d'être un peu étrange, d'un côté, il y a l'écriture qui parfois fait de très belles envolées lyriques mais qui ne m'aura pas non plus transportée, et de l'autre l'Histoire, celle de Buffalo Bill et du plus grand massacre d'Indiens, Wounded Knee et également la tragique destinée de l'enfant perdu.
Malheureusement pour moi, je connaissais déjà trop bien l'histoire de Wounded Knee, et de Little Lost Child, et même celle de Buffalo Bill, même si je trouve ici le portrait juste – celui d'un homme dépassé par sa propre vie, par les évènements et réduit à jouer et rejouer cette caricature de lui-même.
Aussi, j'en retiens surtout la description de ce fameux Wild West Show – où les Américains, souvent citadins, venaient s'amuser devant le spectacle de la conquête de l'Ouest, transformé en un numéro de cirque, loufoque où le héros massacrait des dizaines d'Indiens. Un show qui vit participer de vrais Indiens (dont l'auteur dit qu'ils furent ainsi sauvés) et même Sitting Bull, le grand chef Indien (ce qui me laissera toujours perplexe). Un spectacle qui vantait l'homme blanc, chrétien et où on continuait de les montrer comme des Sauvages. Quand le spectacle déforme la réalité, refait l'Histoire. Impressionnant, absurde. Effrayant. Mais aussi synonyme d'une époque (la fin du 19ème S.) avec ces foires où on y exposait des Pygmées, des femmes à barbe, des Nains, des peuples autochtones enlevés et exposés telles des bêtes de foire. Un drôle de monde. le show vint d'ailleurs en France.
L'auteur veut également rendre ici hommage au tribus indiennes, en racontant le massacre de Wounded Knee et en particulier le sort du bébé surnommée Zintkala Nuni (l'enfant perdu), survivante du massacre et adopté par un couple de blancs. La petite fille grandit avec sa mère dont elle était proche, le père, Général, ayant déserté le domicile conjugal peu de temps après. Mais le racisme était présent et elle connut un triste destin. le plus étrange fut son passage au Wild West Show (cf. la photo) pendant quelques temps. Elle vécut une vie de misère et mourut dans la détresse et la pauvreté. Elle était retournée plusieurs fois dans le Dakota du Sud pour tenter de retrouver ses racines, mais « trop blanche », elle fut rejetée. Finalement en 1991, (ce n'est pas dans le livre), l'auteur Lakota d'un livre sur son histoire a réuni les fonds nécessaires pour lui offrir une sépulture descente à Wounded Knee.
Selon moi, le romancier semble hésiter entre une biographie et un essai. le style est néanmoins impeccable avec des envolées lyriques magnifiques mais la froideur qu'il a choisi de cultiver aura pour effet sur ma lecture que je n'ai ressenti aucune émotion. Son ouvrage me fait penser à ces livres de photos, en papier glacé. Ils sont beaux mais restent désespérément froids. Je suis passionnée par les histoires indiennes, et je ne suis jamais remise de la lecture de Enterre mon coeur à Wounded Knee, or ici j'ai eu l'impression que le romancier veut, en quelque sorte dresser un procès, mais tout cela me semble aujourd'hui inutile et obsolète. On connaît tous aujourd'hui le sort terrible des nations indiennes et celui de Wounded Knee. Je viens de finir la lecture d'un roman de
Sherman Alexie, et je préfère largement lire ses mots à ceux de Vuillard.
Vous l'aurez compris, ce ne fut pas un coup de coeur comme je l'espérais. J'ai cependant vraiment apprécié toute la partie sur Buffalo Bill, comment celui-ci se sert du sort de ces malheureux pour les transformer en objet de foire. Comment il réussit à persuader Sitting Bull à participer à cette mise en scène de l'Histoire : les cowboys contre les Indiens. Les bons contre les méchants et le massacre de Wounded Knee devient « une bataille » où les soldats sont de valeureux guerriers combattant des sauvages assoiffés de sang. J'en retiens un exercice de style réussi mais malheureusement, je suis restée en dehors et je préfère lire d'autres auteurs, américains ou canadiens (pas uniquement amérindiens) quand je souhaite côtoyer ces peuples qui me fascinent depuis ma jeunesse.