AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,69

sur 559 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Figure mythique de la conquête de l'Ouest, Buffalo Bill a entretenu sa propre légende par le biais de représentations dans lesquelles il se mettait en scène avec de vrais indiens et rejouait les scènes de batailles qui avaient fait sa renommée. Son spectacle, le Wild West Show, créé en 1882, dix ans avant l'exposition universelle de Chicago, fait le tour des Etats-Unis et de l'Europe, mêlant la réalité au mythe et provoquant un véritable engouement chez les spectateurs. Buffalo Bill est à l'origine du concept de show-business, pionnier de ce qui deviendra une marque de fabrique américaine.


Mais derrière ce décor en carton-pâte se cache une réalité beaucoup moins attirante, celle d'un peuple martyrisé, avili, humilié, condamné à rejouer sa propre destruction par ceux-là même qui en sont à l'origine. Un peuple exploité, exhibé comme un trophée et qui, plutôt que de susciter la compassion, alimente la peur et la haine.


Dans « Tristesse de la terre », Eric Vuillard dresse le portrait d'un homme dépossédé de lui-même, réduit à jouer toute sa vie son propre rôle, mais il dépeint également l'image d'une nation qui s'est construite dans le sang, sans se soucier de la dignité humaine. Sans être moralisateur, l'auteur nous place face à la réalité des évènements, il nous invite à réfléchir au sens de nos actes ainsi qu'à leurs conséquences. L'écriture est d'autant plus forte qu'elle est belle, éloquente. Les mots, leur sonorité, nous frappent et nous heurtent profondément, jusqu'à nous bouleverser… « Tristesse de la terre » est un texte percutant, riche en émotions et qui donne à réfléchir.
Commenter  J’apprécie          702
« le spectacle est l'origine du monde »
Le Wild West Show est présenté lors de l'Exposition Universelle de Chicago. du mouvement, de l'action, des chevaux qui galopent, des batailles reconstituées et le public vient de plus en plus nombreux, applaudissant, riant, criant, captivé, fasciné.
Mais le public est exigeant, il en faut toujours plus. Buffalo Bill l'instigateur du spectacle le comprend très vite. Pour étonner davantage, pourquoi ne pas rajouter la souffrance et la mort ? Il rajouta donc de vrais Indiens avec Sitting Bull qu'il engagea pour 50 dollars par semaine.
«Sitting Bull n'a sans doute jamais été si seul qu'à cette minute, au milieu des drapeaux américains, dans la grande machine à divertir. Il n'était pas aussi seul lorsqu'il vivait en exil au Canada, parmi une poignée de proscrits ; l'obscurité première est impénétrable. Et certes, on était seul à cheval, sous la pluie glacée, errant entre les formes imprécises, dans la grande forêt. Oui, on était seul et triste, mais on était libre, on était plein d'une haine brûlante. Et maintenant Sitting Bull est seul dans l'arène ; la grande chose qu'il aimait est restée en arrière, très loin, Et, ici, dans les gradins, ils ne sont venus que pour ça, tout le monde est venu voir ça, simplement ça : la solitude.»

En douze chapitres assez courts, Éric Vuillard démonte l'Histoire et la reconstruit grâce à son regard acerbe et critique.
« Tristesse de la terre » est un livre magnifique servi par une écriture précise et percutante d'un auteur que j'ai eu grand plaisir à découvrir.
Commenter  J’apprécie          350
Dans son septième livre à paraître en août 2014 chez Actes Sud, Éric Vuillard déconstruit le mythe de Buffalo Bill Cody et de son spectacle le «Wild West Show», et, avec ce qui fut le premier grand divertissement de masse, nous montre la face tragique du divertissement.

Les dimensions du Wild West Show étaient spectaculaires : Clou de l'Exposition universelle de 1893 à Chicago, ses deux représentations par jour attiraient près de quarante mille spectateurs, et plus de trois millions lors des représentations données à Paris pendant la tournée européenne en 1905.

Exaltant les conquêtes pionnières, cette Histoire de carton pâte – les cris de guerre des Indiens que nous connaissons tous, quand on fait claquer sa paume sur sa bouche en lançant des whou ! whou ! sonores, furent inventés pour le spectacle, de même que le Stetson des cowboys – était surtout irrésistible du fait de la présence dans le spectacle de véritables indiens, utilisés comme acteurs dans ce spectacle tandis qu'on les massacrait, tristes acteurs de la déformation de leur propre histoire, à l'image du chef Sioux Sitting Bull, qui participât au Wild West Show en 1885.

«Sitting Bull n'a sans doute jamais été si seul qu'à cette minute, au milieu des drapeaux américains, dans la grande machine à divertir. Il n'était pas aussi seul lorsqu'il vivait en exil au Canada, parmi une poignée de proscrits ; l'obscurité première est impénétrable. Et certes, on était seul à cheval, sous la pluie glacée, errant entre les formes imprécises, dans la grande forêt. Oui, on était seul et triste, mais on était libre, on était plein d'une haine brûlante. Et maintenant Sitting Bull est seul dans l'arène ; la grande chose qu'il aimait est restée en arrière, très loin, Et, ici, dans les gradins, ils ne sont venus que pour ca, tout le monde est venu voir ça, simplement ça : la solitude.»

Loin de la figure mythique que l'on connaît, Eric Vuillard dépeint Buffalo Bill Cody comme un homme en proie à une angoisse obscure, jamais repu en dépit de ses succès, un vide comme en écho à celui du spectacle.

«Tristesse de la terre» est un très beau récit, une lecture amère mais nécessaire, un dessillement brutal qui fait apparaître la véritable histoire enfouie sous les paillettes du spectacle, et qui rend si fragiles et incertaines la beauté et la douceur du monde.

«Et il se leva une violente tempête. La neige tomba du ciel comme une injonction de Dieu. Les flocons tourbillonnaient autour des morts, légers, sereins. Ils se posaient sur les cheveux, sur les lèvres. Les paupières étaient toutes constellées de givre. Que c'est délicat un flocon ! On dirait un petit secret fatigué, une douceur perdue, inconsolable.»

Commenter  J’apprécie          340
"Les peuples se plaisent au spectacle. Par-là, nous tenons leur esprit et leur coeur." L'auteur de ce propos n'est autre que le plus grand metteur en scène de notre Histoire, Louis XIV, qui sut enjoliver son règne et son auguste personne. Dans "Tristesse de la terre", Eric Vuillard pose un regard critique sur l'art du divertissement. Il étudie le phénomène des spectacles itinérants "Wild West Show" dirigés par Buffalo Bill qui ont attiré des millions de spectateurs en Amérique du Nord et en Europe, peu avant l'émergence du cinéma. Ce triomphe marque l'avènement du show-business, le spectacle et le divertissement s'industrialisent, des produits dérivés sont vendus à la fin de la représentation. Mais d'où vient la puissance attractive de ce spectacle ? Qu'est-ce qui parvient à fasciner quarante mille personnes pendant deux heures ?
L'auteur démontre ensuite que les "Wild West Shows" ne sont qu'une large entreprise de mystification, une version romancée de la conquête de l'Ouest racontée par ses vainqueurs. le massacre d'Indiens désarmés de Wounded Knee est transfiguré en une épopée de Far West. le mensonge a marqué les esprits et j'ai découvert, par exemple, que les "whou whou" des Indiens ne sont en aucun cas un usage amérindien, il s'agit en fait d'un cri de scène poussé par des acteurs du show. Même les auteurs de cette large contrefaçon finiront par croire à leurs propres mensonges. Mais le public finit par se lasser de tout et se détournera bientôt vers d'autres divertissements.

Eric Vuillard restitue le gigantisme du spectacle (une centaine de chapiteaux, une troupe comptant huit cents personnes, cinq cents chevaux traversant des continents) qu'il associe à des anecdotes glauques afin de contrecarrer le mythe. Il sait se montrer poignant lorsqu'il évoque l'existence tragique de ces Amérindiens. Ils apparaissent au cours du récit grâce à de magnifiques photographies qui les rendent présents à nos yeux. Petit à petit, Vuillard l'écrivain et l'intellectuel s'efface pour laisser place à un homme exprimant toute son empathie pour ses frères perdus.
Un récit critique (attention à nos représentations de l'Histoire !) et poignant.
Commenter  J’apprécie          330
Bienvenue dans la société du spectacle comme aurait dit Guy Debord. Parce que la téléréalité, qui du reste n'a de réalité que le nom, celle qui se donne des airs de représentation du réel en simplifiant à outrance, et qui fait du business avec, eh ben vous savez quoi ? C'est Buffalo Bill qui l'a inventée. Oui, je sais, ce raccourci peut surprendre.

Eric Vuillard, dans ce roman aux allures d'essai revient sur le fameux Wild West Show créé par William Cody plus connu sous le nom de Buffalo Bill, et son acolyte John Burke. Ces deux-là ont fait circuler à travers les États-Unis d'Amérique et en Europe avec un immense succès, une troupe de huit cents personnes, cinq cents chevaux et des dizaines de bisons et reproduisaient les grandes batailles contre les peuples autochtones sur une scène de cent mètres de large dans des décors en carton pâte. le pire, dans tout ça, c'est que les indiens, et parmi eux, le plus célèbre d'entre eux, Sitting Bull, moyennant quelques dollars, sont venus jouer leur propre rôle dans ce ridicule pastiche. Et que Monsieur et Madame Toulemonde, avec leurs enfants, se sont rués pour voir les indiens se faire massacrer pour de faux. Cody a poussé l'ignominie jusqu'à faire jouer des enfants indiens, quitte à en perdre quelques uns, laissés malades dans telle ou telle ville étape du spectacle.

Cody a également inventé le merchandising parce qu'à l'entracte, en mangeant des hot-dogs, on pouvait s'acheter une veste à franges, un tomahawk ou un collier indien. Business is business.
On ressort de cette lecture avec un profond dégoût pour la manière dont les indiens ont été tués une deuxième fois, assimilés à des bêtes curieuses, le regard vide, ayant perdu toute dignité.
Après, on a eu Loft Story. Voyeurisme et exhibitionnisme. Pauvres de nous.

Challenge Multi-Défis 2024.
Chalenge Riquiqui 2024.
Commenter  J’apprécie          272
Triste en effet cet épisode sanglant et tragique du massacre de Wounded knee;
Triste cette mascarade menée par le célèbre Buffalo Bill, qui n'était autre qu'un homme d'affaire.
Triste, triste épisode de l'histoire de l'Amérique, que l'on ne voit jamais apparaître dans nos livres d'histoire.
Coïncidence extraordinaire: je venais de refermer ce livre trop court mais magnifiquement écrit par Eric Vuillard, quand j'ai vu au cinéma le film " The ride" qui évoque la chevauchée à laquelle participent, chaque année, les descendants de ce peuple martyrisé.
Commenter  J’apprécie          230
A travers le prisme de la vie de Buffalo Bill, cow-boy devenu sur le tard vedette de spectacles, l'auteur nous offre son regard sur l'Amérique en gestation de la fin du 19e siècle et en particulier sur la situation des Indiens, persécutés, sur une civilisation en voie d'extinction, victime du colonialisme.
Dans les mémoires ne restera de cette civilisation et de cette époque que le regard des vainqueurs, incarné dans le grand show que Buffalo Bill montrera à travers le monde, une caricature, des Indiens présentés comme sauvages, obstacles à la mission civilisatrice de l'Occident.
Un petit livre, écrit avec précision, une écriture « à l'os » tout en étant empreinte de sensibilité et d'une profonde humanité.
Commenter  J’apprécie          181
Dans un livre d'une grande profondeur, d'une belle écriture, qui tient beaucoup de l'essai , Eric Vuillard revient sur la conquête de l'Ouest américain, sur le genocide indien de Wounded Knee de 1891 à
travers le parcours de William Cody connu sous le nom de Buffalo Bill..
Buffalo Bill crée avec John Burker le spectacle Wild West Show présenté en Amérique et en Europe. le spectacle grandiose raconte l'histoire des grandes plaines, des pionniers, une histoire que les hommes des villes américaines veulent entendre. Il y a des Indiens sur scène, des chevaux également.. Ce divertissement de masse
, cette culture commerciale se soucie peu de la réalité historique, c'en est même une falsification,Buffalo Bill devient celui qu'il joue jusqu'à confondre son vécu et son rôle .
L'auteur fait une satire de cette société du spectacle qui conduit Buffalo Bill à la ruine.
Pour le public, tout passe, tout lasse.. Il tombe peu à peu dans l'oubli. le cinéma lui fait concurrence .
Et l'auteur de conclure par l'Histoire du massacre des Indiens suivi de l'assimilation forcée des survivants dont une photo est insérée dans le livre, elle dit l'empathie de l'auteur pour cette population et établit un parallèle avec nos exclus d'aujourd'hui.
Commenter  J’apprécie          120
La vie de Buffalo bill et des peaux rouges ou le début du show-biz ?
Comment, nous, spectateurs en tant que lecteur voyons-nous ce simulacre ?
Portrait féroce d'un peuple qui donne à réfléchir et nous en apprend un peu plus sur eux et sur nous-mêmes. le dernier paragraphe inattendu de la neige en land Art est poétique.
Belle écriture engagée agrémentée de photos pour ce livre court et intense. Tristesse de la terre, quel merveilleux titre !
Commenter  J’apprécie          120
"Tristesse de la terre" est le récit d'un pays en construction, sans passé, donc sans histoire, et ayant alors besoin de s'en forger une, si possible héroïque et honorable. le Wild West Show de Buffalo Bill Cody sera chargé de la diffuser et de la mettre en lumière à travers toute l'Amérique, mais aussi toute l'Europe. La légende du Western prend ainsi forme, entre faits réels et détournements, à la gloire de l'homme blanc, le représentant de la civilisation, au détriment du peau-rouge, le sauvage sans pitié ni discernement. Éric Vuillard organise le récit à partir de documents photographiques. On embrasse ainsi tous les lieux et tous les temps de cette « écriture de l'histoire », des Indiens jetés en pâture à la haine des spectateurs blancs aux unités de la cavalerie prêts à en finir une bonne fois pour toute avec le problème indien. C'est poignant, c'est terrifiant. C'est un récit qu'il faut aimer beaucoup.
Commenter  J’apprécie          120




Lecteurs (1005) Voir plus



Quiz Voir plus

Kiffez Eric Vuillard !

La première fois que j'ai rencontré Eric, il m'a dit d'un ton péremptoire, la question n'est pas ...?...

Une sinécure
Sujet à débat
à L'ordre du jour
Digne d'intérêt

10 questions
27 lecteurs ont répondu
Thème : Éric VuillardCréer un quiz sur ce livre

{* *}