AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,92

sur 660 notes
5
46 avis
4
48 avis
3
6 avis
2
2 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
On se doutait un peu que la guerre profitait aux banques, une confirmation de plus, si besoin était. le ton féroce qu'emploie Eric Vuillard pour dépeindre les turpitudes des politiques, des militaires et des hommes d'affaires est jouissif. le début du livre pose le décor et la finalité de la possession des colonies. Ce n'est que du business, l'exploitation éhontée d'un peuple, dont le racisme n'est pas la moindre des ignominies. La distance avec la métropole, la prévarication des instances locales permettent d'engranger des profits considérables. Diverses sociétés opèrent au Viet-nam. Il est très bien démontré dans ce livre que les premières escarmouches ont eu comme théâtre d'opérations la proximité de sites miniers ou de plantations. L'armée est clairement au service de propriétaires terriens ou de sociétés minières métropolitaines. Les conditions de travail y sont proches de l'esclavage. La guerre va s'intensifier et aboutir au résultat que l'on sait.
Certaines descriptions sont pittoresques, notamment la séance du 19 Octobre 1950 à l'Assemblée nationale qui nous décrit les comportements, les histoires et la généalogie de certains députés, avec pour toile de fonds une guerre qui s'annonce et les intérêts qu'il faut défendre. le cours d'ethnologie sur certains quartiers parisiens est un bijou d'humour corrosif dont on soupçonne un fonds de vérité, la limite est l'inceste, en deça, c'est acceptable si c'est pour préserver un patrimoine.
A lire absolument.
Merci
Commenter  J’apprécie          90
1950, Cao Bang. La France vient de subir une lourde défaite dans le nord du Vietnam, qui est encore l'Indochine.

En France, dans les palais de cette IV° République moribonde, nos hommes politiques de tous bords saluent le courage de nos soldats tombés pour la France (en réalité cette armée était principalement composée de tirailleurs et de troupes coloniales). Seuls quelques uns font entendre une dissonance ; la guerre coûterait cher et surtout est-elle vraiment utile !? Mais qui les entend ?

Au palais Bourbon, les débats font rage, les coalitions se font et se défont au gré des discours qui n'ont rien à envier à nos politiques actuels. Entre deux repas, la loghorée de nos dirigeants de l'époque s'évertue (déjà) à diluer l'essentiel, la vie de nos soldats mais aussi celle des indochinois, au milieu d'intérêts économiques et hautement stratégiques.

Car c'est bien de cela dont il s'agit et que nous découvrons sous la plume un brin sarcastique, voire acerbe, mais avant tout bien documentée d'Eric Vuillard. Les portraits, arbre généalogique à l'appui, de certains, les alliances et autres mariages d'intérêts de ces dirigeants pour qui le mélange des genres n'est pas un problème et l'entre-soi encore moins. C'est d'ailleurs peut-être ici que l'auteur se perd dans une série de clichés sans grand intérêt, tellement le reste du récit se suffit à lui-même.

Ce récit historique est une déconstruction de la guerre d'Indochine. Pas celle que l'on enseigne à l'école, non celle des coulisses, des secrets d'alcôves, des initiés, de ceux qui ressentent une jubilation cynique à « perdre en gagnant, et en gagnant prodigieusement ». Ce récit ne refait pas toute l'histoire de la guerre d'Indochine, il se focalise sur des moments précis, plutôt méconnus, parfois anecdotiques mais qui n'en sont pas moins importants.

Le livre se referme en 1975, à Saigon. La boucle est bouclée, trente ans et quatre millions de morts plus tard.

Éric Vuillard ou l'écriture comme une arme pour dénoncer le cynisme et l'hypocrisie des puissants. Encore une fois c'est efficace et captivant.
Commenter  J’apprécie          90
D'Éric Vuillard, j'avais lu et apprécié L'ordre du jour qui narrait les moments qui avaient précédé l'Anschluss. Cela se situait dans une zone littéraire quelque part entre l'essai et le roman historique. C'est la même formule que Vuillard semble utiliser ici en s'engageant dans une description de quelques épisodes de ce qu'a été la guerre d'Indochine. Je ne sais si cela est dû à la relative proximité des faits, mais il m'apparaît que l'auteur s'aventure plus loin dans sa démarche et c'est presque un pamphlet qu'il nous livre avec ces récits d'événements. C'est, selon moi, le texte d'un militant qui, tout en adoptant les formes et les styles du roman, attaque de plein fouet la logique économique coloniale et les hommes qui l'ont porté. Je ne suis pas en mesure de critiquer ou de juger la valeur de ses arguments historiques. Bien que la part activiste de l'oeuvre me soit apparue trop saillante, j'ai encore été en position de soupeser la qualité de son écriture et de ses effets.
Lien : https://rivesderives.blogspo..
Commenter  J’apprécie          91
Eric Vuillard est un formidable "professeur" qui nous fait un condensé pertinent de notre histoire, loin d'être toujours glorieuse.
Après la lecture du "Grand monde" de Pierre le Maître, qui aborde également ce conflit et cette période, c'est un très bon complément qui nous enrichit.
Commenter  J’apprécie          80
L'auteur reprend un fait historique et donne à voir ce qui se passe derrière les fenêtres des hôtels particuliers du 16ème, dans la coulisse des conseils d'administration des grands banques françaises ou encore dans le palais luxueux d'un gouverneur exilé en Asie.
C'est factuel, argumenté, référencé et toute fois drôle, grinçant et terriblement actuel.
Commenter  J’apprécie          80
Observer l'histoire par le trou de la serrure, en y posant un regard grinçant et militant, telle est la spécialité d'Éric Vuillard. Dans son nouveau récit historique « Une sortie honorable » (Actes Sud, 2021), il décortique la guerre d'Indochine (1946 – 1954), celle qui tournera en guerre du Vietnam (1955-1975) et mènera à la défaite de deux grandes puissances.
Dans des chapitres brefs, Éric Vuillard décrit et interprète différentes scènes symptomatiques de cette guerre (dé-)coloniale pour en pointer les déshonneurs politiques, financiers ou militaires. On y suit successivement des inspecteurs du travail dans une plantation Michelin, des députés de la quatrième république parlant d'honneur de la nation, le Général de Lattre dans une émission de télévision américaine ou des membres enrichis du conseil d'administration de la Banque d'Indochine.  
J'ai beaucoup aimé son art de la description et son sens aiguisé du portrait : au milieu de personnages désastreux, caricatures d'une époque, ressort tout de même celui élogieux de Pierre Mendes- France.  le tout est emballé dans un style d'écriture particulièrement riche et suranné, ce qui permet d'accentuer l'ironie du texte. le récit est très documenté avec beaucoup de détails, on y apprend de nombreuses choses.
Aussi intéressant soit-il, il y a tout de même quelques passages où l'interprétation est trop insistante, voire répétitive, risquant de faire basculer le récit dans une logique binaire du bon et du méchant. C'est dommage car sa puissance de description et son ironie suffisent amplement pour soutenir la thèse qu'il défend.
Commenter  J’apprécie          80
On reste dans l'ambiance coloniale mais plutôt sur le versant décolonisation, avec cette oeuvre - pas vraiment un roman - d'Eric Vuillard dont j'avais adoré "L'ordre du jour" sur la conférence de Munich en 1938, du même type inclassable, ni vraiment roman, ni vraiment documentaire.

Ici, on est en Cochinchine. le chapitre liminaire pose les bases de l'ordre colonial : lors d'une visite dans une plantation Michelin, une équipe d'inspecteurs du travail met à jour une série de mauvais traitements infligés aux travailleurs, sans être choqués outre mesure pour autant par le système. Brutalité de la colonisation, inégalités, rapports de force, exploitation économique : avec une économie de moyens toujours admirable, Vuillard ouvre magistralement son bouquin.

La sortie honorable, c'est celle que le pouvoir doit trouver en Asie du Sud-Est face à l'affirmation du Viet Minh qui défend l'indépendance. On navigue entre les scènes de guerre et les débats parlementaires de la IVe République qui semblent surnaturels et anachroniques, éclairés par le talent de Vuillard pour les portraits. de l'apogée de la colonisation jusqu'à la chute de Saïgon, l'auteur fouille la violence coloniale jusque dans ses enjeux économiques et financiers les plus cyniques.

Comme toujours chez Vuillard c'est impeccable : érudit, intelligent, élégant. "Le déshonneur eût peut-être mieux valu".
Commenter  J’apprécie          70
Pour son nouveau récit historique, Éric VUILLARD s'attaque à l'Indochine française et décide d'entamer son récit par l'année 1928, lorsque la colonie subit un effondrement du prix de certaines matières premières, dont celui du caoutchouc, propriété de la toute puissante maison Michelin qui par ailleurs userait de mauvais traitements sur son personnel autochtone et doit affronter une « épidémie de suicides » au sein de ses salariés.

Comme à son habitude depuis « Conquistadors » de 2009 mais surtout à partir de 2012 avec « La bataille d'Occident », Éric VUILLARD déroule l'Histoire en scrutant des photographies, regroupant des documents judicieux propres à secouer son lectorat, passant tout au peigne fin. Avec son style caractéristique fait de cynisme, de précision affolante de la scène et d'humour caustique, VUILLARD semble manier une caméra munie d'un microscope sur le terrain, projeté vers la période qu'il décrit.

Comme toujours aussi, il examine, décortique les hommes puissants qu'il présente, les observe jusqu'au petit recoin d'un bouton de manchette. Puis il dresse leur pedigree par une sorte de biographie brève de quelques pages dans laquelle les principaux faits d'armes du gus sont révélés. Il est comme ça, VUILLARD, il s'invite sur l'épaule d'un type qu'il ne connaît pas et le passe au rayon X par une baguette invisible.

Ici ces nombreux puissants, ce sont les acteurs de tête de la fin de la colonisation en indochine. Ils tapent sur les pauvres êtres locaux, leur pondent des lois ahurissantes et font jaillir leurs muscles. VUILLARD procède à un véritable exercice de style littéraire. Car excusez, mais du style il en a et même en déborde. On ne devrait pas mais on rit à foison grâce aux percutantes descriptions, comparaisons, et échecs de l'Histoire. L'humour est corrosif et garanti sans trucage. L'auteur met en scène une brochette d'hommes sans scrupules, et en filigrane dénonce ce qu'il évoque dans un parfait numéro d'équilibriste.

Il se gausse, méchamment mais jamais gratuitement, des non-sens de déclamations politiques cherchant à marquer l'Histoire par une rhétorique coup de poing, comme cette phrase malheureuse d'Edmond MICHELET : « Toute politique actuelle de capitulation en Indochine s'apparenterait à celle de Vichy ». On applaudit bien fort. VUILLARD en profite pour se moquer de la IVe République française, qui évolue en vase clos dans un vertigineux jeu de chaises musicales. Il glane des scènes, les habille, les anime dans un décor savamment peint où chaque mot a son importance. Contrairement à l'armée française en Indochine, il ne s'enlise pas.

Il est aussi question des Etats-Unis et de leur rôle dans une sorte de répétition générale de la guerre du Vietnam. C'est peut-être le défaut de ce récit : il navigue un peu trop, entre 1928, la 2e guerre mondiale, la désastreuse bataille de Cao Bang en 1950, l'arrivée sur l'échiquier politique des Etats-Unis, le naufrage incessant de cette colonisation, les biographies des protagonistes, etc., il est possible de se perdre non dans ce qui est un labyrinthe mais qui par excès de zèle remue trop de détails. Il en reste un document exceptionnel, dans un format ténu et caractéristique de l'auteur, évoluant entre roman historique, récit ou encore scénario de film ou de documentaire. Ce n'est certes pas le meilleur VUILLARD (nous pourrons lui préférer le Goncourt « L'ordre du jour », « Congo » ou « Tristesse de la terre »), la recette commence peut-être à s'éroder, il n'empêche, c'est un récit remarquable qui nous pousse à aller rechercher plus en détail ce que VUILLARD tient à la surface. Il vient de sortir et ne doit pas être boudé.

https://deslivresrances.blogspot.com/
Lien : https://deslivresrances.blog..
Commenter  J’apprécie          70
Éric Vuillard poursuit son analyse de la cupidité et de l'irresponsabilité qui conduit au désastre pour des millions de personnes.
Après l'Ordre du jour où il décortiquait le rôle des grands industriels européens dans la montée du nazisme et le déclenchement de la seconde guerre mondiale, Une sortie honorable analyse le fiasco de la guerre d'Indochine et le jeu dans l'ombre des grandes familles bourgeoises, de leurs intérêts et des sociétés qui les protègent.
Comme l'indique un des titres du livres « Comment nos glorieuses batailles se transforment en sociétés anonymes ».
Le cynisme encore une fois à l'oeuvre, glaçant.
Commenter  J’apprécie          60
Après avoir dressé le tableau d'une Assemblée Nationale typique de ce que nous savons de la quatrième république, Eric Vuillard écrit à la page 107, la phrase qui résume tout son livre. « Ainsi dérivent les hommes vers de gigantesques désastres. » C'est de Dien Bien Phu qu'il s'agit. Comment la Nation, par orgueil, par manque de clairvoyance, a-t-elle pu laisser se mettre en place un tel fiasco ? Dès 1950, et c'est ce que raconte l'auteur dans les premiers chapitres, Mendes France avait proposé d'envisager des négociations. Après l'aspect politique il passe à l'aspect militaire. Henri Navarre, huitième commandant en chef fut nommé « pour trouver une solution introuvable à un poste dont plus personne ne voulait ». A la fin, les deux chapitres sur l'aspect financier, qui traite à la fois du petit monde des nantis et de leur capacité à « tirer les marrons du feu » sont tout aussi savoureux de clairvoyance, de cynisme pourrait on dire. Comme dans « l'ordre du jour » l'auteur sait admirablement croquer les personnages, avec beaucoup de finesse, d'humour, parfois. Une page d'histoire rendue magnifiquement vivante
Lien : https://poirson.marie-helene..
Commenter  J’apprécie          50




Lecteurs (1251) Voir plus



Quiz Voir plus

Kiffez Eric Vuillard !

La première fois que j'ai rencontré Eric, il m'a dit d'un ton péremptoire, la question n'est pas ...?...

Une sinécure
Sujet à débat
à L'ordre du jour
Digne d'intérêt

10 questions
27 lecteurs ont répondu
Thème : Éric VuillardCréer un quiz sur ce livre

{* *}