L'idée du beau en poésie est souvent diamétralement opposée à l'idée du beau en peinture. Le poète trouve admirable un ciel bleu, des arbres verts, un linge blanc. Pour le peintre, ces beautés sont quelquefois des défauts contraires à l'harmonie. Le régulier, le poli, le léger, le délicat sont des qualités qui ne sont pas toujours celles qu'exige un tableau. Un teint de lis et de rose, des membres fins, un sein d'albâtre, un pied mignon, une taille de guêpe, cette poésie-là n'est point la poésie pittoresque.
Si nous voulons voir, par un exemple frappant, où se trouve la supériorité, plaçons le Jugement dernier de Michel-Ange à côté de la Chute des réprouvés de Rubens. Ce qui distingue particulièrement le génie du peintre d'Anvers, ce qui le place au-dessus des plus grands maîtres dans l'art de composer, c'est, nous l'avons vu, la science avec laquelle il sait, par la seule disposition de l'ensemble, présenter, au premier coup d'œil, l'image vivante de son sujet.