Elle n'était pas simplement belle. Cette épithète était trop ordinaire pour décrire la qualité ineffable et l'incroyable pouvoir de sa présence physique. Le charme mystérieux qui émanait de sa personne, de son regard, de son sourire et de sa contenance subjuguait tous ceux qui la rencontraient.
Quelle étrange sensation, de se remémorer tout ce qu'il avait partagé avec cette femme ! La façon dont il la touchait, la caressait, l'embrassait, les libertés qu'il prenait avec ce corps délicieux, les émotions et le plaisir qui le pénétraient lorsqu'il couchait avec elle sans jamais songer au passé ni à l'avenir. Mais, plus étrange encore, et bien plus douloureuse, était la découverte qu'il venait de faire. Leur passion effrénée avait eu des conséquences, elle s'était incarnée dans le charmant bambin qui gambadait joyeusement devant eux.
Elle trouvait quelque chose de singulièrement excitant aux audacieuses distorsions de la lumière et de l'eau. Lorsqu'elle contemplait ce portrait intime et sensuel d'une femme à l'aise dans son corps, elle se sentait une autre personne, et c'était l'une des raisons pour lesquelles elle l'aimait tant. Car du plus profond de son être, elle aurait voulu être une autre.
L'autre raison qui lui rendait ce tableau lumineux particulièrement attrayant, c'était que son mari ne pouvait le souffrir. S'il lui avait permis de le conserver, c'était seulement parce qu'elle le lui avait présenté comme un cadeau des Vanderbilt. Rien de plus faux, évidemment, mais ce mensonge n'était que l'une des innombrables inventions qu'elle lui avait servies au cours de leurs neuf ans de mariage.
Il avait une façon unique de concentrer toute son attention sur elle et sur elle seule, comme si elle représentait pour lui le centre du monde. Mais bien sûr, ce n'était qu'une illusion. Il était capable de la même concentration à l'égard de ses équations mathématiques. Pourtant, cette qualité d'attention l'avait toujours énormément touchée. Elle était si différente des œillades concupiscentes que lui adressaient ses autres prétendants ! La plupart des hommes ne s'intéressaient qu'à sa beauté physique. Michael, lui, savait voir en elle au-delà des apparences. Il était le seul, et l'avait toujours été.
Elle paraissait parfaite : d'une beauté si resplendissante que toutes les conversations cessaient dès qu'elle entrait dans une pièce, aimable, spirituelle, généreuse et douée pour tous les plaisirs de l'existence. Une vraie perle — sans parler de son père qui était l'homme le plus influent du Congrès.
Après avoir commis ses méfaits, Troy s'était bien sûr empressé de disparaître, aussi prompt qu'un furet ! Cette attitude lui ressemblait tout à fait : il avait toujours su s'éclipser à temps lorsqu'un scandale risquait de l'éclabousser, pour reparaître paré d'une nouvelle virginité quand les turbulences s'étaient apaisées. Ce don avait amplement servi sa brillante carrière politique.