D'entrée de jeu, un grand merci et je précise qu'il s'agit d'une grande première pour moi: la participation plusieurs fois reportée à une opération "Masse Critique". Je n'entends donc pas déroger au protocole et avoue sans tarder une certaine émotion très "positivement chargée" lorsque j'ai ouvert le colis en provenance des éditions M.E.O. de Bruxelles précisément. Cet envoi soigné, accompagné comme il se doit d'un courrier attestant du partenariat avec BABELIO, a paradoxalement, j'en ai peur, confirmé un certain malaise de lecteur(ice). En effet, mon indépendance m'est très chère et avancer sous couvert de pseudonyme ici est une liberté appréciable pour laquelle je ne saurai jamais assez remercier BABELIO.
Mon respect pour les livres en général et pour les prouesses du monde de l'édition en particulier m'oblige à l'indulgence envers tout éditeur quel qu'il soit. Toutefois, l'envoi directement par l'éditeur au babéliote pose un problème de logistique évident: ma "couverture" saute et avec elle une bonne partie de l'indépendance.
Je tâche cependant de donner ici un avis motivé.
Je connaissais les éditions M.E.O par "
La Ventoliere en Plastique" du roumain
Marius Chivu traduite par Fanny Chartres. Voici donc ma première motivation. À ce propos, et bien qu'il s'agisse d'une remarque subsidiaire, je relève aussitôt relever dans la liste en fin d'ouvrage intitulée "De la même auteure" les informations concernant son livre "Souriez, vous vieillissez!" dont il est précisé: "traduit en roumain sous le titre Zimbiti origum imbatriniti !, Éditions Fides, Roumanie, 2009." Je vous propose une rectification sous la forme suivante "Zîmbiți oricum îmbătrîniți!" et ne peux m'empêcher de réitérer les regrets pour la manière quasi systématique d'écorcher les quelques diacritiques roumains en 2016 alors que l'état actuel de la technique éditoriale permet tant de choses. Ce n'est qu'un détail, soit!
Deux très belles surprises lors de la première analyse de ce livre:
la couverture de Florence Collard dont le turquoise se met aussi au service de la vitalité que dégage le sourire de l'auteure, dans une pause originale et sombre à la fois. Il y a ensuite la mise en page aérée avec une taille de caractères bien confortable pour mes yeux éprouvés.
J'ai pris l'habitude de proposer des comparaisons plus ou moins pertinentes avec mes autres lectures. C'est le "
Un an" de
Jean Echenoz qui m'est spontanément venu à l'esprit et dont je trouve l'écriture d'une facture bien plus élaborée.
S'agissant de "Yanaël, Angelika" mon sentiment est ambigu : certes, l'auteure est plutôt sympathique, on sent qu'elle préfère les laissé(e)s-pour-compte qui font des "conneries", comme être mère porteuse ou faire des accidents de voiture, et finissent jardinières à Menton aux uro- et cardiologues de réputation mondiale qui négligent leurs fils. D'ailleurs dans la nouvelle suivante aussi la mère dit "adieu la môme, je retourne dans mon pays, [La Russie]". La diversité des points de vue n'amène pas trop mal le dénouement plutôt ouvert, quoique… je n'en dis pas plus. Néanmoins, sur la forme pas mal de clichés : le langage est familier ("chialer" et "merdouille" fréquents), parfois très familier, le style souvent minimaliste (verbes à l'infinitif le plus souvent), le propos mélodramatique, les dialogues quelque peu artificiels, la mère affectueuse mais-séduisante-parce-qu'en-2016-toutes-des-couguars, le fils-qui-fait-des-conneries-parce-qu'on-lui-a-caché-qui-était-sa-vraie-mère… Objectivement, la nouvelle se lit assez bien, mais encore ?
Dans "Phil, Fred", où bien sûr la jeune fugueuse c'est Phil[omène] (référence à la martyre romaine?), la misère de la rue "sent l'urine" et le ciel s'illumine sur "un banc, en face de saint Antoine". C'est à ce moment, à la page 77 donc, qu'une sorte d'agacement surgit en moi, provoqué par des messages qui ne me semblent pas, peut-être à tort, cohérents. Je m'explique. Interrogé sur son passé professionnel, le sans domicile fixe répond "au moins vingt-trois ans, petite insolente". S'ensuit le paragraphe explicatif suivant : "Antoine [la statue du saint] sourit plus franchement. Elle, par contre, se raidit. Alors j'évoque en quelques mots la fuite de l'école, mon apprentissage dans une imprimerie, ma passion pour ce métier, mon patron formidable, puis peu à peu la décadence du secteur,
la concurrence féroce des entreprises d'Europe de l'Est, et surtout celle de l'électronique, moi qui m'accrochais aveuglément, la fermeture, et moi totalement déstabilisé, quelques boulots de plus en plus débiles… puis le marasme." Force est de constater qu'à partir du moment où sur la dernière page du livre que je tiens entre les mains il est indiqué: "Achevé d'imprimer en février 2016 en Union Européenne pour le compte des Éditions M.E.O.", c'est pour moi "no comment", et ce d'autant plus que le livre se veut optimiste, certains "choix" étant encore possibles selon lui.