Un an roman de 1997, court de jean Echenoz nourrit sa force des mots structurants cette histoire, un langage ensorcelant.
L'intrigue semble être une succession d'événements spontanés irréfléchis, un engrenage vers une fuite de la réalité, une chute irréversible, une descente sociale. Chaque page est un bijou où ruisselle un chant, une poésie, celle de Jean Echenoz, Je m'en vais raisonne en moi comme une mélopée d'émotion, l'envoutement nous aspire dans l'univers de Jean Echenoz, nous aspire dans une spirale linéaire rudimentaire des partitions de la vie.
'Le livre est une citation à lui seul " résume parfaitement cette oeuvre.
Chaque personnage stoïque distille, rayonne la singularité de l'univers Echenozier. Une action se métamorphose en à un tableau où Jean Echenoz colore de sa prose les couleurs et suspend les objets avec légèreté.
Le quiproquo filigrane absurde et incongru d'une escapade suite au décès de son compagnon dans leur lit conjugal au réveil un matin Victoire laisse Félix pour perdre le fil de sa vie . de train, de bus, de vélo, d'autostop, les paysages, les lieus, les villages, les villes, les bourgs. d'hôtel, de maison de location, de squats la jeune femme coule lentement vers un destin d'anonyme, d'une femme sans domicile fixe, de rencontres incertaines Victoire glisse sans volonté dans l'absurdité....
Une fin pétillante comme tout le roman ...
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Le point fort de ce texte est l'ambiance, qui fleurte avec celle du courant fantastique, mais qui laisse en partie deviner la fin, ainsi que le thème de l'appauvrissement jusqu'à devenir SDF. D'autres lecteurs que moi auraient pu apprécier aussi le côté très descriptif du roman.
Les points faibles me sont plus faciles à détailler que les points forts, et ils m'ont particulièrement horripilé. Après que des critiques aient exalté mon imagination par l'éloge de la "prose ciselée" (cette expression veut-elle encore dire quelque chose après l'avoir employée à tort et à travers ?) de Jean Echenoz, ma déception n'a pas de mot face à cette prose d'une banalité prétentieuse. Ciselée, pour moi, veut dire travaillée, bien balancée, avec des mots justes, bien choisis et qui sonnent bien mais qui sont sont aussi utiles au sens, peut-être qui donnent un rythme, une musicalité, genre Voyage au bout de la nuit de Céline, ou au contraire une prose au style simple, clair et concis, d'autant évocatrice qu'elle est élaguée, genre Albert Camus, George Orwell ou Ernest Hemingway, mais quelque soit le style, une œuvre d'art ou le choix des mots est important. Or, dans Un an, il ne s'agit que du banal emploi d'un vocabulaire soutenu. Parce qu'il utilise le terme "parallélogramme", au lieu de rectangle, ou "faseyantes" pour ne pas répéter "flaccides", n'en fait pas une prose ciselée. Pourquoi ce besoin d'autant préciser, par un vocabulaire inusuel, certains détails ? Que cherche-t-il à prouver ?
À côté du style "précieux" on trouve aussi, par contraste, des formules toutes faites comme "elle n'en menait pas large" ou "tout pont coupé", qui tranchent au point de se dire que l'auteur a oublié de se relire.
Il y a comme une volonté puérile de chercher à se différencier à tout prix des autres, de faire plus original, plus unique, notamment dans les métaphores ; celles-ci sont presque toujours hors de propos, peu pertinentes par rapport à l'élément qu'elles décrivent. Par exemple : "Le ciel consistait en un nuage uniforme où, figurants sous-payés, croisaient sans conviction d'anonymes oiseaux noirs", pas très convaincant ; ou encore "il conduisait comme on touche de grandes orgues" sous prétexte que le conducteur est prêtre, un peu facile ; "elle regardait ce panorama sans domicile fixe qui ne déclinait que son identité, pas plus un paysage qu'un passeport n'est quelqu'un", là encore, beaucoup de mots qui n'évoquent pas grand chose dans ce contexte.
Echenoz abuse aussi d'adjectifs qualificatifs impertinents : "lumière muette", "anthracite cartonneux" ou "bienveillance militaire". Je comprends sa volonté de juxtaposer deux termes sans lien apparent pour créer une image d'ensemble, mais je trouve l'effet souvent raté et aussi artificiel que ses métaphores.
Jean Echenoz a un style à lui, je vous l'accorde, mais qu'est-ce que j'en ai horreur ; il m'a été difficile de m'investir dans l'histoire tant il est distrayant. À mesure qu'on avance, le problème se tasse un peu, mais au final je reste très mitigé, voire déçu. L'intrigue n'est pas exceptionnelle et le style non plus.
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Encore une fois, Echenoz fait mouche, brossant, derrière une froideur apparente, l'air de rien, le juste tableau de l'engrenage absurde qui peut un jour nous conduire dans la rue.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Pourtant pareils à leurs prochains et réduits au servage, les conifères ont avec leur indépendance abdiqués jusqu'à leur identité, leur déjections même fournissent un sol de décorateur diplômé : moquette blonde à motifs, lit d'aiguille satinée décoré d'une branche morte par-ci, d'une pomme de pin par-là, traitée anti-tache et anti-feu. Pour animer le tableau, un service minimum de palombes, ragondins, écureuils et d'autres encore crée des diagonales et pousse des cris, le vent froisse les arbres en harpes, les scies mécaniques sanglotent au loin.
Les événements lui reviendraient tôt ou tard en mémoire, sans doute, autant considérer par la fenêtre une zone rurale vaguement industrielle et peu différenciée, sans le moindre hameçon por accrocher le regard quand elle n'était pas masquée par le remblai. Pylônes, fils électriques et raccords d'autoroutes intersécants, fourragères, lotissements jouxtant des excavations. Isolés dans les friches parmi les animaux absents, se profilaient quelques locaux techniques dépendant d'on ne sait quoi, quelques usines d'on se demande quoi. Bien que de marques et d'essences limitées, les arbres étaient non moins semblables entre eux que les automobiles sur une route nationale un moment parallèle aux rails.
Comme Victoire était une fugitive, la descente pour elle était moins agréable qu’elle aurait pu l’être. Il y avait toujours la crainte de voir surgir, dans la végétation qui bordait le cours d'eau, ou campé sur l’un des ponts qui le surplombait, la silhouette de son poursuivant. Mais tout de même le paysage valait le coup d’œil. Et comme rien de grave, somme toute, ne semblait devoir arriver dans l’immédiat, Victoire se détendit, se laissa bercer par les mouvements réguliers qu’elle imprimait à son embarcation. Peu avant midi, elle accosta une étroite plage de galets, tira son kayak sur la berge et, débardeur remonté au-dessus du nombril, s’étala sur les rochers chauffés par le soleil. D’autres rameurs, seuls ou en binômes, la dépassèrent, saluant la dormeuse sur leur passage. L’un même, lèvre piqueté d’une fine moustache, bronzage régulier, aborda la crique à son tour. S’arrachant à son repos, Victoire darda sur lui un regard qu’elle espérait dissuasif. L’intrus, loin de se dérober à ce regard en pointe, tâcha de lui représenter combien il était incongru pour une jeune fille comme elle de voyager seule – incongru, malséant, dangereux. Il se proposa de lui tenir compagnie, suggestion que Victoire déclina assez fermement. Pour elle la conversation était close, toute son attitude le dénotait. L’homme – pas fou – n’insista pas davantage. Regagnant son kayak, qu’il remit péniblement à flot, il se laissa à nouveau happer par le courant, pagayant erratiquement jusqu’à ce qu’un détour de la rivière le dérobe aux yeux de Victoire.
Puis il advint que, dans nombre de municipalités, les citoyens moins que les élus se lassèrent de voir des vagabonds, souvent accompagnés d'animaux familiers, investir leurs cités bien peignées, vaguer dans leurs parcs, leurs centres commerciaux, leurs quartiers piétonniers, vendre leurs magazines misérables aux terrasses de leurs si jolies brasseries. Donc nombre de maires conçurent d'ingénieux arrêtés prohibant la mendicité, la station allongée dans les espaces publics, le regroupement de chiens sans muselière ou la vente de journaux à la criée, sous peine d'amende et de mise en fourrière suivie de frais de fourrière. Bref on entreprit d'inciter les gueux à courir se faire pendre ou simplement se pendre ailleurs.
Noëlle Valade semblait flotter à quelques centimètres au-dessus du sol malgré son imposante poitrine mais il en est ainsi des imposantes poitrines, certaines vous lestent et d'autres vous exhaussent, sacs de sable ou ballons d'hélium.
Mathieu Lindon Une archive - éditions P.O.L où Mathieu Lindon tente de dire de quoi et comment est composé son livre "Une archive", et où il est notamment question de son père Jérôme Lindon et des éditions de Minuit, des relations entre un père et un fils et entre un fils et un père, de Samuel Beckett, Alain Robbe-Grillet, Claude Simon, Marguerite Duras et de Robert Pinget, de vie familiale et de vie professionnelle, de l'engagement de Jérôme Lindon et de ses combats, de la Résistance, de la guerre d'Algérie et des Palestiniens, du Prix Unique du livre, des éditeurs et des libraires, d'être seul contre tous parfois, du Nouveau Roman et de Nathalie Sarraute, d'Hervé Guibert et d'Eugène Savitzkaya, de Jean Echenoz et de Jean-Phillipe Toussaint, de Pierre-Sébastien Heudaux et de la revue Minuit, d'Irène Lindon et de André Lindon, d'écrire et de publier, de Paul Otchakovsky-Laurens et des éditions P.O.L, à l'occasion de la parution de "Une archive", de Mathieu Lindon aux éditions P.O.L, à Paris le 12 janvier 2023.
"Je voudrais raconter les éditions de Minuit telles que je les voyais enfant. Et aussi mon père, Jérôme Lindon, comme je le voyais et l'aimais. Y a-t-il des archives pour ça ? Et comment être une archive de l'enfant que j'ai été ?"
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