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sur 961 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Des Cartel, en littérature, y en a pléthore.
Y a celui de Paulot-Loup que je ne connais pas personnellement.
Y a celui de Jacques Durand que personne ne connait, visiblement, en tout cas sur Babelio.
Puis y a celui du patron, du boss, Winslow.
Et là, j'ai envie de beugler : "faites tourner, Rogntudjuù!!".

Art Keller, ex-agent de la DEA, est désormais apiculteur.
Adán Barrera, ex-grand manitou de la drogue, est désormais néo-taulard.
Voili voilou. Fin de l'idylle. Plus qu'à plier les gaules.
Puissamment addictif, non ?

Cartel ou comment développer son propre réseau pour les nuls tout en évitant, accessoirement, de se faire dézinguer au détour d'une défonce party de malade par de vils gougnafiers qui font rien que vous jalouser.

Le pavé peut effrayer. Si, si.
Son généreux tour de pages est proportionnel au contentement éprouvé tout au long de ces près de 900 feuillets de pur extase.

La bête, tour à tour, caresse, intrigue, châtie mais toujours dans le respect de la personne humaine. Non j'déconne. Certains passages sont d'une violence inouïe. le petit monde paisible et chaleureux des narcotrafiquants semble laisser libre cours à ses pires instincts lorsqu'il s'agit de préserver son pré carré ou de tenter de le spolier.
L'accueillante petite station balnéaire de Ciudad Juarez, au charme suranné et aux assassinats traditionnels, ne laissera pas de séduire le touriste en mal de tranquillité retrouvée.

Difficile de parler d'un tel roman.
Foisonnant, palpitant, suffocant.
Une plongée en apnée dans un monde brutal à l'idéologie monomaniaque : devenir calife à la place du calife puis tenter de le rester.

Les gentils ne courent pas les rues contrairement aux pires salauds qui semblent tout droit sortis d'un élevage local.
Les rôles masculins fourmillent.
Les femmes ne sont pas en reste même si beaucoup plus en retrait.

Roman-fleuve sur la vengeance et la reconquête du pouvoir, Cartel est un rendez-vous en terre inconnue. Un continent où faux-semblants et souffrance se taillent la part du lion.

Il y aurait tant à dire et la vie est si courte.
Ouais, un brin grandiloquent.
Le mieux est encore que vous vous fassiez votre propre idée sur cet avant-goût de l'enfer qui ferait passer le Parrain pour un sirupeux conte à l'eau de rose.

PS : toute personne zappant La Griffe du Chien pour se jeter louablement sur Cartel sera sauvagement torturée puis brûlée vive dans un tonneau. le tortionnaire, dans sa grande miséricorde, laissera finalement le choix entre la grillade à feu doux et le démembrement sans anesthésie. On n'est pas des bêtes, tout d'même.
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Il y a quelques années, Don Winslow nous expliquait dans un entretien qu'il nous avait accordé à l'occasion de sa venue au Festival International du Roman Noir de Frontignan, que non seulement il n'avait jamais vraiment eu pour projet d'écrire La griffe du chien, mais qu'en plus de cela, l'écriture de ce livre avait manqué signer sa disparition du paysage littéraire américain car, après cinq ans passés à écrire un roman, on avait tôt fait d'être oublié de tous, surtout en cas d'échec. On connaît la suite de l'histoire. Non seulement La griffe du chien a fait de Winslow un auteur reconnu, mais en plus, le succès de ses romans suivants et l'adaptation de Savages au cinéma l'ont mis à l'abri du besoin. Au risque peut-être de s'endormir sur ses lauriers et de décevoir parfois avec des livres banals et peut-être un peu vite écrits.
Et revoilà Winslow avec un roman annoncé comme la suite de la griffe du chien. Imposant (718 pages et un bon kilo), Cartel était donc très attendu et même, disons-le, un peu attendu au tournant. Et, disons-le aussi puisqu'on en est aux confessions, Winslow ne déçoit pas ici et complète avec panache ce qui est sans doute la grande oeuvre de sa vie.
La griffe du chien s'achevait à l'aube des années 2000, une époque où la violence des narcotrafiquants commençait à monter en puissance mais était encore sans commune mesure avec celle qui allait exploser dans les années suivantes et qui est au coeur de Cartel :
« Il contemple les corps dépiautés – manière choisie par Adán Barrera pour annoncer son retour à Nuevo Laredo – en songeant qu'il devrait être plus affecté. Des années plus tôt, son coeur s'était brisé devant le spectacle de dix-neuf corps, et aujourd'hui, il ne ressent rien. Des années plus tôt, il pensait ne jamais voir un spectacle plus atroce que le massacre à la mitrailleuse de dix-neuf hommes, femmes et enfants. Eh bien, il avait tort. »
2004-2014 : Cartel, c'est l'histoire de la guerre de la drogue au moment où les Zetas prennent leur indépendance et décident de devenir le Cartel et où le gouvernement se voit obliger de réagir suite à des exactions de plus en plus violentes. C'est aussi le moment où Adán Barrera, l'un des deux personnages principaux de la griffe du chien, librement inspiré de Joaquín « El Chapo » Guzmán, chef du cartel de Sinaloa tente d'imposer à nouveau son autorité tandis que l'agent de la DEA Art Keller reprend du service pour l'en empêcher.
Comme dans le précédent roman, Winslow choisi de multiplier les points de vue. On suit tour à tour un Keller avide de vengeance, un Barrera sur le point de se faire dépasser, les Zetas et leur politique d'escalade de la violence, la Familia Michoacana, ses délires messianiques et sa fâcheuse tendance à décapiter à tour de bras, les journalistes bâillonnés, les femmes victimes, bourreaux, révoltées, les policiers mexicains corrompus ou pas, les positions ambigües du gouvernement américain et la realpolitik catastrophique d'un gouvernement mexicain obliger de soutenir un cartel contre un autre pour tenter de limiter les dégâts. S'appuyant encore et toujours sur une riche documentation, Winslow dresse ainsi des portraits saisissants, émouvants ou effrayants et constitue de nouveau une fresque romanesque dans laquelle les héros ne sont pas forcément ceux que l'on croit et dans laquelle la frontière entre le bien et le mal fluctue et s'efface même parfois au gré des alliances de circonstances, des nécessités ou du désir de vengeance.
Empathique vis-à-vis de ses personnages principaux, Barrera compris, et en particulier de Marisol la médecin idéaliste, Pablo le journaliste et Chuy l'enfant-soldat, Winslow reste cependant sans illusion sur le cynisme avec lequel est menée non seulement cette guerre de la drogue mais aussi cette guerre contre les narcos dont il démonte patiemment les rouages et met en lumière les implications qui ne se limitent pas au Mexique et aux États-Unis mais, mondialisation oblige s'étendent aussi au reste de l'Amérique centrale et à l'Europe. Instructif, donc, certes, Cartel est aussi et surtout un formidable roman plein de fureur, de sang et de trahisons où la lâcheté et la folie le disputent à l'héroïsme. Exceptionnel.

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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Je sens que le syndicat d'initiative du Mexique ne va pas afficher ce roman dans sa vitrine car il a dû faire fuir les touristes qui voulaient visiter les régions du Sonora, du Sinaloa, les villes de Ciudad Juarez, de Nuevo Laredo…

Maintenant, si vous êtes un narcotrafiquant… Libre à vous d'aller vous promener dans les rues, tant que le loup n'y est pas… Si les loups Barrera ou Ochoa y étaient, ils vous mangeraient ♫

Voilà un roman qui vous scotche les mains au papier, qui vous les rend moite, qui vous fait déglutir difficilement, vous tord les tripes et vous donne parfois envie de rendre le repas.

Réaliste, terriblement réaliste, horriblement réaliste. J'ai arrêté de compter les morts, comme les gens des villes qui, devant toute cette débauche de cadavres, les enjambaient sans y faire attention.

Ça jette un froid, la banalisation de la mort telle que celle décrite dans le roman. Apparemment, on s'habitue à tout, même aux assassinats de masse et aux corps jonchant les rues. Tant que ce n'est pas le sien ou un proche, on banalise et on avance, le dos courbé pour ne pas se faire avoir aussi.

879 pages de noirceur sans nom, ça pourrait paraître indigeste mais ça ne l'est jamais, même si, pour votre santé mentale et votre petit coeur, des pauses lectures des "Aventures de Oui-Oui" sont recommandées…

On peut vraiment résumer ce roman noir par "Le guerre et paix au pays des cartels", car comme toutes les guerres, ça commence par des territoires que l'on veut garder, agrandir, conquérir et par des jeux d'alliances subtils car il s'agit de ne pas jouer le mauvais cartel… Votre vie en dépend.

N'oubliez jamais que les amis du matin peuvent ne plus l'être à midi, que votre cousin peut vous la mettre profond (la dague dans le dos), que votre femme/maîtresse peut aussi vous donner à l'ennemi.

À se demander d'ailleurs pourquoi tout le monde veut faire narcotrafiquant car on n'y fait jamais de vieux os et on a beau être plus riche que Crésus, on vit comme un réfugié, changeant de planque régulièrement, se méfiant de tout le monde, regardant toujours derrière son épaule.

Une fois de plus, avec Winslow, les personnages ne sont ni tout à fait blanc, ni tout à fait noir, ni même tout à fait gris…

Barrera, le patrón, semble correct, niveau narco : il ne tue pas les femmes, ne les viole pas, fait son trafic de drogue sans toucher aux civils. Sympa, le mec, non ? Oui, mais, dans "La griffe du chien", il a balancé deux gosses du haut d'un pont après avoir tué leur mère. Et pas que ça…

Le chef des Zetas n'a pas de principes, c'est un salopard de la pire espèce mais il n'est pas le seul coupable, d'autres le sont aussi, dont les États-Unis… Eux non plus ne sortent pas grandis de ce roman, ils ont été rhabillés pour tous les hivers.

Quant au Mexique, ses habitants se lamentent qu'il ne soit plus connu que pour les cartels de la drogue et les massacres que pour ses monuments, ses places, son Histoire et que les "célébrités" ne soient plus les écrivains, les acteurs, les producteurs mais les narcos et des tueurs psychopathes dont l'unique contribution à la culture sont des narcocorridas chantées par des flagorneurs sans talents.

Lorsque l'on mange à la table du diable, il faut une grande cuillère et si Art Keller veut arriver à ses fins, la fin justifiera les moyens et il ira s'asseoir à la table car il n'a rien d'un Monsieur Propre, lui aussi a un portrait nuancé, mais réaliste, comme tous les autres.

D'ailleurs, on ne peut s'empêcher d'apprécier Keller, même s'il se salit les mains d'une manière qu'il ne voulait sans doute pas. Parfois, pour obtenir une chose, il faut fermer les yeux sur d'autres choses, peu reluisantes. La fin justifie les moyens.

De la corruption, de la corruption, et encore ce la corruption… C'est ce qui fait tourner le monde, tout le monde ayant un prix et même si vous en voulez pas tremper dans la corruption, quelques menaces et tout de suite, le ton change. Vous acceptez ou vous mourez. Ou un de vos proches mourra.

Audiard le disait déjà : Dans les situations critiques, quand on parle avec un calibre bien en pogne, personne ne conteste plus. Y'a des statistiques là-dessus.

J'ai eu mal pour ce pauvre journaliste Pablo Mora, victime d'un dilemme insoluble, j'ai eu mal pour toutes ces petites gens, pris entre deux feux, sans avoir eu le choix, et qui se font assassiner pour leur appartenance à un cartel ou l'autre, même s'ils n'avaient pas choisi mais avaient subi.

Un roman noir qui ressemble à une enquête grandeur nature sur le monde des cartels, sur leur manière d'agir, de faire, de corrompre tout le monde. Un roman violent, très violent où les morts sont plus nombreux que dans GOT.

Un roman sur tout ces sans-noms qui sont morts dans l'indifférence de tous car ils étaient Mexicains. Un roman qui fait mal au bide, qui donne des sueurs froides, qui vous donne envie de remercier le ciel ou qui que soit de vous avoir faire naître en Belgique ou en France et pas dans une région infestée par les cartels.

Un roman noir qui coupe le souffle, un roman noir sur la vengeance, sur la conquête d'un trône fait de poudre blanche ou de cristaux bleus, sur les coups bas, les assassinats, les découpages d'êtres humains, le muselage de la presse et autres joyeusetés.

Don Winslow était attendu au tournant pour ce deuxième tome et il m'a semblé encore plus brillant que le premier. Son ton est toujours cynique, sans emphase, piquant et sans illusions aucune.

Toutes ces vérités assénées à coup de matraque, de flingue, tout ce que l'on nous cache, tout ce dont on ne nous parle pas aux J.T, tout se dont on se fout puisque nous ne nous sentons pas concerné. Toutes nos croyances sur la drogue et le monde qui l'entoure, sur la guerre contre les cartels qui n'en est pas une et toutes ces armes qu'on leur a fourni en pensant les combattre.

Vous qui entrez dans ce roman, abandonnez toutes illusions. Mais bon sang, quel pied littéraire, quel rail de coke !

Pour ma première lecture de 2020, j'ai choisi un pavé qui a été lourd à porter, tant il est obscur, sans lumière, sans possibilité de happy end.

Un coup de poing dans ma gueule, dans mon ventre, une lecture dérangeante, mais addictive et éclairante. Là, on a déjà mis la barre très haute et il se retrouvera dans mes livres qui comptent pour l'année 2020.

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Un thriller sanglant sur la guerre de la drogue au Mexique, une oeuvre fictive, mais basée sur une triste réalité.

Le bouquin est dédié aux journalistes morts ou disparus et il y a une liste d'une page et demie! Et cette guerre aurait fait plus de 80 000 morts!

Cette suite de « La griffe du chien » est macabre et malgré l'humour sarcastique de l'auteur, c'est souvent dérangeant :

- Si tu ne le fais pas, tu n'es qu'un minable. Une fiotte.

Chuy tire.

Il tue l'homme.

C'est bon.

Chuy Barajos vient d'avoir onze ans. (p. 261)

Et puis, les complicités et les corruptions politiques, ceux qui font semblant de ne rien voir et ceux qui ont trop peur pour continuer de parler, les villes près de la frontière américaine qui sont dévastées et vidées de leurs habitants.

Et tout ça pour les paradis artificiels de l'Amérique…

Au-delà de la qualité de l'écriture, Winslow apporte une réflexion impitoyable sur notre monde.
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C'est le deuxième opus de la série la griffe du chien.
C'est un vrai régal, mais peut être un peu moins bon que le premier tome, un tout petit peu plus de temps morts. J'ai, malgré tout adoré ma lecture et j'ai passé un très bon moment.
On suit toujours Art Keller qui poursuit sans relâche sa lutte acharnée contre les cartels de la drogue mexicains. On assiste également à une guerre entre les différents cartels pour des territoires, toujours plus d'argent et de pouvoir. La corruption est reine dans ce monde dévasté. Cette lutte fera de nombreuses victimes et sera semée de cadavres découpés, décapités, ... Attention certaines scènes sont très difficiles à supporter, c'est horrible. C'est une guerre sans merci qui détruit tout sur son passage. Certaines villes ou villages sont dévastés.
L'écriture de Don Winslow est toujours aussi percutante, dure et sans concession. Il alterne les passages descriptifs et les scènes percutantes et nerveuses, où les phrases sont très courtes et où on à l'impression de se prendre un coup de poing à chacune.
C'est un roman noir très immersif, les personnages ou plutôt, certains personnages sont très attachants mais il ne faut surtout ne pas s'y attacher. D'autres sont détestables, on a envie de les buter.
Ce roman est très bien documenté, ce qui rend l'histoire hyper réaliste et d'autant plus dure. Il faut avoir le coeur bien accroché est être solide dans sa tête pour lire un tel livre. Ce roman n'est surtout pas à mettre dans toutes les mains. Âmes hyper sensibles s'abstenir.
La lecture est hyper addictive et malgré les presque 880 pages, on est happé et on ne s'ennuie jamais. La fin est complètement ouf.
Lancez vous s'en hésiter, vous ne serez pas déçu.
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"Don Quichotte se battant contre les moulins. Achab pourchassant la grande baleine blanche..." . C'est à ces figures de la littérature que Don Winslow assimile le combat d'Art Keller, l'ex-agent de la DEA (Drug Enforcement Administration) contre les cartels du Mexique.
Cartel se situe à un tournant de la lutte contre les cartels de la drogue entre 2004 et 2012. Il ne s'agit plus d'une guerre contre le trafic. Là n'est plus le problème. La guerre contre la drogue  s'est militarisée pour lutter contre la violence et le chaos de la société. Les cartels mènent des guerres de territoire et menacent ni plus ni moins de devenir un gouvernement parallèle. Dotés d'armées, ils vident les lieux de leurs habitants sans distinction entre les innocents et les membres de gangs.
Un contexte multiforme, mouvant, terriblement anxiogène. On y transpire, pas seulement à cause de la chaleur, mais de la peur. Une salve ininterrompue de meurtres, chantages, représailles, alliances et trahisons. Parfois devant tant de violences je me suis dit « c'est une fiction » mais non, les actualités de l'époque sont là pour rappeler l'incendie du casino et ses 53 morts, la tuerie de masse de 72 migrants clandestins dans des cars, les 126 cadavres déterrés dans le charnier de San Fernando, la décapitation de journaliste... pas un mais plus de cent-cinquante sont assassinés pendant la période que couvre ce roman.
L'écriture est efficace, froide. Elle va à l'essentiel. Don Winslow c'est un sniper du style. Un vrai sens de la chute, de la formule. Dans les dialogues, il est pareil à un tennisman qui lifte ses coups droits imprimant un effet pour marquer les points. L'accélération de l'action et sa brièveté nous percute en deux mots au détour d'une phrase. Pas un moment on ne décroche, où l'on ne manque une action.
Le Mexique est en plein désarroi, et pourtant Don Winslow réussit le bel exploit de nous donner envie. Que d'admiration pour ces villes ! Que de respect et de passion pour ce peuple qui choisit de rester debout, pour ces femmes qui prennent la place une fois les hommes abattus, tout en sachant que l'avenir radieux n'existe pas.
La richesse de la réflexion, la sensibilité qui s'installe au milieu des atrocités, la profonde humanité font de ce roman une fois encore une oeuvre complexe et unique.
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Foisonnant, dense et très violent, voici la suite de la fameuse Griffe du chien.
J'avais adoré le premier roman qui constituait une vaste et passionnante fresque sur les narcos au Mexique de 1975 à 2000. Je suis un tout petit peu moins convaincue par le deuxième qui, à mon sens, comporte parfois un peu trop de répétitions ou peut être un peu confus. Mais mes réserves sont très mineures parce que ce Cartel, comme la Griffe du Chien, est un sacré polar !
Début des années 2000, Adan Barrera et Art Keller sont de retour, chacun à leur poste respectif de chef de cartel et d'agent de la DEA. Je ne vais pas faire le résumé, d'autres l'ont déjà fait. Simplement par rapport à la Griffe du chien, la situation a évolué car la suprématie du clan BARRERA n'existe plus, ce qui va entraîner des guerres entre les cartels mexicains. Nous allons assister à une montée en puissance de la violence et des affrontements entre les gangs rivaux. Ainsi, la période relatée dans Cartel est beaucoup plus sanglante et mouvementée que celle de la Griffe du chien.
La violence est omniprésente dans le roman et l'auteur montre bien combien il est difficile de résister à la peur et à la corruption dans un tel contexte (notamment pour les journalistes, policiers, opposants aux cartels). La pression exercée sur les populations dans certaines parties du pays est assez effroyable.
Comme dans le premier opus, le récit est inspiré de faits réels et très bien documenté, ce qui fait aussi tout son intérêt. Les personnages, qu'ils soient de la DEA, des cartels, des journalistes, des médecins, sont bien campés, ne sont pas manichéens et prennent chair au fil de la lecture.
Je ne peux donc que conseiller la lecture de cette grande et belle fresque sur les narcotrafiquants. Il faut juste avoir un peu de temps (près de 900 pages en poche, parfait pour les vacances !) et ne pas être pas trop sensible car certains passages sont assez sanglants.

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Le personnage principal de ce roman, c'est la guerre dite des Cartels. Pendant la période que recouvre le récit, entre 2004 et 1014, le lecteur assiste à la traque d'Adán Barrera, chef du Cartel de Sinaloa, par son vieil ennemi, un agent de la DGA dont il a accessoirement mis la tête à prix. Cet agent n'est que prétexte, il guide le lecteur dans l'univers ensoleillé et ensanglanté du Mexique. Un enquêteur madré, solitaire et assez ingérable, poursuivant avec une obsession maladive son ancien camarade, déjà vu et un peu trop franc-tireur pour ma culture Européenne. Honnêtement, si je trouve ce livre exceptionnel, ça n'est pas à cause de ce personnage caricatural, justicier armé et solitaire proche d'un sans foi ni loi.

Il m'a fallu m'accrocher, le début de lecture a été laborieux, avec de nombreux personnages parfois affublés de pseudonymes. Mais au bout de quelques chapitres, j'ai été happée par le récit. La vraie réussite de l'auteur, c'est le rythme qu'il adopte pour nous aider à comprendre les enjeux de cette guerre. On la devine sporadiquement dans des articles de presse sensationnalistes qui traversent l'océan. Ces articles laissent entrevoir une réalité complexe mais ne donnent pas de clés d'analyse. Et pour cause : rien de trop dans ces plus de 800 pages pour aider à comprendre les méandres qui ont mené à une escalade sanglante. Dans un univers mâtiné de réel et de fiction, l'auteur prend le temps et l'utilise avec brio pour faire avancer l'intrigue au rythme de l'évolution du pays.
J'ai vécu la déchéance de Juárez, ville martyr, avec les personnages qui y habitent, j'ai perçu l'étendue de la corruption endémique en me disant : non, là, il exagère. Ça n'est plus crédible. Mais cherchant à me documenter, en fait, la réalité dépasse la fiction…
El Chapo, le chef -bien réel- du cartel de Sinaloa s'est échappé plusieurs fois de prison, tout comme Barrera dans le livre ; il a probablement corrompu rien moins que le responsable des voyages présidentiels, comme dans le livre, et lors de son avant dernier emprisonnement, a reçu les visites « prolongées » et « répétées » d'une députée… Ah, non, ça n'était pas dans le livre.
Ce qui laisse beaucoup d'espoir pour les auteurs en mal d'inspiration. Et malheureusement peu d'espoir pour les pays en proie au fléau de la corruption.
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Quand le super flic Art Keller apprend que sa tête est mise à prix 2 millions par le 'Patrone' Adán Barrera il quitte l'anonymat du monastère où il s'était réfugié et rempile à la DEA mais la traque d'un Barrera entouré d'autant de flics corrompus s'avère difficile.
L'émergeance du sanguinaire cartel des Zetas et son cortège de massacres engendrera l'alliance improbable de Keller et Barrera...

J'ai été touché par le courage des femmes qui au prix de leur vie assument les fonctions municipales désertées et quel rendu de l'angoisse des journalistes!

Le style factuel m'a séduit, on s'attache aux personnages, pas de détails racoleurs, du grand Winslow!
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Il y a des livres qui vous marquent : Cartel en est un assurément.

Suite de la griffe du chien, Don Winslow y traite des années plus contemporaines (2004-2014) de la guerre des Narcos et de leurs cartels pour s'assurer du contrôle du marché de la drogue au Mexique et alentours, avec pour spectateurs - à défaut d'être arbitres - les gouvernements corrompus successifs et le "grand frère" américain tout en ambiguïté.

En fait de guerre, on n'en est même plus là. C'est le chaos le plus total, la barbarie et la loi du talion poussées à l'extrême, une lutte à mort pour le pouvoir et le contrôle de chaque zone du pays. Winslow ne nous épargne rien de cette violence, de cette désespérance des populations civiles voyant chaque jour un ou plusieurs de leurs proches, de leurs voisins, de leurs collègues disparaître en priant pour qu'ils reviennent. Et on les retrouve la plupart du temps : en morceaux. Ou dans des charniers...

Dans ce contexte, qui peut arrêter l'escalade ? Comment sortir de cette odieuse tolérance basée sur le concept du "si ce n'était pas eux ce serait d'autres ?". L'argent qui achète le silence coule à flot. C'est la base du système. Les politiciens sont passifs et complices. Ou l'inverse. La police regarde ailleurs. Là où on lui dit de regarder. Et même la presse finit par rendre les armes, quand la violence l'emporte sur la déontologie.

Don Winslow nous plonge dans une effroyable descente en enfer et dans la violence et l'on se demande au fil des pages où peut bien se trouver cette petite lueur d'espoir qui apportera le début d'une issue à cette narco guerre civile.

Ces réponses arrivent, faibles mais suffisantes.

Ce sont celles des femmes notamment, avec de formidables portraits de résistantes, fières, courageuses, droites devant la mort qui leur est promise. Elles tombent mais se relèvent et luttent. Jimena, Marisol, Erika...

Ce sont celles de hommes ensuite. D'Art Keller, qui ne renonce pas à sa lutte à mort contre Adan Barrera, lutte d'une vie qui trouvera toute son efficacité quand le seul désir de vengeance se complètera d'un sens pragmatique et politique plus efficace. Et de quelques narcos eux-mêmes qui finiront pas découvrir les vertus d'une philosophie de vie pourtant évidente : que manque t-il quand on a tout ce que l'on peut s'offrir, l'argent, les femmes, le pouvoir... ? La paix.

Cartel est un grand livre, remarquablement documenté, écrit dans un style efficace et percutant où les passages détaillant les éléments de contexte alternent régulièrement avec d'autres faits de dialogues courts et de scènes d'actions chocs. C'est ce qui conserve au livre un intérêt qui ne faiblit jamais, malgré 720 pages qui pourraient en effrayer certains.

N'en faites rien. On ressort certes un peu K.O. de ce livre, mais habité pour longtemps par tous ces personnages haïssables ou glorieux. Un très grand livre.
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