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4,43

sur 1456 notes
Vous vous souvenez de l'émission hautement tuturelle Vis ma vie ?
Mais si, chacun se mettait dans la peau de l'autre histoire d'être confronté à la dure réalité des métiers respectifs exercés.
Qui de se transformer alors, sous nos yeux ébaubis, en gracile danseuse étoile histoire d'échapper à son dur quotidien de déménageur. Qui de revêtir sa peau de bête 100 % mouflon histoire d'aller accompagner son cheptel de gigots sur pattes dans les verts pâturages plutôt que d'aller entuber, hem, conseiller d'honnêtes petits boursicoteurs. Etc, etc...
Rien vu d'aussi bouleversifiant à part Confessions Intimes, et encore...
Ici, le pari est autrement plus osé .
Vous vous êtes toujours rêvés en caïd international de la dope ( c'est Walter White qui va faire la gueule ), en flic déterminé et pugnace, en prostituée de luxe, ben quoi , y a pas de sot métier, alors pas l'ombre d'une hésitation à avoir, La Griffe du Chien va vous vendre du rêve en barre mais surtout vous mettre une méchante droite et le pire, c'est qu'il va récidiver encore et encore et que vous allez en redemander...

Première impression, la vache, le morceau !
Dernière impression, la vache, c'était du gâteau ! du space cake pour être précis ;-)

La Griffe du Chien ne se lit pas, non m'sieurs dames. Il se dévore littéralement.
Les personnages fourmillent, certes, mais trouvent tous légitimement leur place. Aucun qui n'ait l'épaisseur d'un sandwich SNCF ni le charisme fou d'un énième postulant pour télé-réalité décérébrante. J'ignorais qu'en ce pays, on lobotomisait encore et toujours par paquets de douze...Pour dix effectuées, deux offertes, c'est vrai que c'est tentant...

Denses, complexes, charismatiques, tous bien décidés à devenir les meilleurs dans leur branche quitte à en éclabousser quelques-uns au passage. de sang, majoritairement, les éclaboussures...

Et que dire de la Winslow's touch.
Un style précis, ramassé, percutant, cinématographique en diable avec de vrais morceaux d'anthologie à l'intérieur. Cependant attention, âmes sensibles s'abstenir. Certains passages auraient poussé, de source sûre, trois Bisounours à commettre l'irréparable. Grosfarceur, Grostaquin et Grosdodo, à jamais dans nos coeurs...

Il est des pavés dont on vante les mérites pour caler les bonnes vieilles armoires normandes puis il y a ceux que l'on enferme précieusement à l'intérieur, bien à l'abri de la poussière du temps, en espérant pouvoir se redire le jour où la mémoire se sera fait la malle : et si je me refaisais un must-have !

Finalement, découvrir La Griffe du Chien, c'est juste confirmer qu'en matière de flair, largement orienté par bon nombre de Babeliautes élevés dès le berceau au genre, il est vrai, on est pas trop à la ramasse...
6/5
incontournable...

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Quelle claque ! C-H-E-F D'O-E-U-V-R-E dans la lignée des grands Ellroy.

Je sors rincée de cette plongée de 1975 à 2004 au coeur du narco-trafic qui gangrène le Mexique et rayonne bien au-delà.
On tient là un roman sacrément ambitieux, d'une ampleur rarement abordée, entre faits réels, journalisme documentaire et fiction d'un romanesque échevelé. Tout y est, de la CIA qui lutte contre le trafic de drogue mais avant tout contre les mouvements marxistes qui s'implantent en Amérique latine ( notamment les FARC de Colombie ) en utilisant l'argent du trafic de drogue ( sic ) à l'influence de l'Opus Dei dans le soutien à des groupes d'extrême-droite.

Et pourtant, rien d'indigeste dans ces 827 pages tant le sujet est passionnant, porté par une écriture nerveuse ultra cinématographique. Certains passages, notamment les plus violents ou les plus dramatiquement tendus, sont éblouissants.

Surtout, c'est un magnifique roman incarné par des personnages charismatiques, hauts en couleurs et profondément contrastés, de véritables êtres de chair et de sang, loin de tout manichéisme :
- Art Keller, l'agent de la DEA ( Drug enforcement administration, le service de police fédéral américain luttant contre le trafic de drogue , un jour adoubé par le parrain mexicain, manipulé et depuis hanté par l'obsession de le faire tomber, prêt à tout pour mener sa croisade.
- Adan Barrera, seigneur de la drogue, dévoré par la culpabilité et la foi depuis que sa femme a mis au monde un enfant handicapé
- Juan Parada, l'archevêque rouge de Guadalaraja
- Nora Hayden, prostituée de luxe d'une intelligence rare qui se retrouve à la confluence de tous et de tout
Ils sont tous inoubliables.
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Avec "La griffe du chien", Don Winslow signe une éprouvante et passionnante plongée au coeur des narco trafiquants et de la lutte menée par une poignée de flics incorruptibles. Des années 80 aux débuts du XXIème siècle, il montre, dissèque, explique avec une effarante véracité cette guerre (car s'en est une) d'une cruauté insoutenable.
Tous les coups sont permis, les plus vils, les plus abjects, les plus sanglants. Il n'y a qu'une loi, celle du plus fort, qu'un code celui de l'honneur. A travers une galerie de personnages d'une complexité remarquable : d'Art Keller, flic idéaliste et vengeur, aux frères Barrera, Adan le torturé et Raul le sanguin, en passant par le cardinal Parada humaniste et tolérant, Nora Hayden femme fatale, Callan l'irlandais, l'homme des basses besognes ou bien Hal Scachi manipulateur et implacable, Winslow réussit de main de maitre cette descente infernale. Si l'enfer existe sur terre, il se trouve près de la frontière américano-mexicaine. Winslow sonde les arcanes du mal avec une efficacité terrifiante. A la manière d'un Puzo ou d'un Ellroy mais surtout à la même hauteur.
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Le sujet n'est pas nouveau mais Don Winslow l'enrichit d'un travail de documentation extraordinaire et d'une narration d'un réalisme épais et tranchant. Dans ce roman choral, l'auteur a une manière particulière de griffer les personnages avec une ironie toute modérée.

Foisonnant et riche en intrigues parallèles, avec des protagonistes hors-norme, des solides personnages secondaires et des dialogues de haute voltige, ce polar plein de chausse-trapes obéit aux codes du genre, tout en installant une atmosphère asphyxiante.
Les cartels contrôlent toutes les franges de la société : la politique, l'économie et l'Eglise. La lutte incessante et obsessionnelle pour le pouvoir passe par une déferlante de violence sanguinaire.
Certains passages ont certainement inspiré les scénaristes de la série Narcos : le monde impitoyable et cruel des drogues qui touche toutes les sphères de la société et la guerre menée et perdue d'avance par les États-Unis contre les cartels de la drogue.

La griffe du chien est une inoubliable plongée minutieuse dans les archives du monde des narcotrafiquants où Don Winslow, toujours en quête d'une intensité psychologique et narratives plus grandes, livre une fresque romanesque d'une virtuosité littéraire écrasante, sertie de pans entiers d'histoire politique des USA, du Mexique et l'Amérique latine.

Magistral !


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Magistral et terrifiant, deux mots pour qualifier cette grande saga de la drogue en Amérique. C'est à dessein que j'écris 'saga' et pas 'roman' car pour moi ce livre tient plus du documentaire romancé qu'autre chose, tant sont crédibles l'histoire, les situations, les personnages et les enjeux. Malheureusement.

Drogue, guerre des gangs, ultraviolence, intérêts diplomatiques et géopolitiques supérieurs, juntes militaires sud-américaines, police corrompue, petits voyous pris dans l'engrenage... c'est tout ça qu'Art Keller, agent américain de la Drug Enforcement Agency au Mexique, doit affronter pendant 25 ans, après avoir lancé une opération d'éradication des champs de pavot en 1977.

Ça fait beaucoup pour un seul homme, forcément, même pour un flic tenace, intelligent, courageux et intègre comme Art. D'autant que ses adversaires n'attachent pas beaucoup d'importance à la vie humaine, c'est un euphémisme, et utilisent allègrement torture, armes de guerre, trahison, corruption, jeux de pouvoir et bien sûr meurtre, sans discrimination d'âge, de sexe ou de catégorie socio-professionnelle...

En cela, et malgré quelques personnages lumineux, le livre est profondément dérangeant, à désespérer des hommes et à préférer les chiens et leur griffe (rien à voir avec le titre, juste le plaisir de faire un mauvais jeu de mot). Mais c'est tellement bien écrit, bien décrit, tellement juste et tellement intéressant qu'on touche au chef d'oeuvre.

Merci donc à Jeranjou et aux autres babelionautes auteurs de critiques élogieuses qui m'ont permis de le découvrir.
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La bande-originale de « Sicario », du regretté Jóhann Jóhannsson, accompagne et résonne comme chair de poule la lecture de ce film. Un livre grand-écran.
Un morceau essentiel de l'histoire américaine contemporaine, dont les livres officiels se passeraient bien, ici raconté avec une rare efficacité. de l'action grand-spectacle démultipliée par une démarche historique, ainsi qu'une fine analyse de la société mexicaine.
Un vrai modèle du genre.
Plongée ultra-violente, lecture en apnée, tout y est souvent parfait.
Il n'y a guère que le personnage de Nora, capillo-poussé dans les orties, pour nous rappeler que ce n'est qu'un roman, pas un livre d'histoire… tout comme la psychologie de notre héros, taillée à la machette rouillée.
En plus, l'auteur a pris le risque d'en donner une suite…
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Quand on commence un pavé de plus de 800 pages en format poche, on a une petite appréhension. L'histoire va-t-elle être prenante ? Vais-je avoir envie de suivre la vie des personnages sur plusieurs années (décennies!) ? le style de l'auteur saura-t-il me transporter et me donner envie de tourner les pages, encore et encore ? Parfois, la réponse est non à une des inquiétudes, et parfois, on tombe sur une livre qui coche toutes les cases. On appelle ça un chef d'oeuvre. La griffe du chien est un chef d'oeuvre !
Quelle épopée ! du milieu des années 1970 au début des années 2000, trente ans d'histoire du cartel mexicain de la drogue ! On se croirait dans du nouveau journalisme, avec des informations à profusion sur la montée du cartel, sa mise en place, la politique américaine, qui se sert des trafiquants pour lutter contre le communisme, puis, après la fin de la guerre froide, qui ne veut surtout pas que cela se sache ! Don Winslow a accumulé une somme impressionnante de faits et s'est documenté de façon quasi exhaustive sur le sujet. Cela aurait pu être austère, mais non ! Il en a fait un roman, un polar qui côtoie les cimes des grands romans américains, Mario Puzzo, James Ellroy, Dennis Lehane, Thomas Kelly. Pour cela, en plus de son sujet, passionnant de bout en bout, deux raisons essentielles.
Les personnages d'abord ! Don Winslow nous met littéralement entre les mains les acteurs incroyables de cette histoire. Les trafiquants de la famille Barrera, Tio, Adàn Raoul, qui créent, développent, gèrent leur cartel comme une entreprise, mais avec la violence comme moyen d'expression. Certaines scènes sont parfois insupportable. Attention aux âmes sensibles ! Au début, on a presque envie qu'Adàn réussisse à faire prospérer son organisation. le flic de la DEA américain, Art Keller, manipulé dans un premier temps, et qui développe un sentiment de culpabilité qui va en faire un bull dog ne lâchant pas son objectif de faire tomber les Barrera. Nora, la prostituée de luxe, qui veut devenir la meilleure dans son domaine et qui se découvre ensuite un coeur, Callan, la petite frappe irlandaise de New-York, sortie du Parrain pour devenir un engrenage de la CIA, Scachi, l'agent américain, manipulateur et sans scrupules, Parada, l'évêque « rouge » de Guadalajara. Tous ces personnages, on les voit depuis leur débuts et on suit leur évolutions, leurs états d'âmes. Ils sont tour à tour les acteurs, les témoins, les victimes, les bourreaux et font avancer cette fresque grandiose.
Le style de Winslow permet aussi de nous scotcher au livre. Un style direct, des phrases courtes, des dialogues très rythmés. Des cliffhanger et des switchs (pardon, du suspense et des retournements de situations) très nombreux et jamais superficiels. C'est percutant, c'est vif, c'est (très) violent.
Des personnages inoubliables, une histoire passionnante, un style incisif. Une réussite magistrale !
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J'ai entendu récemment Don Winslow dans l'émission de radio "Popopop" d'Antoine de Caunes sur France Inter et j'ai beaucoup aimé son discours. Ma prochaine lecture fut donc décidée ainsi, ce serait "La Griffe du Chien".

Don Winslow n'hésite pas à dénoncer tous les fonctionnements aberrants et parfois révoltants des État-Unis dans ses relations avec les pays d'Amérique du Sud qu'elles soient politiques, commerciales ou plus officieuses et occultes. Toutes les informations qu'il délivre au travers de ses personnages sont engagées et vraiment très intéressantes.

Grâce au parcours de Miguel Ángel Barrera (inspiré de Miguel Ángel Félix Gallardo), chef de la "Federación", le plus grand rassemblement de cartels de drogue mexicains, puis de ses neveux Raúl et Adán Barrera (les frères Arellano peut-être?), Winslow nous donne un aperçu de l'extrême amplitude du trafic de drogue, de l'immense quantité d'argent brassée et surtout de l'incroyable réseau mis en place pour mener à bien ce commerce très lucratif. Tout n'est qu'arrangements, à grands coups de pots de vin et d'intérêts politiques ; le mieux étant l'ennemi du bien, tout le monde est complice plus ou moins consentant : côté trafiquants, tout le monde s'arrose de balles ou de billets verts (les différents cartels du Mexique, les cartels de Medellín et de Cali et même la mafia sicilienne des années 80 à New York) ; côté gouvernements, petits et grands tours de passe-passe avec le gouvernement mexicain, la corruption qui gangrène la police mexicaine et surtout une analyse très intéressante des relations politiques avec les États-Unis qui ne sont pas blancs comme neige ^^ dans l'exploitation de ces trafics.

Mais, il y a un mais, mon problème dans ce livre c'est le remplissage. J'ai beau savoir que ce sont les ingrédients indispensables à un roman noir, ça m'a profondément ennuyée. Il a fallu ajouter le flic solitaire qui bouscule à lui tout seul toute la hiérarchie pour assouvir une vengeance personnelle, la call-girl belle, intelligente et au grand coeur (classé par ordre d'importance), deux jeunes irlandais qui essaient de se faire une place au soleil, le tremblement de terre de Mexico en 1985 et bien sûr l'inévitable histoire d'amour. Et là, j'avoue que ça commence à faire trop, 827 pages jamais tout à fait inintéressantes mais quand même quelques envies de sauter des pages qui ont tout de même un peu gâché mon plaisir.

Cependant, ce n'est qu'un petit bémol sur une partition parfaitement maîtrisée et exécutée car le talent de Don Winslow est indéniable et il nous livre ici un excellent roman noir et cynique à souhait.
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"La chose la plus difficile au monde n'est pas de s'empêcher de commettre un mal, c'est de se dresser pour en arrêter un."

Art Keller ancien agent de la CIA se reconvertit dans la DEA (Drug Enforcement Administration) au Mexique pour mener une guerre sans pitié contre les narcotrafiquants. Il a vu de ses yeux les ravages de l'héroïne - la boue mexicaine - du crack, de la cocaïne, un putain de merdier qui salit et détruit tout ceux qui la touchent. Il va participer à la chute du parrain local au coté de Miguel Angel Berrara et ses neveux, Adan et Raul qui en profitent pour devenir les grands distributeurs mexicains de cocaïne des cartels de Colombie.
Infatigable et presque seul, Art Keller va mener, à travers les états d'Amérique centrale et du sud, pendant un quart de siècle, une traque impitoyable contre tous ces pourvoyeurs de la mort. Un jeu du chat et des souris entre la griffe du ...chien.

Un réussite totale. Un polar qui aurait pu être indigeste vu le sujet mais c'est sans compter la plume, le talent de conteur et la myriade de personnages qui donnent vie à cette fresque infernale, celle du trafic de la drogue à la frontière américano-mexicaine de la fin du XXe siècle au tout début du XXIe siècle .
Sous la forme romanesque, Don Winslow nous livre donc une passionnante étude géopolitique de la drogue en Amérique latine où les trafics transitent des frontières mexicaines vers l'Amérique. Il met le doigt sur le rôle des gouvernements américains de l'époque qui préfèrent donner des moyens à la lutte anticommuniste en Amérique centrale et du sud, les traités de libre échange (ALENA) qui favorisent la libre circulation de la drogue, le rôle de la mafia, de la CIA, de l'Eglise, de la police, de l'armée, des milices d'extrêmes droites et décrit le terrible tremblement de terre de Mexico en 1985 qui met le pays à genoux. Une description apocalyptique.

Au final

Une plongée vertigineuse dans l'univers des narcotrafiquants, une écriture fluide au service d'une construction diabolique et des personnages inoubliables plus vrais que nature comme Art l' incorruptible, Tio, l'intouchable, Adan le gestionnaire qui amasse l'argent tandis que son frère Raul distribue du plomb. Des affranchis comme Scal Schachi, Fabian, le bellâtre, une réplique de Scarface. Des dingues d'Irlandais de Hell's Kitchen, les nouveaux rois du West-Side dont Callan tueur à gage, Mickey, O-Bop, Jimmy les pêches, un évêque plutôt gauche et Nora Haydenla une "call girl" magnifique au grand coeur.
Et une fin qui décoiffe.
Du grand Art !
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MAGNIFICOS !! MARAVILLOSO ! Voilà un roman qui ne laisse pas son lecteur indemne. J'en ressors secouée, dégoûtée, ébranlée, et ma vision, déjà assez sombre sur les États-Unis, n'en ressortira pas blanchie, mais assombrie, une fois de plus.

Ce roman est une véritable plongée au coeur des narcotrafiquants et de la lutte, perdue d'avance, menée par quelques flics incorruptibles mais qui ne sortiront pas grandis de leur combat.

Oui, Art Keller veut éradiquer le clan Barrera, narcotrafiquants en puissance, surtout depuis la mort atroce de son collègue... Oui mais... La fin justifie-t-elle les moyens ? A force de vouloir la peau de quelques gars (qui le méritent amplement, hein), on finit par se retrouver avec des dégâts collatéraux qui ne feront qu'ajouter des spectres aux nuits de Keller. L'enfer est pavé de bonnes intentions, c'est bien connu.

Et notre Art Keller, de par son comportement un peu borderline et sa soif de vengeance, deviendra presque cet homme qu'il n'aurait jamais voulu devenir. On est loin de l'image du chevalier Blanc et à force de traquer les chiens Barrera, il a chopé leurs puces.

Pas de manichéisme. Ici, les méchants ne font pas QUE dans la drogue, le mal ou la torture, ils construisent aussi des hôpitaux, des écoles pour les défavorisés, et les gentils Américains ne sont pas des anges, mais possèdent un côté obscur à faire pâlir Lucifer en personne.

La quête du pouvoir les rend fous et ils sont prêts à tout pour l'assouvir ou la conserver. Personne n'est ni tout noir ni tout blanc, tout est nuancé et c'est au lecteur à juger.

Oui, les Américains ont créé la Bête et l'ont nourrie avant de vouloir l'éradiquer. Pire, en voulant l'éliminer, ils ne font que la renforcer ! Vous brûlez nos champs de pavots ? On s'en moque, on passe à la culture de coca (et pas cola) ailleurs. A force de vouloir arrêter la coulée de cocaïne, les Américains ne font qu'augmenter le prix de la dose et enrichir les cartels qui peuvent soudoyer des politiciens, des flics, et tutti quanti.

Dilapider des millions de $ pour lutter contre les cartels de drogue, mais pas un "cent" pour aider les drogués qui voudraient s'en sortir et qui ne possèdent pas une assurance santé digne de ce nom... Construire plus de prison pour enfermer les dealer, mettre plus de flics... Noyer les champs de coca sous du défoliant à triple dose, foutant en l'air tout l'éco système du coin, empoisonnant les nappes phréatiques, empoisonnant les hommes, les enfants, les bêtes... Tout le paradoxe américain est là !

Les Américains dépensent du fric à ne pas guérir les symptômes et ignorent tout de la maladie. Les futiles non-solutions... Là, ils sont forts !

Oui, ce pavé que j'ai pris en pleine gueule m'a retourné les tripes. Oui, j'ai apprécié certains personnages qui auraient dû être détestables (Callan, O-Bop, Nora, Adán et Art Keller) parce tout en eux n'était pas méprisable.

J'ai aimé ce mélange entre personnages de fiction et réalité (le tremblement de terre au Mexique, le scandale de l'affaire Iran-Contra, la guérilla en Amérique du Sud, les FARC, les références à plusieurs politiques américains dont le tristement célèbre Bush Sr. - là, sûre que je vais être fichée ! - , la mafia dans le quartier de Hell's Kitchen).

Cette alternance entre l'enquête de Keller sur 25 années - et pas facile quand on ne sait pas qui est est clean ou pourri dans le système Américain - l'incursion dans le clan des Irlandais à Hell's Kitchen, la présence de la mafia, d'un évêque, d'une belle prostituée de luxe... Toutes ces histoires séparées et ce brassage de personnages qui, à priori, n'ont rien à voir entre eux, avant qu'on ne les retrouve tous impliqués dans le bazar,... Magnifique !

Une leçon à tirer ? Dans cet Enfer, tout le monde est susceptible de se faire baiser un jour où l'autre...

Quand les Américains pensent avoir niqué les gomeros en faisant partir en fumée leurs champs de pavots, en fait, ils se font eux-mêmes baiser (hampe du drapeau comprise) par les gomeros qui ont tout prévu. "Mhouahahaha, la sécheresse allait tout détruire" fait-il... Ah tiens, non... L'arroseur est arrosé... avec des balles ! Par celui qu'il avait soudoyé... qui un jour tombera à cause de... La roue tourne et vous écrasera sous elle, qui que vous soyez.

Non, dans ce monde infernal là, vaut mieux pas mettre les pieds : aujourd'hui, vous êtes craint, vous êtes dans le cartel régnant, le Seigneur du quartier ou dans la "Famille" et demain... paf, paf, deux balles dans la tête, la nuque, la bouche, le bide, les corones,... Au choix !

Les 600 premières pages se lisent à leur rythme, c'est pas du page-turner en puissance, mais je ai les tournées sans problème, passionnée que j'étais pas cet univers de la drogue et cette vaine lutte; transportée par "cette vision grandiose de l'Enfer et de toutes les folies qui le bordent" (dixit James Ellroy).

Il faut s'imprégner de ces pages, les aspirer lentement, les laisser se diffuser dans vos veines, dans tous les pores de votre peau, dans votre esprit. On ne commence pas cette lecture par-dessus la jambe, comme un quelconque roman. C'est du lourd !

Les 200 dernières pages ? Waw ! No répit ! Tout se met en place et oui, une fois de plus, certains vont se faire couillonner... À force de se croire invincible, on finit par trébucher et on se fait écraser par la roue qui tourne toujours...

Mais n'allez pas croire que vous aurez du Happy End, on est dans un chef-d'oeuvre certes, mais dans du Noir !

Pour ma 700ème critique ici, je ne pouvais pas publier une critique sur un roman moyen, il me fallait du costaud, du chef-d'oeuvre. Voilà qui est fait.

Me reste plus qu'à lire un "Mickey" pour me remettre de mes émotions grandioses ressenties à la lecture de ce pavé et remercier ceux qui m'ont donné envie de le lire grâce à leurs critiques dithyrambiques.

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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