La griffe du chienJames Ellroy dit de
la griffe du chien qu'il s'agit du « plus grand roman sur la drogue jamais écrit ». On ne peut qu'être d'accord avec lui si on se rappelle les années 80 /90 et ses plus beaux chefs d'oeuvre dont le Dalhia noir, American Tabloïds, L.A. condidential etc… (Mais bon vous connaissez, et babelio n'existait pas)
Il y a une dimension monumentale dans ce livre qu'une structure et une construction littéraires sans aucune faille nous permet d'appréhender 25 ans de crimes perpétrés à grande échelle par les narcotrafiquants aidés de la CIA, du FBI, du Pape (JP II), des présidents des états unis (Reagan, Bush etc) des présidents mexicains, et de ceux de l'ensemble de l'Isthme de l'Amérique centrale jusqu'à la Bolivie . Pas un pour rattraper l'autre et même ceux qui sont censés représenter l'ordre public et l'ordre social le font d'une manière si désespérée qu'elle devient inutile voire contreproductive.
Il n'y a pas réellement de « bons» dans ce roman tellement noir, il n'y a que des méchants et les rescapés des pages 800 traînent avec eux un nombre impressionnant de cadavres . L'horreur froide de certaines scène est saisissante. Immonde mais sans complaisance aucune.
Adan et Raul fils d'un parrain mexicain à l'image des personnages de Scarface (De palma 1983) sont avant tout incultes, pervers inconscient et finalement ridicules ( Raul aurait pu inspirer Tony Montana avec ses costars de cow boy flashies) Mais ces ridicules tuent sauvagement. « Plata o plomo » on négocie avec l' on meurt avec l'autre.
Don Winslow ne cherche pas à les rendre un tant soit peu sympathiques. C'est leur côté calculateur qu'il met en avant tout en appuyant sur leur rusticité mentale : Adan l'intello du groupe ne fait finalement que des additions et des soustractions qu'il s'agisse de pains de Crack ou de vies humaines : Infantile et capricieux, il joue à la marchande.
En tout état de cause leur medium est le flingue qui règle tout y compris les sentiments qui se traduisent par des chevauchées sauvages avec des putes (L'épouse et les enfants restant une valeur bêtement bourgeoise au conformisme contrefait et caricatural).
Art Keller flic mal vu, empêcheur de tourner en rond, les traque ainsi qu'un autre narco Güero, malfaisant et sadique et venge à sa manière un de ses collègues. Il n'est animé que par la vengeance et se montre aussi cruel que les autres par les conséquences anticipées en toute conscience de ses choix et de ses actes.
Callan et Fabian sont des tueurs qui ont commencé tôt (17 ans pour Callan) .Ils flinguent, étranglent , découpent à la demande. Des bouchers.
Pas de rédemption dans cette histoire ou même les évêques se font dézinguer.
Et vers la fin tout le monde est mort ou tellement essoufflé de tant de sang versé pendant ce quart de siècle qui annonce le suivant.
Et la « machine drogue » continue son progrès avec le consentement de tous au-delà des enjeux personnels de chaque personnage.
Curieusement la chute du mur de Berlin pourtant au coeur de la période concernée n'est pas évoquée. Ce qui tend à prouver que nos narcos n'ont ni télé ni journaux pas plus que les policiers qui les traquent. La chute du communisme aurait pu ouvrir des horizons à ces malades qui songent malgré tout à acheter des armes aux Chinois sur les conseil du seul personnage qui sait lire, Nora (Qui suce des bites pendant des centaines de pages).
On continue donc à lutter contre le communisme malgré la présence de mafieux au Kremlin...
Admettons que c'est dans un souci de ne pas dépasser les 1000 pages.
Admirablement écrit, ce roman fait preuve d'une rigueur synthétique exceptionnelle et se lit avidement. Une seule interrogation : pourquoi le titre anglais The power of the dog (El poder del perro en español) devient-il en français
la griffe du chien, griffe qui apparait dans la dernière phrase « sauve mon être de l'épée, de
la griffe du chien, mon unité » qui n'est pas très claire et ne le serait pas plus d'ailleurs énoncée ainsi : « sauve mon être de l'épée, du pouvoir du chien, mon unité »…