Trois jours que je n'ai pas quitté la chambre, trois jours que je refuse de me lever, de me laver, de manger. Trois jours que je refuse de vivre si c'est pour être mariée de force. C'est bien ce que j'ai compris. Mariée de force, c'est-à-dire contre ma volonté.
Les filles ne doivent pas penser à leur bonheur personnel, mais d’abord à celui de la famille. Moi, je veux rendre mon père heureux, et fier de moi. Je te le dis, c’est dangereux de s’opposer à la communauté...
(p. 29-30, Chapitre 5, “Trois filles nubiles au bord de l’eau”).
Chez nous, il faut montrer aux voisins comment on sait tenir les filles, les éduquer dans la crainte des hommes, contrôler leur intimité et les préparer dès la naissance à la soumission aux pères, aux frères et aux maris. Et tout cela bien sûr comme si nous étions d'accord, partantes et heureuses de cette monstrueuse destinée.
Il était une fois une collégienne mineure qu'on allait marier de force. Il était des millions de fois en réalité. Douze millions de fois dans le monde chaque année. Je le sais aujourd'hui parce que j'ai survécu. D'autres se sont suicidées, d'autres ont été sauvagement assassinées par leur père, leurs frères, leurs oncles ou leurs cousins. Des invisibles. Vivantes comme mortes. Qu'est-ce après tout que la vie d'une jeune fille?