Élève méritante et pure jeune fille originaire de Sparta en Caroline du Nord, Charlotte Simmons va intégrer la prestigieuse université «Dupont», un nom fictif imaginé d'après plusieurs universités américaines renommées du genre Princeton, Stanford, Harvard etc. Elle compte ne pas décevoir sa famille et en premier lieu sa mère et sa professeure, Miss Pennington qui a poussé Charlotte à intégrer la fameuse faculté.
Elle déchante bien vite en découvrant d'abord sa camarade de chambre riche, snob, obsédée et alcoolique qui ne passe aucune soirée à étudier. Puis ce sont les douches et toilettes mixtes où elle doit subir les grossièretés des garçons à peine sortis de l'adolescence. Il y a aussi ce langage « fuck » qui sort de leurs bouches à tout propos. Les autres filles la snobent aussi à cause de son look de péquenaude et sa modeste bourse, elle ne pourra pas intégrer les fameuses sororités. Elle sort bien une fois ou deux avec Mimi et Bettina, tout aussi paumées qu'elle mais tout aussi vipères que les autres.
Les garçons quant à eux sont représentés par trois personnages : le beau gosse riche et égoïste en la personne de Hoyt Thorpe, l'intellectuel, Adam Gellin, qui lutte pour des causes et dénonce les scandales dans le journal de l'université tout en étant tuteur et aide du troisième larron, Jojo Johanssen, basketteur blanc de son état au milieu d'un sport dominé par les Noirs. Jojo, comme Charlotte va évoluer car Charlotte lui reproche d'avoir, dans le premier cours de français sur le
Madame Bovary de
Flaubert dispensé en anglais (ce qu'elle trouve scandaleux), évité de dire une idée juste et joué à l'imbécile pour ne pas perdre la face devant ses coéquipiers qui se moquaient de lui. de fait, il est mal vu de passer pour un intello dans ce monde où tout n'est qu'apparence et faux-semblants.
Hoyt Thorpe, personnage central, détestable fils à papa de quatrième année fera évoluer Charlotte lors d'une « soirée habillée » dans un grand hôtel de Washington. Hoyt Thorpe mène grand train et parade devant ses congénères. Il est aussi populaire pour avoir surpris un possible futur président des USA en fâcheuse posture dans le campus de Dupont et avoir proprement cassé la figure à son garde du corps. Ce sera une lame à double tranchant.
Elle en concevra de l'amertume et sera déprimée voyant ses rêves romantiques anéantis. Adam, amoureux de Charlotte sans réciprocité, l'aidera à s'en sortir et elle lui rendra la pareille quand il sera accusé de plagiat par le professeur de Jojo, inflexible personnage haïssant les sportifs. On sait combien les universités tiennent à leur prestige grâce aux rencontres sportives qui rapportent l'argent des sponsors. Ici il y a le basket et les joueurs de crosse, de hockey, je suppose.
Quant à Jojo, il évoluera parallèlement à Charlotte qui, en lui reprochant sa désinvolture dans ce fameux cours de français, se lancera dans la philosophie si bien que son coach et ses camarades l'appelleront « Socrate ». Tous ces personnages, il faut l'avouer sont un peu caricaturaux et je ne connais pas assez les universités américaines pour savoir s'il se passe de telles orgies et de telles beuveries. Toujours est-il que ceux qui s'en sortent sont ceux qui ne s'en laissent pas compter, gardent les pieds sur terre. Jojo Johanssen n'est pas le basketteur primaire et illettré qu'on croit et Charlotte peut être vite pénible avec ses atermoiements larmoyants mais l'ensemble se lit agréablement et vite malgré ses 1008 pages.
Les références à la littérature française et notamment à
Madame Bovary de
Flaubert et aux
illusions perduesDe Balzac prennent tout leur sens à travers Charlotte atteint d'un bovarisme intellectuel et romantique et qui perd ses illusions en rentrant pour la première fois à Sparta où elle retrouve le lourdaud du lycée finalement presque moins vulgaire et stupide que les garçons du groupe de Hoyt. Ces jeunes gens quels qu'ils soient font leur expérience de la vie.
« Qu'est-ce qui n'allait pas chez ces garçons ? Ils étaient assez riches pour payer leurs études et appartenir à une fraternité huppée, en plus ; il devaient être intelligents puisqu'ils avaient été acceptés à Dupont et pourtant ils n'étaient guère différents des crétins de son lycée provincial. »
Roman d'apprentissage, triste constat sur les élites des USA même si
Tom Wolfe force le trait, le roman n'est malheureusement pas aidé par sa traduction française.
En effet, pourquoi ne jamais traduire le mot « fuck » ? On a un vocabulaire assez vaste en français pour l'accommoder à toutes circonstances. de même , certaines phrases sentent bon l'anglicisme : doit-on parler par exemple d'une couleur « révoltante » ? (Revolting = dégoûtant, écoeurant) ; doit-on traduire l'expression courante « I can't wait » par « je ne peux pas attendre » au lieu de « j'ai hâte de… » ou tout simplement « vivement » ; le juron «
Jesus Christ » en anglais équivaut à peu près à notre « nom de dieu » et non à «
Jésus Christ ! » et le pompon : avoir traduit « billions » par « billions » et non « milliards » !