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Citations sur Mrs Dalloway (375)

« Que peut-on savoir même des gens avec qui on vit chaque jour ? questionna-t-elle. Ne sommes-nous pas tous des prisonniers ? » Elle avait lu une magnifique pièce de théâtre sur un homme qui écrivait sur les murs de sa cellule. La vie est ainsi : on écrit sur le mur. N’espérant plus rien des amitiés humaines (les gens sont si décevants), elle descendait dans son jardin et trouvait, avec ses fleurs, une paix que les hommes et les femmes ne lui donnaient pas. Mais non ; il n’aimait pas les choses ; il préférait les êtres humains, dit Peter. « C’est vrai que les jeunes gens sont beaux », ajouta Sally, en regardant Élisabeth traverser le salon.
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Elle a, une fois, jeté un shilling dans la Serpentine, c’est tout. Mais lui a rejeté la vie. Les autres vivent (il faudra qu’elle retourne – on arrive encore, les salons sont pleins), les autres (toute la journée, elle a pensé à Bourton, à Sally, à Peter) vieilliront. Une seule chose a de l’importance, une chose qui, dans sa propre vie, est défigurée, obscurcie, souillée ; une chose traînée tout le jour dans le bavardage, les mensonges, une chose corrompue. Lui l’a préservée. La mort est un défi ; la mort est un effort pour s’unir, les hommes sentant que le centre, mystiquement, leur échappe – ce qui est proche se retire, le ravissement s’évanouit ; on est seul. Dans la mort il y a une étreinte.
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Elle n’étalait pas son patriotisme, mais ce cher, cher pays, cette île humaine, bien qu’elle n’eût pas lu Shakespeare, elle l’avait dans le sang, et si jamais avait existé une femme qui pût porter le casque, lancer la flèche, conduire des troupes à l’attaque, gouverner avec une justice incorruptible des hordes barbares, et reposer ensuite sous un bouclier, dans une église, ou bien sous un tertre de gazon vert, sur une colline préhistorique, cette femme était Millicent Bruton. Elle manquait de logique, elle n’était pas capable d’écrire une lettre au Times – était-ce à cause de son sexe, d’une certaine flânerie d’esprit ? – mais l’Empire lui était toujours présent, et, de son intimité avec ce Dieu Armé, elle avait acquis sa rigidité de baguette de fusil, son maintien énergique – et on ne pouvait pas l’imaginer, même après sa mort, hantant des régions où, sous une forme spiritualisée, l’Union Jack ne flotterait pas. Ne pas être Anglaise, même parmi les morts, non, impossible !
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Clarissa escortait le Premier Ministre, pimpante, étincelante, dans la majesté de ses cheveux gris. Elle portait des boucles d’oreilles et une robe de sirène vert-argent. Elle semblait danser sur les vagues, tresser ses cheveux ; elle possédait ce don : être, exister, tout réunir dans le moment où elle passait ; elle se retournait, accrochait son écharpe à la robe d’une autre femme, la détachait, riait, toujours avec la plus parfaite aisance, et l’air d’une créature flottant dans son élément. Mais l’âge l’avait touchée ; de même, une sirène voit, dans son miroir, le soleil se coucher, sur les vagues, dans un soir très clair. Il y avait en elle un souffle de tendresse : sa sévérité, sa pruderie, sa raideur étaient tout échauffées à présent ; il y avait en elle, quand elle dit adieu au gros homme aux broderies d’or (que Dieu le garde !) qui faisait de son mieux pour avoir l’air important, une dignité inexprimable, une cordialité délicieuse comme si, ayant atteint le bord, l’extrémité des choses, elle souhaitait du bien au monde entier et prenait congé. C’était l’impression qu’elle lui donna – sans qu’il fût amoureux.
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Mais pour elle, c’était trop d’effort. Elle n’avait pas de plaisir. Une autre personne, n’importe qui, aurait pu se tenir là – faire tout aussi bien. Pourtant c’était bien un peu admirable – pensait-elle : elle avait fait que cela fût. C’était une étape, ce poste avec lequel elle se confondait, car, chose étrange, elle avait tout à fait oublié quel air elle pouvait avoir et croyait être un piquet planté au sommet de l’escalier. Chaque fois qu’elle donnait une soirée, il lui semblait ainsi qu’elle n’était plus elle-même, que chacun était irréel par un côté, beaucoup plus réel par un autre. Sans doute, pensait-elle, c’est un peu à cause des vêtements, un peu parce qu’on a quitté ses manières habituelles et aussi à cause du décor. On peut dire des choses qu’on ne dirait jamais autrement, des choses qui demandent un effort, des choses beaucoup plus profondes. Mais pour elle, non. Au moins pas encore.
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Car, voici la vérité sur notre moi, pensa-t-il, sur notre âme qui habite des mers profondes et navigue, comme un poisson, entre des choses ténébreuses, se faufile entre les troncs des algues géantes, traverse des espaces pointillés de soleil, et s’enfonce dans l’obscurité froide, profonde, impénétrable. Soudain, elle s’élance à la surface et bondit sur les vagues que le vent ride, ce qui veut dire qu’elle a un besoin réel de se frotter, de se nettoyer, de se réveiller, de bavarder.
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Clarissa avait une théorie en ce temps-là : ils avaient des tas de théories, toujours des théories, comme en ont les jeunes gens. Il s’agissait d’expliquer ce mécontentement que l’on éprouve à ne pas connaître les gens, à ne pas être connu. Comment peut-on se connaître ? On se rencontre tous les jours, puis on reste pendant six mois, pendant des années sans se voir. C’est décevant, convenaient-ils, de connaître si peu les gens. Mais, disait-elle, sur l’omnibus qui remontait Shaftesbury Avenue, il lui semblait qu’elle était partout non pas « ici, ici », et elle frappait le dos de son siège, mais partout. Elle agitait la main dans Shaftesbury Avenue. Elle était tout cela. Si bien que, pour la connaître, elle ou n’importe qui, il fallait chercher les personnes qui les complétaient, et même les endroits. D’étranges affinités la liaient à des gens à qui elle n’avait jamais parlé, une femme dans la rue, un homme dans une boutique, même des arbres ou des granges. Cette idée, jointe à son horreur de la mort, la conduisait à une théorie transcendantale qui lui faisait croire, ou dire qu’elle croyait – elle était si sceptique ! – que puisque, dans nos apparitions, la partie de nous-mêmes qui apparaît est si éphémère comparée à l’autre, la partie invisible qui s’étend au loin, cette partie invisible pourrait bien survivre, se retrouver attachée de quelque manière à une personne ou à une autre, ou même hantant certains lieux après la mort. Qui sait, qui sait…
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Une bouffée de vent (malgré la chaleur, il y avait du vent) jeta un mince nuage noir sur le soleil et sur le Strand. Les visages s’assombrirent ; les omnibus perdirent soudain leur éclat. Car, parmi les nuages, bien qu’ils eussent l’aspect de montagnes de neige dure – il semblait qu’on pût les déchiqueter à la hache – avec de grandes pentes dorées, sur leurs flancs, de célestes pelouses, et qu’ils parussent offrir aux dieux des demeures préparées pour leurs assemblées au-dessus du monde, le mouvement était continuel. Des changements se faisaient comme d’après un plan arrêté d’avance ; tantôt un sommet s’affaissait, tantôt un bloc pyramidal, jusque-là ferme à son poste, s’avançait dans l’espace libre ou bien conduisait gravement une procession vers un autre rivage. Malgré la fixité, la solidité de ces amoncellements, malgré leur apparence de repos, leur ensemble immobile, rien n’était plus libre, léger, sensitif, mobile que ces étendues blanches comme la neige ou enflammées d’or. Changer, s’en aller, se démolir, rien n’était plus facile ; et la terre recevait tantôt de la lumière, tantôt de l’ombre.
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L’avantage de vieillir, pensa Peter Walsh en sortant de Regent’s Park son chapeau à la main, ne consiste qu’en ceci : les passions demeurent aussi fortes qu’autrefois, mais on a acquis – enfin ! – la faculté qui ajoute à l’existence la suprême saveur, la faculté de se saisir de l’expérience et de la retourner, lentement, dans la lumière.

Terrible confession ! (il remit son chapeau) mais à cinquante-trois ans, on n’a guère plus besoin des autres. La vie seule, chaque moment, chaque goutte de vie, par exemple, cet instant-ci, au soleil, dans Regent’s Park, c’est assez. C’est trop même. La vie entière est trop courte pour en tirer, maintenant qu’on en possède le pouvoir, la saveur entière, pour en extraire chaque once de plaisir, chaque nuance de sens, et le plaisir, le sens, comme ils sont plus forts qu’autrefois, moins personnels !
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Légèrement brouillés par ses larmes, la grande allée, la nurse, le monsieur en gris et la voiture d’enfant, montaient et descendaient devant ses yeux. Être torturée par ce bourreau cruel, voilà son sort. Mais pourquoi ? Elle était comme un oiseau qui s’est réfugié dans le creux d’une feuille mince et cligne devant le soleil quand la feuille se déplace, et tremble quand une branche morte craque. On l’avait abandonnée ; les arbres énormes et les vastes nuages d’un monde indifférent l’entouraient ; abandonnée, torturée, et pourquoi souffrir ? Pourquoi ?
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