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3,67

sur 402 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
La littérature est-elle affaire de marges ? le lecteur doit-il être aussi un peu marginal pour entrer en contact avec l'oeuvre d'un auteur ?

Tu te perdras sans doute dans la montagne de l'âme, au-delà des brumes, au milieu des dialectes reculés, au dessus des gorges et sous la canopée.
Ce “tu” est particulièrement à propos, dialogue intérieur permanent et concomitant à l'action, à la parole. A la fois altérité et humus intime.

Cette fresque a fait couler presque 700 pages d'encre (de Chine…pardon), écrite au fil des années quatre-vingt, jungle luxuriante de sensations, d'émotions et d'apaisement. C'est un livre-refuge. L'ouvrir nous ramène hors d'atteinte, dans les hauteurs des montagnes de l'Empire du milieu, on ne sait plus l'heure ni le jour, nous marchons, découvrons, au bord d'un ruisseau, le souvenir d'un mythe. Je dis ramène car on a l'impression d'un lieu du commencement, étrangement familier. J'ai essayé de convoquer les souvenirs de paysages du film “Séjour dans les monts Fuchun” pour revoir les lacs, les pêcheurs, la moiteur de la peau sous la chaleur des feuillages.

Les rites, les croyances, la culture (évocation des peintres Xu Wei, Gong Xian, Zheng Banqiao, Bada Shanren) et l'histoire de la Chine méridionale se mêlent à la quête du narrateur, parti de la modernité urbaine tentaculaire vers la ruralité séculaire. A certains égards, la tentative du prix Nobel de Littérature sino-français Gao Xingjian n'est pas sans rappeler la fresque de Cervantès. Bien sûr pas dans le comique de ses personnages, mais dans la variété de ses épisodes, véritables histoires dans l'histoire.

« Ce qu'il faut donc le plus soigner parmi nos moyens de bonheur, c'est la puissance de la contemplation » Madame de Staël. Loin de la révolution culturelle tyrannique de la Chine maoïste, sans pourtant pouvoir y échapper, le narrateur contemple son passé, ses rêves et le paysage qui l'entoure. Xingjian pousse son lecteur à s'arrêter sur des évènements facultatifs, sans suspense, et à méditer lentement avec lui sur sa propre vie. Dans un immense pays que le pouvoir communiste voudrait montrer comme uni, dans une tradition où le collectif écrase le singulier, Xingjian se méfie du “nous”, et donne la parole à une Chine des individus.

“Elle veut flâner avec toi dans ta mémoire”. Les pérégrinations du narrateur sont constamment entrecoupées d'une seconde histoire, celle de l'amour, celle d'un “tu” et d'une “elle”, intimité extrême, sans contexte.

Pour Gao Xingjian, dramaturge, poète, essayiste, cinéaste et peintre également, le roman comme la vie “ne répond à aucune finalité”. Il anticipe la réception de son livre : un “tu” n'est pas un personnage ce n'est qu'un pronom personnel ! fait-il ainsi dire à un critique fictif. de fait, Xingjian, dans l'étrange composition de son oeuvre protéiforme questionne les contours du roman.

“Tu dois savoir que ce que tu recherches ici-bas est rare, ton avidité est exagérée.” Tu peux vivre ce livre comme un compagnonnage, tu n'y entres pas aisément, les soucis du quotidien peuvent encore t'habiter quelques pages… mais comme une randonnée à deux, lorsqu'elle te parle cependant que tu restes absorbé par ton propre monologue intérieur, tout à coup tu reviens à sa conversation, au présent, frais et disponible.

Reste à te laisser emporter par une lecture résolument contemplative, méditative, où tu peux t'autoriser sur quelques pages à partir toi aussi dans une méditation quelconque pour être finalement repêché calmement par Monsieur Gao. La Montagne de l'âme incarne la définition du roman que donne le narrateur “une production de sensibilités” qui “mélange les désirs”.

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♫Dans mon cerveau fragile
Des cavaliers d'argile
M'ont découvert la Chine
Et là sous un ciel jaune
J'ai aimé sur son trône
Ma première figurine
Voyageur immobile
Retenu par un fil♫
-Michel Sardou-1985-
---♪---♫---🧧🧧⭐🧧🧧---♫---♪---
Aider l'Âme du mort à trouver son chemin
Wuchang tête en bas, simple figurine
Dieux protecteurs, laogen, les vieilles racines
Croire en la science mais aussi au destin...
Autre pays, autres moeurs
Même douceurs, m'aime pas peur
"Si tu sors un soir de lune
N'allume pas la torche sur le chemin
Si tu allumes la torche sur le chemin
Triste sera la lune"
Enfin un langage pur, limpide, et gazouill- Yi
musical, insécable, plus élevé que la mélodie
Avec le serpent Qi se mord la queue
A l'aMiao, c'est tellement plus romantique
Elle sur moi, je tue il
Mêle ange subtil errances égo nombrils
Qui Soulages nos belles de lit et raclures
Estompe l'obscurité dans sa Nature
Nobel de Littérature
il manie aussi le pinceau
A l'ombre d'un Ginkgo...
Cette critique, on peut la lire,
on peut ne pas la lire,
mais puisque c'est fait ,
autant la lire 😉


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Besoin d'un roman apaisant, j'ai pensé à la critique de Fabinou7 que je remercie, et c'est avec Gao Xingjian que je suis partie, très loin, pour un long voyage, à la fois spirituel et intime. S'isoler, abandonner le monde des hommes pour se trouver ou se retrouver.

« Je préfère errer de-ci de-là, sans laisser de trace. Dans ce monde immense, il y a tellement de gens, tellement de destinations, je n'ai aucun lieu où m'enraciner, installer un petit nid pour vivre tranquillement, rencontrer toujours les mêmes voisins, leur dire les mêmes choses, bonjour, bonsoir, et replonger dans les minuscules imbroglios de la vie quotidienne. Avant même de commencer, je suis déjà dégoûté. Je le sais, je ne peux plus donner le bonheur. »

*
« La Montagne de l'âme » est un roman foisonnant, d'une grande richesse relatant l'histoire d'un homme qui, confronté à un environnement culturel répressif et la menace d'un emprisonnement dans un camp de rééducation par le travail, décide d'entamer un long voyage dans les montagnes et les forêts du sud de la Chine, dans les contreforts du Tibet à la recherche de la montagne de l'âme.

« Lingshan, la Montagne de l'Âme, où l'on peut voir des merveilles qui aident à oublier ses souffrances et à obtenir la délivrance. »

Mais cette montagne se dérobe sans cesse à lui.

« Toi, tu continues à gravir les montagnes. Et chaque fois que tu t'approches du sommet, exténué, tu penses que c'est la dernière fois. Arrivé au but, quand ton excitation s'est un peu calmée, tu restes insatisfait. Plus ta fatigue s'efface, plus ton insatisfaction grandit, tu contemples la chaîne de montagnes qui ondule à perte de vue et le désir d'escalader te reprend. Celles que tu as déjà gravies ne présentent plus aucun intérêt, mais tu restes persuadé que derrière elles se cachent d'autres curiosités dont tu ignores encore l'existence. Mais quand tu parviens au sommet, tu ne découvres aucune de ces merveilles, tu ne rencontres que le vent solitaire. »

*
Lors de son voyage solitaire dans ces régions isolées, loin de la modernité et de la superficialité des villes, il va puiser du réconfort dans la beauté de la nature qui sera un guide vers une spiritualité personnelle profonde. Instants de grâce et de beauté dans cette recherche de paysages authentiques, de forêts vierges, non défigurés et dénaturés par l'homme.


Au détour d'un chemin, un étang, un arbre, une fenêtre, un pont et son imagination ou ses souvenirs l'emmènent loin dans son passé, dans son esprit. Moments nostalgiques qui raniment son mal du pays, et ravivent la présence d'êtres chers disparus.

« le murmure du ruisseau qui passait sous le pont de pierre, à la porte du temple, et le murmure du vent du soir semblèrent alors, l'espace d'un instant, s'écouler de mon propre coeur. »

*
C'est aussi un voyage intérieur où l'auteur nous parle de sa solitude, des persécutions politiques et de la révolution culturelle, de sa famille, de ses souvenirs et de ses rêves d'enfance, de ses rencontres et d'une femme (ou d'une multitude de femmes), objet de ses désirs et de ses fantasmes.
Gao Xingjian tisse ainsi de multiples histoires. Collection de rencontres et de récits, chants populaires, légendes montagnardes, histoires de fantômes, traditions perdues et souvenirs personnels s'entremêlent sans aucune trame linéaire.
Ces histoires racontées sont tantôt touchantes, tantôt mystérieuses, tantôt fascinantes, tantôt inquiétantes, tantôt révoltantes.

Le personnage principal cherche quelque chose qu'il ignore, qui le dépasse, et par ses réflexions et son cheminement intérieur, il essaie de s'éveiller à une forme de spiritualité et d'atteindre un degré de compréhension de soi.

« Je me sens pris au piège. À cet instant, je ressemble à un poisson pris dans les filets de la peur, percé par un gigantesque harpon : il se débat sans pouvoir changer son destin, sauf par miracle. Mais, dans ma vie, n'ai-je pas toujours attendu un miracle ? »

*
Mon passage préféré est le chapitre 66, l'homme est tel Orphée descendant aux enfers.

« Tu as l'impression d'avancer sur l'eau, car tu foules déjà des herbes aquatiques. Tu t'enfonces au milieu de la rivière de l'Oubli ; tels les soucis de la vie quotidienne, les herbes t'enlacent. Ton désespoir t'abandonne alors totalement et tu avances à tâtons sur le bord de l'eau. Tu foules les galets que tu enserres de tes doigts de pied. C'est comme si tu marchais en rêve au milieu du fleuve noir des enfers ; une lumière bleu sombre brille là où jaillissent les gouttes d'eau. Tu es surpris, mais ta surprise cache une joie diffuse. »

*
La lecture de ce roman m'a demandé des efforts. L'écriture de l'auteur est particulièrement complexe avec l'utilisation de pronoms « je », « tu », « il », « elle », « lui ». J'avais une idée de leur signification, mais je n'en ai eu la confirmation ou je n'ai vraiment compris leur sens qu'au chapitre 52. Ces multiples personnages sont des refuges pour ses pensées solitaires.

« Tu sais que je ne fais rien de plus que me parler à moi-même pour distraire ma solitude. Tu sais que ma solitude est sans remède, personne ne peut me soulager, je ne peux avoir recours qu'à moi comme partenaire de mes discussions.
Pendant que j'écoutais attentivement mon propre « tu », je t'ai fait créer « elle », parce que tu es comme moi, tu ne peux supporter la solitude, tu dois aussi trouver quelqu'un à qui parler…
« Elle » n'est qu'une image apparue de manière imprécise par association d'idées, flottant confusément dans la mémoire, à quoi bon restituer une image qui change sans cesse ? »

*
L'auteur a reçu le prix Nobel de littérature en 2000 pour l'ensemble de son oeuvre.
« La montagne de l'âme » est un beau roman, une oeuvre riche, poétique, complexe et surprenante qui invite à la réflexion sur de nombreux thèmes comme l'écologie, le respect de la vie, le sens de la vie, la nostalgie de l'enfance, l'amitié, l'amour, l'attachement, la fuite, la souffrance du corps.
J'ai été envoûté par les descriptions de ces paysages de montagnes. Un voyage intérieur, une quête de soi, exigeante, mais au bout la sérénité. Je suis contente d'avoir suivi les pas de Gao Xingjian, même si je suis consciente de mes nombreux faux-pas.
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Une sorte de guide touristique très haut de gamme.
Gao Xingjian a parcouru la Chine du Sud à la recherche de la Montagne de l'âme, dont il a entendu parler pour la première fois par un compagnon de train. Au fin fond des villages les plus isolés, il se présente comme un journaliste collectant des témoignages sur les traditions locales : il recueille les légendes et les mythes régionaux, décrit la beauté de la Nature encore sauvage, fait des rencontres. Il visite les sites préhistoriques, les monastères, les petits marchés. Aucun autre livre ne m'a ainsi donné le sentiment d'immensité de ce pays-continent.
Mais à travers ce travail de collectage, c'est l'âme même de la Chine qu'il recherche avec nostalgie. Tout d'abord, c'est la nostalgie face à un environnement détruit. Il raconte l'abattage de forêts millénaires ; le barrage des Trois Gorges, cette centrale hydroélectrique géante qui a noyé toute une région, était alors (il écrit en 1982) à l'état de projet, que beaucoup jugeaient insensé.
Nostalgie aussi pour une culture si riche, si diverse, si ancienne... et si cruellement opprimée par la Révolution culturelle.
L'écriture, par contre, n'est en rien nostalgique, mais au contraire empreinte d'une grande modernité : Gao Xingjian intercale, entre les chapitres narratifs, des rencontres oniriques, des flux de conscience, des successions d'aphorismes. Ce roman-fleuve est aussi un voyage intérieur.

Traduction dont la relecture par Gao Xingjian lui-même a donné lieu à "un fécond travail sur la langue", d'après les traducteurs Noël et Liliane Dutrait.

Challenge ABC
Challenge Globe-trotter (Chine)
Challenge Nobel
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La Montagne de l'Âme est le roman qui a valu à Gao Xingjiang sa notoriété et son prix Nobel. C'est désormais un classique de la littérature universelle : un texte où l'auteur entraîne le lecteur dans un vertigineux voyage initiatique à travers la Chine des années 1980, entre tradition millénaire et vestiges de la Révolution culturelle.

« Toi », tu es parti à la recherche de la « Montagne de l'Âme », un lieu dont tu as entendu parler dans le train (lors d'une rencontre fortuite avec « moi », le narrateur qui est semble-t-il une figure de l'auteur lui-même). Tu rencontres une jeune fille qui te suit dans ton cheminement : une jeune fille brisée par la vie, dont le lecteur ne saura pas vraiment ce qu'elle devient, si tu l'as laissée tomber, si elle s'est tuée ou si elle est simplement partie. « Moi », je me suis promené de parc naturel (avec les pandas) en temples bouddhistes et de centres culturels en ermitages taoïstes. Écrivain qui ne peut publier, j'ai marché, comme toi, un peu au hasard, mais seul, allant de rencontre en rencontre.

Cette phrase est le résumé parfait de ce roman, si un tel résumé peut exister pour un texte dense de 700 pages qui explose toutes nos habitudes de lecture : deux personnages masculins identifiés seulement par le "tu" et le "je", qui se sont rencontrés au début du roman, et dont on soupçonne ensuite qu'il s'agit de la même personne : pas de noms, peu de toponymies, pas de descriptions physiques; un mélange des genres. Est-ce un conte ? des fables ? un voyage initiatique ? Un voyage historique ? A un moment du texte, le narrateur imagine les attaques que pourrait mener un critique littéraire qui ne sait comment classer ce texte : "réunir des récits de voyage, recueillir des bribes d'histoires et des notes au fil du pinceau, mélanger de la théorie à l'essai. [...] des fables qui ne ressemblent guère à des fables, quelques chants ou romances populaires avec en plus quelques histoires de fantômes créées de bric et de broc" ! Ce passage, d'introspection de l'auteur lui-même, est d'ailleurs parfaitement réussi !

Au final, malgré tout ça, c'est un texte parfaitement homogène, avec ce fil conducteur qu'est la quête du narrateur de cette mystérieuse Montagne de l'Âme : mais est-ce une quête d'identité ? la quête de la beauté ? la connaissance absolue ? la volonté de l'autobiographie ? Un peu tout à la fois sûrement …

Mais il ne serait rien sans la langue qui la sous-tend : une langue moderne, épurée, musicale, presque envoûtante, qui coule parfaitement à la lecture, une fois surmonté le choc initial ! D'ailleurs, la musique et les chansons sont centrales dans l'oeuvre : le "je" est à la recherche de différentes formes de chansons populaires, "des chants qui partent de l'âme", qui lui font appréhender le mode de vie de chaque village dans lequel il s'arrête, qu'il soit campagnard, montagnard ou autre, Même si ces traditions ont tendance à se perdre …

Tout cela sur fond historique, avec un communisme qui s'est insinué de partout, mais qui a été parfois dilué par des mythes ou des traditions plus ou moins inventées. Ce roman a d'ailleurs été publié à un moment où les écrivains se sont libérés du joug communiste, à la fois sur le fond et sur la forme. Il est également nourri des voyages de l'auteur, contraint lui-même par la censure, et qui lui a permis de renouer avec la nature et de découvrir la Chine rurale. Il a émigré en France en 1988 et c'est d'ici qu'il a publié La Montagne de l'Âme (il est d'ailleurs citoyen français depuis 1998).

Un texte donc déstabilisant, qui est loin de livrer toutes ses clés à la première lecture (et, je le soupçonne, pas non plus à la deuxième ou troisième), et qui se termine d'ailleurs par un aveu d'incompréhension …

« Je ne sais pas que je ne comprends rien, je crois encore que je comprends tout […] le mieux, c'est de faire semblant de comprendre. Faire semblant de comprendre, mais en fait ne rien comprendre. En réalité, je ne comprends rien, strictement rien. C'est comme ça.» Un écho à mon sentiment à la fin de cette lecture : enchantée oui, je l'étais, mais en réalité, je n'ai pas tout compris … ;) (mais n'est-ce pas l'essence de la littérature, de poser des questions sans réponses ?)

Lien : http://missbouquinaix.wordpr..
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Un écrivain chinois entreprend un voyage depuis Pékin vers le sud de la Chine, à la recherche de spiritualité et d'une nation rêvée, car celle qu'il connaît a, pour lui, perdu son âme.
Identifié par « je », par « tu » ou par « il », le narrateur parcourt des sentiers montagneux, des vallées, des bourgs reculés, rencontre de vieux moines dans des grottes obscures, visite des temples, des réserves naturelles, dort dans des auberges austères, reçoit l'hospitalité de villageois inconnus et ce périple lui donne l'occasion de renouer avec ses souvenirs d'enfance. Il constate aussi le désastre écologique dû au progrès (harnachement des rivières, inondation des terres, déplacement des habitants, disparition de la faune et de la flore) et les effets de la révolution culturelle sur les coutumes ancestrales.
Gao Xingjian nous entraîne avec cet homme empreint de désarroi au coeur d'une nature grandiose où les rites mystérieux et les enseignements bouddhistes côtoient les légendes mythologiques chinoises. le style narratif est quelque peu déroutant mais il suffit de se laisser porter par la très belle écriture de l'auteur et par les histoires étonnantes qu'il nous livre; et lorsqu'on referme cet drôle de roman, l'impression est forte d'avoir accompli ce voyage en Chine sans sortir de chez soi.
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"La Montagne de l'âme". Véritable odyssée dans la campagne du sud-ouest chinois, le roman est un tissu d'histoires avec plusieurs personnages.

Quête amoureuse et spirituelle, recherche des origines de l'homme et de la civilisation chinoise, recherche de la vérité, de la sagesse et de la pureté, retour à l'enfance. Au fil du récit, "je" devient "tu" et les deux voix alternent et s'entrecroisent sans jamais devenir un "nous". le "nous" est banni, l'auteur s'en méfie, hait cette dangereuse notion de masse de la Révolution culturelle contre laquelle Gao Xingjian, comme de la tuberculose qui a failli l'emporter, est définitivement vacciné. En refusant le "nous", l'auteur désintoxique de toute langue de bois ses personnages.

Mêlant essai et fiction, anecdotes historiques et réflexions philosophiques, recueil de poésies anciennes et recherches littéraires, Gao Xingjian exprime dans cette fabuleuse quête poétique, comme l'écrit son traducteur, un "voyage intérieur, évocation des paysages et des forêts encore vierges de Chine, mise en scène des déchirements amoureux ou simple description d'une minute de plaisir dû à l'amitié ou à la contemplation d'une rivière, conte classique picaresque et merveilleux, évocation de la réalité absurde ou kafkaïenne contemporaine, réflexion sur l'art romanesque...".
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Au commencement, j'ai été décontenancée par l'utilisation des pronoms personnels pour incarner les personnages. Puis, je me suis laissée envoûtée par la poésie de la langue. le brouillard s'est déchiré, j'ai découvert un monde où les traditions se heurtent à la modernité, où la nature affronte la folie des hommes.
Le héro est un écrivain d'Etat qui fuit la vindicte des caciques chinois. Il sillonne son pays avec pour mission de capter les derniers vestiges d'un monde qui disparaît. L'homme se déracine de sa propre nature pour inventer une nouvelle réalité destructrice.
L'histoire de son pays raconte sa propre histoire. Ses relations à la nature font écho à ses liens avec les femmes. A la recherche de la montagne de l'âme, il explore les limites de son corps et l'infini de l'Absolu ; "une fenêtre éclairée avec derrière, un peu de chaleur ..."
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Roman polyphonique et complexe, multipliant les pronoms personnels, La montagne de l'âme est à la fois un voyage dans la Chine des années 1980 et un questionnement intérieur du narrateur qui part sur les traces des chants folkloriques des peuples du sud de la Chine, qui n'existent que sous forme orale et qui disparaitront avec leurs interprètes.
La Chine dont parle Gao Xingjian est une ruine culturelle, qui a renié, en surface souvent seulement, ses origines et ses traditions. L'âme du titre, c'est tout à la fois celle du narrateur - qui se souvient de sa vie personnelle - et celle de la Chine. Ainsi se superposent la quête d'une identité commune et personnelle, et qui dit quête dit voyage. Voilà la vertu du voyage, de l'errance - car le véritable voyageur n'a pas de but, dit un bonze - qui révèle sur nous autant que sur les paysages que l'on traverse. Une lecture facile mais un accès difficile allié à une profondeur de réflexion : c'est le secret de la puissance du roman.
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Les livres s'offrent à vous, patiemment ils attendent que vous soyez sur un chemin pour vous accompagner.

Cette montagne m'a été offerte lorsque je quittais un lieux pour un autre, lorsque je décidais d'entreprendre un autre voyage.

Elle m'a appris à prendre mon temps, à ne plus avoir de but, juste avancer sans fin et se laisser rejoindre par se qui a été et qui ne demande rien.
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