AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,01

sur 586 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
C'est une histoire d'eau, d'os, d'o.

C'est une histoire d'eau.

Celle qui coule de source, qui descend de la montagne et qui alimente un hameau perdu dans une vallée enclavée.
Site « idéal » pour y construire une centrale électrique, mais pour ça il faut inonder les lieux, et les habitants n'ont pas les moyens d'y faire barrage. Pas contre le Pacifique, mais à grand renfort de dynamite. La montagne grogne jusque dans les maisons, au grand dam des villageois médusés.
De quoi mettre la pression, avant la mise en bière, au point de faire mousser la végétation luxuriante.

« Ce qui me frappa le plus, c'est l'épaisseur inhabituelle de la couche de mousse qui recouvrait les toits de chaume extraordinairement pentus. Toutes sortes de mousses devaient y vivre en symbiose, le vert gorgé d'eau brillait, lourdement détrempé. On aurait dit d'énormes créatures recouvertes d'une épaisse fourrure luisante blotties les unes contre les autres ».

Le narrateur a été embauché dans l'équipe des ouvriers affectés au chantier. le mur à construire l'isolera de son passé, lui le meurtrier de la femme adultère, à qui il a jeté la pierre, ou plutôt la bûche, sans voir les embûches, coincées dans sa conscience.
Bien avant le hameau, c'est lui qui est noyé, sous des flots de remords, surtout quand il découvre un autre cadavre, blancheur immaculée suspendue au bout d'une corde, geste ultime d'une jeune fille après le viol de l'innocence.

Inonder la vallée pour effacer les traces, engloutir les souvenirs pour apaiser les sentiments, l'eau s'écoule en ruisseau mélancolique, mais aussi en torrents de larmes. Peut-elle apaiser l'esprit tourmenté ?

C'est une histoire d'os.

Ceux des restes des squelettes du cimetière qui vont être récupérés avant le naufrage rappellent les ossements de l'épouse déshonorée précieusement conservés par l'auteur de la profanation.

« Ils cherchaient clairement à déterrer les ossements qui reposaient sous les sépultures. de plus, ils cherchaient à obtenir quelque chose d'équivalent aux doigts de pied de ma femme qui reposaient au fond de mes affaires personnelles ».

Os-mose os-tensible, effet miroir, silence onirique des os qui désarticulent l'agitation destructrice de la roche. L'os ment-il ?

C'est une histoire d'o.

O, Oméga, la fin d'un monde.
Hameau, forêt, ruisseau, torrent.
Chaume, paulownia, sol, roche.
Violence, profané, explosion, détonation.
Corde, cloche, cocon, torche.
Faute, mort, colère, corps.
Onirique, introspection, procession, flot.
Chizuko, Yodono, Shogi, Shinto.

Des « o » pour des mots, des mots pour des maux.
Une écriture envoûtante, descriptive, poétique.

« Toute l'étendue du ciel délimité par les crêtes était semée d'innombrables petites taches noires qui ressemblaient à des graines de sésame. Dont les groupes s'entrechoquaient à toute vitesse, saturant le ciel de cris stridents ».

Les échos des blessures se répercutent dans la montagne.
Violence, colère, vengeance s'entremêlent avec la beauté des lieux.

« L'air de la vallée était froid, le torrent charriait les feuilles rouges de l'automne. (…)
Presque toutes les feuilles étaient tombées, les branches des cimes, dénudées, pointaient comme si elles étaient mortes ».

La fin est impressionnante, de quoi en rester bouche bée, les lèvres en forme de « o ».

L'eau des corps éteindra-t-elle le feu des âmes ?




Commenter  J’apprécie          389
Un meurtrier fuit la ville et la ses lumières agressives pour venir construire un barrage au fin fond d'une vallée chargée d'humidité. le feu contre l'eau, la violence contre la purification : la symbolique de ce court récit est évidente et le meurtrier qui a purgé sa peine mais pas son âme connaîtra une forme de rédemption en voyant la violence objectivée devant lui.
Il n'est rien de niais dans ce qui pourrait, à la lecture d'un résumé, passer pour un conte édifiant un peu simpliste. D'abord parce que la langue brutale ne laisse rien à l'imagination. Elle n'euphémise ni l'horreur du meurtre ni la bassesse d'un individu qui préférerait tuer encore, malgré la séparation d'avec ses petites filles. Ensuite parce que cette rédemption naît d'un récit ethnographique et que l'assassin brutal qui se prend pour Levi-Strauss nous en dit beaucoup sur ce qui définit l'humanité.
Le narrateur a tué sa femme parce qu'elle le trompait. Il ne veut plus voir ses petites filles parce qu'elles n'ont pas dénoncé leur mère. Il associe les membres de sa famille à des extensions de lui-même qu'il détruit comme on ampute un membre malade. L'autre n'est jamais considéré comme un individu autonome, au point que le meurtrier garde au fond de son sac, parmi ses objets personnels, des os qu'il a arrachés de la tombe profanée de sa femme.
L'autre n'est jamais considéré comme un individu autonome… jusqu'à ce que le narrateur se retrouve dans un pays inconnu où nul ne s'intéresse à lui. Mis en retrait, sa posture d'observateur l'oblige à regarder autrui indépendamment de ce qu'il pourrait en obtenir pour lui-même. Il voit enfin l'autre, cherche à le comprendre, apprend l'empathie…
Je trouve très belle cette idée qu'on ne peut se comprendre soi-même qu'en passant par l'étrangeté radicale, qu'il faut se confronter au lointain pour mieux se comprendre, soi. L'idée n'est pas nouvelle, bien sûr, Montesquieu nous avait déjà fait le coup avec ses Persans et Levi-Strauss avec les Indiens Nambikwara dont le cannibalisme lui semblait moins effrayant que notre système carcéral. Mais débarrassé de toute théorie, cet éloge de la différence est fascinant: en observant l'autre, je peux me voir enfin, sans l'interférence de mon amour-propre.
Mais, comme le dit la fin de ce roman, à ne vouloir que des semblables, nous détruisons ce qui fait la richesse de notre monde. Et au-delà c'est notre seule chance de nous contempler et de nous connaître que nous faisons disparaître : seul l'étranger peut nous sauver de l'ubris.
Commenter  J’apprécie          447
Court roman de Yoshimura d'excellente qualité.
Un récit envoûtant qui nous emmène dans une forêt très retirée du Japon où vit une communauté à l'écart du monde.
La construction d'un barrage à cet endroit compromet sa pérennité.
le narrateur est un homicide et vient expier dans cet endroit retiré ou tout du moins essayer d'oublier. Tout d'abord la narration est centrée sur ces sentiments et sur ce qui l'a amené là loin de tout. Ensuite sur le regard qu'il pose sur son environnement et cette communauté très discrète qu'il entraperçoit et dont il essaye de comprendre le comportement résigné face à son expulsion.
Suite à un viol et une pendaison sa contrition se retrouve dans le comportement des membres de la communauté. Deux mondes se rejoignent sur le terrain choisit pour la construction du barrage mais ils sont très dissemblables et n'ont pas les même valeurs. L'un doit disparaître.
le monde moderne et technique basé sur l'argent est une puissance en expansion qui va exclure le monde ancien séculaire, traditionnel qui lui vit simplement de la nature en prélevant juste ce qu'il faut.
Des coutumes japonaises, très dures pour les femmes, des croyances archaïques
toutefois partagées par les deux mondes
La fin m'a fait penser à Tolkien où la communauté des elfes se retiredans les profondeurs du monde pour éviter la contagion des nouveaux venus et se préserver. Un départ organisé avec minutie par la communauté , avec le désespoir de perdre quelque chose de sacré mais avec l'espoir de continuer à vivre ses traditions et comme elle l'entend à l'abri des regards. le monde moderne n'a pas d'emprise sur elle et elle retourne à sa place au coeur des ténèbres refermant la porte derrière elle.
La narration qui semble centrée au début sur le personnage attire ensuite imperceptiblement le regard du lecteur sur la communauté, ses maisons, sur ses pratiques
sociales. le lecteur est entraîné malgré lui à voir ce qui ne devait pas être vu de ce monde et a constater l'expiation de l'ouvrier meurtrier. Ce lieu aux conditions climatiques très difficiles froid humidité et à l'isolement qui mène à la solitude devient le purgatoire de l'ouvrier et de fait de la communauté.
Très bon livre Akira Yoshimura nous a immergé dans un monde dur mais enchanteur
Commenter  J’apprécie          62
un roman tout en délicatesse où le narrateur semble fuir la ville pour travailler dans un village recul, ouvrier parmi d'autres
Il cherche à prendre du recul, une quête l'obsède ...
Les villageois sont méfiants et les ouvriers ne parviennent pas à s'intégrer et la situation dégénère.
Tout en retenu, on pourrait dire très "asiatique" si ce terme veut dire quelque chose.
Je n'est pas été transporté, l'atmosphère étant très sombre avec une pluie incessante et plombante.
Asiatique soit, mais un peu trop complatif à mon goût même si c'est très bien écrit et traduit.

Commenter  J’apprécie          30
Un homme étrange, tout juste sorti de prison, fait partie d'une équipe chargée de construire un barrage en haute montagne. Après une marche difficile pour arriver sur le lieux des travaux très embrumé , ils découvrent que la vallée en question abrite un village. Ce qui ne remets pas en cause les travaux. Alors commence une étrange cohabitation entre les locaux et les ouvriers. le protagoniste assiste à ce spectacle qui entre en résonance avec son passée pour emmener vers une introspection et une rédemption .

Oeuvre à l'ambiance envoûtante qui nous transporte dans cette petite vallée mystérieuse et embrumé et qui est amplifié l'aspect mystérieux voir mystique par les étranges interactions entre les habitants et les ouvriers . le récit nous propose une introspection sur nos actions mais aussi celle de notre société que cela soit par le passée trouble du narrateur ou par la résilience des habitants pour le sort de leur village.
Commenter  J’apprécie          110
Un petit récit étrange qui happe le lecteur désorienté dans un paysage de montagne perdu dans un lieu inaccessible où la civilisation veut établir un barrage en inondant un hameau isolé en fond de vallée. On découvre le narrateur petit à petit et son histoire particulière qui vient le hanter en résonnance aux travaux de dynamitage qui provoquent de curieuses réactions chez les habitants proches du chantier. Vivant en autarcie, on observe leurs modes de vie et leurs rites d'un autre âge en se demandant comment leur expropriation va se passer. Il vaut mieux ne rien révéler d'ailleurs des péripéties de l'action car tout est fort étonnant dans ce curieux récit à l'atmosphère qui relève à la fois du fantastique et de la tragédie antique. Magnifique écriture de ce texte court traduit du japonais.
Commenter  J’apprécie          200
Je suis tombée complètement par hasard sur ce bouquin et ne savais pas du tout à quoi m'attendre. J'ai peu accroché au début, mais mon intérêt s'est accru au cours des pages avec la découverte d'un personnage particulier. Travaillant en écologie et étant attachée au respect du vivant dont l'humain fait partie, ce livre m'a particulièrement parlé. Cette histoire est très proche de nombreux combats menés actuellement où développement économique, préservation de l'environnement et des minorités, respect de l'autre et de ses croyances, etc. ne font pas bon ménage. J'ai beaucoup aimé le style d'écriture de l'auteur et en particulier le fait qu'il ne porte pas de jugement sur le récit, ce qui permet à chacun de réfléchir aux sujets abordés de près ou de loin.
Commenter  J’apprécie          20
Un tout petit livre, dans ce format si agréable de chez Actes Sud et à la couverture superbe : une photographie qui ressemble à un tableau …

D'entrée, j'ai été surprise par le « nous ». le narrateur s'efface derrière ce pronom et utilise peu le « je ». Il dit d'ailleurs qu'il est venu sur ce chantier du barrage pour « guérir » après une période d'incarcération. « le hameau qui avait bien voulu soigner ma blessure était en train de disparaître de cette vallée »

Petit à petit, au long du livre, il se «détachera » du groupe, se remettra à exister par lui-même et emploiera à nouveau le « je » jusqu'à l'utiliser couramment
On retrouve bien là, l'attitude des détenus, qui ont des difficultés à garder une identité propre car le rythme est imposé au groupe, par le groupe.

Le chantier d'un barrage n'est pas un chantier ordinaire, c'est un endroit à hauts risques où « La mort est une réalité prise en compte dès le début. »
On y vit tous ensemble, loin de sa famille, loin de la ville.

À côté du chantier un village, l'observation réciproque est finement écrite ainsi que les relations entre les deux entités.

L'eau, le vert, les os, la mort sont très présents mais jamais d'une façon lourde.

L'écriture est très asiatique, légère, poétique. Je la comparerai à une dentelle créée petit à petit, à points comptés sans se presser.

L'eau monte, inexorablement, mais pas l'angoisse … Comme souvent dans les contrées asiatiques, les hommes acceptent la vie, la mort avec « philosophie » continuant leur route …
Notre narrateur s'est réconcilié avec lui-même mais il ne nous laissera jamais entrevoir que ce qu'il a décidé de partager. le reste, même son nom, nous ne le saurons pas et je l'imagine en train de continuer sa route, se retournant vers moi, un sourire (à peine esquissé) énigmatique aux lèvres …

Lien : https://wcassiopee.blogspot...
Commenter  J’apprécie          60
Un court récit envoûtant ,
énigmatique , poétique ... la fin est splendide comme un tableau de Turner ... j'aime beaucoup la littérature japonaise et voici un auteur que je découvre ici. Dans cette histoire comme en esquisse , les mots semblent parler à notre âme, l'histoire finie , il s'est produit quelque chose d'indicible .
Commenter  J’apprécie          210
Un roman japonais plein de pluie et de mystères.

D'entrée de jeu, l'auteur qui ne situe ni les lieux ni le temps. C'est au Japon, quelque part dans les montagnes. C'est après la Seconde Guerre mondiale, puisqu'on avait retrouvé un avion américain dans la vallée, et quelques années plus tard, on a pensé y construire un barrage hydroélectrique.

Le narrateur est un homme qui sort de prison, il préfère s'éloigner de la ville et travailler sur des chantiers. Il est embauché pour les premières phases précédant la construction du barrage. Des conditions difficiles, car il pleut souvent, il fait froid dans leur campement sommaire. Les hommes doivent forer la roche pour s'assurer que sa solidité permettra d'arrimer le barrage.
Au fond de la vallée, un hameau qui sera éventuellement noyé par le barrage. Les constructeurs n'ont aucun contact avec les habitants qui vivent isolés dans leurs maisons aux toits recouverts de mousse. le narrateur observe d'en haut ces villageois qui n'ont pas de noms et qui agissent bizarrement.

Il y aura des drames, un viol, une pendaison, et toujours beaucoup de pluie…

Un roman de mystères qui ne se livrent pas tout à fait. Comme dans beaucoup d'aspects de la culture nippone, on reste avec des pourquoi et des comment. Mais cela ne nous empêche pas d'en apprécier l'atmosphère et les paysages…
Commenter  J’apprécie          433




Lecteurs (1238) Voir plus



Quiz Voir plus

Les mangas adaptés en anime

"Attrapez-les tous", il s'agit du slogan de :

Bleach
Pokemon
One piece

10 questions
889 lecteurs ont répondu
Thèmes : manga , littérature japonaiseCréer un quiz sur ce livre

{* *}