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sur 584 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Convoi de l'eau ou convoi de l'âme ?
Construction d'un barrage au fond d'une vallée ou expiation d'un carnage du fond d'une destinée ?

« Pour moi inhumer cette jeune femme était quelque chose d'important qui apaisait ma blessure du passé. »

Brume des sentiments et brouillard des agissements sont éclairés, clarifiés par les mots poétiques d'Akira Yoshimura.

L'eau comblera la vallée et avalera le passé du hameau qui ne sera plus porté que par la mémoire des hommes, véritable barrage à l'oubli des âmes.

On ne part jamais pour rien : certains pour oublier, au mieux pour estomper, faire taire les relents d'avant, d'autres y sont forcés par des intérêts d'état ou des tas d'intérêts.

Akira Yoshimura mêle avec esprit et malice le parcours d'un homme blessé et la bravoure d'un hameau sacrifié.

Tout en finesse, ce chassé-croisé m'a emporté et je suis parti avec eux, au plus profond de la forêt des êtres.

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Je ne suis pas familière de la littérature japonaise. Aussi ai-je abordé avec curiosité le roman de Akira Yoshimura : le Convoi de l'eau. Une fable assez déroutante pour moi en tout début de lecture par son atmosphère. L'eau sous toutes ses formes, la brume, la mousse, la forêt sont omniprésentes et constituent un décor un peu irréel, souvent oppressant par son caractère inhospitalier : "La vallée était sans cesse noyée sous la pluie ou le brouillard".
Dans cette nature pas toujours bienveillante évoluent des hommes qui n'appartiennent pas aux mêmes mondes. Les premiers, à commencer par le narrateur, sont les représentants de ces technologies avancées qui sont l'apanage de notre civilisation moderne. Ils sont là pour construire un barrage sur la rivière K. Les seconds sont les "habitants du hameau" celui même situé au fond d'une vallée qui constitue "une forme naturelle idéale pour un lac de retenue". Vous l'aurez compris, ce village doit être détruit et ses habitants devront le quitter dès que les autorités chargées de la construction du barrage l'auront décidé. La thématique sous-jacente à cette histoire est donc bien celle liée à la spoliation des droits des peuples autochtones face à une civilisation plus agressive que la leur et qui n'hésite pas à détruire tout ce qui fait obstacle au progrès, au profit et au confort...
Ce qui m'a beaucoup plus dans ce court roman c'est justement le traitement de cette thématique. Pas de condamnation directe, pas de jugement mais un regard, celui du narrateur, derrière lequel on sent la présence de l'auteur. Ce narrateur va, en effet, à la suite des résonances avec son histoire personnelle, être amené à observer avec intérêt ces "habitants du hameau". Et au fur et à mesure qu'avance l'histoire nous allons découvrir avec lui que ce petit groupe de femmes, d'hommes et d'enfants, fait preuve d'une humanité qui force notre respect.
D'abord profondément surpris et décontenancé par leur obstination de fourmis à reconstruire sans se lasser ce qui a été détruit par le dynamitage des rochers surplombant leurs habitations, il va découvrir petit à petit les valeurs qu'ils partagent. L'importance, par exemple, des rituels liés à la mort et qui dégagent à la fois une familiarité et un respect déconcertant pour les défunts et leurs restes. le narrateur va être aussi confondu par le soin et l'intelligence dont ils font preuve dans la gestion de leur environnement à savoir l'eau et la forêt. La cohésion et la solidarité de leur groupe seront également très présents dans l'organisation de leur départ...
Peu à peu et tout comme le narrateur nous passons de l'étonnement à une admiration sans réserve pour ces femmes et ces hommes qui font face à leurs "ennemis" mais sans la moindre agressivité ou précipitation.
La fin du roman est superbe, à la fois par son caractère hallucinatoire mais aussi solennel, onirique et symbolique. D'un symbolisme qui nous parle beaucoup à nous, femmes et hommes du XXIe siècle ! Mais je n'en dirai pas plus...
Je me rends compte en terminant cette chronique combien j'ai été impressionnée par la force de l'évocation de l'auteur face à ces "habitants du hameau". C'est une lecture sélective que j'assume mais qui n'est pas la seule possible;
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Le Convoi de l'eau… Un titre qui invite à la poésie, à la rêverie, à la douceur et au monde paisible.
Akira Yoshimura… Un auteur qui m'a subjuguée avec Naufrages, qui sait faire vibrer la corde sensible en moi, qui me rappelle mes voyages nippons et ravive mes sentiments et émois.

J'ai ouvert ce livre avec la délicatesse nécessaire à l'ouverture d'un cadeau précieux, consciente du trésor que j'allais y trouver.
J'ai dégusté sa première ligne. Simple. Belle. Dynamique. Joyeuse : « de l'avant de la file nous parvint un joyeux tumulte ».
Et me voilà plongée en terre connue… A flanc de colline, sur un sentier montagnard, à la file indienne, des amis devant, des amis derrière. Et ces rires qui fusent de ce bonheur d'être ensemble et d'humer l'air frais, admirant des paysages exceptionnels et savourant la brise légère qui rafraîchit nos visages sur lesquels perlent la force de l'effort.

Deuxième phrase : « Les voix qui s'élevaient dans la pénombre de la forêt déclenchèrent des cris aigus et les battements d'ailes d'oiseaux sauvages. »
La magie continue. Les regards émerveillés s'élèvent dans le ciel. Les nuages dessinent l'essentiel des rêves. Les oiseaux se détachent en un vol tumultueux et nous prennent à témoin. Leur tranquillité dérangée, ils n'ont de cesse que nous faire admirer leur beauté colorée.

Ca y est… J'y suis. Il n'a fallu que deux phrases pour que je sois totalement dépaysée, charmée, transportée.
Le reste du roman n'est que la suite d'un tapis tressé de mots sélectionnés et assemblés comme seul un orfèvre de la plume sait le faire. le style de Akira Yoshimura est unique et inimitable. Elle me touche au coeur. Et c'est là le trésor de ce livre.

Quant à l'histoire, j'avoue que je l'ai reléguée au deuxième plan, privilégiant la beauté du voyage textuel et la construction des phrases. Elle retrace le travail sans failles d'ouvriers engagés dans la construction d'un barrage en haute montagne et qui petit à petit se laisse interpeller par les us et coutumes mystérieux des villageois qu'ils vont devoir déloger. de nombreux passages décrivent le travail acharné des ouvriers, dans le détail. C'est la partie qui m'a le moins plu. le dernier tiers du livre est de loin le plus passionnant, chaque personnage se détournant de son devoir professionnel pour s'intéresser à l'autre, à sa culture, à ses émotions, à ses croyances.

La fin m'a laissée sur ma faim. Je voulais que l'auteur m'attire plus loin dans ses émotions. Dans les miennes. J'en voulais plus. Il m'avait donné à manger. Je voulais qu'il m'inonde de plaisirs littéraires. Mais Yoshimura a préféré me laisser la responsabilité de la suite de l'histoire. Seule sur mon chemin de montagne, me voilà un peu perdue. Est-ce parce que mes attentes étaient trop hautes ? Trop figées ? Trop intenses ?

« Devant mes yeux se succédaient les montages enneigées, indifférentes, en une étendue qui se déroulait à l'infini. ». J'ai refermé ce roman, touchée au coeur. Je me suis relevée après cette pause. J'ai remis mon sac à dos. J'ai repris le sentier de la vallée. Un peu grandie. Un peu différente. Consciente qu'un petit miracle vient d'avoir lieu.
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Un homme étrange s'engage au sein d'une équipe chargée de construire un barrage en haute montagne. Or, tout au fond de la vallée désignée, se dessinent les contours d'un hameau, inconnu et resté isolé de la civilisation depuis des dizaines d'années. Pourtant, les plans ne seront pas remis en question et le village est destiné à être englouti.

“Au fond de la vallée, deux mondes s'étaient constitués. Sans s'influencer l'un l'autre, à l'intérieur d'une frontière abstraite, ils semblaient mener chacun sa vie de manière indépendante.”

C'est un petit roman étrange et poétique que j'ai découvert ici. Très vite, l'écho se fait entre le destin du narrateur, cet ouvrier au sombre passé, et la petite communauté de villageois qui supporte sans broncher les envahisseurs et la destruction de leur territoire.

Mises en scène par de splendides descriptions, les montagnes semblent être un personnage à part entière, tour à tour menaçantes et accueillantes. Des paysages qui contrastent avec la violence des hommes de la ville, par leur comportement et leurs moeurs.

J'ai été littéralement envoûtée par l'atmosphère de ce texte, qui m'a transportée au coeur de ce hameau à travers les yeux de l'ouvrier. Un texte qui nous fait voir l'ampleur du gouffre entre la ville et la campagne, mais pas n'importe laquelle : une campagne pure, qui semble dénuée de vices, des notions de pauvreté ou de crimes. le culte des ancêtres, le rapport à la nature y occupent une place centrale.Un texte qui nous réconcilie pourtant avec les hommes, et nous laisse le coeur en paix.

Un roman à découvrir …
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Un meurtrier fuit la ville et la ses lumières agressives pour venir construire un barrage au fin fond d'une vallée chargée d'humidité. le feu contre l'eau, la violence contre la purification : la symbolique de ce court récit est évidente et le meurtrier qui a purgé sa peine mais pas son âme connaîtra une forme de rédemption en voyant la violence objectivée devant lui.
Il n'est rien de niais dans ce qui pourrait, à la lecture d'un résumé, passer pour un conte édifiant un peu simpliste. D'abord parce que la langue brutale ne laisse rien à l'imagination. Elle n'euphémise ni l'horreur du meurtre ni la bassesse d'un individu qui préférerait tuer encore, malgré la séparation d'avec ses petites filles. Ensuite parce que cette rédemption naît d'un récit ethnographique et que l'assassin brutal qui se prend pour Levi-Strauss nous en dit beaucoup sur ce qui définit l'humanité.
Le narrateur a tué sa femme parce qu'elle le trompait. Il ne veut plus voir ses petites filles parce qu'elles n'ont pas dénoncé leur mère. Il associe les membres de sa famille à des extensions de lui-même qu'il détruit comme on ampute un membre malade. L'autre n'est jamais considéré comme un individu autonome, au point que le meurtrier garde au fond de son sac, parmi ses objets personnels, des os qu'il a arrachés de la tombe profanée de sa femme.
L'autre n'est jamais considéré comme un individu autonome… jusqu'à ce que le narrateur se retrouve dans un pays inconnu où nul ne s'intéresse à lui. Mis en retrait, sa posture d'observateur l'oblige à regarder autrui indépendamment de ce qu'il pourrait en obtenir pour lui-même. Il voit enfin l'autre, cherche à le comprendre, apprend l'empathie…
Je trouve très belle cette idée qu'on ne peut se comprendre soi-même qu'en passant par l'étrangeté radicale, qu'il faut se confronter au lointain pour mieux se comprendre, soi. L'idée n'est pas nouvelle, bien sûr, Montesquieu nous avait déjà fait le coup avec ses Persans et Levi-Strauss avec les Indiens Nambikwara dont le cannibalisme lui semblait moins effrayant que notre système carcéral. Mais débarrassé de toute théorie, cet éloge de la différence est fascinant: en observant l'autre, je peux me voir enfin, sans l'interférence de mon amour-propre.
Mais, comme le dit la fin de ce roman, à ne vouloir que des semblables, nous détruisons ce qui fait la richesse de notre monde. Et au-delà c'est notre seule chance de nous contempler et de nous connaître que nous faisons disparaître : seul l'étranger peut nous sauver de l'ubris.
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Un roman japonais plein de pluie et de mystères.

D'entrée de jeu, l'auteur qui ne situe ni les lieux ni le temps. C'est au Japon, quelque part dans les montagnes. C'est après la Seconde Guerre mondiale, puisqu'on avait retrouvé un avion américain dans la vallée, et quelques années plus tard, on a pensé y construire un barrage hydroélectrique.

Le narrateur est un homme qui sort de prison, il préfère s'éloigner de la ville et travailler sur des chantiers. Il est embauché pour les premières phases précédant la construction du barrage. Des conditions difficiles, car il pleut souvent, il fait froid dans leur campement sommaire. Les hommes doivent forer la roche pour s'assurer que sa solidité permettra d'arrimer le barrage.
Au fond de la vallée, un hameau qui sera éventuellement noyé par le barrage. Les constructeurs n'ont aucun contact avec les habitants qui vivent isolés dans leurs maisons aux toits recouverts de mousse. le narrateur observe d'en haut ces villageois qui n'ont pas de noms et qui agissent bizarrement.

Il y aura des drames, un viol, une pendaison, et toujours beaucoup de pluie…

Un roman de mystères qui ne se livrent pas tout à fait. Comme dans beaucoup d'aspects de la culture nippone, on reste avec des pourquoi et des comment. Mais cela ne nous empêche pas d'en apprécier l'atmosphère et les paysages…
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Avec Yoshimura le dépaysement est total. L'écriture est sans fioritures, elle est simple, juste, elle est très agréable à lire. L'auteur nous décrit le paysage et installe une ambiance avec talent. Ici, il est question de choc de culture entre un Japon moderne et le Japon ancestral. On pourrait aussi dire qu'il s'agit d'un livre "écologique". Mais il est bien plus que cela, seulement je manque de mots ( ou de talent) pour le décrire . Comme souvent avec les auteurs Japonais, il n'y a pas une histoire, mais plusieurs histoires superposées.Il y a beaucoup de non-dit, tout est en nuances, en ambiances, en images .Yoshimura n'écrit pas, il dessine.
Inutile de dire ( mais je le dit quand même) que je lirai d'autres livres de ce grand auteur.
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C'est une histoire d'eau, d'os, d'o.

C'est une histoire d'eau.

Celle qui coule de source, qui descend de la montagne et qui alimente un hameau perdu dans une vallée enclavée.
Site « idéal » pour y construire une centrale électrique, mais pour ça il faut inonder les lieux, et les habitants n'ont pas les moyens d'y faire barrage. Pas contre le Pacifique, mais à grand renfort de dynamite. La montagne grogne jusque dans les maisons, au grand dam des villageois médusés.
De quoi mettre la pression, avant la mise en bière, au point de faire mousser la végétation luxuriante.

« Ce qui me frappa le plus, c'est l'épaisseur inhabituelle de la couche de mousse qui recouvrait les toits de chaume extraordinairement pentus. Toutes sortes de mousses devaient y vivre en symbiose, le vert gorgé d'eau brillait, lourdement détrempé. On aurait dit d'énormes créatures recouvertes d'une épaisse fourrure luisante blotties les unes contre les autres ».

Le narrateur a été embauché dans l'équipe des ouvriers affectés au chantier. le mur à construire l'isolera de son passé, lui le meurtrier de la femme adultère, à qui il a jeté la pierre, ou plutôt la bûche, sans voir les embûches, coincées dans sa conscience.
Bien avant le hameau, c'est lui qui est noyé, sous des flots de remords, surtout quand il découvre un autre cadavre, blancheur immaculée suspendue au bout d'une corde, geste ultime d'une jeune fille après le viol de l'innocence.

Inonder la vallée pour effacer les traces, engloutir les souvenirs pour apaiser les sentiments, l'eau s'écoule en ruisseau mélancolique, mais aussi en torrents de larmes. Peut-elle apaiser l'esprit tourmenté ?

C'est une histoire d'os.

Ceux des restes des squelettes du cimetière qui vont être récupérés avant le naufrage rappellent les ossements de l'épouse déshonorée précieusement conservés par l'auteur de la profanation.

« Ils cherchaient clairement à déterrer les ossements qui reposaient sous les sépultures. de plus, ils cherchaient à obtenir quelque chose d'équivalent aux doigts de pied de ma femme qui reposaient au fond de mes affaires personnelles ».

Os-mose os-tensible, effet miroir, silence onirique des os qui désarticulent l'agitation destructrice de la roche. L'os ment-il ?

C'est une histoire d'o.

O, Oméga, la fin d'un monde.
Hameau, forêt, ruisseau, torrent.
Chaume, paulownia, sol, roche.
Violence, profané, explosion, détonation.
Corde, cloche, cocon, torche.
Faute, mort, colère, corps.
Onirique, introspection, procession, flot.
Chizuko, Yodono, Shogi, Shinto.

Des « o » pour des mots, des mots pour des maux.
Une écriture envoûtante, descriptive, poétique.

« Toute l'étendue du ciel délimité par les crêtes était semée d'innombrables petites taches noires qui ressemblaient à des graines de sésame. Dont les groupes s'entrechoquaient à toute vitesse, saturant le ciel de cris stridents ».

Les échos des blessures se répercutent dans la montagne.
Violence, colère, vengeance s'entremêlent avec la beauté des lieux.

« L'air de la vallée était froid, le torrent charriait les feuilles rouges de l'automne. (…)
Presque toutes les feuilles étaient tombées, les branches des cimes, dénudées, pointaient comme si elles étaient mortes ».

La fin est impressionnante, de quoi en rester bouche bée, les lèvres en forme de « o ».

L'eau des corps éteindra-t-elle le feu des âmes ?




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C'est en lisant la critique pleine de sensibilité d'Asterios que j'avais noté ce livre. Je ne regrette pas qu'il ait désormais sa place dans ma bibliothèque. Comme tous les livres de littérature asiatique lus jusqu'à présent, toujours, l'écriture est douce et poétique, même si elle relate un drame. le Convoi de l'eau est un drame humain comme il y en a eu beaucoup.

Le narrateur s'engage dans une expédition chargée de construire un barrage en haute montagne. Dans la vallée bordée de forêts, un petit hameau, où un peuple y vit depuis des centaines d'années, loin du monde moderne. Les travaux de construction, au fil des mois, transformeront totalement le paysage en coupant les arbres, en dynamitant la montagne. Mais ce n'est pas assez. Ce peuple est de trop. Il gêne autant l'avancée des travaux que la conscience des ouvriers et ingénieurs. Devant leur passivité, d'autres équipes arriveront, par centaines d'hommes, suivies de négociations financières. Mais que pourraient-ils faire d'argent dont ils n'ont jamais vu la couleur ?

Le Convoi de l'eau est un petit livre qui relate la détresse de ce peuple autochtone. Sans jamais leur laisser la parole, l'auteur nous fait entendre leur cri de désespoir, un cri qu'eux seuls entendront.
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Quand un homme prend une vie, il s'expose à ouvrir la porte aux fantômes. Et quand bien même aurait-il, comme on dit, « payé sa dette à la société », pour peu qu'il ait à la fois une conscience et une mémoire, les fantômes seront là. Appelons-les culpabilité, remords, angoisse, qu'importe… ils seront là, tapis au creux de la nuit, hantant les rêves et les cauchemars. Ils seront là. Toujours.

Le roman s'ouvre sur l'avancée, à flanc de montagne, quelque part au Japon, d'un mystérieux convoi, un groupe d'hommes encordés qui s'acheminent peu à peu dans les brumes du soir. Tout en bas, dans une vallée encaissée au fond d'un ravin, un très ancien village : quelques maisons, un temple et un immense cimetière. C'est un hameau oublié de tous, isolé au milieu des montagnes, replié sur ses traditions, au coeur de cette vallée perdue et condamnée : car les hommes qui s'avancent en convoi sont des ouvriers chargés de l'édification d'un barrage ; bientôt la vallée ne sera plus qu'une retenue d'eau, et le village sera noyé.

Parmi ces hommes, le narrateur, qui se dit « différent des autres ». de sa vie, qu'il nous dévoile peu à peu, nous apprenons qu'il a purgé une peine de quatre ans de prison pour le meurtre de sa femme adultère, à qui il voue toujours une haine tenace. Et tandis que le chantier progresse à grands coups de dynamite et que les habitants du village – présences furtives et fantomatiques – rassemblent à la hâte les ossements de leurs morts et s'apprêtent au départ, le narrateur développe à leur égard une empathie étrange et bouleversée…

La culpabilité et le besoin éperdu de rédemption et d'apaisement sont au coeur de ce très beau roman où la nature est omniprésente. La montagne, la forêt et la pluie, obsédante, dressent un théâtre d'ombres et de brouillard, un huis-clos étouffant où se jouent le drame d'une communauté préservée amenée à disparaître sous l'irrésistible avancée du progrès et des nécessités économiques, et le destin d'un homme à l'âme troublée et comme marqué au front par le sceau du sang répandu et de la faute.

Un roman sombre et fort qui monte peu à peu en puissance jusqu'à son dénouement final, et une belle lecture – bien que l'écriture (la traduction ?) ne m'ait pas tout à fait enthousiasmée.

[Challenge MULTI-DEFIS 2019]
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