Il y a trois artistes en Goya : le Goya monumental (peintre des fresques et des sujets historiques), le portraitiste, l'aqua-fortiste. Le plus connu des trois c'est l'aqua-fortiste ; la planche gravée court de main en main; elle se multiplie, se copie et se multiplie encore, franchit les frontières, se collectionne et sert d'objet d'études bénéficiant de l'immense publicité de l'impression. S'il n'y avait en Goya qu'un homme, l'aqua-fortiste, il devrait encore occuper une belle place, non pas tant par le côté purement artistique que par le côté philosophique de son oeuvre, mais le graveur ne peut pas être séparé du peintre, car ses plus grandes œuvres rappellent la singularité et le côté étrangement philosophique de ses eaux-fortes.
Mais ce qui appartient en propre à Goya, c'est son génie profondément original, son point de vue tout personnel, son mode de sentir et de comprendre, sa mise en scène qui n'a pas d'analogie, ses intentions absolument neuves, cette curiosité ardente qui le pousse en avant pour pénétrer jusqu'aux entrailles mêmes de son sujet, lui faisant rendre tout ce qu'il peut, l'épuisant jusqu'à la lie, elle présentant toujours dans son paroxysme.