Professeur d'histoire au St Anthony's collège d'Oxford, Zeldin publie les cinq tomes de cette histoire entre 1993 et 1977. La traduction française est réalisée en 1978.
Ambition et amour ; Orgueil et intelligence ; Goût et corruption ; Colère et politique ; Anxiété et hypocrisie ; sont les titres des cinq tomes.
Leur seul énoncé nous parle encore en 2017. Zeldin débute sa préface de l'édition française par : Mon but est de vous déshabiller, pour découvrir ce que vos aïeux sentaient ; il m'a fallu distinguer entre ce qu'ils disaient et ce qu'ils faisaient. J'ai essayé d'examiner les illusions qu'ils avaient sur eux-mêmes et le processus par lequel ces illusions furent acceptées comme des vérités.
L'analyse de Zeldin est structurée autour de la déconstruction de deux mythes : celui de la France bourgeoise et celui de la division des français entre la gauche et la droite. En partant des individus et non des concepts, des comportements réellement constatés pour affronter les difficultés du monde, la vision de notre pays est bien différente de celle sublimée par le discours politique. Les divisions catégorielles et les concepts idéologiques ne résistent pas au scalpel de Zeldin.
Nous percevons bien aujourd'hui cette faillite des intellectuels et des politiques qui ont tenté de mettre de la cohérence dans nos complexités individuelles sans proposer une vision collective en phase avec le monde tel qu'il est et en ignorant que la confiance était rompue depuis longtemps. Quand la France était paysanne, on l'a vendue solidaire et intellectuelle, on a nié les racines guerrières et la nation militaire et il y a depuis plus d'un siècle des lamentations des élites intellectuelles sur la décadence mais cette décadence est avant tout celle des mythes.
Le constat de Zeldin selon lequel les trois-quarts de la population estiment que la réussite est possible avec un dur labeur et que seul un tiers des intellectuels partage cette opinion explique beaucoup de notre situation actuelle et je suis quasiment certain que cette proportion est toujours pertinente.
Autre constat de Zeldin : la faillite de l'école publique expliquée par la toute-puissance que lui a donné l'Etat au début du 20eme siècle pour contrer l'Eglise. le système mis en place a eu bien sûr des aspects positifs, mais sa centralisation et sa massification ont créé une structure qui a échappé à tout contrôle et qui ne rend plus les services attendus. En ravalant l'économie loin derrière les mythes, le système d'État ne nous a pas préparé aux évolutions du monde. Ce qui a été constaté à la date de la rédaction des Passions françaises, a malheureusement perduré. Les sociétés du spectacle et maintenant celle des réseaux sociaux ont été imaginées pour compenser les inégalités que les États ne sont plus en capacité de réduire. La contrepartie en a été l'explosion des médiocrités et des communautés de toute nature.
Dans sa conclusion générale Zeldin dit de son ouvrage : « qu'il est un commentaire sur la difficulté pour une nation d'opérer des choix, de forger son identité et d'acquérir le détachement nécessaire pour juger ce qu'elle fait »
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