Thérèse Raquin, publié en 1867, bien avant le cycle des Rouquon-Macquart commencé en 1871, le troisième roman de
Zola, le fera connaître du grand public. Quelques années plus tard, en 1873, il en tirera une pièce de théâtre qui obtiendra un certain succès. le roman, jugé pornographique, est très mal accueilli par la critique, notamment par le journaliste
Louis Ulbach qui publie dans
Le Figaro un article virulent intitulé "La littérature putride". Dans la préface de la seconde édition,
Zola se justifie en ces termes: "Dans
Thérèse Raquin, j'ai voulu étudier des tempéraments et non des caractères. Là est le livre entier. J'ai choisi des personnages souverainement dominés par leurs nerfs et leur sang, dépourvus de libre arbitre, entraînés à chaque acte de leur vie par les fatalités de leur chair. Thérèse et Laurent sont des brutes humaines, rien de plus. J'ai cherché à suivre pas à pas dans ces brutes le travail sourd des passions, les poussées de l'instinct, les détraquements cérébraux survenus à la suite d'une crise nerveuse (...)On commence, j'espère, à comprendre que mon but a été un but scientifique (...)étant donné un homme puissant et une femme inassouvie, chercher en eux la bête, ne voir même que la bête, les jeter dans un drame violent, et noter scrupuleusement les sensations et les actes de ces êtres. J'ai simplement fait sur deux corps vivants le travail analytique que les chirurgiens font sur des cadavres."
Le style: bien que
Zola soit avant tout un journaliste, on peut souligner la richesse de sa plume, utilisant de nombreux adjectifs et adverbes: "Une fois, il resta jusqu'au matin sous un pont, par une pluie battante; là, accroupi, glacé, n'osant se relever pour remonter sur le quai, il regarda, pendant près de six heures, couler l'eau sale dans l'ombre blanchâtre..." (Page 146); sa musicalité: "...les vitrines, faites de petits carreaux, moirent étrangement les marchandises de reflets verdâtres; au-delà, derrière les étalages, les boutiques pleines de ténèbres sont autant de trous lugubres dans lesquels s'agitent des formes bizarres." (Page 15) et le sens de la description, sa capacité à restituer une atmosphère particulière en quelques mots, comme dans le passage suivant, qui ont fait sa notoriété: "Les bonnets neufs, d'un blanc éclatant, faisaient des taches crues sur le papier bleu dont les planches étaient garnies. Et, accrochées le long d'une tringle, les chaussettes de couleur mettaient des notes sombres dans l'effacement blafard et vague de la mousseline." (Page 18)..."Ils s'attablèrent sur une sorte de terrasse en planches, dans une gargote puant la graisse et le vin. La maison était pleine de cris, de chansons, de bruits de vaisselle." (Page 91)
Le roman étant en lui-même une étude physiologique de tempéraments, il comporte peu de dialogues et de scènes d'action, mais de nombreux passages construits comme un compte-rendu médical, ce qui lui confère une certaine sécheresse et un manque de rythme qui pourraient rebuter le lecteur moderne. Cela dit, la puissance de l'évocation et la tension dramatique compensent cet inconvénient: "Thérèse n'avait pas faim; seulement elle était lasse et inquiète. Elle ignorait les projets de Laurent, ses jambes tremblaient sous elle d'anxiété."
L'intrigue:
Thérèse, orpheline, est élevée par la soeur de son père, elle-même veuve et mère d'un garçon à la santé fragile, Camille. Arrivés à l'âge adulte, les deux cousins se marient. Aux côtés de leur mère/tante, ils vivent une vie sans éclat à la campagne. Mais très vite le jeune homme se lasse et rêve de travailler dans une grande administration parisienne. Madame Raquin acquiert alors une boutique et un logement situés dans le passage du Pont-Neuf. Les deux femmes ouvrent une mercerie tandis que Camille se fait embaucher dans l'administration des chemins de fer d'Orléans.
Tout pourrait aller pour le mieux si un jour Camille ne présentait à sa famille son collègue Laurent, un ancien camarade d'école, peintre raté, vivant chichement dans une mansarde. Peu à peu, le jeune homme devient un habitué de la maison Raquin. Il peint le portrait de Camille, prend ses repas en famille et...devient l'amant de Thérèse, frustrée par sa vie conjugale bien plate et sans passion. Laurent et Thérèse, unis par leur rêve d'une vie de paresse et d'insouciance, trouvent le mari bien encombrant.
Un dimanche, lors d'une promenade en barque, ils le poussent par-dessus bord et le noient, faisant passer leur forfait pour un regrettable accident. Quelques mois, plus tard, les deux amants maudits se marient. Commence alors une descente aux enfers bien pire que la mort...
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