John Gload s'est installé devant sa ferme pour attendre les policiers venus l'arrêter. Pour cet homme redoutable, c'est la fin d'une longue carrière criminelle. Les agents se montrent brutaux et insultants. Seul Valentine Milimaki, un des adjoints du Shérif, se distingue par son calme et son respect. Il surprend même le criminel quand il lui pose des questions sur son verger.
Les deux hommes se retrouvent à la prison du comté où Gload est incarcéré pour la durée de son procès. Milimaki est d'abord chargé d'escorter le vieil homme dans la journée puis il est affecté à la garde de nuit de la prison. Leurs rares conversations distantes et banales au départ donnent désormais place à de véritables échanges. Les deux hommes vont se trouver de nombreux points communs. Ils souffrent tous les deux de terribles insomnies, ils ont une même passion pour l'agriculture et ce sont de véritables solitaires.
Milimaki est à une période critique de sa vie. Son manque de sommeil l'enfonce dans un étourdissement brouillant les limites entre rêve et réalité. Sa femme vient de le quitter. Il ne parvient pas à s'accoutumer à son nouveau poste à la prison et un traumatisme de sa jeunesse lui revient à l'esprit en permanence. Milimaki est parfois chargé avec l'aide de son chien de retrouver des personnes qui se perdent ou disparaissent dans les grands espaces du Montana. Quand il arrive trop tard, il prend les cadavres en photo pour une collection macabre qu'il tient pour lui-même.
Ces deux hommes fermés et peu causants vont progressivement s'ouvrir l'un à l'autre. Pour justifier ces visites, Gload va égrener au fil du temps des révélations sur des affaires oubliées. Si Milimaki veille à maintenir une distance,
Kim Zupan montre comment, au fur et à mesure, les barrières tombent, les langues se délient et les coeurs s'ouvrent. L'écriture au rythme lent oscille entre les descriptions lyriques de la nature, le récit sans pathos de faits criminels et les échanges pudiques entre ces deux êtres taciturnes. le récit est entrecoupé de souvenirs, d'hallucinations ou de visions cauchemardesques. Les existences qui se révèlent progressivement ajoutent à ce roman la beauté et la force tranquille suggérées par les paysages du Montana.
A mes yeux, "
les arpenteurs" est un des plus beaux romans des éditions Gallmeister.