la vraie mission de l'écrivain,...est de sauvegarder et de défendre dans chaque homme l'humanité de tous.
Nous autres, jeunes gens, dans le cocon de nos ambitions littéraires, remarquions peu de chose de ces dangeureuses transformations dans notre patrie: nous n'avions d'yeux que pour les livres et les tableaux. Nous ne prêtions pas le moindre intérêt aux problèmes politiques et sociaux. Que signifiaient dans notre vie ces violentes querelles ?
(pp.86-87)
Comme pour toutes les choses essentielles de la vie, ce n'est jamais par l'expérience d'autrui que l'on acquiert ce genre de connaissances mais toujours par sa propre destinée.
Il nous convient à nous, les hommes d'aujourd'hui, qui depuis longtemps avons retranché de notre vocabulaire le mot "sécurité", de railler le délire optimiste de cette génération aveuglée par son idéalisme naïf et qui se persuadait que les progrès techniques de l'humanité devaient entrainer fatalement une aussi rapide ascension sociale. Nous qui avons appris dans le siècle nouveau à ne nous étonner plus d'aucune explosion de la bestialité collective, nous qui attendons de chaque jour qui se lève des abominations pires que toutes celles qui ont précédé, nous sommes singulièrement plus sceptiques quant à la possibilité d'élever moralement les hommes.
La guerre ne peut s'accorder avec la raison et l'équité. Il lui faut l'enthousiasme pour sa propre cause et la haine de l'adversaire
Il faut le rappeler sans cesse, rien n'a aigri, rien n'a rempli de haine le peuple allemand, rien ne l'a rendu mûr pour le régime de Hitler comme l'inflation.
Dans des conditions normales, le nom que porte un homme n'est rien de plus que la bague pour un cigare : une marque distinctive, un objet extérieur et presque sans importance, qui n'a qu'un lien assez lâche avec le véritable sujet, le moi essentiel. Mais en cas de succès, ce nom s'enfle démesurément. Il se détache de la personne qui le porte et devient par lui-même une puissance, une force en soi, un article de commerce, un capital, et par un violent choc en retour, il devient intérieurement une force qui se met à influencer, à dominer, à transformer l'homme qui le porte.
...
Je ne veux pas dire par là que je n'étais pas heureux de mon succès. Au contraire, il me réjouissait fort, mais seulement dans la mesure où il se limitait aux productions de mon esprit, à mes livres, et aux schèmes de mon nom qui y étaient liés.
Ce qui était écrit dans le ""Feuilleton " leur paraissait garanti par la plus haute autorité, car quiconque y prononçait son verdict provoquait le respect par sa seule position...Quand j'allais au théâtre, on se montrait cet énigmatique benjamin qui avait si mystérieusement pénétré dans l'enclos sacré des anciens et des vénérables. Et comme je publiais souvent et presque régulièrement dans le Feuilleton, je courus bientôt le risque de devenir une personnalité locale fort en vue.
(p.136)
A l'égard de tous les records d'adresse ou de vitesse, j'en suis demeuré inébranlablement au point de vue du Shah de Perse qu'on voulait persuader d'assister à un derby et qui répondit avec sa sagesse d'Oriental : " A quoi bon ? Je sais bien qu'un cheval peut courir plus vite qu'un autre. Il m'est indifférent de savoir lequel."
L'adaptation au milieu-au pays-dans lequel ils vivent n'est pas seulement pour les Juifs une mesure de protection extérieur,mais un besoin intérieur.Leur aspiration à une patrie,à un repos,à une trève,à une sécurité,à un lieu ou ils ne soient pas des étrangers les pousse à se rattacher avec passion à la culture du monde qui les entoure.