Avant de de critiquer librement «
Sahara », il faut mettre un visage sur Cyzia
Zyke. Cet homme, c'est une brute, un mastodonte vulgaire invité par
Bernard Pivot sur « Apostrophe » en 1985 avec la chemise ouverte, une gitane au bord des lèvres, qui arrivait à tenir
Olivier de Kersauson en respect en racontant à demi-mot ses viols et ses meurtres. Voilà, vous savez….désormais, à vous de choisir si vous ouvrez la couverture du bouquin pour découvrir, essayer de comprendre, mais attention….vous ne serez plus jamais vraiment la même personne après cette lecture (les critiques binaires en attestent d'ailleurs).
Qui est cet homme ? Un bandit notoire bordelais, habitué des séjours en prison avant sa majorité. Après ses 18 ans, un légionnaire ultraviolent rêvant d'aventures exotiques, après son licenciement de l'armée on le verra pilleur de tombes en Argentine, et il deviendra aventurier orpailleur en Amérique Centrale, une tranche de vie dont il publiera les mémoires dans «
Oro ». Par la suite, on le verra roi des mafieux et homme de main à T
oronto dont il racontera les anecdotes dans «
Parodie », puis passeur clandestin et roi du marché noir automobile africain, épisode passé à la postérité dans «
Sahara ». Il continuera ses pérégrinations criminelles jusqu'à son décès en 2011, avec, en fil rouge, une tentative de carrière littéraire concurrençant les SAS de Gérard de Villiers, dont il ne subsiste qu'une dizaine de navets.
«
Sahara » est moins populaire qu' «
Oro ». Pour être honnête, l'effet de surprise est passé après la découverte de cet aventurier véreux ! A quoi s'attendre après tant d'actes abjectes, tant de dédain et de mépris pour la race humaine. Et pourtant, malgré l'absence totale de talent littéraire, et le manque de maitrise technique, Cyzia
Zyke accomplit l'exploit de nous transporter dans un autre monde, l'Afrique. Devant la vulgarité de ses lettres et son illettrisme manifeste, on aurait pu croire à une transposition d' «
Oro » sur un autre continent. Et bien non. La force de Cyzia, c'est son honnêteté. Bien conscient de ne pas être un homme de lettres, il raconte sa nouvelle quête sans structure, sans logique, mais en toute chronologie, sans jamais calculer quoi que ce soit. Aucune technique littéraire ici, juste une tranche de vie sincère.
Cette fois, il traversera l'Afrique et le
Sahara plusieurs fois, à la tête d'un cortège de voitures et de camions
à refourguer au Mali. Poursuivi par la douane, recherché par les flics, il slalomera entre politiciens véreux, et villages africains miséreux. On découvre ici une once de sentiment et de culpabilité. Autant, il dénigrait les costaricains, les traitait comme des bêtes, autant les africains l'apitoient, suscitent sa sympathie. Une autre aventure qui, malgré les apparences, n'évoque pas du tout les précédentes aventures de Cyzia ! Incontournable également.