Ce problème de la revivification de la Religion est maintenant à l'ordre du jour. Tandis que des hommes de bonne volonté recherchent les moyens d'infuser une vie nouvelle à leur confession particulière, d'autres se demandent si l'abandon des différences surannées d'opinions divisant les Églises et l'établissement d'une sorte de Religion Universelle ne sont pas indispensables si l'on veut que la Religion joue un rôle dans l'Ordre nouveau de notre planète.
Loin de diminuer la valeur de la Religion, notre nouvelle conception de la réalité vivante renforce plutôt sa position. Depuis l'Ecclésiaste disant que toute chose était vaine jusqu'à la déclaration de Jésus : « Mon royaume n'est point de ce monde », notre religion occidentale a essayé d'amener les hommes à attacher peu d'importance au monde tel que nous le connaissons. Même aujourd'hui, alors que beaucoup d'ecclésiastiques ont été amenés à faire une part croissante aux facteurs économiques et sociaux, au moins en tant qu'objets de l'activité morale, il y a encore un domaine important de la religion qui est entièrement tourné vers l'autre monde, c'est celui de l'aspiration mystique.
Par un paradoxe piquant, la religion n'a jamais exercé une influence aussi faible que depuis qu'elle semble considérer l'intervention dans les affaires du siècle comme une de ses fonctions principales. Le philosophe danois Hoffding a exprime très heureusement le changement survenu dans l'attitude des Églises, disant que si, auparavant, elles considéraient la Religion comme une colonne de feu marchant à l'avant-garde des Nations, et les menant à Dieu, maintenant elle est devenue comme une sorte de voitureambulance suivant l'arrière de la colonne et ramassant les éclopés et les vaincus.
Le mysticisme libère également les théologiens du cercle vicieux consistant à essayer d'arriver à la connaissance de Dieu au moyen de la raison telle qu'elle est engendrée par nos expériences courantes. Cette prétention est insoutenable à la lumière de notre nouvelle connaissance de la nature arbitrairement restreinte et sélective de l'origine de nos perceptions.
Ainsi le mysticisme joue très heureusement le rôle de médiateur pour les esprits religieux désirant concilier la Religion et ses impératifs moraux indispensables avec une conception du monde admise par la science empirique. Tout en acceptant les arguments psychologiques de l'idéalisme, ils admettent cependant la réalité pratique de l'Univers objectif.