Avertissement de début de lecture : ce livre s'adresse essentiellement aux éco-anxieux en tout genre, avec tendance effondriste. Je ne m'y attendais pas forcément en lisant la quatrième de couverture, pensant parcourir un ouvrage explorant la vague de grande démission qui a suivi l'épidémie de coronavirus, traitant plus globalement de la valeur-travail et du besoin d'un métier qui fait sens tout en étant positif socialement et écologiquement. C'est un peu ça, mais axé collapsologie. Maintenant que c'est clair, allons-y.
Autant le dire tout de suite : dès que j'ai compris mon erreur sur la thématique de l'ouvrage, je n'étais plus trop convaincue et je me suis retrouvée un peu déstabilisée par l'introduction mi-collapso mi-développement personnel de
Bifurquer par temps incertains. Ça fait un peu "bobos qui s'installent à la campagne pour faire un potager et apprendre le yoga". Ça part un peu dans tous les sens, aussi, et on se demande où l'autrice veut en venir.
Et puis, à un tiers du livre, ça démarre :
Laure Noualhat entre dans le vif du sujet et nous projette dans les questionnements de ces personnes qui ont choisi de changer de vie pour lancer des projets de lieux partagés, éco-villages, collocations écolo radicales, pour se préparer à un monde aux ressources limitées. En s'appuyant sur de nombreux témoignages, l'autrice décortique ces rêves, ces déviations, mais aussi les crispations, les difficultés : car le monde des éco-lieux n'est pas parfait. Il faut en effet pouvoir gérer la masse de travail, la vie en commun, l'organisation de la gouvernance, les divergences entre intentions collectives et personnelles, etc. Des réflexions passionnantes qui peuvent se transposer au monde associatif en général - avec, en plus, une tonne de ressources en fin d'ouvrage pour pousser la réflexion à un niveau personnel et collectif.
Dans un sujet pourtant un peu un peu casse-gueule, l'autrice parvient également à insuffler des réflexions sur la problématique de l'entre-soi (et comment gérer l'intégration dans un village qui n'a pas forcément envie d'écolos urbains), de la péri-urbanisation et de l'accès financier à ce type de changement de vie.
Cela dit, les limitations se tiennent dans la thématique même de l'ouvrage : on parle de collapsologie, de "se préparer", mais pas beaucoup de la lutte contre le système en place, et de projets tout aussi radicaux (si pas plus) que ces éco-lieux (comme des Zones à Défendre par exemple), ce qui aurait permis de politiser le propos et de sortir d'un entre-soi collapso un peu bobo/néorural.
Un bel ouvrage plein de ressources, servi par une très jolie plume et tout en subtilité sur les joies et les difficultés d'une bifurcation écolo, donc, même si avec ses limitations effondristes !
//Merci aux éditions Tana et à Babelio de m'avoir permis de découvrir ce livre dans le cadre de la Masse critique !//