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Critiques de Alain Damasio (1577)
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Novak et son Ai-phone

Très prisé par les internautes, 01net est un site internet traitant des nouvelles technologies et proposant des accès à des téléchargements aussi bien qu'à des astuces ainsi qu'à, depuis début septembre, une nouvelle d'un des auteurs français de SF les plus réputés, j'ai nommé M. Alain Damasio. « Novak et son Ai-Phone » est donc un texte inédit dont l'auteur a autorisé la publication via 01net et dans lequel on retrouve sans surprise l'un des thèmes phares de Damasio : la dépendance technologique. Comme dans « La Zone du Dehors » ou encore certaines des nouvelles présentent au sommaire de « Aucun souvenir assez solide », l'auteur propose une fois encore à ses lecteurs de réfléchir en profondeur à la société dans laquelle nous vivons. A l'heure où l'I-phone est devenu le gadget favori de milliards de personnes dans le monde, où on met à disposition du consommateur un nombre incalculable d'applications capables aussi bien de nous orienter que de nous informer avec précision de notre fréquence cardiaque ou du temps qu'il fera demain, quelle avenir pour notre société ? Et pour nous ?



Dans ce texte très court composé de quatre parties, Damasio met en scène un monde qui pourrait sembler relever de la pure fiction (la vie entière d'un individu réside désormais dans son i-phone dont il se sert aussi bien pour prouver son identité que pour acheter à manger ou encore louer un vélo), mais dont le lecteur pressent qu'il pourrait bien devenir une réalité d'ici quelques années. Ne vivons-nous pas déjà dans une société qui tend à tout informatiser et où chaque nouveau gadget offre encore davantage de possibilités de centraliser toutes les informations nous concernant en un même appareil ? Par le biais de cette petite nouvelle, l'auteur nous pousse à nous interroger sur l'impact que pourrait avoir, à long terme, la dépendance de plus en grande qui lient les utilisateurs à leurs « machines ». Parviendrions-nous encore à nous orienter si nous ne pouvions plus rechercher notre itinéraire sur Google Maps, ou bien à contacter quelqu'un si nous n'avions plus accès à notre répertoire, ou encore à nous habiller sans savoir s'il fera beau ou non dans une heure ?



On devine facilement ce que l'on gagne à se fier à toutes ces applications et ces gadgets dernier cri supposés nous faciliter la vie. Mais sommes-nous bien conscients de ce que cette dépendance nous fait perdre ? On peut à nouveau remercier Damasio pour la qualité de sa plume, et surtout de sa réflexion.



NB : La nouvelle m'a beaucoup fait penser par certains côtés à l'excellent film « Her » sorti cette année . On y découvrait un monde futuriste où la technologie en était venu à occuper une place encore plus grande dans la vie de chacun et dans lequel le héros, Joachim Phenick, tombait amoureux de la voix de son portable (Scarlett Johanson).





Lien : http://www.01net.com/editorial/626460/exclusif-novak-et-son-ai-phone-le-court-cauchemar-dalain-damasio-part-1/
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La Horde du Contrevent

La Horde du Contrevent, une claque tellement forte que vous en entendrez grésiller le vent par vos oreilles, vos narines et votre peau.Beaucoup se sont écroulés avant de passer le col de la moitié du roman, d’autres sont passés et ont abandonné avant l’Extrême-Amont. Les lecteurs arrivés en bout de parcours ont chacun leur réaction propre : l’adhésion ou le rejet total. Alain Damasio, dans son génie, a réussi à pondre un roman qui réussit à animer tous les sentiments.



Un ovni entre science fiction, pour la quête scientifique et philosophique, et fantasy pour les décors et le mysticisme. La Horde du Contrevent est d’une telle densité que, dès la première page, il vous propulse ailleurs et que, dès le livre refermé, il vous propulse sèchement dans le monde réel. Que l’on aime ou pas, on est tous unanimes sur une chose : la métaphore filée du contre chez le lecteur.

(...)

Le véritable roman ne commence qu’à la moitié du roman. Ou peut-être un peu avant, vers l’épisode du Corroyeur juste avant la Tour Fontaine.

(...)

Les personnages, trop nombreux au début, deviennent attachants au fur et à mesure. J’ai vibré avec eux dans Norska, chuté avec eux dans l’Extrême-Amont. Certains personnages restent malgré tout très en retrait à tel point qu’à la fin du roman, on peut se demander qui il était et où il était dans l’intrigue.

Mes deux passages favoris sont la halte à Alticcio et le passage de Norska à l’Extrême-Amont. Alticcio nous réserve énormément de surprise pour le nœud de l’histoire, mais c’est aussi le lieu d’un duel entre Caracole et un maître de la parole. Les littéraires jouiront devant les exercices de style.

En d’autres termes, La Horde du Contrevent est un livre à l’écriture et la conception élitiste mais qui veut emmener avec soi le plus de monde possible à son bord pour (re)découvrir une philosophie existentialiste. Il est difficile de le résumer sans en dévoiler de trop. je vous invite donc au voyage en vous demandant de patienter avant de sauter du train, car les personnages eux aussi luttent pour survivre.
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Vallée du silicium

Un début de lecture un peu difficile, je ne suis pas une lectrice assidue de Damasio et j’ai eu parfois la sensation qu’il se faisait plaisir à parler (écrire) en oubliant un peu ses lecteurs sur le côté de la route ! Puis petit à petit, j’ai eu la sensation qu’il voulait partager son engouement pour cette résidence à San Francisco et ces visites au coeur de la Silicon Valley et j’ai eu l’impression de le voir exulter d’être où il se trouvait !



7 chroniques pour 7 thèmes, même si finalement ils n’en forment qu’un seul mais cela a permis à l’auteur de traiter les sujets en profondeur et à donner libre cours à ses idées et ses extrapolations !



Dans un langage soutenu et adapté à ce qu’il découvre, voire créé pour coller aux avancées technologiques, il analyse et extrapole vers une dystopie qui me semble déjà bien plus proche d’année en année ! Il y a beaucoup d’humour et de dérision dans ses propos et j’ai ri quelques fois !



Sa relation du passage en douane et des voitures autonomes sont, pour moi, des grands moments de littérature sarcastique ! Grâce à lui, j’ai appris ou compris ou mieux cerné des choses qui sont allées très vite dans le temps et si pour certains c’est intellectuellement fascinant, pour d’autres c’est manifestement une recherche de pouvoir et d’argent.



Encore plus qu’ailleurs où tout ce qui va devenir “demain”, la Silicon Valley est un milieu très fermé, replié sur lui-même et cela m’a fait songer plus d’une fois à une secte qui ne s’intéresse qu’à ceux qui lui apporteront le plus mais jamais à ceux dans le besoin le plus élémentaire !



La nouvelle de science-fiction qui clôture ce livre est tout à fait adaptée à ce qui commence à émerger dans la population qui se veut “à la pointe de...” !



Je reconnais qu’avec quelques années de moins j’aurais vraiment aimé travailler à développer toutes ces techniques et technologies pour aider à vivre mieux, tout en sachant que les inventions gardent rarement leur usage premier ! Et puis il y a beaucoup trop de choses que j’aime du monde vivant, celui où l’on marche, où l’on hume les odeurs, où l’on parle avec un autre être humain pour me laisser aller à être imprégnée de cette culture et dépasser le stade de la geekette !



Merci à Alain Damasio de remettre les choses à leur juste place et avec leur juste valeur ; je pense que ce livre peut aider à se faire une opinion et peut-être décider de la manière dont la technologie va nous aider à mieux vivre.



#massecritiquebabelio #valleedusilicium



Challenge Gourmand 2023/2024

Masse Critique mars 2024
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Scarlett et Novak

Scarlett et Novak, Novak et Scarlett, un jeune homme et son intelligence artificielle, laquelle le fait se sentir « augmenté, agrandi, plus puissant et plus écouté aussi, que ce qu’il aurait jamais pu être avec une fille normale ».



Mais Novak se fait agresser. Deux inconnus veulent lui voler son brightphone. Scarlett est présente, mais ses réactions ne sont pas celles attendues. Les données de programmation n’incluent pas ce petit quelque chose, ce petit rien, qui fait toute la différence avec un humain.



Ce texte court met en garde pour ne pas laisser les pleins pouvoirs à l’intelligence artificielle, pour conserver son libre-arbitre, sa capacité de réflexion, d’interprétation et de réalisation par soi-même.



Dans ma commune, il y a des formations pour les enfants et adolescents, dispensées à l’école primaire et au collège, sur les risques d’internet, la cybercriminalité, l’importance de l’image vie publique/vie privée, les réseaux sociaux. Je ne sais pas si cela va jusqu’au travail sur la dépendance. Je ne sais pas si cette démarche existe France entière, dans les programmes de l’Education Nationale. Mais en tout état de cause, je trouve que ce livre pourrait parfaitement accompagner ce cycle.



Alain Damasio présente des images chocs et va jusqu’à un slam en postface qui font réfléchir. Un tout petit texte à découvrir ! Merci Laurent81 pour m’avoir incitée à cette lecture !

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La Horde du Contrevent

Epousoufflant. Ebouvifant. Tout simplement ventastique.



Un coup de cœur, assurément. Ces mots paraissent même faibles, tant ce livre a fait battre le mien.



Pourtant, ma lecture est loin d'avoir été sans heurts. Il m'a fallu pas loin de 4 mois pour finir ce livre. Je l'ai interrompu pendant plusieurs semaines, j'en ai lu 5 ou 6 autres dans l'intervalle avant de réussir à m'y remettre, pas par réel manque d'envie mais parce que je sentais qu'il s'agissait d'un livre exceptionnel mais exigeant, et que je voulais attendre d'être dans les bonnes conditions pour l'apprécier. Heureusement que je n'ai pas trop attendu au point d'en perdre le fil...

Pourtant, j'avais été embarquée directement dans cet univers, dès les premières pages, dès le premier jour j'ai dévoré le premier chapitre d'une traite, et puis j'ai reposé mon livre et j'ai eu besoin d'en parler avec quelqu'un... J'ai été vers mon compagnon, "je viens de commencer un livre, mais c'est complètement dingue... Tu vois, c'est une bande de 23 espèces de pros du vent, et alors ils se retrouvent dans une énorme tempête de vent...! Et.. Et de sable.!.. Et..." Et là, j'ai compris. L'impossibilité de mettre mes propres mots sur l'intensité de ce que je venais de lire, de ce que je venais de vivre, et en miroir la virtuosité avec laquelle l'auteur joue avec, ces mots. J'ai compris que je venais de mettre les pieds dans un truc rare, un bouquin vraiment exceptionnel...

Pourtant, même après être re-rentrée dedans après ma longue pause, il m'était à chaque fois difficile de revenir dans ma lecture, ce n'était pas le genre de livre que j'ouvrais dès que j'avais une minute, le matin en petit-déjeunant, 5 minutes avant un rdv...

Pourtant, à chaque fois que je me décidais à ouvrir ses pages, j'étais happée et ne parvenais plus à m'arrêter...

Pourtant, pourtant... Jamais je n'avais connu une expérience de lecture aussi paradoxale.



Il faut dire qu'il est intense, ce récit. Intensité d'action, où l'on retient son souffle et fait défiler les pages sans possibilité de s'arrêter avant le retour au calme ; ou intensité intellectuelle, densité et complexité du propos, requérant toute notre concentration.

Car l'auteur invente un monde alternatif, mais aussi et surtout la "physique" propre à ce monde, et j'irais même jusqu'à dire qu'il réinvente quelque chose se rapprochant d'une physique quantique... Oui, rien que ça ! Alors forcément, les neurones sont mis à contribution, mais notre cerveau droit aussi, notre part d'imagination, d'intuition et de lâcher prise, et c'est réellement dans l'équilibre des deux qu'on parvient à suivre Damasio dans l'élaboration et le déploiement de ces concepts et de cette réalité autre, parfois si proche de la nôtre. Ça a été du moins mon ressenti...



Il m'en reste un souvenir vif, brûlant, palpitant, des souvenirs de scènes incroyables d'intensité, de tension, d'émotions les plus extrêmes, de sensations de la nature la plus puissante, la plus violente qu'on puisse imaginer... Je ressens ces souvenirs dans mon corps, j'ai vraiment la sensation d'avoir vécu ces scènes, d'avoir partagé le combat de cette Horde, de ce groupe incroyable et tellement, tellement fort... Je disais en début de ma critique que ce livre avait fait battre mon cœur, et je voulais le dire au sens propre du terme, cela faisait longtemps que je n'avais pas ressenti mon cœur s'accélérer à ce point à la lecture d'un roman.



Malgré tout, j'ai ressenti quelques bémols dans cette lecture, mais ils ne pèsent rien face à l'expérience globale qu'il m'a fait vivre.





Qu'est-ce qui a fait la grande force de ce livre ? A mes yeux, le génie avec lequel Damasio joue avec la langue française. C'est émerveillant, fascinant, transportant, ça rappelle, révèle et réveille toute la magie de l'écriture.



Difficile de quitter ce livre-univers, difficile de se séparer de cette Horde... Et désagréable cette sensation que le livre qui suivra paraîtra probablement bien fade en comparaison...
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Scarlett et Novak

Beaucoup d'ironie dans ce récit que Damasio destine, cette fois-ci, aux ados! Dans un futur proche, Novak, poursuivi par deux hommes dans la rue, s'en remet à celle qui l'accompagne dans chacune des situations de son existence: Scarlett; de sa voix féminine réconfortante, Scarlett l'encourage, lui donne son score de coureur, tout comme elle l'assiste dans chacune de ses actions: Scarlett est l'IA installée sur son brightphone.



Une fois encore, Damasio s'amuse à créer le lexique du futur tout en imaginant jusqu'où notre dépendance à nos chers petits portables peut aller et la réponse est: très loin. Un court texte percutant que je conseille aux adultes comme aux ados, qui pourrait même devenir une lecture scolaire... !
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Les Furtifs

Je l'emmènerais sans doute sur une île déserte, ce livre. Il m'aiderait à refaire le monde en sauce liberté, à rêver plus coloré, plus ouvert, à avoir envie de partage...

En plus il est rédigé dans un style si surprenant, qu'à le relire 10 fois je découvrirais encore des choses, des jeux de mots qui m'auraient échappé, des images que je n'aurais pas eu le temps de conscientiser, faute de patience, c'est mon défaut de lectrice, ça, quand c'est trop bien, je ne savoure pas toujours, trop pressée de connaitre la suite, quand c'est rasoir, ben c'est pas mieux, je saute des lignes! Plus qu'un style, j'ai même envie de parler d'une expérience de lecture. le plus frappant aura été cette langue "incandescente" comme c'est écrit au dos du livre, car les mots semblent créer un mouvement, parfois, et de plus en plus au fur et à mesure du livre; Les mots se distordent, changent, évoquent une sensation, créent une musique. C'est un livre qui demande de l'implication! 



C'est un livre esthétique! A cette langue viennent se mêler des signes, une calligraphie originale, différente pour chaque personnage. Je n'avais pas compris, au départ, je chassais points, parenthèses et apostrophes d'un revers de mains, ou tout du moins ça m'en donnait l'envie, le temps de m'installer pour de bon dans cette manière peu commune d'écrire. Ainsi on peut être aussi bien dans "la tête" d'un personnage que dans celle d'un autre, et aussi avoir différentes facettes d'un même moment, c'est très confortable pour le lecteur et il se sent "tout-puissant" (lol).



 Il m'aura fallu un peu de temps pour tout à vrai dire...En examinant le livre avant de me lancer, j'avais des aprioris, la dédicace au départ par exemple, m'avait semblée un brin maniérée, un poil surjouée alors que j'en ressens une fois le livre lu toute l'immense tendresse. Un CD accompagne ce livre , où l'on découvre la voix de l'auteur qui reprend des passages du livre, accompagné d'une voix féminine et d'un guitariste, c'est un cd qui je pense a plus d'impact une fois le livre lu, tel un "flash back" sonore du monde silencieux et pourtant si dense que l'on vient de quitter. C'est en tout cas comme cela que je l'ai appréhendé, et il m'a beaucoup émue. Un beau cadeau de l'auteur de pouvoir découvrir sa voix, sa propre émotion, et de revivre avec une facette encore différente certains moments d'échange entre Sahar et Lorca ou ce moment où leur fille Tishka reprend forme humaine dans une simulation virtuelle. 

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C'est un livre résolument politique. Il évoque une société de masse bien triste, en proie à une recherche exacerbée de confort matériel, où l'intimité est mise à nu au profit de la satisfaction rapide et sans effort. Où la prévention, la sécurité sont de véritables valeurs d'État. La masse manque d'âme, de bruit, de mouvement. Heureusement nous découvrons aussi tout un monde militant, une infinité de groupuscules; et ce chapitre où certains "volent" au-dessus de l'asphalte( chapitre 9 ), par des centaines de câbles au-dessus des toits m'a donné une grande bouffée d'oxygène. 

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Un livre riche et dense qui assure non seulement une dimension stylistique et esthétique, un message politique très fort, et qui enfin ou en plus m'a fait vibrer plus d'une fois la corde émotionnelle. Il évoque avec beaucoup de force ce que peut être la disparition d'un enfant, Alain Damasio. Tout ce que ça peut susciter d'espoir chez Lorca, dont les retrouvailles sont désormais l'unique moteur de vie; alors qu'au contraire pour sa femme Sahar il s'agit de faire un deuil, de respecter une mémoire. Ces personnages sont forts chacun à leur manière et leur histoire est très belle... 

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Tant d'ingrédients que demander de plus à un roman? Peut-être qu'on en saura un peu plus encore sur ces furtifs lors d'un prochain tome, car ils restent malgré tout bien mystérieux,ainsi que leur capacité d'hybridation avec les (le) vivant (s).  

Peut-être aussi qu'après un début qui monte en puissance jusqu'au chapitre 12, j'ai un peu pâti de quelques longueurs, en même temps que Lorca et Sahar qui cherchaient désespérément et en tout sens comment retrouver leur fille. 

N'en demeure rien de moins qu'un livre dont la tendresse m'a transpercée, qui transpire d'humanité, qui transpore de vie.

Et dire qu'il existe une petite merveille d'après vous qui s'appelle "la horde..." , j'en salive déjà. Merci aux babeliotes qui m'ont rendue curieuse de lire du Damasio.
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La zone du dehors

Voilà un roman fascinant, d’une très grande richesse, un de ceux dont les thèmes abordés ne laissent pas indifférents et qui laisse dans son sillage beaucoup de réflexions et de questions sur ce qu’est le devenir de nos sociétés démocratiques. Je vais essayer d’ajouter mon commentaire de lecture aux très nombreux et remarquables que j’ai pu lire ici.



Une de mes proches, qui me parle depuis des années de sa passion pour Damasio, un auteur de science-fiction dont la production est rare, m’a prêté ce roman, préférant que je commence par celui-là plutôt que par la Horde du Contrevent, dont j’ai lu depuis les critiques dithyrambiques, dont celle en tous points remarquable de mon amie babeliote Chrystèle, qui a choisi, et ce n’est pas un hasard, le titre du livre pour pseudo.



Deux réserves pour commencer.

D’abord sur l’écriture. Pour moi qui suis d’un certain âge et plutôt habitué à l’écriture fluide d’un Kundera ou d’un Modiano, à celle sinueuse de Proust ou de Woolf, cette écriture éruptive, parfois grossière m’a déconcerté. Mais, aussi j’ai.été extrêmement séduit par la construction du récit avec ses différentes voix, ses inventions de langage; à ce propos le récit du séjour du héros Capt dans le Cube est époustouflant.

Et puis, et j’ai lu que cela avait été relevé par une autre babeliote, la place des personnages féminins dans le récit est bien faible, souvent le faire-valoir des hommes, telle BCDT alias Boule de Chat. C’est quand même dommage pour un récit libertaire d’avoir une tonalité non pas machiste, mais «masculino-centrée », car tous les leaders sont des hommes!



Malgré ces deux réserves, c’est un roman que j’ai trouvé vraiment très original, aussi bien dans la trame du récit que dans la dimension philosophique qui le sous-tend.



Nous sommes en 2084, soit 100 ans après Orwell, et ce n’est pas un hasard.

Une colonie d’environ 7 millions d’humains s'est installée sur un satellite de Saturne, des humains qui ont quitté la Terre ravagée par des conflits pour bâtir ce qui est présumé être le « Meilleur des Mondes ». Ils ont bâti Cerclon I, une immense ville constitué de cercles avec un cube central. Dans cette ville, tout est fabriqué par l’Homme, pesanteur, air que l’on respire, mais aussi organisation urbaine en lien avec l’organisation sociale. Tout est géré, tout est sous contrôle sous les apparences d’une démocratie idéale.

Mais en réalité, et le roman nous le montre progressivement, ce doux régime démocratique est celui, d’abord, du consumérisme poussé à l’extrême, avec par exemple ces stupéfiants chariots « intelligents » qui choisissent dans les rayons selon vos goûts, avec les médias omniprésents qui vous conditionnent pour tout, et puis, celui de la perte de l’identité puisque vous ne pouvez plus être Dupont ou Dupond, vous êtes un « dividu », vous n’existez que par le Clastre (un hybride de Classe, Caste, Castre?) un classement de la population à partir de notations réalisées par tous les collègues pour tous leurs collègues (excepté les moins de 12 ans, les retraités et ceux qui ont été déclassés définitivement) et qui sont compilées tous les deux ans par un ordinateur, le Terminor (contraction de Terminator?). Ainsi, vous n’existez et ne résidez dans Cerclon I que par les lettres que le Clastre vous attribue, depuis les 1- lettrés, de A à Z qui habitent le cube central du gouvernement de Cerclon (avec tout en haut, A, le Président), puis les 2-, 3-, 4-, 5-lettrés ( en bas de l’échelle) qui habitent selon leur classement dans un des cercles de Cerclon, le dernier de la Clastre étant non pas ZZZZZ, mais, étant donné la taille de la population, QZAAC! Et ainsi vous pouvez tous les deux ans, monter ou descendre dans l’échelle sociétale, changer de lettres, …et de zone de résidence.

Et puis, il y a le contrôle de tous par tous, dont le témoignage le plus frappant est au centre de chacun des 5 cercles une tour panoptique qui permet à chacune et chacun de surveiller tous les résidents de cette «prison» dorée, car tous les immeubles sont transparents et même leur façade arrière est visible grâce à un ingénieux système de miroirs.

Et enfin, la chirurgie a fait des progrès magnifiques, permettant à tout un chacun d’être un être « augmenté ».

L’ensemble de ces «progrès », qui nous sont décrits au cours de l’action du roman, fait froid dans le dos, car nous percevons que tout cela est déjà en marche de nos jours: les choix de consommation dirigés selon nos goûts enregistrés par les géants de l’internet, le traçage, les caméras de surveillance, l’appréciation quantifiée des professionnels dans les entreprises, mais aussi toutes ces notations anonymes de tout et n’importe quoi, qui fleurissent sur le net et sur les réseaux sociaux, la réalité virtuelle et enfin les évolutions du modelage humain.



Le roman est l’histoire présente et à venir de cercloniens qui rejettent cette société normative, de leur combat, et de leur construction difficile d’une société utopique qui se veut plus libre, plus décentralisée, dans la « Zone du Dehors », cette partie inhospitalière du satellite de Saturne.

Le début de l’intrigue est celui d’un tournant dans ce groupe de cercloniens, qui avait choisi jusqu’à présent une mode de protestation non violente, après la condamnation à mort de son leader, Zorlk, qui avait assassiné le Président précédent. Sous l’impulsion de Capt, un enseignant universitaire, et de ses acolytes rassemblés dans une cellule dénommée Bosquet, une stratégie d’action plus radicale et violente est décidée, et celles et ceux qui font ce choix entrent dans la « Volte » le préfixe Ré ayant été supprimé pour bien signifier la volonté d’aller de l’avant.

Je ne dévoilerais pas le fil de l’intrigue, et tous ces aspects passionnants, romanesques, car il faut dire que Damasio est un conteur prodigieux, et philosophiques, car une grande place est réservée aux débats, qu’il s’agisse de ceux de Capt avec ses amis, avec ses étudiants, et même avec A, le Président.



Il faut noter que ce récit vif, flamboyant, plein de rebondissements, évite aussi le machinéisme, la vision simplificatrice, qui est parfois le défaut des romans de SF. Ainsi en est il des interrogations et des doutes de Capt sur le bien-fondé de l’action violente. Ainsi on verra que la construction de villages indépendants dans la Zone du Dehors se traduit par l’apparition de cités gangrenées par la drogue et où une mafia prend le pouvoir.

Enfin, ce qui est original dans ce récit, et ce doit être volontaire, c’est qu’il se termine par un nouveau projet vers «plus loin », et qu’il est une sorte de « work in progress ». Cela traduit, je pense, que face à un monde normalisé et contraint, il faut prendre le risque de la liberté et que cela n’est pas simple.



En conclusion, un très beau roman, une anticipation astucieuse de ce que pourrait devenir notre monde, avec en creux tous les travers émergents de notre époque, le poids des médias, du contrôle de nos vies par internet, de l’artifice dans nos vies.

Mais je ne partage pas la vision utopique de l’auteur sur la libération humaine par une (ré)volte libertaire.

J’ai lu que Damasio était proche du mouvement des « gilets jaunes ». Si j’approuve le fait que l’on ne peut continuer avec notre société actuelle, avec son information biaisée en continu, dont la tendance est que les décisions se prennent d’en haut, où le pouvoir démocratiquement élu est trop loin des réalités humaines, je trouve que la volonté de liberté individuelle absolue se heurte à la nécessité pratique du vivre ensemble dans nos gigantesques sociétés modernes. Et les phalanstères et les communautés hippies, entre autres, ne sont pas allées bien loin dans la « Zone du Dehors ».

Mais l’intérêt des romans d’anticipation de qualité, c’est qu’il participent à l’éveil de votre conscience, et en ce qui concerne celui-ci, à nous inciter à être vigilants face au soft power de nos démocraties, à nous interroger en permanence sur les incitations normatives au sein de nos sociétés, sur les limites à définir à la surveillance de nos vies. Mais ce roman laisse entière pour moi la question de la révolte, de son bien-fondé, de son efficacité.



Enfin, quelques derniers mots pour saluer l’inventivité de l’auteur, dans ses jeux avec les mots, ses titres de chapitres étonnants, ses inventions typographiques.

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Scarlett et Novak

A la bibliothèque numérique de Vendée, j'ai emprunté Scarlett et Novak d'Alain Damasio.

Novak court. Il est poursuivi et fuit pour sauver sa peau. Heureusement, il a Scarlett avec lui. Scarlett, l’intelligence artificielle de son brightphone. Celle qui connaît toute sa vie, tous ses secrets, qui le guide dans la ville, collecte chaque donnée, chaque information qui le concerne. Celle qui répond autant à ses demandes qu’aux battements de son cœur. Scarlett seule peut le mettre en sécurité.

A moins que… Et si c’était elle, précisément, que pourchassaient ses deux assaillants ?

Scarlett et Novak est un court roman que j'ai pris plaisir à lire d'une traite.

Toute notre vie est dans notre smartphone.. Ce n'est pas toujours vrai mais beaucoup le pensent et sont littéralement perdus si leur précieux est cassé ou ne charge plus.

Novak lui, dépend de Scarlett qui est l'IA de son téléphone, un brightphone.

Elle lui parle et connaît tout de lui. Tout ! Au point que le jeune homme est perdue sans elle. Heureusement, il n'arrivera jamais rien à Scarlett... N'est ce pas ??

Manque de peau, un jour le jeune homme est poursuivi par deux hommes, qui s'en prennent à Scarlett.

Novak n'est plus rien, il ne connaît plus rien, il est totalement perdu ! Comment faire sans sa fidèle IA ???

J'ai beaucoup aimé ce court roman car l'auteur montre à quel point l'homme est devenu vulnérable face à son smartphone. Ce n'est pas mon cas car mon téléphone me sert uniquement à téléphoner. Mais certains en dépendent à un point qui peut faire peur car ils deviennent accroc. Et Alain Damasio a vraiment mis le doigt où ça fait mal :)

Scarlett et Novak est une critique pertinente de notre société, un conte philosophique dont j'ai apprécié la lecture et je le note quatre étoiles.
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La Horde du Contrevent

C’était l’été dernier. « Les furtifs » sont en tête de gondole. Je ne lis pas de SF, je n’y ai pas de références. Mais j’échange avec la libraire, et nous arrivons au moment où elle me dit : « il y a un avant et un après “La Horde du contrevent“ ». De plus la note des babelionautes atteint des sommets. Alors la promesse de vivre une expérience quasi mystique me convainc.

Mais je le laisse de côté longtemps. Je préfère des lectures plus rapides.

Puis vient cette période étrange de confinement, un autre espace-temps, un ralentissement, un allongement du temps. Je ne savais pas encore, alors, à quel point cette notion de temps et de vitesse allait être une notion clé !... Il n’y a pas de hasard.

Je me prépare en lisant quelques avis et conseils de babelionautes (merci @steppe, @Wittoo, @Marple), j’ai sous les yeux le précieux marque-page avec la liste des personnages, je prends une grande inspiration, et c’est parti pour une expédition vers l’amont, de la page 700 à la page 0.



Voilà c’est fini. C’est l’après.

Laissez-moi reprendre mon souffle, mes appuis, rassembler mon vif. Faire le deuil des hordiers perdus, avec qui j’ai passé 2 semaines intenses. Revenir dans mon monde, celui des abrités / confinés. Percevoir que le temps ne s’écoule pas à la même vitesse pour tout le monde, celui trop rapide et contracté du personnel de réanimation, comme celui des parents qui doivent gérer de front télétravail et téléscolarisation de leurs enfants, et celui trop lent et étiré des personnes âgées qui n’ont plus la visite de leurs proches. Prendre conscience qu’il existe actuellement une horde de scientifiques en charge de contrer une pandémie. Et prendre des leçons de ténacité, de patience, de résilience. Et de façon plus légère, ne vous moquez pas, m’amuser parfois à regarder différemment le monde qui m’entoure ; l’air que je respire, l’eau que je bois, les plantes, les nuages, ma famille, mes chats. Puisqu’après tout, nous le savons bien, nous sommes des poussières d’étoiles, des éléments organiques organisés et connectés. Alors le regard d’Alain Damasio sur les êtres et les choses monde a quelque chose d’entendable.

C’est à mon humble avis un livre que l’on ne lit pas comme les autres, en faisant autre chose, car il laisse peu de place à autre chose, au risque de passer à côté, ou de le trouver lourd, long, ennuyeux. Et il me semble que cette période particulière peut être un des bons moments pour entrer dans ce livre-univers, et vivre cette expérience.

Car quel livre ! Quelle épopée ! Quelle puissance d’évocation ! Les personnages sont incarnés, les descriptions sont précises, tout parait crédible, on adhère immédiatement. La qualité littéraire du texte et sa construction, avec des variations de tempos, sont admirables. Et quelle créativité, quelle richesse de langue ! Les mots inventés sont si parlants, évidents, que l’on se demande pourquoi ils n’existent tout simplement pas. Le groupe des surréalistes n’aurait pas renié les in(ter)ventions de Caracole. Je savoure notre chance que l’auteur soit français, et que nous ne soyons pas dépendants d’une traduction. Je suis persuadée que seule la langue française permet ces variations folles.

Merci M. Damasio. Vous comptez une nouvelle adepte.
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Aucun souvenir assez solide

Ceci est un recueil de nouvelles de notre grand maître de la SF qui fait réfléchir, voici ma critique par nouvelles au gré des journées de confinement :

- Les Hauts Parleurs (copyrights sur hauts et sur parleurs, je ne sais pas les mettre) : quand même les mots ont été achetés par des consortiums, un orateur génial sait jouer avec eux, esquiver les amendes (jusqu'à un certain point) et me faire rêver lorsque je les prononce...

Depuis qu'il a vu disparaître le dernier vrai chat (les autres sont des clones obèses), Spassky utilise indéfiniment les trois lettres de la prononciation de ce terme pour les clamer dans des phrases poétiques.

- Annah à travers la harpe : un beau et poétique récit sur le deuil d'une enfant par le père qui va la chercher jusqu'au bout de sa propre vie. C'est aussi une critique acerbe de tous les moyens technologiques (et plus sortis de l'imagination foisonnante de l'auteur mais, pourquoi pas ?) prévus pour rassurer les parents, sans résultats probants, d'ailleurs. J'ai cependant préféré La porte des enfers, sur le même sujet par mon auteur de prédilection, Laurent Gaudé.

- Le bruit des bagues : là encore, l'auteur fustige la technicité d'un monde hyperconnecté. Le vocabulaire est le même, j'ai remarqué une allusion au terme furtif et une célébration des ZAD est de rigueur dans cette nouvelle qui se conclue avec brio.

- C@ptch@ : Dans une cité déserte et remplie de capteurs un groupe d'enfants tente d'échapper à la dématérialisation. C'est une étrange nouvelle mais qui contient, là encore, certaines obsessions de l'auteur (monde hyperconnecté, enfance ou jeunesse des protagonistes, modernité).

- So phare away : quand la terre est noyée, il ne reste plus qu'une cité d'asphaltes autour de laquelle des phares et leur gardien-ne solitaire ont proliféré. Lorsqu'ils étaient peu nombreux, leurs messages picturaux ou poétiques se distinguaient et se répondaient encore mais à présent ils se diluent et seuls la publicité demeure. Un amant tente de rejoindre sa belle avant la grande marée ou avant que l'asphalte ne l'engloutisse...

- Les hybres : cette courte nouvelle évoque la transformation d'un artiste de seconde zone, habitué à aller chercher ses œuvres dans une usine désaffectée rempli d'êtres hybrides, en machine vivante pour le bonheur des galeristes, plus complètement qu'Orlane (que j'ai connue il y a longtemps).

Le tout est écrit dans la langue imagée et percutante de l'auteur.

- El Levir et le livre : c'est ma nouvelle préférée jusqu'ici. Un scribe écrit un livre en caractères de plus en plus importants selon des règles bien définies et jusqu'à la mort. Je suis partie au sommet du mont Uluru avec l'auteur tant sa description est réaliste, une fois encore il m'a fait rêver par la magie du langage.

- Sam va mieux : je n'aurait peut-être pas dû lire cette nouvelle en ce moment, mais tant pis. Un homme parcourt Paris dont tous les habitants ont disparu, sans doute noyés, à la recherche de survivants, accompagné d'un enfant à ce qu'il semble. Nous retrouvons les thèmes chers à l'auteur, jeune enfant sautillant et babillant, musique, jeux de mots.

- Une stupéfiante salve d'escarbilles de houille écarlate : l'auteur nous raconte une course fantastique qui se déroule dans les airs. Un cycliste volant amoureux d'une ange, un animal attachant jouant avec ses pouvoirs, la pluie, la foudre, un papillon en sont les participants. Cette nouvelle m'a paru loufoque et capillotractée, avec des jeux de mots par trop artificiels.

- La dernière nouvelle est très courte mais aussi émouvante. C'est elle qui a donné son titre au recueil : Aucun souvenir assez solide. Un homme ayant tout perdu n'arrive pas à retenir sa mémoire.

- Dans la postface de Systar les nouvelles d'A. Damasio sont analysées en profondeur (mille fois mieux que je ne l'ai fait) et Deleuze est maintes fois invoqué, ainsi que quelques autres grands penseurs. J'en ai tiré une citation d'actualité (alors que ce recueil date de 2017) que vous pouvez lire sur la page dédiée.
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La Horde du Contrevent

Époustouflant ! Un roman splendide qui transporte dans un univers cousu de vent. J'ai découvert Alain Damasio et reste bouche bée devant son oeuvre. À tous les amoureux de la langue française, voici de quoi vous régaler. Ça prend aux tripes, chaque personnage prend vie avec précision et justesse. Le monde bâti autour du vent est spectaculaire et la quête menée par la horde donne une autre forme à l'héroïsme. Véritable travail d'orfèvre, je porte ce bouquin comme un bijou destiné à être transmis.
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Aucun souvenir assez solide

Ce recueil de nouvelles est ma première rencontre avec un auteur qui voit sa légende formée au bout de trois livres seulement, et il est suffisant pour me convaincre qu’il ajoute au chœur général des auteurs SFF français, voire de littérature tout azimut, une voix inouïe jusqu’alors.



Alain Damasio possède un style d’écriture riche, imaginatif, qui m’a plusieurs fois évoqué Raymond Queneau que je lis en parallèle. Mais ce style est exigeant ; il nécessite une volonté de lecture qui va au-delà du besoin de simple détente. Combien de fois me suis-je dit avant d’aborder une nouvelle « Houlaa ! Ça va encore me prendre la tête ! » ? Parfois je renonçais, parfois j’y allais. Le style est un personnage qui participe aux histoires de Damasio. Il les enveloppe souvent au point qu’il faut attendre plusieurs pages avant de deviner où l’auteur veut en venir. Lorsqu’on a deviné, deux choses peuvent advenir : soit on est conquis par ce que l’on découvre – cela a été mon cas avec « Annah à travers la harpe » ou « Sam va mieux » - soit on cela nous indiffère et on le rejette – « C@ptch@ » et « El levir et le livre » m’ont fait cet effet.



Alain Damasio tourne dans ce recueil autour des mêmes thèmes qui dévoilent beaucoup sur la vision amère qu’il porte sur notre époque. Inquiet du potentiel de la technologie et de l’utilisation néfaste qu’une vision purement consumériste pourrait en faire, il la transcende, la transforme en un animal dangereux, en une force de la nature (comme les marées de bitume dans « So phare away ») ou en une puissance mystique qui va balayer les hommes, jouer avec eux comme on joue au yoyo. Mais les récits ne sont pas entièrement dystopiques. Toujours un homme relève le défi, affronte cette puissance comme un véritable héros grec, quitte à ce que ce soit son chant du cygne, créé sa propre légende et redonne l’espoir. Il y a du romantisme chez Damasio, pas que du désespoir.



Mes nouvelles préférées sont « Les Hauts® Parleurs® » et la chattifique déclamation de Spassky, « Une stupéfiante salve d’escarbilles de houille écarlate » dont j’imagine qu’elle se passe dans le même monde que la Horde de Contrevent (un peu plus en hauteur) et, quelques années-lumière devant les autres, la lumineuse romance « So Phare Away ».



Je retournerai prendre l’air avec Alain, un jour où ma volonté sera assez forte.

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La Horde du Contrevent

Je voudrais n'avoir jamais lu ce livre pour avoir de nouveau le bonheur de le lire pour la première fois.

Damasio réinvente la langue, crée son propre langage, ouvre un imaginaire. La Horde du Contrevent est bien plus qu'un excellent livre de SF, c'est une porte vers une nouvelle façon de vivre l'écriture.

Et Caracole... Caracole ! Qui bouleverse la pensée, joue avec les mots, et qu'on ne peut oublier !
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La Horde du Contrevent

Mon avis :

C'est un beau livre, où l'imagination et la poésie se mêlent à une quête très fantasy.



Cependant, il y a quelques longueurs, quelques mésaventures un brin "artificielles" qui servent surtout à démontrer la virtuosité stylistique de l'auteur.





Bref, c'est très bien écrit et c'est un livre envoûtant, mais il ne l'est pas resté jusqu'au bout, pour moi du moins...
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La Horde du Contrevent

Cela fait maintenant plusieurs semaines que je repousse inexorablement cette chronique... Pourquoi ? Parce que la Horde du Contrevent, c'est un truc unique. Et qu'à vrai dire, je ne sais pas trop comment en parler. Le but étant avant tout de vous donner envie de le lire, je dois arriver à mettre de l'ordre dans le fouillis de mes émotions, les mots qui se pressent au bout de mes doigts, ce bouillonnement furieux qui me fait trébucher et m'emmêler à chaque fois que j'ouvre la bouche ou une feuille pour en parler.



Soyons donc économe, plutôt que de se laisser emporter par le flot qui me fait sauter du coq à l'âne, du style aux personnages, de la forme au fond. La Horde du Contrevent est une expérience de lecture unique. Si vous ne deviez retenir qu'une seule chose de ce blabla pour le moins embrouillé, c'est celle-ci. Je suis loin de prétendre avoir tout lu, mais j'ai feuilleté assez de pages dans ma vie pour reconnaître une telle pépite quand j'en vois une.



Si je me forçais à la concision, je vous dirais que l'histoire en elle-même n'est pas le plus important. Elle peut plaire, mais j'admets sans difficultés le contraire, et pour être tout à fait honnête, je l'ai trouvée parfois un peu inégale et j'ai deviné un certain nombre de ficelles. Les personnages, nombreux, la narration alternée et l'originalité de la forme en font une œuvre qui n'est pas forcément facile à appréhender et qui demande un peu d'obstination. Une fois dedans, en revanche, on ne peut que s'émerveiller de l'imagination fertile et de l'audace d'Alain Damasio, conteur hors-pair, virtuose de la langue. Délicat, voire impossible de décrire correctement la magie de ses phrases... je ne peux que vous encourager vivement à le découvrir par vous-même.



Petit plus : La Horde du Contrevent est actuellement adapté en film d’animation 3D par Jan Kounen chez les studios Forge Animation. Pas de réelle date de sortie prévue, mais on sait déjà que ce sera entièrement tourné en langue anglaise et aura pour titre "Windwalkers : Chronicle of the 34th Horde". Et les premières recherches design sont plutôt alléchantes !
Lien : http://livr0ns-n0us.blogspot..
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Vallée du silicium

Alain Damasio est parti à la découverte de la Silicon Valley et du temple Apple où se joue déjà l’avenir de l’humanité. Nos existences ont en effet été intégralement modifiées par l’usage de nos smartphones qui dirigent nos vies en se rendant indispensables à chaque moment de notre quotidien. Une nouvelle manière de vivre est à l’œuvre, une transformation progressive de l’humain en esclave de la machine, enfermé dans un individualisme de plus en plus accentué, développant des relations virtuelles, obsédé par un besoin de tout maitriser, orienté vers un besoin de consommer exacerbé, bref, prisonnier de ce qui devrait le libérer.



Tout cela est dirigé de ce petit territoire californien, devenu le berceau du transhumanisme et d’une révolution mondiale de nos modes de vie dirigée par un capitalisme ultra-libéral. Car de fait nous ne maitrisons plus rien mais nous sommes au contraire de moins en moins vivants, coupés de nos milieux naturels, prisonniers d’un progrès qui peut se retourner contre nous comme ces voitures sans conducteurs devenues folles car leur programme a été modifié. Et qui foncent sur nous.

Nous sommes arrivés à un tel niveau de technologie que l’on peut désormais vivre, travailler, manger, voyager, se distraire, faire du sport, en restant enfermé dans sa chambre ou n’en sortant que pour un footing, le casque sur les oreilles…coupé des autres et de la vie réelle.



Alain Damasio nous propose une réflexion passionnante sur les enjeux du développement de l’intelligence artificielle, sur les contrastes qu’il a observé aux Etats Unis entre des quartiers ultra riches à la pointe de la technologie jouxtant la misère matérielle et psychologique dans une indifférence absolue, les relations que nous sommes amenés à tisser avec cette IA pour qu’elle améliore notre vie plutôt que ne la dégrade. Car le monde de demain, qui est déjà le nôtre, devra composer avec.

Son livre se termine par une nouvelle qui illustre bien l’hérésie de confier entièrement notre sécurité à des machines, la fragilité de nos vies citadines devant les dérèglements climatiques et la frustration de créer des enfants machines…un récit de SF presque d’actualité.

Bref il est urgent de maitriser l’IA avant qu’elle nous possède et de la mettre au service de causes positives. Et de rester vivants.

Merci aux éditions du Seuil, à la collection Albertine et à Babelio pour cette lecture stimulante !

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La Horde du Contrevent

Si des très nombreux lecteurs (près de onze mille !) de La horde du contrevent beaucoup ont déjà fait une critique de ce livre (plus de six cents d'entre eux), le plus souvent élogieuse, je ne peux pas m'empêcher d'ajouter une feuille de laurier à la couronne qu'ils lui ont souvent tressée, tant ce livre est une expérience de lecture inédite.



La horde du contrevent ne fait pas partie de ces livres dont après les avoir refermés on peut en dire que l'on a "moyennement aimé" ou qu'il était "pas trop mal". Car, comme tous les chefs d'oeuvre - et surtout les inclassables - rien de tiède ou de mou, et donc qui laissera indifférent. Soit on déteste, d'emblée - et je peux comprendre les lecteurs qui n'accrochent pas du tout - et on laisse tomber dès les toutes premières pages. Soit on adore, inconditionnellement, dévorant l'histoire, une page après l'autre, jusqu'au bout du bout, jusqu'à l'Extrême-Amont du livre que l'on remonte jusqu'à la page 0.



Un livre inclassable, malgré son étiquette SF. Une sorte d'ornithorynque littéraire : une thématique complètement folle - partir à la recherche du vent, presque un fantasme de gosse ( Papa, d'où viens le vent ?), une langue inouïe (au sens littéral du terme), une construction narrative qui ne ressemble à rien de ce qui a été écrit jusqu'à aujourd'hui.



Pour moi, La horde du contrevent ça a été 700 pages de lecture en apnée, 24è membre de la horde, tractée à la suite des autres, tenue par les tripes.
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La Horde du Contrevent

Je suis soufflée ! Pourtant la fantasy n'est pas du tout mon style de lecture, mais on m'en avait tellement parlé comme d'une oeuvre incontournable que je me suis enfin décidée.



J'avoue j'ai dû me forcer les 100 premières pages, c'etait prévu. La curiosité m'a poussée à aller un peu plus loin, jusqu'à ce que je sois happée par cette horde au point de ne plus pouvoir la lâcher.



Quelle épopée ! Toute une vie au service de ce petit groupe, remontant sans relâche vers l'amont, à la recherche de la source du vent, sans savoir si elle existe. Que de symboles, que d'amour, d'amitié, d'épreuves, de souffrances, d'espoir, d'abnegation pour ces jolis personnages, si différents les uns des autres et si complémentaires ! Une sacrée leçon de management pour ceux qui veulent l'aborder sous cet angle.



Que de savoir, aussi, dans ces 700 pages, et quelle époustouflante verve, monsieur Damasio, qui parvient à même inventer un langage spécifique !...



Ce roman est bien plus qu'une oeuvre de fantasy, il est pour moi une oeuvre philosophique, empreinte de réflexions sur la vie, sur l'individu et la société. C'est poétique, c'est rythmé, c'est recherché, c'est irréel et pourtant tellement vrai ... chacun ne voit-il pas dérouler sa propre vie au fil des pages ? Vers quelle quête avançons-nous ?



C'est indescriptible, c'est puissant, ça ne ressemble à rien d'autre. On en ressort forcément rincé et changé.
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Aucun souvenir assez solide

Complètement sous le charme de l'auteur grâce à La Horde Du Contrevent, et n'ayant pas encore sorti Les Furtifs de ma PAL, j'ai finalement emprunté vite fait ce recueil de nouvelles pour renouer avec Damasio.

Bon, je préfère prévenir, les nouvelles, c'est pas du tout mon truc. Des chances que ça biaise légèrement ma critique...



Nous voilà donc parti pour dix nouvelles, touchant forcément à des thèmes variés, mais présentant surtout des ambiances assez différentes l'une de l'autre. Tour à tour psychédélique, onirique ou hypnotisante, s'attaquant au capitalisme, à l'egocentrisme ou aux dérives technologiques, on est sur du Damasio pur et dur. Un peu trop à mon goût (dans le style, pas dans les idées).



L'auteur s'amuse allègrement avec nous, encore plus avec les mots, et il m'a malheureusement perdu quelques fois en route.

Comme le précise la plupart des autres critiques, ce livre amène le lecteur sur plusieurs axes de réflexions, certes passionnantes, mais qui ne correspondent vraiment pas à ce que j'espérais trouver avec Damasio.



On n'est pas passé loin, c'est dommage. Hâte d'attaquer Les Furtifs pour départager tout ça.
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