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Citations de Alejo Carpentier (117)


Ils vivaient dans une caverne, bien dissimulée par un rideau de fougères arborescentes. Les stalactites laissaient tomber des larmes de manière isochrone, emplissant les ombres froides d'un bruit de pendule. Un jour, Chien se mit à gratter au pied d'une des parois. Bientôt, ses crocs retirèrent un fémur et des côtes, si vieux qu'ils n'avaient plus de saveur; ils s'émiettaient sur la langue, avec un mauvais goût de poussière pétrie. Puis, il apporta à l'esclave, qui se taillait une ceinture en peau de serpent, un crâne humain. (Les fugitifs)



































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L'aube s'emplit de canots. A l'immense étendue d'eau étale, lac, mer intérieure née de la confluence du Fleuve venu d 'En Haut - dont les sources étaient inconnues - et du Fleuve de la Main droite, les embarcations arrivaient, rapides, agiles, désireuses d'exhiber la sveltesse de leurs coques avant de s'arrêter, au mouvement cadencé des rames, à l'endroit où d'autres déjà immobiles s'aggloméraient, se joignaient bord contre bord, pleines de bouffons qui sautaient de proue en poupe pour dire de bons mots et faire inopinément des singeries.
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El Buscador de Diamantes estaba como cohibido ante la insinuante deferencia de Mouche, que le hacía contar sus andanzas en la selva, aunque sin escucharlo, en un francés de tan pocas palabras que nunca lograba cerrar una frase.
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Cette Europe - celle d'ici - était fichue. J'y étais accouru à la recherche d'une intelligence infinie, et, au lieu de têtes pensantes, elle me donnait des crânes vides qui sonnaient creux comme un xylophone. Socrate attendait sa fin à Buchenwald. Le fascisme de merde avait trop d'adeptes au grand jour ou masqués. Il était temps désormais d'abandonner ces Rome, ces Nuremberg, ces Villes Lumière, phares de la culture, agoras du Savoir, berceaux de la Civilisation (tout berceau finit par sentir la pisse...), villes prostituées qui aujourd'hui se donnaient, consentantes et jambes écartées, au premier déclamateur venu qui, gonflant le thorax, avançant la lippe ou levant un bras à l'ancienne, leur promettait prépotence et colonies.
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Cette femme parlait des herbes comme d'êtres toujours à l'affût dans un proche royaume; royaume mystérieux que gardaient d'inquiétants dignitaires. Par sa bouche les plantes parlaient, proclamaient leurs pouvoirs. La forêt avait un maître : un génie qui sautait sur un pieds, et il ne fallait rien prendre sans payer de ce qui poussait à l'ombre des arbres. Quand on pénétrait dans le sous-bois pour y chercher la pousse, le champignon, la liane qui guérissait, il fallait saluer et demander la permission de déposer des pièves d'argent entre les racines d'un vieux tronc. Et il fallait, en sortant, se tourner avec déférence, car des millions d'yeux surveillaient nos gestes, des demeures d'écorces et de feuilles.
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La pampa par son immensité, par l’image parfaite d’infini qu’elle donnait à l’homme, le plaçant en présence d’une figuration de l’illimité, lui faisait penser à la vision allégorique du mystique pour qui l’être humain, introduit dans un corridor sans commencement ni fin connus, s’efforce d’éloigner grâce à la science et à l’étude, les deux murailles qui limitent à droite et à gauche le champ de la vision, réussissant à la longue à faire reculer les murs mais sans jamais les détruire, ni parvenir jamais pour aussi loin qu’il les écarte à modifier leur aspect ni a voir ce qu’il y a derrière eux.
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Le phonographe de la boutique chinoise éjacule des chansons d'amour cantonaises.
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extrait 3 /B



     Les oiseaux revinrent à l'œuf en un tourbillon de plumes. Les poissons se figèrent en frai, déposant une neige d'écailles au fond du bassin. Les palmiers plièrent leurs feuilles, disparurent sous terre comme des éventails refermés. Les troncs absorbaient leurs feuilles et le sol tirait à lui tout ce qui lui avait appartenu. Le tonnerre retentissait dans les vérandas. Des poils poussaient sur le daim des gants. Les couvertures de laine se détissaient, arrondissant la toison de moutons éloignés. Les armoires, les secrétaires, les lits, les crucifix, les tables, les persiennes s'envolèrent dans la nuit, cherchant leurs anciennes racines au pied des forêts. Tout ce qui était cloué s'effondrait. Un brigantin, ancré on ne savait où, emporta en hâte vers l'Italie les marbres du dallage et de la fontaine. Les panoplies, les ferrures, les clés, les casseroles de cuivre, les mors des chevaux fondaient, grossissant un fleuve de métal que des galeries sans toit canalisaient vers la terre. Tout se métamorphosait, retournait à son état premier. La terre redevint terre, laissant un désert à la place de la maison.
… / …


/traduit de l'espagnol par René L. F. Durand
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extrait 3 /A



XII

      Faim, soif, chaleur, douleur, froid. A peine Martial eut-il limité sa perception à ces réalités essentielles qu'il renonça à la lumière qui, à présent, lui était accessoire. Il ignorait son nom. Le baptême effacé, avec son sel désagréable, il ne voulut plus ni l'odorat, ni l'ouïe, ni même la vue. Ses mains frôlaient des formes délectables. C'était un être totalement sensible et tactile. L'univers entrait en lui par tous les pores. Alors il ferma les yeux, qui n'apercevaient que des géants nébuleux, et pénétra dans un corps chaud et humide, plein de ténèbres qui mourait. Le corps, en le sentant inséré dans sa propre substance, coula vers la vie.

      Mais à présent les jours coururent plus vite, amenuisant leur dernières heures. Les minutes avaient un son de glissement de cartes sous le pouce du joueur.



/traduit de l'espagnol par René L. F. Durand
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Porter un ventre entre les hanches est une simple destinée. Porter une tête sur les épaules est une responsabilité.
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Il était suivi par le nègre qui n'avait pas cru nécessaire de se déguiser, voyant combien la figure que nature lui avait donnée ressemblait à ur masque parmi tant de loups blancs qui donnaient au visage de ceux qui les portaient une apparence de statue.
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L'homme se retrouve attrapé par une deuxième nature, produit de la technique, qu'il a créé lui-même, et dans laquelle il s'est submergé, s'exilant de la nature originaire
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Anguleux, aux lignes dépouillées telle figure de théorème, le bloc de l’usine à sucre San Lucio s’élevait au centre d’une large vallée bordée par une crête de collines bleues. Le vieil Usebio Cué avait vu pousser le champignon d’acier, de tôle et de ciment sur les ruines d’anciens moulins à sucre ; il avait assisté, année après année, avec une sorte de frayeur admirative, aux conquêtes de l’espace effectuées par l’usine. Pour lui la canne à sucre n’avait aucun mystère. À peine surgissait-elle entre les grumeaux de terre noire, son développement se déroulait sans surprise. Le bonjour de la première feuille ; puis celui de la seconde. Les entre-nœuds qui se gonflent et s’allongent, laissant parfois un petit sillon pour l’«œil». La gratitude visible devant la pluie annoncée par le vol bas des urubus. La tête, qui s’éloignera un jour sur le pommeau d’une selle. Du limon à la sève il y a un enchaînement parfait. Mais, la coupe une fois faite, le fil se brise sous l’arc de la romaine. Le feu parle : «Pour chaque lot de cent arrobes* de canne à sucre que le cultivateur remettra à la compagnie, il recevra l’équivalent en monnaie officielle d’X arrobes de sucre cristallisé, selon la moyenne bimensuelle correspondant à la quinzaine durant laquelle on aura moulu les cannes qu’on liquide…» La locomotive tire des milliers de sacs remplis de petits cristaux rouges qui ont encore le goût de terre, de sabots et de grossiers jurons. La raffinerie étrangère les rendra, pâles, sans vie, après une traversée sur des océans décolorés. De la discipline du soleil à celle des manomètres.
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Joshua Enderby, qui était allé fumer sur le balcon, rentra ce soir-là pour dîner et examina la table. "Je ne vois pas ton habituel beignet à la fraise.
- Je n'avais pas faim. Je l'ai donné à la bonne.
- Imbécile !"
Elle lui ,lança un regard furieux. "Ne me dis pas que tu l'avais empoisonné, espèce de vieux fils de ..."
Un grand bruit dans la cuisine.
Joshua alla voir et revint. "La bonne n'est plus nouvelle", conclut-il.

p. 91
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[...] ... Exaspérés par la peur, ivres de vin parce qu'ils n'osaient plus toucher l'eau des puits, les colons fouettaient et torturaient leurs esclaves, en quête d'une explication. Mais le poison continuait à décimer les familles, tuait bêtes et gens, sans que les prières publiques, les conseils des médecins, les promesses aux saints, ni les formules inefficaces d'un marin breton, nécromancien et rebouteur, pussent arrêter la marche souterraine de la mort. Avec une hâte bien involontaire de venir occuper la dernière fosse au cimetière, Mme Lenormand de Mézy mourut le dimanche de la Pentecôte, quelques instants après avoir mordu à une orange particulièrement belle qu'une branche complaisante avait mise à portée de sa main. L'état de siège avait été proclamé dans la Plaine. Tout individu surpris dans les champs ou au voisinage des maisons après le coucher du soleil, était abattu à coups de mousquet sans préavis. La garnison du Cap avait défilé par les chemins, ridicule menace de mort contre l'insaisissable ennemi. Mais le poison n'en arrivait pas moins jusqu'aux bouches par les voies les plus inattendues. Un jour les huit membres de la famille Du Périgny le trouvèrent dans une barrique de cidre qu'ils avaient transportée de leurs mains de la cale d'un bateau ancré quelques jours plus tôt. La charogne était maîtresse de toutes la contrée.

Un soir où on le menaçait de lui allumer une charge de poudre dans le derrière, le Foula cagneux finit par parler. Le manchot Mackandal, devenu houdan du rite Rada, tombé en possession de plusieurs Dieux Majeurs, et de ce fait investi de pouvoirs extraordinaires, était le Roi du Poison. Doté de la suprême autorité par les Mandataires de l'Autre Rive, il avait proclamé la croisade de l'extermination. C'était lui l'élu, chargé d'en finir avec les Blancs et de fonder un grand empire de Noirs libres à Saint-Domingue. Des milliers d'esclaves lui étaient attachés. Personne n'arrêterait plus la marche du poison. Cette révélation provoqua dans l'habitation une tempête de coups de fouet. A peine la poudre allumée de pure rage eut-elle trouvé les intestins du nègre bavard, un messager fut envoyé au Cap. Ce même soir, on mobilisa tous les hommes disponibles pour donner la chasse à Mackandal. La Plaine, toute puante de charogne, de sabots mal brûlés et de vermine, s'emplit d'aboiements et de blasphèmes. ... [...]
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D'ailleurs, ce n'était pas seulement sa faute, à lui. Conséquence de l'époque, des contingences, de l'illusion héroïque ; des paroles éblouissantes avec lesquelles on l'avait accueilli certain après-midi — lui bachelier de province, honteux de son costume mal coupé dans la boutique paternelle — derrière les murs de l'édifice sur la façade duquel, orné de colonnes majestueuses, s'étalaient sous un nom illustre les caractères elzéviriens en bronze d'un Hoc Erat In Votis … Il regardait à présent la salle de concerts, dont les chapiteaux à volutes carrées lui semblaient être une caricature de ceux qui avaient été associés à son initiation aujourd'hui détestée. Là s'affirmait la condamnation imposée par cette ville aux ordres qui dégénéraient dans la chaleur et se couvraient de lèpre, faisant servir leurs astragales à soutenir des enseignes de teinturiers, de coiffeurs, de marchands de rafraîchissements, quand la friture ne crépitait pas à l'ombre des piliers, entre des étalages de pâtés, de sorbetières et de jus de tamarin. « J'écrirai quelque chose sur ça », se disait-il, bien qu'il n'eût jamais écrit, car il ressentait un besoin urgent de s'assigner de nobles tâches. Il sortait des interminables beuveries des derniers mois, des excès auxquels se croient autorisés ceux qui courent des risques ou qui jouent leur va-tout ; et il trouvait à présent la première clarté au bout du tunnel. Il ne savait où le sort l'enverrait maintenant, car le Haut Personnage allait décider à sa convenance quelle était la voie la plus indiquée. Il ne terminerait jamais ses études d'achitecture abandonnées dès le début de la première année. Mais il acceptait par avance les métiers les plus durs, les plus médiocres salaires, le soleil sur le dos, l'huile sur la figure, le grabat et l'écuelle, comme phases d'une expiation nécessaire.
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Peut-être Dieu était-il relevé ainsi, de temps en temps, par une puissance supérieure (Mère de Dieu, mère des dieux? Goethe n'avait-il pas dit quelque chose à ce sujet?), sauvegarde de sa pérennité. C'est à la minute du changement, quand le trône du Seigneur était vide, que se produisaient les catastrophes de chemin de fer, les chutes d'avions, les naufrages de grands transatlantiques, que les guerres s'allumaient et que se déchaînaient les épidémies. (Le droit d'asile)


















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Le Maître, ainsi l'appelaient-elles toutes, faisait les présentations : Pierina del violino ... Catherina del cornetto ... Bettina della viola ... Bianca Maria organista ... Margherita dell' arpa doppia ... Guiseppina del chitanone ... Claudia des flautino ... Lucieta della trombe ....
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... d'après elle, le mariage, le lien légal, enlève tout recours à la femme si elle veut se défendre contre l'homme. L'arme d la femme devant sonc ompagnon dévoyé est la faculté de l'abandonner à tout moment, de le laisser seul, sans qu'il ait le mioyen de faire valoir aucun douit. L'épuse l'agle est pour Rosario une femme que l'on peut envoyer chercher par des gardes, lrsqu'elle abandonnne la maison où le mari a intronisé le dol, les sévices ou les désordres de l'ivresse. Se marier, c'est tomber sous le poids de lois faites par les hommes et non par les femmes. Dans une union libre, en revanche, affirme Rosario sur un ton sentencieux, "l'homme sait qu'il dépend de son comportement d'avoir quelqu'un pour lui faire plaisir et s'occuper de lui". J'avoue que la logique paysanne de cette façon de voir m'ôte toute réplique. Il est évident que, devant la vue, "Ta femme" se meut dans un monde de notions, d'usages, de principes, qui n'est pas le mien. Et cependant je me sens humilié, sur un plan d'infériorité gênante, parce que c'est moi qui voudrais maintenant l'obliger à se marier [...].
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Les Indiens sont des indiens, et bien que cela paraisse étrange, je me suis habitué à la curieuse distinction que fait l'Adelantado, certes sans la moindre malice, lorsqu'il dit tout naturellement dans le récit d'une de ses expéditions "Nous étions trois hommes et douze Indiens." J'imagine que c'est une question de baptême qui est à l'origine de cette restriction, et cela donne une apparence de réalité au roman que, pour donner au décor plus d'authenticité, je suis en train de bâtir.
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