Citations de Alexandra David-Néel (391)
Les vrais compagnons, ce sont les arbres, les brins d'herbes, les rayons du soleil, les nuages qui courent dans le ciel crépusculaire ou matinal, la mer, les montagnes. C'est dans tout cela que coule la vie, la vraie vie, et on n'est jamais seule quand on sait la voir et la sentir.
Quand ils eurent déjeuné avec de la tsampa et du thé au beurre, l’ermite s’adressa à Mipam.
— Tu agites en toi des pensées bien lourdes pour un enfant de ton âge, lui dit-il. Bien peu d’hommes faits pourraient en soutenir le poids. Tu sembles promis à une noble destinée. Si je le puis, j’essaierai de t’y préparer et d’éclaircir pour toi le sens de ce que tu pressens obscurément.
« Sache, toi qu’afflige la malveillance, que les êtres s’entre-témoignent, qu’à la racine de chaque acte cruel existe une fausse notion de notre « moi » et de celui d’autrui. Les actions du méchant lui sont inspirées par la crainte de souffrir ou par le désir d’accroître sa jouissance, sans qu’il s’aperçoive qu’en les commettant il risque, au contraire, d’attirer plus de souffrance sur lui et introduit, dans sa joie, le poison de l’insécurité.
Je suis une sauvage mon bien cher, mets toi cela en tête. Toute la civilisation occidentale me dégoûte. Je n'aime que ma tente, mes chevaux et le désert.
A l'origine de toute connaissance, nous rencontrons la curiosité ! Elle est une condition essentielle du progrès.
J'ai vécu pendant plusieurs années au pied des neiges éternelles, comme dans les solitudes herbeuses de la région des grands lacs, la vie étrange et merveilleuse des anachorètes thibétains ; j'en connais le charme spécial, et tout ce qui s'y rapporte éveille immédiatement mon intérêt.
Tandis que mes yeux restaient fixés sur les palais de rocs, une conviction intuitive me venait peu à peu, quelqu'un vivait là.
Un message mystérieux m'avait atteint, une sorte de colloque silencieux s'engagea, dont les interlocuteurs demeuraient invisibles l'un à l'autre....
Mais qu'importait, après tout, que, sur cette montagne, résidât ou non un être humain pareil à moi. La voix que j'entendais était l'écho, dans mon esprit, d'idées millénaires sur lesquelles la pensée de l’Orient ne cesse de revenir et qui paraissent avoir fait des cimes altières du Thibet une de leurs forteresses. (p.47)
L'Orient - surtout au Tibet – est la terre du mystère et des événements étranges pour peu que l'on sache regarder, écouter, observer attentivement et longuement l'on y découvre un monde au-delà de celui que nous sommes habitués à considérer comme seul réel
La bienveillance envers tous les êtres est la vraie religion.
Malgré le froid qui me faisait frissonner, je demeurai longtemps dehors, errant à travers cette sauvage station estivale merveilleusement éclairée par une énorme et brillante pleine lune. Combien je me sentais heureuse d'être là, en route vers le mystère de ces cimes inexplorées, seule, enveloppée de silence, "savourant les délices de la solitude et du calme", comme dit un passage des Ecritures bouddhiques.
La bravoure est encore la plus sûre des attitudes. Les choses perdent de leurs épouvantes à être regardées en face.
Evidemment, un véritable autochtone n'existe pas. L'homme préhistorique lui-même a émigré.
Le gouverneur est un homme politique et , comme tel, a des attaches dans la Presse. Suivant ce que tu peux savoir de sa nuance politique, tu pourras ajouter que je suis la fille d'un franc-maçon, proscrit de l'Empire, directeur du Courrier d'Indre et loire, avant 1852, député en 1848. Mais ne gaffe pas. Tâche donc aussi de savoir qui est Grand Maître du Grand Orient actuellement et qui est Grand Maître au rite écossais.
Tu devrais mon ami, t'abonner immédiatement à une agence genre " Argus de la presse ", qui envoie les coupures de journaux concernant le sujet que l'on indique ou la personne que l'on désigne. On ne paie que le nombre de coupures que l'on reçoit, c'est très couteux. il va m'être indispensable de savoir quels journaux parleront de moi pour bâtir mes plans là-dessus.
Quel que soit le but auquel ils tendent, la particularité la plus saillante des mystiques tibétains est l'audace et une singulière impatience de mesurer leurs forces contre des obstacles spirituels ou des adversaires occultes. Ils semblent animés par l'esprit d'aventure et, si j'osais employer ce terme, je les appellerais volontiers, des sportmen spirituels.
Des montagnes dénudées qui encadrent l’immense vallée où la multitude des maisons basses semble une foule agenouillée en prière, des souffles singuliers descendent et flottent, enveloppant insidieusement les êtres et les choses, les pénétrant, les remodelant, leur prêtant une âme ou un aspect nouveau, pour quelques jours ou pour des siècles. Lhassa n’est pas seulement un lieu où s’opèrent des prodiges : Lhassa est un prodige.
Les vrais compagnons, ce sont les arbres, les brins d'herbes, les rayons du soleil, les nuages qui courent dans le ciel crépusculaire ou matinal, la mer, les montagnes. C'est dans tout cela que coule la vie, la vraie vie, et on n'est jamais seule quand on sait la voir et la sentir.
...bien que cette déclaration puisse choquer à notre époque où les termes démocratie et démocratique sont de mode – tout au moins en paroles, quoique très peu en fait – il est évident que la doctrine bouddhiste n’est pas à l’usage des masses ; seule une élite intellectuelle est capable de la discuter, de l’apprécier et, éventuellement, de l’adopter.
En dehors de celle-ci il y a les innombrables « lotus qui fleurissent sous l’eau, au fond de l’étang », il y a les hommes « dont l’œil mental est couvert d’une si épaisse couche de poussière » qu’il leur est impossible de voir ce qui leur est présenté. (annexe I)
... je ne puis que donner un peu d'argent et passer mon chemin. "Passer son chemin", n'est-ce pas ce que l'on est contraint de faire chaque jour, le coeur serrré, impuissant que l'on est à regarder les innombrables malheureux gisant le long de tous les chemins du monde ...
Il fait froid et triste quand on demande aux êtres de vous être un soutien, de vous réchauffer, d'alléger le fardeau de misère inhérent à toute existence. Nul d'entre eux n'a réellement le souci de la faire, nul d'entre eux ne le peut vraiment C'est en soi qu'il faut cultiver la flamme qui réchauffe. C'est sur soi seul qu'il faut s'appuyer. Ce qu'il faut chercher et trouver c'est la douceur sereine d'une inébranlable paix. Je sais que c'est là besogne plus facile dans les Himalaya que dans un bureau.
1912
Remarquant un viellard marchant d'un air receuilli autour d'une chapelle, je voulu jeter un coup d'œil sur la statue ou le tableau qui s'y trouvait. A mon grand étonnement, je ne vis qu'une pierre rougeâtre sur laquelle étaient inscrits des chiffres: 135 ou un nombre quelconque. Etrange! Mes connaissances concernant le lamaïsme se trou- vaient en défaut. De quoi s'agissait-il? Il me fallut quelques minutes pour éclaircir le mystère de ce symbole.
Les études orientales ménagent bien des surprises; mais, quant à quoi, je n'aurais jamais imaginé qu' elles dussent me conduire à découvrir le culte des bornes kilométriques.
J’aime ces nuits de solitude dans la jungle, dans la chambre de toile. Mieux qu’en la plus rudimentaire des maisonnettes on se sent parmi la nature, un avec les choses. La tente, mince cloison dont les parois chantent, clapotent et vivent avec le vent, la tente, oiseau mouvant, aujourd’hui ici, demain là… un navire de terre ferme. Oh ! je n’aimerais pas les « campings » fastueux où les tentes redeviennent presque une maison, où une nombreuse compagnie tient salon. Il faut être seul, blotti dans l’étroite couchette à écouter les cris des oiseaux nocturnes, les frôlements d’êtres invisibles de l’autre côté de l’étoffe. L’autre nuit, j’ai cru à la visite d’un serpent. (Katmandou, Népal, 21 décembre 1912)