Citations de André Brink (340)
Lorsqu'on est à l'article de la mort, les mensonges, ça n'a plus de sens.
On finit toujours par se mouler dans les costumes que les autres nous taillent.
_ Mais si je veux écrire l'histoire de cet endroit, où puis-je me renseigner ?
_ J'imagine que la seule solution, c'est de parler aux gens eux-mêmes.
_ Et des documents personnels : des journaux intimes, des carnets, des lettres ... ?
_ Nous en avons rien à fiche, Neef Flip _ le ton était catégorique. [...] ça ferait que créer des problèmes. Ce qui se passe entre nous, nous le savons tous parfaitement, alors quel besoin il y aurait de l'écrire ?
Cupido Cancrelas ne fut pas conçu dans le ventre de sa mère selon le procédé habituel mais éclos des histoires qu'elle racontait. (p. 15 / Actes Sud, 2006)
- Où est-ce le plus loin que tu es allée ?
- Loin
- Plus loin que cette ferme au loin ?
- Bien plus loin.
- Bien plus loin que ces collines là-bas, ma ?
- Beaucoup plus loin.
- A quoi çà ressemble, là-bas, ma ?
- Pareil qu'ici. Mais différent.
- Différent comment ?
- C'est nu.
- Nu comment ?
- Nu, c'est tout. aucun mot n'est encore venu se coucher dessus pour dire comment. Alors c'est nu, voilà tout.
- Je veux y aller pour voir, ma.
- T'approche pas de là-bas. ce serait ta mort.
- Je cherche la vie, ma.
- Qu'est-ce que tu connais de la vie ?
- Tout ce que je connais, c'est ce qu'on a ici. Et çà peut pas être çà, la vie.
- Tu sais rien encore.
Cela ne peut - il durer au-delà du moment? se demande - elle en sentant un accès de toux naitre dans sa poitrine. Il s'efface, ce moment qu'on regarde avec tant de confiance et dont on croit qu'il va réparer une vie de souffrance. Tout ce qu'il en reste est cette nuit dans les montagnes- et le souvenir est vague et incertain. Ce moment était si autonome. Ils n'ont plus à présent qu'à savoir et croire que ce moment a bien eu lieu. Et demain?
.....Une fois dans sa vie, juste une fois, on devrait avoir suffisamment la foi en quelque chose pour tout risquer pour ce quelque chose.
Est-ce la seule façon que nous ayons de survivre - à travers une suite infinie de symboles ? Car les choses sont uniques, le plus petit événement ne peut se répéter; même l'émotion de la nuit précédente est absente aujourd'hui, malgré la répétition de la même cérémonie. Et parce qu'il est impossible que deux expériences soient similaires, la seule solution est de rechercher des dénominateurs communs, des symboles pour rendre la vie intelligible. Nous ne pouvons nous en passer. Et pourtant cette habitude même nous écarte de l'essentiel, de la vérité, des choses elles-mêmes !
On peut se sauver d'un endroit, quitter des gens; mais on ne peut jamais abandonner son corps. Et votre corps contient les endroits et les gens. Cette morsure sur mon épaule : Pamela. Ce cal : la fourche dans la ferme d'Oubaas Piet. Cette marque: le fouet de Nicolaas. Cette ancienne brûlure : la marmite en fer de Mama Rose. On ne peut pas s'échapper.
Et il y a les autres cicatrices, celles qui ne laissent pas de marques visibles pour l'oeil, mais qui sont à l'intérieur : ces marques et ces balafres que vous découvrez dans votre sommeil, dans vos pensées, dans vos rêves. Ce mot, ce regard, ce geste.
Cependant, tandis que j'écrirai des choses sur toi, d'autres ne manqueront pas de suivre, couleront sur les pages comme de l'encre, comme de l'eau, comme le sang menstruel de la mort et de la vie, que l'on ne peut empêcher de se répandre. Un test de mémoire... ou de capacité d'invention, selon. Toutes les autres, mes femmes, celles qui ont marqué ma vie, tous les débuts, tous les changements de cap, toutes les fins, toutes les courbes ou obscurités de mon corps. Une commémoration de tout ce que les femmes ont partagé avec moi, de tout ce qu'elles ont ajouté à ma personne, de tout ce qu'elles m'ont pris, au fil de ces années, déjà trop nombreuses.
Croire, c'est sans doute l'une des choses les plus difficiles du monde.
Pour l'essentiel , dit-elle , cela se résume à un monde divisé entre ceux qui ont le pouvoir et ceux qui ne l'ont pas . ceux qui l'ont s'y accrochent , les autres veulent l'avoir . Et la lutte dure jusqu'à ce qu'ils changent de place . Mais pour quoi faire ? L'acte même de prendre le pouvoir rend inévitable la perte de ce pouvoir . Je suis peut-être anarchiste de nature . Parce que je suis une femme ? Tout ce que je sais , c'est que , depuis le jour de ma naissance , j'ai vécu dans un monde dans lequel des hommes au pouvoir m'ont dicté mes actes . Je ne fais confiance à aucun pouvoir , Anton . A aucun gouvernement . Et qu'est-ce qui te fait croire que ta lutte est différente ? Ou que tu peux arrêter ce mouvement de va et vient dans la lutte pour le pouvoir ? Tu y as sûrement pensé , sinon tu ne te serais certainement pas
engagé .
On peut également y lire un inventaire journalier des découvertes. Chaque bête ou animal féroce tué y est mesuré, disséqué et décrit en détail. Les évènements importants sont rapportés avec tout autant de précision : "Avons été attaqués par un lion blessé. Avons été sauvés à temps par l'Hottentot Booi qui a été mordu au bras avant que l'animal n'ait pu être abattu. Il est intéressant de noter que la chair de Booi, sous sa peau déchirée, était exactement de la même couleur que celle d'un homme blanc."
La merde commence. Un seul regard et je sens que ça vient. Je fais tout ce chemin à pied et Dieu sait comme c'est dur, avec le petit sur le dos dans son abbadoek et maintenant plus question de retourner en arrière, c'est droit en enfer et c'est la fin.
Je n'écris pas, tu ne sais pas lire ; le flot est parfait - aussi libre en fait que les boucles et les phrases inscrites par un oiseau sur le parchemin du ciel.
Il n'existe que deux espèces de folies contre lesquelles on doit se protéger. L'une est la croyance selon laquelle nous pouvons tout faire. L'autre est celle selon laquelle nous ne pouvons rien faire.
Stanley se tenait devant une étagère couverte de libres, le dos à la porte.
" Tu es donc passionné d'histoire ?
- D'une certaine façon oui." Il posa le plateau sur le bureau." Sers-toi.
- Ta. " Puis en riant, il ajouta, provocant : "Et que t'a donc appris ton histoire ?"
Ben haussa les épaules.
" Putain d'bordel de merde, s'écria Stanley en regardant son fauteuil. Tu veux savoir ? Vous, lanies* persistez à croire que l'histoire se fait là où vous êtes et nulle part ailleurs. Pourquoi ne viens-tu pas un jour avec moi ? Je te montrerai à quoi ressemble l'histoire. Celle au cul nu, celle qui pue la vie. Viens du côté de chez moi, à Sofasonke City.
* hommes blancs
De temps à autre, nous dépassions quelqu'un ou quelque chose. Un moulin à vent cassé, un réservoir en tôle ondulée, rouillé, la carcasse d'une vieille voiture, une gardienne de troupeaux, un homme sur une bicyclette.
Souvenirs de mon enfance. En voiture avec papa - dans son spider ou dans sa petite Ford verte - nous jouions, Helena et moi, au premier qui verrait quelque chose : "Ma maison", "Mes moutons", "Mon réservoir". Et à chaque fois que nous dépassions une Noire, un Noir ou un enfant : "Mon domestique" Que cela nous paraissait alors naturel ! Que nos normes étaient fossilisées ! Imperceptiblement. En nous, autour de nous. Était-ce là que tout avait commencé ? Dans une telle innocence ? Tu es noir donc tu es mon domestique.
Dans un monde qui a vu Hitler, le Vietnam et le Bangladesh, la vie d'un homme ne veut pas dire grand chose.
" je suis
Dieu le sait
Une putain de femme libre."
Antjie Krog.