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Citations de Annie Proulx (136)


Ces eaux, songea Quoyle, hantées par les navires engloutis, les pêcheurs, les navigateurs aspirés dans des gouffres marins aussi noirs qu’une gueule de chien. Hurlant dans le bouillon salé. Et les Vikings poussés par les vents furieux, se guidant dans la brume à la lueur des aventurines. Les Inuit dans leurs esquifs de peau, soufflant, ahanant, les poumons emplis d'air froid, plongeant leurs pagaies gelées, les embruns qui se transforment en glace, un dos lisse qui se dresse, les bouscule, le bateau éventré, coulant en spirale. Icebergs millénaires arrachés aux glaciers, lugubres, silencieux hormis les vagues qui viennent se briser sur leurs flancs, l'écho trompeur du rivage alors qu'il n'y a pas de rivage. Sirènes de brume, détonations assourdies le long de la côte. La glace qui soude la terre à la mer. Nuages diaprés par le reflet des trous d'eau dans les mers de glace. La réverbération qui efface les distances, les dimensions, soumet les sens au mirage et à l'illusion. Un endroit unique.
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« Quoyle, finis ton papier et je t'emmène boire un grog au bar du Gros Temps. » Tert Card, morose et livide, contemplant d'un regard haineux la mer prise par les glaces. Car le temps s'était mis au grand froid sans vent. Des gâteaux de glaces flottantes se soudaient entre eux par plaques, la couche verte et grumeuleuse s'épaississait, une banquise s'accrochait au rivage, amarrant la mer à la terre. Les liquides se solidifiaient, les solides étaient enfouis sous des cristaux. Une étendue plate se déroulait jusqu'à l'entrée de la baie. II regarda le brise-glace partir à l'attaque, découper une allée d'eau noire aux bords déchiquetés.
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Y a rien pour brider un truc pareil. Ça me fout la trouille.
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Le jour où la transmission lâcha, il n'avait pas un sous pour la réparer. Il aurait voulu être bachelier,il trouvait que cela vous posait, mais le pick-up tomba en panne juste avant, le renvoyant irrémédiablement aux travaux du ranch.
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Une chose ne changeait jamais : l'intensité fulgurante de leurs rares accouplements était assombrie par le sentiment que le temps leur échappait, le temps trop court, toujours trop court.
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Chacun respectait l’opinion de l’autre, chacun était heureux d’avoir trouvé un compagnon alors qu’il n’en attendait pas. Ennis, reprenant le chemin face au vent pour retrouver les moutons dans la lumière traîtresse de l’ébriété, se disait qu’il n’avait jamais connu d’aussi bons moments, se sentait capable d’aller cueillir l’argent de la lune.
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So there he was, fifty-one years old and in North Dakota. The farm a curve of earth, a slat-sided house leaning into the Wind, starved fields among the ranches and sugar beet farms. Why the hell was he buying this, he wondered, even as he pushed the bank check at the vulture-wattled man in the sheepskin coat. Imprisoned in his mind, like an iridescent beetle in a matchbox, was the image of his slanting field crowned by scribbled maples, not this bony square of dirt. He didn't even know what he wanted to do with it.
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Ennis del Mar se réveille avant cinq heures, le vent secoue la caravane, siffle autour de la porte et des encadrements de fenêtres en aluminium. Les chemises pendues à un clou frémissent légèrement dans le courant d’air. Il se lève, gratte le triangle de poils gris au bas de son ventre, se traîne vers le réchaud à gaz, verse un reste de café dans une casserole en émail écaillé ; la flamme enveloppe la casserole de bleu.
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[...] ... Combien étaient venus ici, appuyés comme elle au bastingage ? Contemplant ce rocher au milieu de la mer. Vikings, Basques, Français, Anglais, Espagnols, Portugais. Attirés par la morue, depuis les jours lointains où les multitudes de poissons ralentissaient les navires dans leur course vers les îles aux Epices, dans leur quête des cités de l'or. La vigie rêvait de pingouin rôti ou de baies sucrées dans des corbeilles d'herbes tressées, sans rien voir d'autre que le bouillonnement des vagues, les lumières clignotant le long des rambardes. Les seules villes étaient de glace, icebergs au coeur d'aigue-marine, pierres bleues enfouies au creux de gemmes immaculées dont certains disaient qu'elles exhalaient un parfum d'amande. Enfant, elle en avait senti l'amertume.

Les éclaireurs partis à terre revenaient à bord couverts de piqûres d'insectes. De l'eau, rien que de l'eau, disaient-ils, des tourbières, des marécages, des rivières, des chapelets d'étangs peuplés de criaillements d'oiseaux. Les bateaux poursuivaient leur route, raclant le fond au détour des caps. Et les vigies distinguaient des caribous qui s'enfonçaient dans la brume. ... [...]
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Derrière lui un profond soupir, le soupir de quelqu'un au comble du désespoir ou de l'exaspération. Il se retourna. À trente mètres au loin, une nageoire, un dos luisant. Le rorqual s'éleva, glissa sous la surface laiteuse. Quoyle scruta la mer. Le cétacé apparut à nouveau, soupira, s'enfonça. Deux jets de vapeurs s'élevèrent à quinze mètres au-dessus de l'eau.
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La chemise lui parut lourde et il découvrit qu'il y en avait une autre à l'intérieur, les manches soigneusement enfilées dans celles de Jack. C'était sa propre chemise à carreaux, perdue depuis longtemps, avait-il cru, dans une putain de blanchisserie, sa chemise sale, la poche arrachée, les boutons en moins, volée, dissimulée par Jack à l'intérieur de sa propre chemise, comme deux peaux, l'une à l'intérieur de l'autre, deux en une. Il enfouit son visage dans l'étoffe et respira lentement par le nez et la bouche, espérant y trouver la légère odeur de fumée et de sauge, le goût salé de la sueur de Jack, mais il n'y avait rien à sentir, seulement son souvenir, le pouvoir imaginaire de Brokeback Mountain dont il ne demeurait rien sinon ce qu'il tenait dans ses mains.
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Il y avait un espace incertain entre ce qu'il savait et ce qu'il voulait croire, mais il n'y pouvait rien, et quand on ne peut rien y faire il faut vivre avec.
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Quoyle dit qu'il essaierait. Sa voix trembla. Partridge vit avec stupéfaction les yeux délavés de ce gros bonhomme s'emplir de larmes. Car Quoyle était un raté de la solitude, cherchait désespérément à vivre en société, à s'assurer que sa compagnie était un plaisir pour les autres.
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«Jesus-christ, arrête de jouer des castagnettes et viens par ici. Le sac de couchage est assez grand» grommela Jack d’une voie endormie. Il était assez grand, assez chaud, et en peu de temps leur intimité s’accrut considérablement.
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[...] ... Vers minuit, le vent souffla plein ouest et il entendit sa plainte se transformer en hurlement, un vent terrible dans le catalogue des vents. Un vent qui se rapprochait du Vent bleu du nord, du Blaast glacial et du Landlash. Un cousin du Bull's Eye, toujours annoncé par un petit nuage au centre rougeâtre, la belle-mère du Vinds-gnyr des sagas norvégiennes, des nordets qui soufflent trois jours durant sur les côtes de la Nouvelle-Angleterre. Un oncle du Williwaw de l'Alaska, et du Doinionn sauvage d'Irlande. La demi-soeur du Koshava, chargée des neiges russes qu'elle pousse à l'assaut des plaines yougoslaves, du Steppenwind, et du violent Buran des steppes infinies de l'Asie centrale, du Crivetz, des Viugas et des Purgas de Sibérie, et du féroce Myatel qui balaie la Russie du nord. Un frère de sang du Blizzard de la prairie, de cette clameur venue de l'Arctique canadien connue simplement sous le nom de Vent du nord, et du Pittarak qui fait fumer la banquise du Groenland. Un vent abominable, tranchant comme une lame d'acier. ... [...]
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Il a eu son lot de malheurs, pense-t-il, il y a des années de ça, lorsqu'il était un ivrogne bégayant dans les cavernes transparentes de bouteilles d'alcool, tellement meurtri par sa vie misérable qu'il lui semblait que les nœuds de son coeur ne pourraient être défaits, pas même avec un poinçon. Il a trouvé une solution pour abolir cette souffrance et ces angoisses; il apprend par cœur d'anciens poèmes chinois et lance des mouches artificielles dans les cours d'eau. Les parallèles ténus entre sa vision de la vie et celle des érudits barbus et ascétiques de la dynastie Tang, le réconfortent. Comme lui, ils éprouvaient une paix mélancolique à la vue des légères éphémères posées sur la rivière sombre.
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"Ces riches connards, c'est encore au-dessous du cul d'un serpent sur le grand chemin, disait-il à sa mère. Je lui ai raconté que c'était mon grand-père qui avait bâti ici sa maison et que si je revoyais ses fesses de Californien sur ma propriété je lâcherais un coup de fusil dessus. Je l'ai regardé droit dans les yeux et il a saisi le message. Il a changé de couleur si vite qu'il n'a pas pu retenir un pet."
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"C'est calme , dit Quoyle, prêtant l'oreille.
- Il y a le bruit de la mer." Comme une porte qui s'ouvre et se ferme. Et le chant sourd des haubans.
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Il y avait un espace incertain entre ce qu'il savait et ce qu'il voulait croire, mais il n'y pouvait rien, et quand on ne peut rien y faire, il faut vivre avec.
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Pour éviter de perturber les aigles royaux, j'ai décidé d'arrêter de skier vers l'extrémité est de la propriété et j'ai opté pour les montagnes de la Sierra Madre. Alors que je m'arrêtais faire de l'essence à l'Encampment Trading Post, j'ai croisé un camion des services forestiers. Le chauffeur m'a avertie qu'il venait juste de déblayer les pistes de ski (ce qui d'habitude ne se produisait pratiquement jamais sur le versant est à l'époque où j'habitais Centennial). Les pistes étaient merveilleuses en dépit des lourdes chutes de neige, que par ailleurs j'apprécie. En rentrant à Bird Cloud j'ai vu l'un des aigles royaux se repaître d'une carcasse de cerf sur le bas-côté de la route. Etait-ce l'un des résidents de Bird Cloud?
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