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Critiques de Antoine Volodine (236)
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Terminus Radieux

Arrête ton train Volodine ! C’est le terminus Radieux, mon cul oui…

Je vais me faire descendre par mes potes bablio’s mais alors fallait pas m’inviter. C’est quoi ça ?

Bon donnez-moi un doliprane, j’ai mal à la tête.

Descendez- moi à la prochaine étape… Je ne peux plus marcher. Irradié jusqu’à la moelle…

Allez je laisse tomber. C’est pas pour moi. Mais il y a en qui aime ? Bon ça, au moins c’est rassurant. La littérature n’est pas une soupe au goût parfaitement homogène qui ferait qu’on aime tous la même chose, avec ce petit quelque chose d’identique de bout en bout. Marc Levy sous prozac. C’est pas un pléonasme ?

C’est même réjouissant de trouver des romans qui divisent, qui ne font pas l’unanimité. Même lorsqu’on aime la littérature sous toutes ses latitudes, on peut se retrouver avec une porte close, alors que pleins d’autres lecteurs sauront, rentrer par delà les murailles, d’une cité-livre.

Alors j’aime pas, mais c’est bon signe quand je vois ceux qui savent en parler avec talent. Je me dis que la diversité existe encore, que le sang des écrivains n’est pas encore totalement sur les linéaires des grandes surfaces en attente de coagulation.

Terminus Radieux ? Arrête ton char Volodine ! Tu déconnes. Non ? Bon, je te promets, que je reviendrais vers toi, parce qu’à lire la critique de Michfred je me dis, « c’est pas possible, je suis passé à côté d’un truc, j’ai du trop fumer la moquette la semaine ou je l’avais entre les mains, bu trop de Volka, mangé trop de moussaka… »

Le pire dans tout ça, c’est qu’il y a certaines critiques de Babelio qui vous font vous mordre les doigts de ne pas aimer. Merde ! Mais franchement certains d’entre vous, vous êtes trop fort. Vous donnez tellement envie de lire un livre qu’après, ben si on est déçu, on est doublement déçu.

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Des Anges Mineurs

En fait, ce livre mériterait bien plus d'étiquettes que la seule de roman puisqu'il est beaucoup de choses à la fois. Composé de 49 "narrats", selon l'expression employée par l'auteur ou disons plutôt de fragments issues de points de vue différents, je me suis sentie un peu déroutée en entamant la lecture de ce livre, mais plus j’avançais dans l'histoire, plus j'ai compris que ces différents "narrats" avaient un point commun du nom de Will Scheidmann, un homme qui se retrouve attaché à un poteau d'exécution au beau milieu d'un champ près à se faire lapider pas des dizaines de vieille femmes, ces mêmes vielles femmes qui l'ont mis au monde des années plus tôt, l'ont élevé pour être "le vengeur", celui qui rétablirait un monde juste qui vaille la peine qu'on se batte pou lui.

On retrouve dans ce livre des personnages tout aussi étranges les uns que les autres mais qui se ressemblent bien plus qu'on ne le croient puisqu'ils luttent tous pour une même cause.



Ces courts fragments ainsi que la superbe écriture de l'auteur rendent le livre très agréable à lire. Vision post-apocalyptique pourrait-on dire et futuriste mais néanmoins bien plus réaliste que l'on ne voudrait bien le croire. A découvrir !
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Frères sorcières

Voilà un roman très amusant et même, très agréable à lire malgré certaines recherches d'écriture qui dérouteront les lecteurs non prévenus. La fiche Babelio qui le présente ne parle que de genre et de féminité (comme si c'était la même chose), obsession prévisible à notre époque. Mais quand on lit vraiment le livre, abstraction faite des modes, on ne voit nullement le roman féministe militant que la fiche laisse prévoir. Il y a certes trois personnages féminins (un personnage féminin dans un roman, ce n'est pas "une femme", voir Marguerite Yourcenar à ce sujet) : Eliane Schubert, actrice de théâtre itinérant subissant un interrogatoire désagréable et anonyme grâce auquel elle raconte sa vie dans la troupe, les pays imaginaires qu'elle traverse et les violences catastrophiques qu'elle subit ; et Amandine Odilone ainsi que Bella Ciao, qui figurent dans la troisième partie, "Dura Nox, sed Nox". Ces personnages sont d'autant moins des "femmes" (ou d'autres, des "hommes") que le rôle principal de l'ouvrage est tenu par un immortel sans "genre" ni noms précis, qui s'incarne indifféremment en êtres de l'un et l'autre sexe littéraire, notamment en Amandine Odilone et en Bella Ciao : un des noms les plus anciens de cet Immortel qui vit "d'un Big Bang à l'autre" et au-delà, est Moô-Moô : " ... derrière la cuirasse innommable de centaines de milliers de siècles et de centaines de milliers d'identités successives, d'identités provisoires et cyniquement impropres et ridicules, [il] n'est nul autre que l'infâme, le cruel et hélas indestructible Moô-Moô, ce sale prince de la suie radieuse et des flammes rigides, des flammes froides, des flammes inhabitables..."

*

Donc le héros principal est une volonté et une identité fluctuantes mais maléfiques qui habitent souvent l'espace noir et le Bardô tibétain, ce qui explique cette incertitude des identités et des sexes toujours soumis aux aléas de la réincarnation. Cette instabilité des choses et des êtres s'exprime dans une prose adaptée, en l'absence totale et significative de points (mais qui a lu Claude Simon en a vu d'autres) sans sections, phrases segmentées ou séparations. La langue est absolument jubilatoire, riche sans obscurité, jouissant d'elle-même et de son déploiement, les aventures de l'immortel palpitantes et imprévues, "le sale prince de la suie radieuse" très drôle et sympathique. Quand on ajoute à cela le goût des grands nombres et des énumérations facétieuses, on pense immanquablement à Rabelais, d'autant que la franchise sexuelle (rien à voir avec le "genre", on le sait aujourd'hui) est de mise.

*

Donc cette lecture est un plaisir verbal de tous les instants, et on s'amuse aux multiples malices et allusions de l'auteur au communisme et à divers soubresauts historiques (il y a une version magique et féminine en terre cuite de Pol Pot, Madeleine Polpotte, accompagnée d'idoles de Micki Mouse, de Latrine Mariol, des Sept Filles Belettes, de Goldodrack, avec Trotski en divinité mineure, entre autres ...) Voilà qui change un peu du pesant esprit de sérieux militant des ouvrages littéraires "de l'imaginaire" publiés en français.

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Terminus Radieux

Initiateur du courant post-exotique (post comme future et exotisme comme étranger), Antoine Volodine conte dans Terminus Radieux la vie dans la seconde Union Soviétique, quelque part vers l'an 2500, où tout est détruit par une série d'explosions nucléaires; Les survivants ne meurent plus, ils sont protégés par les radiations. Ils tournent en rond dans leurs rêves, leurs cauchemars et leurs misérables existences, dont le moment le plus agréable est la vie dans un camp.Un odieux dictateur s'immisce dans leurs pensées, les tourmente, l'amour n'existe plus, on erre, on erre encore. Comme le lecteur, sauf s'il décide de s'accrocher pour trouver des symboles à cette monumentale oeuvre de science-fiction, et finir par se dire que ce monde en ruines n'est pas loin d'être le notre.
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Bardo or not Bardo

On ne lit pas un nouveau Volodine comme n'importe quel autre auteur. On rentre dans un univers déjà connu, construit sur des lieux et des mythologies déjà exposés et développés dans d'autres ouvrages : Russie soviétique, Asie, communisme, révolution mondiale, bouddhisme, apocalypse. Alors, où est le plaisir, où est la surprise ? Chaque fois, l'auteur élabore une nouvelle approche, une variation nouvelle sur des thèmes connus, comme improviseraient un jazzman ou un barde à partir de récits ou de modes musicaux familiers du public. La surprise et le plaisir viennent de la reconnaissance, et nous sommes un peu comme ces enfants qui se font raconter mille fois la même histoire, jamais tout à fait la même.



Est-ce à dire que "Bardo or not bardo" n'apporte rien de neuf , d'absolument neuf ? N'ayant pas tout lu de l'auteur, je ne saurais le dire. Ce qui me frappe et m'amuse, c'est l'association et la collaboration des bouddhistes (ici, des "Bonnets Rouges Anonymes" d'obédience tibétaine marginale) et des extrémistes révolutionnaires de gauche : les deux groupes cherchent à imposer aux hommes l'égalité absolue dans la misère (ou la sobriété) et devant l'extinction du Soi dans la Lumière, après les 49 jours d'errance dans le Bardo post mortem. Bouddhistes et gauchistes sympathisent, et d'ailleurs on rencontre un Lama portant des pins d'extrême-gauche sur sa robe.



Une traversée réussie de l'âme dans le Bardo consiste à éviter la réincarnation, le retour à la condition souffrante mortelle, et le sort horrible de deux personnages, l'un réincarné en singe, l'autre en araignée (alors qu'il a la phobie des araignées), nous avertit de l'importance du Bardo Thödol, le livre des morts tibétain, sorte de guide de voyage qui doit être lu pendant les 49 jours après la mort. Mais les morts n'écoutent pas la lecture qu'on leur fait ou n'y comprennent rien, certains refusent de bouger et restent couchés pendant les 49 jours, etc ... Alors à quoi bon lire ce guide de voyage si le voyageur ne sait pas qu'il est mort, ou ne voit rien de ce qu'on lui décrit, dans cet espace noir sur noir du Bardo ? Volodine est un peu le Soulages de la littérature contemporaine, ses infinies variations sur le noir sont stupéfiantes. A quoi bon encore lire le Bardo, si cette fameuse Pure Lumière censée éviter la réincarnation, n'est jamais visible ? D'ailleurs, les personnages n'ont pas envie de disparaître et préfèrent vivre et souffrir.



Comme toujours chez Volodine, tout foire. Les monstres décrits dans le Bardo Thödol ne sont pas au rendez-vous, pas de nouvelles de la Pure Lumière (on a dû l'éteindre). Hamlet craignait, dans le célèbre monologue "To be or not to be" (d'où le titre de Volodine est tiré) de rater sa mort et sa disparition. Ici, tout rate, bien entendu, mais c'est aussi drôle que des numéros de clowns au cirque, qui ne cessent de tomber et de se faire des blagues qui tournent mal. D'ailleurs, il y a des clowns à la fin du roman (et ce n'est rien révéler).



Volodine nous fait rire de la mort et du malheur métaphysique, un peu comme Shakespeare, surnommé The Bard.
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Des Anges Mineurs

Le monde est en lambeaux. Grande révolution, catastrophe nucléaire, univers concentrationnaire, charniers, dévastation, l’espèce humaine s’approche de l’extinction. Les humains ne sont plus que des particules raréfiées et «Des anges mineurs» est un livre créé à l’image de ce monde.



Quarante neuf histoires – des narrats -, les chapitres de ce livre, sortent de la bouche d’un homme, qui lui aussi se délite. Dans l’hospice de vieillards d’une contrée reculée, cet homme, Will Scheidmann, fut enfanté à partir de chiffons et de pratiques chamaniques par des vieilles femmes immortelles. Poursuivant une lutte révolutionnaire contre le capitalisme destructeur, ces idéalistes éternelles lui ont assigné la tâche de sauver la société égalitariste et de rassembler ce qui reste des hommes.



Hélas, cet envoyé magique, leur petit-fils à toutes, a trahi la lutte et rétabli une société marchande et mafieuse. Jugé et condamné par ces vieillardes redevenues primitives, et attendant la fin, il leur raconte des histoires, une seule histoire par jour, un assemblage étrange où les personnages se croisent et se recroisent, des histoires incroyablement dures et incroyablement belles.



«Après un moment elle reprit, montrant l’intérieur de son crâne, Ici reposent les livres qu’Artiom Vessioly n’a pas pu terminer et ceux qu’il n’a pas pu écrire, ici reposent les manuscrits qui lui ont été confisqués, ici reposent la chemise déchirée d’Artiom Vessioly et son pantalon taché de sang, ici repose la violence qui ne faisait pas peur à Vessioly, ici reposent les passions de Vessioly, ici reposent la première nuit en face des interrogateurs, la première nuit au milieu des hommes entassés, la première nuit dans un cachot où avaient coulé, sans exception, tous les liquides que contient le corps des humains, la première nuit en présence d’un communiste dont on avait cassé toutes les dents sans exception, ici reposent la première nuit de transfert en train et ensuite toutes les nuits dans un wagon glacial, les nuits de somnolence à côté des cadavres, et la première nuit en contact avec la folie, et la première nuit de véritable solitude, la première nuit où les promesses étaient enfin tenues, la première nuit dans la terre.»



Les vieillardes tricentenaires tiennent Will Scheidmann en joue pendant plusieurs années, discutant, méditant pour savoir si elles doivent l’exécuter ou pas ; après des décennies d’entrainement, un homme est envoyé en mission pendant trente secondes dans le monde pour juger de son état. Le temps s’alourdit, s’allonge avec Volodine, et une lecture lente s’impose pour s’imprégner de ces histoires oniriques qui disent l’échec de l’humanité et l’horreur du réel.



Et tandis que Will Scheidmann raconte, les vieillardes de plus en plus séniles détachent des lambeaux de ce héros épuisé pour tenter de retenir un morceau de leur mémoire et de leur humanité elle aussi en bout de course.



«Certains spectacles m’affligent encore. D’autres, non. Certaines morts. D’autres non. J’ai l’air d’être au bord du sanglot, mais rien ne vient.

Il faut que j’aille chez le régleur de larmes.»

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Vivre dans le feu

Ce dernier roman de Volodine se présente comme une sorte de chronique familiale à la première personne : le narrateur et héros, Sam, sur le point d'être consumé dans un bombardement au napalm, emploie sa dernière seconde de vie à raconter, en douze chapitres, ses rencontres avec une infinité de grands-mères et de tantes variées, dans un univers post-apocalyptique situé dans un avenir lointain, bien après l'effondrement de la civilisation telle que nous la connaissons. Le lecteur rencontrera les éléments familiers qui font le charme des autres romans de Volodine, et ce sera pour lui un plaisir de redécouverte et de retrouvailles. En revanche, qui voudra savoir si le romancier a progressé et fait évoluer son univers, s'il n'a pas caché dans les replis de ses pages quelques malices post-exotiques, numérologiques et bardo-tibétaines, devra soumettre ce petit roman à un examen et à un épluchage minutieux qu'il ne me semble pas absolument mériter. Faire loger tout un univers et ses récits dans la dernière seconde de vie d'un héros, est un procédé qui rappelle Clive Barker, si je ne me trompe, et aussi Jorge-Luis Borges, mais je n'ai pas poursuivi plus loin l'analyse. Que d'autres, plus passionnés et plus intéressés, s'y consacrent.
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Terminus Radieux

J'ai été subjuguée par ce roman et j'ai mis un certain temps à me remettre de sa lecture, tant les idées qu'il brasse sont diverses et profondes.

L'auteur (aux multiples pseudonymes) nous raconte la vie dans un kolkhoze après une série de catastrophes nucléaires.

Un personnage quasi immortel fait régner l'ordre et la terreur auprès des rares survivants aidé en cela par une vieille femme ayant elle aussi survécu aux radiations et s'en trouvant de même revitalisée.

Ce livre, écrit en 2015, représente bien entendu un anachronisme, une description de la vie en Union Soviétique avant sa chute, la centrale au gouffre insondable et insatiable un Tchernobyl puissance X et Soloviei un Raspoutine qu'il a été historiquement si difficile de "neutraliser".

Ce roman foisonnant et prenant est aussi un concentré de l'éternelle âme slave. Les thèmes de la liberté, de l'amour incestueux, de la mort surtout sont omniprésents, on ne sait d'ailleurs si ce récit se passe dans le cauchemar d'un mourant, si les personnages sont vivants, morts ou ressuscités (par les trois eaux de la mémé Ogdoul).

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De la filouterie considérée comme science exa..

Les filous ressemblent à des honnêtes hommes, l'homme d'affaire n'est qu'un voleur, les journalistes appliquent des recettes pour écrire des articles à sensation, les morts sont parfois encore vivants au fond de leurs tombes, le diable prend forme humaine pour rendre visite au philosophe...Lors d'un voyage en ballon se dévoile notre avenir lointain, on l'entre-aperçoit lors de la mille et deuxième nuit de Shéhérazade...mais tout y est plus vrai que la fiction car seule la vérité est terrifiante...Poe en profite pour régler quelques comptes aux éditeurs de magazine qui payent les écrivains avec des mois de retard...une fois qu'ils sont morts de faim !



Ces quelques textes traduits par Félix Rabbe et présentés par Antoine Volodine font parti des "Derniers contes" d'Edgar Poe, moins connus que les célèbres "Histoires" traduites par Baudelaire, mais restituent merveilleusement son univers fantastique, celui du grotesque et de l'étrange, un monde dans lequel il faut se méfier des apparences, où les frontières entre la vie et la mort restent souvent très floues...comme celles entre l'honnêteté et la filouterie. Beaucoup d'humour, un peu d'horreur, une bonne dose d'imagination, une excellente façon de (re)découvrir ce grand auteur classique de la littérature américaine.

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Terminus Radieux

Vous vous promenez dans un couloir en plein désert, vous avancez bien que le moindre pas meurtrisse vos pieds, que la douleur remonte, insidieuse, cheminant le long de vos jambes, s'installe au niveau des genoux, jusqu'à s'arrêter au creux de vos reins, qu'elle remonte, vous asphyxiant, paralysant le plexus solaire, qu'elle alourdisse vos bras, que des fourmillements commencent à se faire ressentir au niveau des poignets et que le mal s'infiltre entre vos doigts, vous avancez parce que si vous vous arrêtiez là, en plein désert, vous y resteriez, éternellement, vous parlant à vous-même pour occuper l'espace et pour oublier le temps qui passe. Soudain, vous percevez une voix qui s'adresse à vous non pas de manière personnelle mais comme si vous n'existiez pas : "Terminus radieux, tout le monde descend !" Vous prenez alors conscience de la présence d'autres êtres, de leur absence parce qu'ils sont étrangers à votre corps et vous décidez de ne plus jamais quitter cet endroit, Terminus radieux, et vous laissez la voix qui sort des haut-parleurs vous dicter le temps et les destinations que vous n'atteindrez sans doute jamais. Soudain, vous prenez conscience de votre réalité, alors vous décidez le suivre le pas mécanique des personnes qui vous entourent, suivant quelqu'un, au hasard, jusqu'à ce qu'il ou elle vous conduise au long des rails. Vous vous approchez, vous franchissez la ligne à ne pas franchir et vous regardez le vide devant vous, où s'affirme le pouvoir d'une force qui vous dépasse, où le métal froid vous attire, fasciné, par le pouvoir de l'électricité qui en émane. Et c'est alors que vous remarquez la vieille dame sur l'autre voie qui, assise au bord de l'abîme, donne un léger coup de rein pour se projeter alors vous vous retournez, et vous vous éloignez de la rame.
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Terminus Radieux

"Terminus radieux" correspond surtout à mon état d'esprit à la fin de la lecture: enfin! j'étais arrivée au bout de ces 600 et quelques pages, et j'allais pouvoir passer à autre chose.

Car ce fut une lecture dont l'enthousiasme s'est émoussé au fil des pages: au départ, je me suis laissée emporter dans la taïga infinie, auprès de combattants pour une Deuxième Union Soviétique errants dans un lieu détruit par les nombreuses explosions nucléaires; puis ce fut le kolkhoze et ses habitants étranges, en particulier Solovieï, une sorte de gourou aux pouvoirs immenses et ses filles , toutes plus bizarres les unes que les autres et subissant les intrusions de leur père , physiques et mentales ; et ensuite, je n'ai plus compris: les personnages semblent errer dans un rêve, n'être ni morts ni vivants, certains subissent la malédiction de Solovieï (ou peut-être tous?) et attendent la fin. D'ailleurs, cette partie m'a fait penser à du Beckett, mais en beaucoup trop long.

Bref, je suis allée jusqu'au bout de la lecture , pour voir, si jamais un retournement de situation pouvait tout m'expliquer, mais j'y ai perdu le plaisir et la compréhension. Tant pis, j'ai essayé....

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Terminus Radieux

Ce livre est excellent, et ce pour de multiples raisons. Il est très bien écrit. La langue de Volodine est très musicale, construite sur un rythme agréable qui en rend la lecture très plaisante. Elle fourmille de détails inventifs, souvent drôles comme la liste des langues étrangères où figurent « l'Américain ancien » ou le « Russe des camps » ! Même quand l'auteur se lance dans une phrase immense de plus de deux pages, comme celle constituant l'essentiel du chapitre 46, j'ai avalé cela sans aucune difficulté et sans aigreur d'estomac . J'apprécie beaucoup le style Volodine fait d'une succession de phrases apparemment sensées, descriptions minutieuses et réalistes, mais achevée d'une phrase qui est pure littérature et invention, création d'un monde autre et incertain où l'écrivain change les règles du déroulement du temps (comme celle-ci : « la tige de fer qui l'avait transpercé de l'oeil à l'oreille appartenait dorénavant au registre des vagues souvenirs »)



Ce livre peut se voir comme un traité poétique d'anthropologie. Dans son récit, Volodine aborde des grands thèmes fondateurs des civilisations humaines, utilisés par exemple dans les mythes collectifs. Au premier rang desquels, on trouve la relation de l'homme à la nature, dans son double caractère de nature hostile et de nature nourricière. La métamorphose permanente de Solovieï en corbeau ou le fait que certains personnages peuvent avoir un oiseau comme ascendant m'a fait penser à certaines cultures indiennes où les animaux sont considérés comme faisant partie d'une famille (au même titre que les végétaux d'ailleurs). La magie est omniprésente dans le livre, qui se réfère souvent aux pratiques chamaniques. le récit faisant osciller en permanence les personnages entre un statut de vivant et celui de mort (sans parler des stades intermédiaires !), on est plongé dans la façon dont une société humaine considère la mort dans la construction de sa culture via ses mythes fondateurs. le roman se réfère abondamment au bardo tibétain, cet état intermédiaire entre la vie et la mort et les personnages en sont si j'ose dire de vivantes illustrations. Autre exemple, la confusion fréquente chez Solovieï entre statut de fille et statut d'épouse renvoie d'après moi aux questions fondamentales de l'inceste, de filiation ou de parenté dans les différentes cultures.



Ce livre nous questionne également sur la façon dont une société se construit, au-delà de ses mythes millénaires. Dans le récit fait par Volodine de l'effondrement d'une utopie (celle de la Russie soviétique), je vois une interrogation sur ce qui fait le ferment d'une société : ses rêves, ses objectifs, ses échecs, ses difficultés. Sur ce plan, il est intéressant de voir comment la guerre peut être un constituant social important. J'ai vu aussi dans le récit, notamment dans l'épisode des brigands, une façon de s'interroger sur l'individualité dans une société de masse, sur la tolérance donnée à l'imperfection ou la déviance personnelle au regard d'une norme idéale, une façon de poser la question des choix individuels au sein d'une collectivité dont les valeurs sont forcément un peu figées. Aussi bien la question du choix individuel lorsque les valeurs de la société évoluent dans une direction qui semble néfaste (résistance ? fuite ? soumission ?).



Ce roman est aussi un formidable panorama des horreurs humaines récentes ou potentiellement à venir, avec l'utilisation de symboles particulièrement évocateurs comme les camps, les convois ferroviaires menant à ces camps, la guerre, les exécutions à l'issue de procès truqués et aberrants, les accidents nucléaires. Avec la référence directe au communisme, on fait face à la question de l'utopie et de ses échecs.



Pour ceux que le roman aurait rendu perplexe, Volodine pousse la gentillesse à consacrer les derniers chapitres de son livre à nous donner les clés et un commentaire sur son oeuvre encore inachevée à ce stade, dans une pirouette de métafiction assez amusante. Le chapitre 47 décrit la vie d'écrivain de Hannko Vogoulian, et constitue quasiment un discours sur le texte en train d'être lu, y compris dans ses aspects formels (« elle s'obstinait à diviser ses livres en quarante-neuf chapitres »).

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Vivre dans le feu

J’ai lu mon premier Volodine en 1985 et si j’en crois la quatrième de couverture celui-ci est le dernier . Tel qu’en lui-même l’éternité le change , l’auteur nous entraine dans son monde habituel :une sorte de Mongolie (plaine , yourte et cavaliers) où se rencontrent les traces d’un monde post-soviétique après apocalypse. Le narrateur , Sam ,prêt à être carbonisé au napalm revoit sa vie au sein de son clan .A travers une série de portraits de parents (principalement des femmes , grand-mères, tantes ,cousines) il peint son apprentissage magique le préparant à « vivre dans le feu » . Le lecteur doit se dire ,comme le narrateur, « il fallait que je me trouve comme un poisson dans l’eau dans le bizarre » . Et comme toujours Volodine nous y immerge et c’est bon !
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Frères sorcières

Depuis la « Biographie comparée de Jorian Murgrave » (Présence du Futur, Denoël, 1985), l'impression extraordinaire à la lecture de l'oeuvre d'Antoine Volodine et de ses hétéronymes est celle d'entrer dans un monde parallèle, où chaque livre ouvre une nouvelle porte, déchiffre un nouveau continent et semble atteindre un point d'incandescence ultime, en résonance avec les précédents.



Quarante-troisième volume de la bibliothèque post-exotique, publié en janvier 2019 dans la collection Fiction & Cie des éditions du Seuil, « Frères sorcières » est un objet d'une beauté formelle et littéraire impressionnante. Comme « Nos animaux préférés » d'Antoine Volodine et « Avec les moines-soldats » de Lutz Bassmann, « Frères sorcières » porte l'appellation d'entrevoûtes qui suggère l'architecture de l'objet, la nature circulaire du récit et l'envoûtement hypnotique qu'il crée.



Les trois parties de « Frères sorcières » sont reliées par des voix sortant des gouffres du temps, des vociférations poétiques déclamées par les femmes pour se soutenir et aider leurs semblables, actrices, poétesses, combattantes ou mourantes, vociférations qui entrent en résonance avec les puissants « Slogans » de Maria Soudaïeva. Elles sont reliées par la recherche de la parole essentielle, l'expression de voix originelles, oniriques et vertigineuses et par la théâtralité très forte du texte, comme thématique et forme d'écriture.



Eliane Schubert, personnage central de la première entrevoûte (« Faire théâtre ou mourir »), est peut-être la seule survivante d'une troupe de théâtre itinérante, la Compagnie de la Grande-Nichée, une troupe kidnappée et massacrée par des bandits. À moins qu'elle ne soit déjà morte, après plusieurs années aux côtés des bandits.

Femme à la biographie et à l'identité incertaines, certainement décédée et peut-être sorcière, elle raconte son histoire sous contrainte, soumise à un interrogatoire, structure narrative centrale du post-exotisme depuis le « Rituel du mépris », qui permet de créer une tension entre le déploiement de son histoire tragique – une enfance itinérante avec la troupe dans des bourgades isolées de montagne, l'apprentissage des slogans transmis par d'autres femmes, imprécations poétiques déclamées sur les planches, le kidnapping et les violences subis par les bandits, les conflits du groupe de bandits dans un monde en délitement – et la brutalité des questions de l'interrogateur qui sans cesse l'interrompt, recherchant l'efficacité plutôt que les replis de l'histoire.



Les vociférations proférées par des femmes («VOCIFÉRATIONS, cantopéra»), imprécations troublantes en 49 fragments, poésie extrême du chaos, de survie et de mort d'une richesse inouïe, forment un pont essentiel et le coeur de « Frères sorcières », avant de céder la place, dans l'ultime entrevoûte («Dura nox, sed nox»), à la voix d'un sorcier très puissant venu du fond des âges, croisé précédemment sans doute sous les traits du Rossignol brigand («Ilia Mouromietz et le rossignol brigand») ou de Solovïei dans «Terminus radieux», sorcier qui se réincarne depuis des millions d'années pour commettre ses inimaginables méfaits, se nourrissant de l'espace noir, avançant de corps en corps, possédant femmes et filles, inlassablement.



Cette dernière partie en une seule et longue phrase, teintée de l'indispensable humour du coeur du désastre, porte l'éblouissement à son point extrême, une phrase luxuriante comme un envoûtement qui m'a remis en mémoire ces mots du Golem de Manuela Draeger :



«Sous ma langue demeure la puissance du mot. Tout indique que le mot agit sur mon corps, qu'il repousse et repoussera perpétuellement les attaques du temps, de l'humidité, du désespoir ou de l'ennui. le mot contrarie ma transformation en poussière.»



Nous aurons la très grande joie d'accueillir Antoine Volodine à la librairie Charybde (129 rue de Charenton, 75012 Paris) le 18 janvier prochain en soirée pour fêter la parution de «Frères sorcières».



Retrouvez cette note de lecture et et beaucoup d'autres sur le blog Charybde 27 ici :

https://charybde2.wordpress.com/2019/01/12/note-de-lecture-freres-sorcieres-antoine-volodine/
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Songes de Mevlido

Je n’ai pas accroché, et ça, c’est peu de le dire!!!!!



Pourtant, j’en attendais beaucoup, je me suis dit: » Tiens un super livre de SF, avec un amour tellement grandiose qu’il traverse l’espace et le temps, il est fait pour moi ce livre ». La grande romantique en moi se voyait déjà partir dans ce monde chaotique, mais guidé par une grande force, je m’en suis fait tout un plat…..



Et patratas, dès les premières pages je n’accroche pas…Le style, le Monde, le personnage, enfin, Tout quoi. Et c’est ça qui m’a le plus frustrée, c’est que l’auteur part sans nous, il nous laisse sur le bas coté, pendant que lui, s’envole au dessus. Il n’y a pas d’introduction pour rentrer dans son univers, il nous balance ses trips, ses songes, ses rêves ou ses envolées , sans apprivoiser aussi son lecteur…C’est dommage, et très énervant aussi.



Il est rare que je ne finisse pas un livre, d’autant plus que c’est un partenariat, mais là, je m’ennuyais trop, je ne saisissais rien, aucun fil conducteur à quoi se raccrocher, aucune émotion ne m’a traversée à part cet ennui terrible, et la terrible frustration de l’échec, en plus, de peut être passer à coté de quelque chose. J’ai essayé jusqu’à la moitié du livre, mais quand j’ai vu que la mayonnaise ne prenait pas, je me suis fait une raison et je l’ai reposé.



La déception n’est que pour moi, puisque j’ai vu que ce livre avait de bons avis, et que l’auteur avait même reçu un prix en 2014.Ce livre n’a pas été le coup de cœur attendu, mais plutôt ma plus grosse déception de l’année.


Lien : https://fairystelphique.word..
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Terminus Radieux

Dans un monde divisé en deux blocs antagonistes, dans des camps disséminés dans la steppe radioactive, des hommes et des femmes survivent ou peut-être sont déjà morts... "Terminus radieux" dirigé par l'immortel Solovieï, géant hirsute et terrifiant et la mémé Oudgoul qui veille sur une pile nucléaire à qui elle parle pour la calmer. Et que dire des autres personnages tous plus étranges les uns que les autres... Ce roman est un OVNI littéraire à découvrir absolument pour son onirisme, sa puissance poétique et sa folie.
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Les filles de Monroe

Si je n'avais pas regardé la Grande Librairie, je n'aurais pas rencontré cet auteur déjanté , unique pour inventer un univers concentrationnaire pareil.

On se croirait dans un mauvais rêve chez les fous et un Parti puissant qui malgré ses 343 fractions est en perdition et tente de se perpétuer en empêchant un dissident mort de faire revenir son commando de filles dans le jeu. Tout est confus et les genres se mélangent dans l'absurde. Mort ou vivant, personnage double ou schizophrène, territoire réel ou imaginé, technologie avancé ou chamanisme télépathique. Le vocabulaire s'invente, toutes les créativités sont permises et on sourit souvent.



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Terminus Radieux

Ce roman avait tout pour me plaire, notamment trois éléments : c'est un pavé, c'est très bien écrit et c'est antinucléaire.

L'écriture est en effet inspirée, pleine d'inventivité poétique. L'univers onirique est intéressant, un monde post-apocalypse nucléaire, un village de morts-vivants, un train qui tourne en rond à l'infini... mais c'est tout le roman qui finit par tourner un peu en rond. “Ici la durée du voyage s'étire de manière insupportable.”

L'auteur tire tant qu'il peut sur la ficelle, avec une certaine complaisance : la dimension politique n'apparait que comme un prétexte ; les références au Livre des morts tibétain sont un peu capillotractées elles aussi, tout comme les pseudo-transes chamaniques et autres “glorificats burlesques”, "[aussi clairs] qu'une crécelle bouddhiste qu'on fait tourner dans un seau de mazout.”

Ici Volodine a beaucoup moins d'idées que dans Kree, et il en fait un roman beaucoup plus long.

Et puis il y a un gros point noir, à mes yeux : comme dans les films de Verhoeven, les femmes ne sont là que pour en prendre plein la tronche, être maltraitées, violées, torturées (ou sinon “onduler” devant le narrateur... et lui apporter du linge propre). Les écrits féministes sont à maintes reprises décrédibilisés ; le portrait d'une “liquidatrice” plus que centenaire, ayant miraculeusement survécu aux radiations, semblait prometteur, mais pour finir, tout au long du récit elle n'est que “la mémé”... on se croirait dans un roman du siècle dernier.

LC thématique de novembre 2021 : ''Faites de la place pour Noël”
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Lisbonne dernière marge

«Lisbonne dernière marge», premier roman publié par Antoine Volodine aux éditions de Minuit (1990), après ses quatre premiers livres parus chez Denoël, est un récit extraordinaire et vertigineux, dont chaque lecture approfondit l’abime.



Se fondant dans la foule des touristes de Lisbonne, Ingrid Vogel, militante de la guérilla urbaine, est en fuite après le démantèlement de son groupe par le BKA, accompagnée de Kurt Wellenkind, qu’elle appelle son dogue, un policier allemand membre du "Sicherheitsgruppe" qui a organisé par amour sa disparition et son exil. Elle doit embarquer d’ici quelques jours, seule, sur un bateau en direction de l’Asie pour échapper à la police allemande, après la défaite et l’écrasement de son mouvement.



«Elle aimait Lisbonne, et pas seulement à cause de la lueur rouge qui s'y était allumée, lors de ce fameux été, pour d'ailleurs presque immédiatement se ternir et agoniser ; elle aimait Lisbonne, ses habitants des années trente l'avaient conquise, son atmosphère d'Atlantide passive, de ville méditerranéenne transplantée, condamnée, par un mauvais sort, à la non-exubérance et au remâchement anachronique des souvenirs.»



Regardant avec terreur ce qui l’attend, l’exil lointain et solitaire sous une fausse identité, la fuite vers une forme d’inexistence, et se retournant sur l’histoire du XXème siècle, elle imagine une nouvelle forme de résistance par l’écriture après le désastre de la défaite, un roman crypté pour qu’on ne puisse pas remonter jusqu'à son auteur, assemblage vertigineux d’histoires qui sont emboîtées - table des matières et récits - à l’intérieur de ce roman où la mémoire d’Ingrid et la culture de la guérilla sont transposées en littérature, une littérature hantée par la passion jusqu’au-boutiste de la lutte, l’angoisse du combattant solitaire, et par l’horreur de la propagande et de la répression.



«Rue de l'Arsenal, à Lisbonne, les potences abondent.

"Les quoi ?" demanda-t-il, s'étonna-t-il. "Qu'est-ce que tu as dit ?

- Les potences", confirma-t-elle, avec un mouvement provocant de l'épaule.

Et : J'ai toujours voulu faire démarrer ainsi mon roman, par une phrase qui les gifle. Et lui : Ton roman ? Tu as vraiment l'intention d'écrire ? Qui gifle qui ? Et elle : Qui les gifle, eux, les esclaves gras de l'Europe, et les esclaves boudinés, et les cravatés, et les patrons militarisés par l'Amérique, et les serfs du patronat, et tous ces pauvres types asservis par tous, et les sociaux-traîtres et leurs dogues, et toi aussi, mon dogue, toi aussi.»



Alors qu’elle est au bord de la folie, reflet de sa rage et de son angoisse devant la vie aux marges qui l’attend, son récit éclaté en de multiples narrateurs hétéronymes, collectif de voix qui sert à brouiller les pistes, fait surgir par fragments un monde fictif et noir, la Renaissance du IIème siècle, se situant après un désastre qui ressemble à la seconde guerre mondiale et pose cette question obsédante de la fabrique de l’histoire, tout en faisant exploser, comme autant de feux d’artifice, des visions et un imaginaire foisonnant.



«La solitude de la lune des pirates, lorsque la nuit marbrée de bleu s’engrave, étouffante et elle-même vidée de toute substance, exsangue, la solitude de la lune des pirates est infinie.»

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Songes de Mevlido

Antoine Volodine, dans ce roman comme dans d'autres, utilise une imagerie venue de la science-fiction post apocalyptique, et des thèmes, comme celui de la réincarnation, qu'on peut trouver aussi en science-fiction (Kim Stanley Robinson, "Chroniques des années noires", par exemple). Ceci a pu induire certains lecteurs en erreur et les attirer vers ce livre dépourvu de toutes les facilités linéaires narratives et commerciales de la SF courante auxquelles ils sont habitués. Il est aussi ardu de lire Volodine que, mettons, Frank Herbert : encore, le sens de l'épopée rend les romans du second intéressants et accessibles. Ici, rien de tel : un univers désespérant, en train de se désagréger, la mort de l'espèce humaine dans les guerres, la misère, les génocides, et la fin de tout par pourrissement. Trois couleurs dans les paysages des "Songes de Mevlido" : le noir, le blanc agressif d'une énorme lune, et le gris. Des ambiances moites, la pluie, les ruines, la crasse, des assassins survivants ou leurs victimes rescapées, des mutants répugnants, des décombres partout (on songe au "Voyage d'Anna Blume" de Paul Auster). Les frontières entre la vie et la mort, entre l'humain et l'animal, entre le rêve et la veille, sont constamment piétinées ou brouillées. L'ordre chronologique du récit linéaire est bouleversé, sans que l'auteur prenne la peine d'encombrer son texte de repères pour le lecteur paresseux. En somme, une lecture pénible, ennuyeuse par moments, car tout semble se répéter et tout conspire à nous faire perdre nos marques.



"Frères sorcières" présentait la même imagerie, mais la drôlerie et l'humour noir rachetaient et allégeaient l'ensemble : ici, rien de tel ou presque. "Songes de Mevlido" est un roman douloureux, presque de bout en bout. La quête orphique de Mevlido, dans cette ambiance d'échec perpétuel, semble vouée, elle aussi, à l'échec. Reverra-t-il la femme perdue ? Le reverra-t-elle ? Se retrouveront-ils ? Cette histoire d'Orphée réécrite et développée sur 450 pages nous plonge dans la douleur de l'homme et dans son désarroi, sans nous lâcher une minute. Un Orphée diminué, traumatisé, oublieux de lui-même et de sa mission, doutant de sa raison, n'ayant que quelques rêves et souvenirs confus pour donner un sens à son existence. Mais comme dans l'histoire d'Orphée, de la douleur et de la perte émane une poésie étonnante, présente dans le style fort travaillé, dans les paysages d'angoisse (on revoit "Les Villes Tentaculaires" de Verhaeren), dans les errances infernales de Mevlido arpentant les rues vides comme Baudelaire les faubourgs misérables. Aussi, comme lecteur, j'accepte de me laisser surprendre, et même ennuyer par ce gros livre sans séduction, que je juge excellent bien qu'il ne m'ait pas plu. Le roman, d'ailleurs, contient sa propre critique et dit lui-même le mot de la fin : "On peut expliquer le désintérêt des lecteurs par l'abus des adjectifs et des néologismes dont Mingrelian (hétéronyme de l'auteur) truffe ses textes, ainsi que par les surcharges syntaxiques, par les collages baroques ou lyriques qui les rendent illisibles... Ils ont été perçus comme relevant d'une esthétique surannée et trop difficile à comprendre..." Et plus loin, le narrateur ajoute : "Nous aimons les livres de Mingrelian." (p. 408)
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