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Critiques de Antoine Volodine (236)
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Des Anges Mineurs

Enorme et unique, la capacité de Volodine à créer un univers qui ne ressemble à rien d'autre, où se mêle monde post apocalypse, épopée poétique de la nature sauvage et humour noir idéologique. Rien que les noms des personnages et chapitres sont un délice d'imagination: Rita Arsenal ou Robby Milioutine. que dire des grands mères qui ont des "visages édentés jusqu'aux clavicules"... Le foisonnement de l'imaginaire, la maîtrise de la construction et l'affleurement d'une nostalgie de l'expérience égalitaire même ratée, c'est grandiose.
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Des Anges Mineurs

Le terme les narrats inventé par Antoine Volondine désigne des textes de quelques pages et mis bout à bout, ils forment un tableau de la fin du XXème siècle : barbarie, guerre, génocides, individualisme...Il y est question aussi de capitalisme dont l'auteur en fait l'ennemi direct de la population, alors que ce système n'est plus en place.

Au niveau du décor, on est dans l'univers post-exotique avec ses campements et ses geôles, à savoir aussi que la consonance des noms des protagonistes sonnent russe et parfois asiatiques. De plus, quand ce ne sont pas aussi des personnages qui prennent la parole, ce sont des animaux.

Maintenant, je vais vous donner mon ressenti car ce serait dommage de vous en dévoiler davantage sur les narrats, à vous de le découvrir par vous-même si vous le souhaitez.

Donc, au début du livre j'étais un peu déroutée vu que je n'arrivai pas trop à me situer, mais au fil des récits cela a été nettement mieux et alors les pages se sont enchaînées. Il faut dire aussi que l'auteur possède une écriture assez remarquable : il manie très bien abomination et poésie.



Pour conclure, j'ai passé un bon moment de lecture mais malgré tout, je ne sais pas s'il va me marquer longtemps.
Lien : http://univers-des-livres.ov..
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Les filles de Monroe

Le fidèle de Volodine retrouvera dans ce nouveau roman tout l'univers de l'auteur : le système totalitaire, la fin du monde, le noir, et des personnages accablés par leur destin et l'imminence de leur fin. Parfois aussi, il s'amusera des écarts loin des sentiers de la logique, qui sont finalement bien moins nombreux que dans ses autres ouvrages plus expérimentaux, drôles et fantaisistes.





L'humanité est quasi éteinte. Il ne reste plus sur terre qu'un vaste camp de concentration communiste, qui fait aussi office d'asile psychiatrique, aux trois quarts vide, où survit un schizophrène nommé Breton, doublé d'un narrateur qui ne se distingue pas toujours de lui. Monroe, dissident exécuté par le Parti, envoie depuis l'au-delà des filles mortes entraînées à des opérations de commando, pour renverser le Comité Central, exterminer les "traîtres", opérer les purges nécessaires, autrement dit, remettre L Histoire sur ses rails marxistes-léninistes. Qu'il n'y ait presque plus personne de vivant sur terre ne semble pas un obstacle. A ce titre, le grand discours politique exalté d'une des Filles de Monroe, adressé aux masses, et déclamé sur une place totalement vide, vaut le détour. Les quelques rares survivants de la hiérarchie et de la police du Parti, évidemment, traquent ces filles de Monroe, surveillent et maltraitent le narrateur qui seul est capable de les repérer par des méthodes surnaturelles, mais on est dans Volodine, sous le signe de l'échec et du ratage : aucun des plans et projets des rares personnages n'aboutit à quoi que ce soit. Ce n'est pas une surprise.





Sombre, sordide, pluvieux, illogique, l'univers de l'auteur s'enrichit de ce nouveau roman plus "sage" dans sa conception et sa composition. Si j'osais un avis personnel, je dirais que l'on peut se passer de cette lecture, mais cela n'engage que moi.
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Frères sorcières

Frères sorcières, paru en début d’année, est à ce jour le dernier avatar du post-exotisme (il devrait, dit-on, y en avoir six autres ensuite, et puis silence), et publié pour le coup sous le nom d’Antoine Volodine. Il se voit associé le qualificatif de genre « entrevoûtes », qui avait déjà accompagné de précédentes publications signées Volodine et Lutz Bassmann, et qui serait semble-t-il défini dans Le Post-exotisme en dix leçons, leçon onze, que je n’ai hélas pas lu – aussi est-il difficile pour moi de saisir pleinement ce concept, si cela a la moindre importance, mais relevons du moins que ce terme emprunté à l’architecture semble soutenir la structure de ce livre, composé de trois parties on ne peut plus différentes, mais qui n’en sont pas moins supposées se répondre.







Quoi qu’il en soit, nous sommes en terrain connu. C’est à la fois ce qui est merveilleux avec le post-exotisme, et ce qui, si j’ose l’avouer, me fait redouter un peu chaque nouvelle lecture en la matière (en précisant que je n’en ai pas lu tant que ça non plus, a fortiori des autres avatars de l’auteur...) : Volodine et Cie cultivent une voix singulière depuis Biographie comparée de Jorian Murgrave, et brodent depuis sur les mêmes thèmes, sur les mêmes images, avec une patte stylistique caractéristique, sans pour autant jamais vraiment se répéter, car chaque livre a sa personnalité, mais en renouvelant toujours cette matière travaillée avec une dévotion maniaque. Toutefois, à chaque nouvelle lecture, au moment d’entamer le livre, je me demande presque systématiquement si ce ne sera pas « celui de trop » dans ce registre, celui dans lequel la manière propre à Volodine tournera à la formule – et, pour être honnête, à la lecture de Frères sorcières, je me suis posé cette question au-delà de la première page…







En définitive, je ne crois pas que Frères sorcières soit « le livre de trop », et j’ai apprécié ma lecture – je ne prétendrai pas pour autant avoir été parfaitement convaincu de la première à la dernière ligne… d’autant que l’auteur, ai-je l’impression, y joue un jeu dangereux avec l’autodérision, ce qui est généralement plutôt sympathique, mais qui, comme tant de post-trucs, louche peut-être un peu occasionnellement sur l’autoparodie ? Il faudra y revenir – mais disons d’emblée, pour les amateurs du TL;DR, que Frères sorcières, avec ses qualités, ses bons moments, sa puissance évocatrice typique, me paraît plutôt bon, oui, mais… relativement mineur ? En tout cas pas à la hauteur de mes Volodine préférés, Des anges mineurs et Bardo or not Bardo – mais peut-être davantage au niveau de, mettons, Terminus radieux, le précédent roman signé Volodine, et qui avait beaucoup enthousiasmé la critique, mais ne m’avait pas totalement convaincu à titre personnel (en même temps, je l’avais lu durant une « très mauvaise période »…).







Frères sorcières se scinde donc en trois parties, formellement très différentes. La première, intitulée « Faire théâtre ou mourir », est la plus « accessible » – celle aussi qui, d’emblée, ressort en vrac tout le corpus volodinien. Nous y assistons à l’interrogatoire (une figure classique du post-exotisme, lequel n’est pas tant un mouvement littéraire que l’association de fait d’auteurs dissidents emprisonnés), l’interrogatoire, donc, par une sorte de juge des enfers déguisé en agent du KGB, d’une femme du nom d’Éliane Schubert – qu’on imagine ficelée sur une chaise, les yeux agressés par un projecteur braqué en pleine face.







Éliane Schubert faisait partie d’une troupe de théâtre majoritairement féminine, que les aléas de la politique comme de la route ont entraînée dans les vallées et les collines d’une sorte d’Asie centrale mythifiée, semi-désertique, toujours imprégnée des habituels reliquats post-soviétiques caractéristiques du post-exotisme, mais sur un mode plus lointain et plus barbare. Et, justement, la troupe tombe entre les griffes d’une bande de brigands, comme un souvenir de Cosaques, et la situation dégénère bien vite : les hommes sont abattus, puis les femmes – à l’exception (?) de la seule Éliane Schubert… mais pas avant d’avoir servi d’esclaves sexuelles à ces mâles répugnants et pas peu fiers de leur brutalité criminelle, perçue comme un aspect essentiel de leur masculinité nécessairement agressive. Volodine à l’heure de #MeToo et des débats sur la culture du viol ? Peut-être, et peut-être pas non plus tout à fait, car le corpus post-exotique, depuis bien longtemps, abondait déjà en figures féminines fortes, rebelles et sorcières, en proie à l’agressivité des mâles mais certainement pas disposées à se laisser faire – dont Éliane Schubert n’est au fond qu’une nouvelle variation.







Mais le qualificatif de « sorcière », ou de « chamane », souvent employé par ailleurs pour désigner l’auteur et ce livre tout spécialement, doit sans doute plus que jamais être mis en avant (à l’heure, là encore, où l’on semble priser de nouveau l’éloge de la sorcière comme archétype féminin fondamental, ce qui revient par vagues). Car il établit une filiation entre Éliane Schubert et ses modèles passés, impitoyables mamies bolcheviques, prêtresses et magiciennes cachées dans la toundra ou dans les logements sociaux, et poétesses nomades et folles – comme Maria Soudaïeva et ses Slogans : Éliane Schubert a été élevée dans le théâtre des Vociférations, un « cantopéra » tout en IMPRÉCATIONS MAJUSCULES ET EXCLAMATIVES ! qui ont quelque chose de « mots de pouvoir » performatifs, les attributs d’une poésie archaïque qui est en même temps et peut-être surtout acte essentiellement magique, et donc profondément subversif – de l’ordre du monde naturel comme de la politique humaine.







Les Vociférations constituaient le substrat fondamental de l’éducation d’Éliane Schubert, comme un secret transmis de mère en fille, et ont décidé de sa vision du monde. Un temps, peut-être, l’artifice du théâtre a pu les dénaturer, les amoindrir, même. Mais dans l’enfer de la bande de brigands, pas un « enfer fabuleux » mais un cauchemar barbare aux relents concentrationnaires, qui noue perpétuellement les tripes, ces slogans d’agitprop retrouvent leur fonction magique, et sont bien perçus comme tels par les femmes brigandes (il y en a), qui y voient une ressource unique, proprement féminine, et digne de respect, dans un environnement masculin où le respect n’est jamais dérivé que de la force. Cependant, le sort d’Éliane Schubert demeure un calvaire – et son statut de survivante douteux…







« Faire théâtre ou mourir », oui, est la partie la plus accessible de Frères sorcières – et nous sommes bel et bien en terrain familier, ici. Mais, justement, la magie Volodine opère, avec une efficace qui renvoie à la pratique chamanique en même temps que théâtrale d’Éliane Schubert : ces thèmes, ces personnages, ces mots, nous les connaissons, et depuis Biographie comparée de Jorian Murgrave si ça se trouve, mais ils fonctionnent toujours aussi bien, ils ont toujours cette vertu caractéristique relevant presque de l’hypnose, ils suscitent, via l’accord tacite de l’auteur et du lecteur, un paysage mental typique et qui séduit toujours autant. Oui, le terrain est familier – mais on l’apprécie, on le vit, on le ressent, et tout cela est terriblement et magnifiquement juste.







Le reste… est plus ardu. La partie centrale de ces « entrevoûtes », intitulée « Vociférations », reprend, sous 49 items composés de 343 sentences, le texte du « cantopéra » qui a formé Éliane Schubert. Et nous sommes là encore en terrain connu, au fond, car ce texte renvoie évidemment aux Slogans de Maria Soudaïeva. Cependant, je ne garantirais pas que l’impact soit le même…







Nous sommes bien confrontés à une sorte de poésie surréaliste, relevant souvent de l’écriture automatique, habillée sous les oripeaux grotesques d’un réalisme socialiste d’emblée perverti, une rhétorique révolutionnaire tout en imprécations démentes braillées à pleins poumons – des FORMULES MAJUSCULES ! agressives et absurdes, qui prennent sans cesse le lecteur/spectateur à Parti. Mais rien de tout cela n’a de sens, au fond – les formules sont vides, car ce n’est pas ce qui compte vraiment : ce sont des « mots de pouvoir », des mantras même pas vraiment cachés derrière les ordres d’agitprop, des « Om̐ » déguisés en rhétorique révolutionnaire.







Cependant… Je crois que, non, l’effet produit n’est pas le même que dans les Slogans de Maria Soudaïeva, avec leur étrange poésie. Ici, on a davantage l’impression d’une production en roue libre, pour le coup, et si la déposition d’Éliane Schubert témoignait de la puissance performative de ces Vociférations, leur lecture sèche et enchaînée produit surtout un sentiment d’imposture et d’absurdité. Et on peut se demander, assez légitimement je crois, quelle est la part d’autodérision dans tout cela – voire, donc, d’autoparodie.







Une question qui se posera encore dans la dernière partie de Frères sorcières, intitulée « Dura nox, sed nox ». Et, formellement, c’est encore autre chose : une phrase unique s’étalant sur 120 pages (bon, avec quelques « tricheries », des points de suspension ou des répliques insérées dans le texte…), comme le long monologue intérieur, et nécessairement confus, d’une créature pas véritablement humaine, peut-être divine, peut-être démoniaque, probablement autre chose, et qui commente en direct ou après coup ses innombrables incarnations, masculines et féminines, sur des millénaires et des millénaires d’une humanité qui se perpétue contre vents et marées, absurdement – quand l’environnement de prédilection de la créature est un espace noir, dont on ne sait s’il est avant tout chaotique, sur un mode primordial notamment, ou bien parfaitement nihiliste.







Et, sans doute, cette litanie maladive nous renvoie, au moins dans les thèmes, à la déposition extorquée à Éliane Schubert, car les mille avatars du « narrateur », en naviguant sans plus s’y arrêter entre les genres, témoignent toujours d’un univers mental aussi bien que physique où le sexe est déterminant, et plus qu’à son tour sur un mode menaçant – relevant de la prostitution ou du proxénétisme, du viol et de l’inceste, etc. Çà et là, des couples se forment, se dissolvent, ou bien au contraire se perpétuent, mais souvent dans la rancœur et le mépris, la haine et la violence, la crainte et la malédiction, et l’esprit passe d’un partenaire à l’autre, ou, au sein de telle ou telle association de circonstance, intervertit les rôles masculins et féminins, dans un geste onaniste aux connotations symboliques fortes – et l’ensemble constitue une mythologie très à-propos pour cette figure immortelle et résolument non humaine, relevant tantôt du monstre, tantôt du trickster, tantôt (forcément) de la sorcière… et tantôt de la création littéraire pure, autosuffisante d’une certaine manière, encore qu’elle procède souvent par citations – de Howard Phillips Lovecraft (oui !) aussi bien que de… Lutz Bassmann… ou même un certain Antoine Volodine, raillé au passage pour sa mesquinerie à l’encontre de telle ou telle figure du post-exotisme bien plus douée que lui !







Car l’autodérision envisagée plus haut pour les « Vociférations » est assez marquée dans cette troisième et dernière partie – et elle présente là encore au moins le risque de l’autoparodie, ce qui ne facilite pas la tâche du lecteur.







Lequel est par ailleurs confronté de la sorte à un texte assez hermétique – et, disons-le si c’est peut-être risible à vos yeux, j’ai trouvé ça d'une lecture assez épuisante… Mais il est vrai que j’ai tendance à me montrer méfiant devant ce genre de procédés littéraires, ici cette longue phrase ininterrompue ou presque : à tort ou à raison, j’ai tendance, presque systématiquement, à y voir comme des « coquetteries d’écrivain », des outils plus tape-à-l’œil qu’autre chose, car d’une pertinence limitée au-delà de la seule démonstration formelle de l’auteur au travail et très désireux d’en faire étalage. Généralement, cela ne sert pas à grand-chose… Ici ? Eh bien, ici… oui, cela peut avoir du sens, car il s’agit après tout de pénétrer la psyché d’un être résolument autre, et d’une créature dont la conscience s’étend sur quarante-neuf fois sept mille ans et onze jours (ou quelque chose comme ça), d’une créature d’essence changeante par ailleurs, et qui suscite, entretient et, d’une certaine manière, légitime, un rapport au monde forcément un peu confus. Admettons… mais, oui, c’est assez épuisant, et si cela peut se justifier, je ne suis pas certain que ce soit vraiment utile, et encore moins nécessaire.







On avouera cependant que ce procédé, s’il a ses inconvénients, produit effectivement quelques belles pages. Si la narration est confuse, c’est peut-être qu’il faut davantage appréhender cette « seule longue phrase sorcière », comme le formule la quatrième de couverture (renvoyant, je suppose, aux slogans performatifs des deux premières parties de ces « entrevoûtes »), comme une sorte de long poème en prose, peut-être pas tant halluciné qu’étranger. Le style Volodine est reconnaissable derrière l’absence de points et de paragraphes, qui produit parfois des séquences de toute beauté. Mais disons que ça se mérite.







J’ai bien aimé Frères sorcières. Le Volodine nouveau est un bon cru – mais pas un des meilleurs, en ce qui me concerne, loin de là même. Il a en tout cas quelque chose de déconcertant – qui tient à la fois au jeu dangereux typique du post-exotisme explorant sans cesse les mêmes thèmes avec les mêmes procédés, si chaque livre du post-exotisme demeure singulier et doté d’une forme de personnalité appréciable, comme un renouvellement perpétuel plutôt d’une déclinaison sur le mode de la formule, et à ce que ce jeu dangereux est perverti encore d’une certaine manière par une forme d’autodérision marquée, peut-être salutaire, peut-être inquiétante. Si « Faire théâtre ou mourir » emballe sans peine, en raison de ou malgré son relatif « classicisme » volodinien, les « Vociférations » prises en tant que telles relèvent un peu de la mauvaise blague (aussi ne faut-il pas les prendre en tant que telles, mais seulement en les insérant à leur place dans le dispositif des « entrevoûtes », supposé-je sans bien comprendre véritablement ce qu’est au juste ce dispositif), et « Dura nox, sed nox » épuise et déconcerte, tout en fascinant par moments.







Un livre difficile à appréhender, donc – plutôt convainquant en définitive, mais avec peut-être quelques limites ? Inégal, dans ce format bâtard associant des formes très différentes ? Quoi qu’il en soit, j’ai encore plein de « voix du post-exotisme » à explorer, et peut-être certaines pourraient-elles m’éclairer, a posteriori, sur la valeur propre de Frères sorcières, tout en ayant leur intérêt singulier – ce qui est l’essence même de ce « cycle » en forme de cathédrale, ou d’usine, c’est la même chose, en ruines.
Lien : http://nebalestuncon.over-bl..
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Dondog

Treizième livre publié extrait de la bibliothèque du post-exotisme par Antoine Volodine, «Dondog» fut publié en 2003 aux éditions du Seuil, dans la collection Fiction & Cie.



Au sortir de trente ans d’enfermement dans les camps, après avoir survécu aux exterminations des Ybürs, Dondog Balbaïan sent bien qu’il va vers la fin et qu’il ne lui reste que très peu de temps avant de disparaître. Il voudrait se venger des responsables du malheur avant son extinction, mais de qui et pourquoi ? La mémoire de Dondog est défaillante, et, dans les ténèbres de son amnésie, au bout de sa vie d’Untermensch, trois noms de bourreaux le hantent, Gulmuz Korsakov, Tony Bronx et sans doute Éliane Hotchkiss.

À partir de ces noms, des lambeaux de sa mémoire, de souvenirs cauchemardesques, Dondog dit, ou parfois murmure ou grommelle des récits, et suggère l’utopie défaite, la barbarie et la mort de l’espoir.



«La silhouette d’Eliane Hotchkiss trois secondes flotta derrière ou devant ses yeux, sans chair ni étoffe, sans apparence précise. Le nom était là, lié à son désir impérieux de vengeance avant la mort, mais, en dehors du nom, l’image était illisible. C’était comme s’il avait mentionné une image secondaire d’un rêve de son enfance, ou comme s’il avait évoqué une maîtresse furtive du temps des camps, lorsque la nuit on l’enfermait au pavillon des grands blessés et des fous, ou encore comme si elle avait appartenu aux courtes années de clandestinité totale, quand jour après jour se perdait la guerre pour l’égalitarisme et le châtiment des progromistes, des mafieux et des milliardaires. Le flou entourait Eliane Hotchkiss. Comme Tony Bronx ou Gulmuz Korsakov, elle se cachait au fond d’un des abîmes décevants de sa mémoire, dont une grande quantité était à jamais clos et inexplorables. Mais elle était moins distincte que les deux autres.»



Dondog cherche ses bourreaux dans une cité obscure, où ne survivent plus que les insectes et quelques autres gueux ; sa mémoire et sa volonté vacillent et les personnages et les événements eux-mêmes semblent frappés d’amnésie et d’incertitude, tandis que les récits, où les personnages s’entrecroisent et changent d’identité, semblent démultiplier la parole de Dondog.



«Nuits, passé, hallucinations secrètes, expérience vécue, constructions enfantines, réalité et réalités parallèles se confondaient. Dans quelle sphère de la mémoire, par exemple, devait-il ranger les fermes à l’abandon, les hauts plateaux et les steppes qui l’obsédaient ?... Et ces temples enfumés, ces villes portuaires que la guerre civile ensanglantait ? D’où venaient ces individus qui s’adressaient à lui comme s’ils étaient de proches parents ?... Quand avait-il erré dans ces immenses labyrinthes urbains aux issues toujours closes avec des barbelés ? Et ces maisons de feutre, ces yourtes mongoles où sa famille se comportait d’une manière incompréhensible, y avait-il dormi ou non, et quand ?»



Noir et bouleversant.



«Les êtres aimés disparaissent, la révolution mondiale s’éparpille en poussière comme une bouse sèche, dans l’espace noir on ne rencontre plus les personnes qu’on aime, les golems s’effondrent les uns après les autres, le sens de l’histoire s’inverse, les passions dérivent vers le rien, la signification des mots s’évanouit, les ennemis du peuple et les mafias triomphent à jamais, les rêves trahissent la réalité, mais la vengeance subsiste, un chicot irréductible de vengeance qui n’a plus aucune justification, qui se limite à un geste de violence sur une cible très douteuse. Et ceci encore, le plus révoltant : on n’échappe pas à son schwitt.»

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Vue sur l'ossuaire

Dans ce livre publié en 1998 chez Gallimard, deux écrivains, Maria Samarkande et Jean Vlassenko, sont les porte-paroles d’Antoine Volodine, un homme et une femme unis par un amour que ni la barbarie ni la mort ne pourront entièrement effacer. Enfermés arbitrairement, ils sont torturés par un pouvoir, la Colonie, qui voudrait leur faire avouer que «Vue sur l’ossuaire», ensemble de récits qu’ils ont écrit à quatre mains, est l’œuvre de dissidents.



«Les réseaux clandestins n’existaient pas, c’était une invention littéraire qu’elle-même avait contribué à forger, dans des écrits propagandistes que l’officier de l’Aviation et le référent décortiquaient devant elle ligne à ligne afin d’y traquer des flous et des contresens, et des métaphores qui montraient qu’elle vacillait idéologiquement depuis longtemps et que, loin de servir avec loyauté la Colonie, la société à laquelle elle devait tout, elle préparait avec cynisme sa défection.»



Anciens serviteurs des intérêts de la Colonie aujourd’hui emprisonnés, Maria Samarkande et Jean Vlassenko ont composé ensemble cette somme de narrats, sept récits composés par chacun et qui se répondent comme un jeu de miroirs. Ces narrats racontent des destins individuels (ceux de Swain, Andersen, Tacharlski…) et à travers eux les échecs des révolutions, les atrocités des arrestations et exécutions arbitraires, la solitude et l’impuissance des derniers révolutionnaires qui, ayant échoué dans l’avènement de leur rêve d’établir une société égalitaire, ont été défaits et s’expriment maintenant de l’intérieur d’un espace carcéral.



«La maison qu’on avait attribué à Pilgrim dans le cadre de sa rééducation, pour lui permettre de se ressaisir, de réécrire son manuscrit en s’inspirant, cette fois-ci, de valeurs plus conformes à l’esthétique officielle de la Colonie et au bien public, grinçait, elle grinçait terriblement […] Quelqu’un avait souffert là, intensément et longtemps, et les échos de son désespoir persistaient à hanter les matériaux de construction.»



Ces récits à miroirs, appelés «Vue sur l’ossuaire», sont une romånce, un genre dont on pourra trouver les traits caractéristiques dans «Le post-exotisme en dix leçons, leçon onze», également paru en 1998, et lecture passionnante. Plus on lit et relit Antoine Volodine, plus on s’imprègne de ses voix singulières, de son édifice romanesque et de tout ce qui le sous-tend, du rapport au temps si particulier qu’il établit - enchevêtrement du rêve et de la réalité, continuum entre vie et mort -, résultat de la torture, de la barbarie et de la déconstruction des identités.



«Les filières souterraines appartenaient au domaine des contes, et dans la réalité, loin des féeries romanesques, il y avait seulement deux systèmes totalitaires très semblables, la Colonie et les Nouvelles Terres, et, où que l’on se tournât, des camps : d’isolement, de relégation, de transit, de concentration, sanitaires, d’expérimentation, de bûcherons, de rééducation, d’extermination, de semi-liberté, autogérés, de quarantaine, de vacances.»



Ces récits, fruits d’une collectivité de prisonniers, semblent comme l’incarcération être ici pour la perpétuité. Et Volodine bouleverse, car aux confins de l’horreur, même quand l’individu est anéanti par la barbarie, l’amour et la fiction restent indestructibles, jamais détruits même au cœur du noir.

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Dondog

Dondog Balbaïan n'en a plus pour longtemps. Sa mémoire s'efface et c'est sans perdre de temps qu'il doit régler quelques affaires importantes. D'un immeuble-ville glauque et humide à une improbable colonie pénitentière, il erre à la recherche de lui-même, revivant son existence par bribes. Ce roman ancré dans la tradition du réalisme magique est tout à fait déconcertant, les époques et les lieux s'y croisent de manière inattendue, à tel point qu'on croit suivre le héros dans sa perte de répères. Le vrai, le faux, l'ancien, le nouveau s'entremêlent dans un récit fantastique qui touche à ce qui fait l'humanité. Je ne suis pas sortis indemne de cette rencontre avec le Ouïgour Balbaïan.
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Bardo or not Bardo

Heureusement je n'ai pas erré pendant 49 jours dans les limbes de ce roman (ou recueil de nouvelles ?), lunaire voire loufoque, sinon je n'en aurais sans doute pas ressuscité...

Rien compris à ces récits d'errance de morts dans un entre deux post-communiste, arrachés à leurs idéaux et plongés dans des préceptes boudhistes ou l'on en perd son tibétain.

Bref pour moi, c'est not bardo.
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Bardo or not Bardo

Connaissez-vous Antoine Volodine ? Sans doute.

Drôle de personnage : Volodine est un nom d’emprunt ; jusque-là rien d’extraordinaire. Mais il publie aussi sous le nom de Lutz Bassmann et parfois sous un nom de femme : Manuela Draeger

Il écrit des livres pour enfant sous le nom d’Elli Kronauer et de Manuela Draeger.

Plus récemment il a présenté un recueil : « débrouille-toi avec ton violeur » textes enragés, violents sous une signature collective : Infernus Johannes

Il a créé un mouvement littéraire : le Post-Exotisme qui fait l’objet de colloques, de thèses.

« Son univers est fait de déserts, de steppes, de décombres de cités bétonnées par des siècles d’idéologie, un monde doté de son histoire, de sa géographie, de sa musique et de sa littérature ».

Volodine maîtrise merveilleusement l'art de se saisir de sa proie dès la première phrase de ses livres.

"Le livre traînait dans les déjections et le sang : il fallut, pour l'ouvrir, décoller au racloir la paille qui avait durci et coagulé le long des pages"

"La tortue écarta lentement une dernière brassée de lianes pourries ; le rideau s'accrochait à ses griffes"

"La boîte de conserve roulait sur le carrelage sale du couloir "

Voici l’incipit de « Bardo or not Bardo : "Les poules caquetaient tranquillement derrière le grillage, lorsque le premier coup de feu retentit."

Le Bardo est cet espace noir où, d’après le Bouddhisme Tibétain, le mort erre pendant 49 jours après son décès en allant soit vers sa réincarnation, ce qui pour les bouddhistes est la voie de l’échec, soit vers la claire lumière rompant ainsi le cycle des réincarnations.

Mais avec Volodine, le postulat n’existe que pour être détourné … Et ce, malgré les injonctions des quelques lamas tibétains qui jalonnent son livre. Humour noir et burlesque sont au rendez-vous. Les personnages ! Tous ingérables … Tueurs, mafieux, révolutionnaires, … que des fous et des sourds qui s’ignorent… car personne n’écoute personne.

Ce livre iconoclaste est ainsi très vivifiant. Jubilatoire. Et finalement très poétique. A l’image de ce Juke-box incongru de ce Bar du Bardo crépusculaire où on peut monologuer jusqu’au bout de la nuit tout en buvant un coup ! La seule rédemption du tragique reste le grotesque.



A quand le prochain ?







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Des Anges Mineurs

Comment faire la critique de "Les anges mineurs", ce roman si singulier ?



Un roman que j'ai apprécié alors que je n'ai quasiment rien compris de ce qu'il contient ?



Un roman qui n'est ni sombre ni lumineux, mais un peu les deux à la fois ?

Triste et drôle, poétique et détaillé, inventif et déroutant ?



Un livre dans lequel je n'ai ressenti aucune empathie pour l'un des nombreux personnages qui s'y succèdent ?



"Les anges mineurs" est un recueil de 49 textes, des "narrats", dans lequels on fait la découverte de personnages, qui parfois se croisent d'un texte à l'autre, et qui évoluent dans une sorte de monde terrestre post-atomique, on ne sait pas trop ce n'est pas précisé ou alors cela m'a échappé mais vous l'aurez compris, ce n'est pas le genre de roman qui - bien que réfléchit et cohérent - s'appuie sur des faits probables ou scientifiques.



"Les anges mineurs" est selon moi un texte qui relève davantage de la prose poétique que de la Science Fiction.

(Comme pouvait l'être "Chroniques Martiennes", comparé à "Fondation")



C'est la première fois que je me laisse envoûter à ce point par une atmosphère, un contenu opaque à la surface aussi irisée, et que les mots me guident de la première page à la dernière sans que je ne sache m'expliquer pourquoi, alors que j'aurais pu interrompre le livre à n'importe quel moment vu qu'il ne m'avait entrainé dans aucune narration linéaire, et pourtant je continuais, mes yeux absorbaient la succession des mots, la magie opérait.



Antoine Volodine a semble t-il réussi en quelques livres "Post Exotique", à créer une communauté d'admirateurs. Après la découverte de ce livre, "Les anges mineurs", je comprends pourquoi.



Sa plume est unique, précise, imprévisible, désenchantée, débordante d'une imagination lyrique, la musicalité des mots s'ordonne par une sorte de petit miracle, et le tableau prend forme, c'est gris, traversé de poussière, ce qui fascine Antoine Volodine c'est la description d'un monde à l'agonie - notre monde - dans lequel errent des personnages aux noms compliqués et amusants.



De cette pâleur, de ce froid, de ce livre blême surgit pourtant une vitalité et une créativité qui en font un livre à découvrir, une expérience de lecture à vivre.

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Terminus Radieux

De Volodine j'avais déjà lu "Dondog" et ' Des anges mineurs", si mes souvenirs sont bons. Ce "Terminus Radieux" est dans la même veine, poétique, cauchemardesque mais bizarrement attachante. La longueur me faisait un peu peur : plus de six cents pages pour une poignée de personnages perdus entre rêve et réalité dans une sorte de Sibérie post-apocalyptique. Et bien malgré les redites, les chapitres se sont enchaînés sans trop de heurts. Ce roman a eu le prix Médicis à l'automne dernier et l'a bien mérité.
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Écrivains

"Ecrivains" épouse la forme de la mosaïque de récits indépendants et qui néanmoins entrent en résonance. La plupart des récits composant cet improbable "roman" tournent autour de la figure de l'écrivain maudit. C'est mon premier Volodine et je ne suis pas encore familier du "post-exotisme", je suis sans doute passé à côté de certaines choses mais je retiens la singularité de l'auteur. J'ai tout de suite eu l'impression d'entrer dans une œuvre très personnelle qui m'a toute de suite donner envie de multiplier mes lectures Volodinienne...
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Frères sorcières

Que dire de ce livre qui se présente en trois parties.



Tout d'abord 116 pages qui retracent la vie d' Eliane Schubert actrice de théâtre itinérante. Elle raconte ce qu'il est arrivé après avoir été attaqué avec toute sa troupe par des bandits et faite prisonnière. Unique survivante après que les autres aient été sauvagement assassinés, elle devient l'esclave sexuelle d'un chef de la bande et va vivre la vie criminelle et sauvage de ses ravisseurs.

Elle raconte cela en 116 pages. Prenez votre souffle car il n'y a aucun chapitre rien qu'une longue déclamation assez violente et cruelle.



La seconde partie environ une trentaine de page (que j'ai survolé), reprend le texte de la pièce étrange qui habite la comédienne composé de vociférations magiques qui s'adressent à "toutes les petites sœurs de malheur et qui les guident vers l'apaisement, vers l'art de mourir ou vers d'autres mondes".



Enfin, la troisième partie dont je ne saurais rien vous en dire ; car ayant lu une dizaine de pages je n'y ai absolument rien compris.



" Trois voix puissantes donc, toutes liées au théâtre, à la féminité, au chamanisme et à la mort".



Comme vous vous en doutez cette lecture n'a pas trouvé en moi un bon "public" mais il peut sans doute le trouver chez d'autres.



Antoine Volodine ne sera pas un auteur que je relirais.
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Des Anges Mineurs

La Terre a été décapée, stérilisée. Elle est couverte de cendre, présente l'aspect de la planète Mars. Elle est la résultante ultime du capitalisme finissant, où bien est ce une révolution planétaire qui a tout rasé dans une vaste déflagration? En tout cas la société est en pleine déliquescence. Des femmes pluriséculaires ont engendré un homme à partir de textiles obsolètes. Mais Will Scheidmann a trahit en réintroduisant les germes du capitalisme. La peine capitale est proclamé mais l'exécution tarde tant par la maladresse de ces vieilles dames que par l'action du condamné.



Le texte est composé de quarante-neuf instantanés romanesques ou séquences poétiques. Chaque narrat porte le nom d'un personnage traité incidemment dans la cellule narrative et qui n'est en général pas le narrateur. Celui ci est principalement omniscient , parfois il y a aussi un je. Il y a une interrogation autour du narrateur. Il est dit que Will Scheidmann compose des narrats au profit de ses mères, à raison d'un narrat par jour. Ne prolonge-t-il pas ainsi sa vie de narrat en narrat et retarde d'autant son exécution telle une Shéhérazade post apocalyptique? Chaque personnage traité dans une cellule narrative est récurent dans plusieurs autres, l'auteur nous obligeant sans cesse à revenir en arrière et à établir le lien et la continuité du texte. Ce qui frappe enfin c'est l'accroche immédiate des séquences narratives, la plupart des débuts de chapitre fournirait un excellent incipit pour une nouvelle ou un roman. Cette dystopie est singulière, elle est sujette à plusieurs interprétations, elle interpelle, on est réduit à des conjectures, c'est là son mérite.
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Terminus Radieux

Bienvene au pays des morts-vivants.

Les centrales nucléaire ont explosé. Des citoyens ont lutté contre le capitalisme mais les terres sont polluées par l'énergie athtomique.

Un train erre sans but à la recherchr d'un camp où les passagers pourraient se reposer. Mais sont-ils en vie, .ibres ou prisonniers

Dans un monde onirique, voire fantastique, il bien difficile de savoir qui est vivant, mort ou réincarné. À chacun d'assembler les images selon son ressenti. L'écriture est très belle mais parfois, il y a trop de redondances entre les situations.
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Terminus Radieux

C'est un véritable mystère que ce livre. On ne sait où l'on va, on s'y ennuie parfois, en tous les cas moi, on ne sait si l'on rêve ou si l'on est dans la " zombiesque réalité sibérienne" ...et pourtant on va au bout... sans être plus avancé. Ce livre a le mérite de la singularité et rien que pour cela , il mérite qu'on s'y attarde. En revanche, pour ce qui est de l'histoire, certains faits ont dû m'échapper. Un mystère, mais c'est un livre dont on se souvient.
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Les filles de Monroe

Encore une fois Volodine entraîne son lecteur dans l’un de cauchemars récurrents , univers dystopique post soviétique , tout d’obscurité pluvieuse . Des cataclysmes (guerre,épidémie ?) ont réduit le monde à un hôpital psychiatrique où les débris d’un Parti obsolète achèvent de se décomposer en luttes de fractions . Les règles sont celles du rêve , personnages aux identités flottantes , répétition des actions , abolition de la logique sous le patronage d’un certain Monroe , sorte de Godot politique revenu des limbes pour purger le Parti. La capacité de l’auteur à nous entraîner dans ses visions par la grâce d’un langage hypnotique et la cohérence de son œuvre , livre après livre, continuent à me fasciner .
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Terminus Radieux

J’ai failli l’acheter neuf à sa sortie. Je l’ai en fait acheté d’occasion dans une foire aux livres. Et j’en suis très content. car, pour être tout à fait franc, je n’ai pas fini la lecture de ce gros roman d’Antoine Volodine. Pourquoi ? Parce qu’il est mou et qu’après le dernier roman publié en français de Kim Stanley Robinson : 2312, ce n’était vraiment pas le moment que je continue à m’embourber dans des lectures ennuyeuses. Alors je suis passé à autre chose et je reviendrais peut-être sur cet excellent roman un jour prochain.



Comment excellent mais pas fini ? Eh bien oui. Ce roman, qui a obtenu le prix Medicis est un bon roman. Bien écrit, subtil, étrange, intriguant, mais... lent... vous pouvez pas savoir.



Dans un futur, probablement lointain mais indéterminé, quelques humains perdus survivent dans une Sibérie radioactive et abandonnée. Volodine invente des personnages forts : Mémé oudgoul, Volovieï, Kronauer, etc qui ont tous leur intérêt. Même le mécanicien/conducteur du train est suffisamment présent pour que vous vous en fassiez une bonne représentation. Ce monde et ces personnages sont tellement étranges, fantastiques, que vous ne trouvez pas surprenant qu’une voie ferrée abandonnée depuis de nombreuses années soit toujours praticable. Ou que les personnages puissent se rendre sans encombre dans la salle de commande incendiée d’une centrale nucléaire hors de contrôle depuis des décennies. Très vite, on accompagne les héros dans leurs pérégrinations au milieu de la toundra et de la taïga, à la recherche d’un goulag sans doute déserté depuis longtemps. À moins que les derniers occupants y soient morts, oubliés du reste de l’humanité.



Ce roman est découpé en quatre parties plus ou moins indépendantes. J’ai lu la première partie avec enthousiasme. L’entrain n’est retombé qu’au fil des pages de la seconde partie. Alors je vais peut-être attendre quelques jours pour m’attaquer directement à la troisième partie, pour le cas où.



En bref : Un roman à lire, à condition d’être dans le bon état d’esprit pour s’enfiler les 600 et quelques pages d’une histoire lente et improbable... plus improbable encore que le meilleur roman de space-opéra que vous pouvez avoir lu.
Lien : http://livres.gloubik.info/s..
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Terminus Radieux

A priori, je n'étais pas du tout tentée par la lecture de ce livre. La quatrième de couverture évoquait une Sibérie rendue inhabitable par les accidents nucléaires. Or, je suis bien trop préoccupée par les sujets environnementaux autant que pessimiste quant à l'avenir de notre planète, pour envisager sereinement la lecture de livres dystopiques, décrivant un futur pas forcément enviable. Pourtant, il s'agissait du livre que mon conjoint avait préféré ces deux dernières années et à force d'insistance j'ai fini par le lire. Et je ne regrette pas du tout.



Terminus radieux est un livre complexe évidemment, autant que multidimensionnel, tant par les thèmes traités que par l'interprétation que l'on peut en avoir ou le style. C'est un livre virtuose, d'une inventivité folle et d'une drôlerie désespérée. Véritable monde en soi, il s'agit d'un ovni littéraire dont l'auteur, Antoine Volodine en est le démiurge inspiré. Nombre de thèmes bibliques et archétypiques y sont disséminés et développés, ce qui en fait un roman d'une profondeur de champ exceptionnelle.



Nous faisons la connaissance d'une galerie de personnages hauts en couleurs. Il y a avant et après tous les autres, Soloviev et la mémé Oudgoul, rendus quasi immortels par la proximité avec la matière nucléaire, sortes de Roméo et Juliette du monde post-nucléaire, voire d'Adam et Eve de la fin du monde. Genres de vieux gâteux, ratatinés sur leurs obsessions respectives. Il y a également, les trois filles de Soloviev, Hannko Vogoulian, la mystérieuse, Myriam Oumarik, l'enjôleuse et Samiya Schmidt, la secrète dans les rôles des anges déchus, sortes de post-amazones, affublées d'hommes inconsistants et menés par des "pensées de queues" auxquels elles survivront. Il y a enfin des gens presque normaux, Kronauer et Illioutchenko et Vassilissa Marachvili, un peu détraqués par les radiations et pantins des élucubrations oniriques de Soloviev. Tout ce petit monde erre dans un état de semi-conscience dans ce qui ressemble à un purgatoire.



Finalement, Terminus radieux fait sombrement echo aux risques qui pèsent sur notre humanité, rendue folle et dont les actions ont dépassé depuis bien longtemps leur créateur.
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Terminus Radieux

Radieux, comme rayon, comme radiations...

Eh oui, comme l'indique la 4e de couverture : "Des siècles après la fin de l’Homme rouge, dans une Sibérie rendue inhabitable par les accidents nucléaires, des morts-vivants, des princesses et des corbeaux s’obstinent à poursuivre le rêve soviétique."



Un livre surprenant, et bienvenu. Le début m'a de suite plu, pour les descriptions de plantes et graminées qui m'ont d'ailleurs fait penser au fabuleux et dérangeant "Roman" de l'écrivain russe Vladimir Sorokine.

"Ciel. Silence. Herbes qui ondulent. Bruit des herbes. Bruit de froissement des herbes. Murmure de la mauvegarde, de la chougda, de la marche sept-lieues, de l’épernielle, de la vieille-captive, de la saquebrille, de la lucemingotte, de la vite-saignée, de la sainte-valiyane, de la valiyane bec-de-lièvre, de la sottefraise, de l’iglitsa. Crissements de l’odilie-des-foins, de la grande-odilie, de la chauvegrille ou calvegrillette. Sifflement monotone de la caracolaire-des-ruines." (p. 22)

Ensuite, j'ai connu un temps d'hésitation, la lecture se compliquant, les personnages s'entremêlant et se dispersant dans la foulée, et l'espace temps étant totalement farfelu (les siècles passent en un quart de seconde !). Je me suis même posé la question de continuer ou d'arrêter... Mais finalement le livre est prenant, et j'appréciais beaucoup l'écriture d'Antoine Volodine, les descriptions grandioses de cette étendue sibérienne irradiée. J'en suis donc venue à bout avec un grand plaisir de lecture.

«Au-dessus de la steppe le ciel étincelait. Une voûte uniformément et magnifiquement grise. Nuages, air tiède et herbes témoignaient du fait que les humains ici-bas n’avaient aucune place, et, malgré tout, ils donnaient envie de s’emplir les poumons et de chanter des hymnes à la nature, à sa force communicative et à sa beauté.»

L'auteur décrit lui-même son écriture ou son genre littéraire comme "post-exotique".



Cette lecture m'a fait penser au film "La terre outragée" sur la catastrophe de Tchernobyl. Dans le roman "Terminus radieux", ce sont quasiment toutes les centrales nucléaires qui les unes après les autres explosent et irradient toutes les régions. Les gens meurent, les animaux, la flore disparaissent aussi, ou bien mutent dans de nouvelles espèces. C'est ainsi que les personnages du livre sont comme des zombies, des êtres entre la vie et la mort, plus tout-à-fait vivants mais pas tout-à-fait morts non plus. Et certains sont même devenus éternels, comme le père Solovieï président du kolkhoze et la mémé Oudgoul. Ces deux-là forment une sacrée paire.

"Comme tous les matins depuis quelques milliers de saisons, la Mémé Oudgoul tourna le bouton du poste de radio posé à côté de son fauteuil. Elle voulait savoir si la civilisation avait été rétablie pendant la nuit, ou du moins si l’humanité avait survécu à la dégénérescence organique, aux cancers provoqués par l’irradiation généralisée, à la stérilité et à la tentation de s’engager dans la voie capitaliste." (p.580)

Solovieï incarne le nouveau dictateur qui s'infiltre même dans les rêves et le corps des survivants, de ses "sujets", y compris de ses trois filles. Maître de ce "nouveau monde", il se heurte cependant à Kronauer, ancien soldat réfugié débarqué au kolkhoze, qui constitue finalement le personnage principal de ce roman... Kronauer que l'on suit jusqu'à la dernière page.

En parallèle de la"vie" qui se déroule au kolkhoze Terminus radieux, nous suivons la progression laborieuse d'un train fantôme transportant soldats et prisonniers sur une unique voie ferrée, à la recherche d'un camp fermé où ils auront le sentiment de retrouver leur liberté et la sécurité.

"Cette recherche ferroviaire d’un havre concentrationnaire durait déjà depuis des mois, pour ne pas dire un temps bardique incalculable". (p.228)

Cette histoire de train m'a encore ramenée à l'univers de Vladimir Sorokine, cette fois dans son roman "La tourmente", qui emprunte une autre voie pour décrire un univers apocalyptique, et les scènes du train à la fin font froid sans le dos !



"Terminus radieux" d'Antoine Volodine est un grand roman, qui mérite à juste titre le prix Médicis 2014.
Lien : http://coquelicoquillages.bl..
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