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Critiques de Antonio Tabucchi (286)
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Pereira prétend

Court roman sur l’impossibilité de rester en dehors des problématiques politiques, même si l’on fait tout pour.

Le personnage principal, un journaliste dans un journal local, responsable et membre unique de la page culturelle, va traduire des oeuvres littéraires françaises et les publier sans tenir compte du climat politique, nous sommes à Lisbonne en 1938. Ses rencontres vont à son corps défendant lui ouvrir les yeux et le faire évoluer.

Pereira est obèse, ne s’occupe ni de son corps, ni de l’actualité, ces deux derniers vont le rattraper et l’obliger à les reconsidérer, à ouvrir son esprit, à grandir.

La narration est particulière, le narrateur est inconnu et parsème le livre de « Pereira prétend ». Nous avons donc ici la vision de Pereira sans savoir à qui ni quand il en fait la déclaration. La tension va monter au cours du livre, le personnage principal va évoluer tout en étant tellement réel et tangible. Par peur de blesser ou de déplaire, il va agir à l’opposé de ses idées, dire l’inverse de ce qu’il pense. Les faits parviendront-t-ils à le faire changer, lui cet homme croulant sous les habitudes, c’est tout l’histoire de ce roman.

Le livre est très bien écrit, prenant, étonnant et original il m’a énormément plu alors que le sujet au départ n’était pas fait pour m’attirer.
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Piazza d'Italia

Autour de Piazza d'Italia s'entremêlent pour ensuite se dénouer lentement,les histoires des habitants et du protagoniste qui ont fait de l'Italie une Nation.

On part de loin,quand l'Italie était à faire, quand sur le pavé de la place dominait la statue du Grand Duc ,remplacé" peu après par celle de Garibaldi qui offrait l'Italie au Roi.

"Et qui est le Roi ," demandait un enfant innocent

"Le nouveau patron."

De là partent les faits et gestes d'une famille humble qui traverse cent ans d'histoire et dont les descendants ont pris le nom de Garibaldo.

Contée un peu à la manière d'une fable, c'est la réalité de cent années vues par les yeux des gens d'une petite communauté ,dans un bourg où le lecteur peut s'identifier avec le protagoniste :Garibaldo. On entre dans leurs maisons,on partage leurs vies.

Les âmes des personnages sont ardentes, ardente aussi l'Italie écrasée par les Allamands de la seconde guerre mondiale.

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La Tête perdue de Damasceno Monteiro

Ce roman d'Antonio Tabucchi est inspiré d'un fait réel : en 1966, un jeune Portugais fut tué dans un commissariat de la Guarda Nacional Republicana d'une ville proche de Lisbonne. Son corps a été découvert dans un parc public, décapité, avec des marques de sévices.

Egal à lui-même, Tabucchi fait une critique ironique des aspects de la société protugaise qui le révoltent : l'impunité de la Guarda Nacional Republicana, l'ostracisme dont sont victimes les Gitans, les méthodes peu ragoutantes des journaux à scandales... Les principaux personnages sont attachants : un jeune journaliste obligé de travaillé pour un de ces journaux à scandales, qui font leurs choux gras des faits divers les plus sordides, et un avocat très cultivé et amateur de littérature, riche mais se consacrant à la défense des "plus petits". J'ai passé un bon moment en compagnie de ce roman, mais j'ai tout de même préféré "Peirera prétend".
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Pereira prétend

Texte honnête. Bon livre. C'était ma première découverte de cet auteur, je suis satisfaite.
Lien : http://araucaria.20six.fr/
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Nocturne indien

Etrange petit livre, d’une quête dont on nous dira peu de choses, errance à laquelle l’auteur ne semble pas vouloir donner de sens. Comme pourrait le laisser penser le titre, est-ce un rêve tourmenté, des peurs qui chassent le sommeil ? Un petit roman énigmatique, emprunt d’« une indifférence mêlée de lassitude » (p. 84, Chapitre 8, Troisième partie), sur lequel le surprenant dernier chapitre apporte un éclairage inattendu. Mais, comme le dit un personnage, « cela se passait il y a très longtemps, hors du cadre de cette histoire. » (p. 114, Chapitre 12, Troisième partie).
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Pereira prétend (BD)

📚Pereira prétend être un homme sans histoire. Chroniqueur littéraire du Lisboa, journal indépendant catholique, il se fascine pour les grands auteurs français. Mais quand il tombe sur un article de Francesco Monteiro Rossi, il décide de l'engager pour écrire des nécrologies anticipées. Pereira prétend que cette rencontre va changer sa vie



🖊Pereira prétend de Pierre-Henry Gomont est l'adaptation du roman éponyme d'Antonio Tabucchi. Hymne à la résistance et au journalisme dans une époque de censure et d'oppression, Pereira prétend est aussi le portrait d'un homme contrarié, cultivé mais peu enclin au combat. Le récit de Pierre Henry-Gomont, illustré avec une grande intelligence narrative, nous enjoint à regarder le monde qui nous entoure et à rester vigilant face aux abus d'autoritarisme.Ce récit se déroule à l'aube de la seconde guerre mondiale mais trouve un écho encore très actuel.



🧔chronique complète : https://www.mtebc.fr/pereira-pretend-gomont/
Lien : https://www.mtebc.fr/pereira..
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Pereira prétend (BD)

Ma lecture récente de « Slava », une histoire de la Russie « après la chute » belle découverte dont pour l’instant il faut attendre la suite, m’a donné envie de découvrir d’autres réalisations de Pierre Henry Gomont, volume disponible dans ma médiathèque.

Ouah !

Quelle belle adaptation d’un roman éponyme que j’ai envie de découvrir maintenant.

Le Portugal dans les années 1930, un pays pas encore européen, un pays où règne la censure, la dictature et les meurtres qui vont avec au nom de la patrie.

L’Allemagne est en proie avec la montée du fascisme, l’Espagne est en proie avec la guerre civile, la France s’interroge sur les positions qu’elle doit prendre vis à vis de ses voisins.

Pereira lui ne fait pas de politique, il vit dans son passé, pour se replonger dans ses souvenirs … il est indifférent à ceux qui l’entoure … il est seul … seul avec la littérature … il attend que ça s’arrête.

Un roman graphique qui nous montre que vivre …

C’est choisir son camp …

C’est choisir parmi notre propre confédération des âmes (1), l’âme qui doit diriger notre vie …

C’est aussi découvrir un texte considéré comme révolutionnaire, un des contes du lundi d’Alphonse Daudet, « la dernière classe » (2) …

C’est se demander faut il … Écrire avec la tête ? … ou écrire avec le cœur ?



(1)

La Confédération des âmes est un principe philosophique élaboré par Théodule Ribot et Pierre Janet : deux philosophes faisant partie d'un mouvement de pensée : les médecins philosophes.

La théorie prétend que chaque homme n'a non pas une seule âme, comme le prétendent les religions monothéistes, mais une multiplicité. Ces différentes âmes sont régies par une âme "reine", appelée âme hégémonique.

La théorie s'appuie sur le fait que nous avons tous une infinité de désirs et de réactions par rapport au monde, et qu'il serait illusoire et trop simple de croire que l'âme soit unique.

Ces âmes multiples seraient en combat permanent, et ce tiraillement permettrait de stabiliser nos réactions et nos désirs. Chaque homme doit trouver une âme hégémonique adéquate.



(2)

LA DERNIÈRE CLASSE

(récit d’un petit alsacien)

Ce matin-là, j’étais très en retard pour aller à l’école, et j’avais grand-peur d’être grondé, d’autant que M. Hamel nous avait dit qu’il nous interrogerait sur les participes, et je n’en savais pas le premier mot. Un moment l’idée me vint de manquer la classe et de prendre ma course à travers champs.

Le temps était si chaud, si clair !

On entendait les merles siffler à la lisière du bois, et dans le pré Rippert, derrière la scierie, les Prussiens qui faisaient l’exercice. Tout cela me tentait bien plus que la règle des participes ; mais j’eus la force de résister, et je courus bien vite vers l’école.

En passant devant la mairie, je vis qu’il y avait du monde arrêté près du petit grillage aux affiches. Depuis deux ans, c’est de là que nous sont venues toutes les mauvaises nouvelles, les batailles perdues, les réquisitions, les ordres de la commandature ; et je pensai sans m’arrêter :

« Qu’est-ce qu’il y a encore ? »

Alors, comme je traversais la place en courant, le forgeron Wachter, qui était là avec son apprenti en train de lire l’affiche, me cria :

« Ne te dépêche pas tant, petit ; tu y arriveras toujours assez tôt à ton école ! »

Je crus qu’il se moquait de moi, et j’entrai tout essoufflé dans la petite cour de M. Hamel.

D’ordinaire, au commencement de la classe, il se faisait un grand tapage qu’on entendait jusque dans la rue : les pupitres ouverts, fermés, les leçons qu’on répétait très haut, tous ensemble, en se bouchant les oreilles pour mieux apprendre, et la grosse règle du maître qui tapait sur les tables :

« Un peu de silence ! »

Je comptais sur tout ce train pour gagner mon banc sans être vu ; mais, justement, ce jour-là, tout était tranquille, comme un matin de dimanche. Par la fenêtre ouverte, je voyais mes camarades déjà rangés à leurs places, et M. Hamel, qui passait et repassait avec la terrible règle en fer sous le bras. Il fallut ouvrir la porte et entrer au milieu de ce grand calme. Vous pensez, si j’étais rouge et si j’avais peur !

Eh bien, non ! M Hamel me regarda sans colère et me dit très doucement :

« Va vite à ta place, mon petit Franz ; nous allions commencer sans toi. »

J’enjambai le banc et je m’assis tout de suite à mon pupitre. Alors seulement, un peu remis de ma frayeur, je remarquai que notre maître avait sa belle redingote verte, son jabot plissé fin et la calotte de soie noire brodée qu’il ne mettait que les jours d’inspection ou de distribution de prix. Du reste, toute la classe avait quelque chose d’extraordinaire et de solennel. Mais ce qui me surprit le plus, ce fut de voir au fond de la salle, sur les bancs qui restaient vides d’habitude, des gens du village assis et silencieux comme nous : le vieux Hauser avec son tricorne, l’ancien maire, l’ancien facteur, et puis d’autres personnes encore. Tout ce monde-là paraissait triste ; et Hauser avait apporté un vieil abécédaire mangé aux bords, qu’il tenait grand ouvert sur ses genoux, avec ses grosses lunettes posées en travers des pages.

Pendant que je m’étonnais de tout cela, M. Hamel était monté dans sa chaire, et de la même voix douce et grave dont il m’avait reçu, il nous dit :

« Mes enfants, c’est la dernière fois que je vous fais la classe. L’ordre est venu de Berlin de ne plus enseigner que l’allemand dans les écoles de l’Alsace et de la Lorraine… Le nouveau maître arrive demain. Aujourd’hui, c’est votre dernière leçon de français. Je vous prie d’être bien attentifs. »

Ces quelques paroles me bouleversèrent. Ah ! les misérables, voilà ce qu’ils avaient affiché à la mairie.

Ma dernière leçon de français !…

Et moi qui savais à peine écrire ! Je n’apprendrais donc jamais ! Il faudrait donc en rester là ! Comme je m’en voulais maintenant du temps perdu, des classes manquées à courir les nids ou à faire des glissades sur la Saar ! Mes livres que tout à l’heure encore je trouvais si ennuyeux, si lourds à porter, ma grammaire, mon histoire sainte, me semblaient à présent de vieux amis qui me feraient beaucoup de peine à quitter. C’est comme M. Hamel. L’idée qu’il allait partir, que je ne le verrais plus, me faisait oublier les punitions, les coups de règle.

Pauvre homme !

C’est en l’honneur de cette dernière classe qu’il avait mis ses beaux habits du dimanche, et, maintenant, je comprenais pourquoi ces vieux du village étaient venus s’asseoir au bout de la salle. Cela semblait dire qu’ils regrettaient de ne pas y être venus plus souvent, à cette école. C’était aussi comme une façon de remercier notre maître de ses quarante ans de bons services, et de rendre leurs devoirs à la patrie qui s’en allait…

J’en étais là de mes réflexions, quand j’entendis appeler mon nom. C’était mon tour de réciter. Que n’aurais-je pas donné pour pouvoir dire tout au long cette fameuse règle des participes, bien haut, bien clair, sans une faute ! mais je m’embrouillai aux premiers mots, et je restai debout à me balancer dans mon banc, le cœur gros, sans oser lever la tête. J’entendais M. Hamel qui me parlait :

« Je ne te gronderai pas, mon petit Franz, tu dois être assez puni… Voilà ce que c’est. Tous les jours on se dit : Bah ! j’ai bien le temps. J’apprendrai demain. Et puis tu vois ce qui arrive… Ah ! ç’a été le grand malheur de notre Alsace de toujours remettre son instruction à demain. Maintenant ces gens-là sont en droit de nous dire : Comment ! Vous prétendiez être Français, et vous ne savez ni parler ni écrire votre langue !… Dans tout ça, mon pauvre Franz, ce n’est pas encore toi le plus coupable. Nous avons tous notre bonne part de reproches à nous faire.

« Vos parents n’ont pas assez tenu à vous voir instruits. Ils aimaient mieux vous envoyer travailler à la terre ou aux filatures pour avoir quelques sous de plus. Moi-même, n’ai-je rien à me reprocher ? Est-ce que je ne vous ai pas souvent fait arroser mon jardin au lieu de travailler ? Et quand je voulais aller pêcher des truites, est-ce que je me gênais pour vous donner congé ?… »

Alors, d’une chose à l’autre, M. Hamel se mit à nous parler de la langue française, disant que c’était la plus belle langue du monde, la plus claire, la plus solide : qu’il fallait la garder entre nous et ne jamais l’oublier, parce que, quand un peuple tombe esclave, tant qu’il tient bien sa langue, c’est comme s’il tenait la clef de sa prison[1]… Puis il prit une grammaire et nous lut notre leçon. J’étais étonné de voir comme je comprenais. Tout ce qu’il disait me semblait facile, facile. Je crois aussi que je n’avais jamais si bien écouté, et que lui, non plus, n’avait jamais mis autant de patience à ses explications. On aurait dit qu’avant de s’en aller le pauvre homme voulait nous donner tout son savoir, nous le faire entrer dans la tête d’un seul coup.

La leçon finie, on passa à l’écriture. Pour ce jour-là, M. Hamel nous avait préparé des exemples tout neufs, sur lesquels était écrit en belle ronde : France, Alsace, France, Alsace. Cela faisait comme des petits drapeaux qui flottaient tout autour de la classe, pendus à la tringle de nos pupitres. Il fallait voir comme chacun s’appliquait, et quel silence ! On n’entendait rien que le grincement des plumes sur le papier. Un moment des hannetons entrèrent ; mais personne n’y fit attention, pas même les tout petits qui s’appliquaient à tracer leurs bâtons, avec un cœur, une conscience, comme si cela encore était du français… Sur la toiture de l’école, des pigeons roucoulaient tout bas, et je me disais en les écoutant :

« Est-ce qu’on ne va pas les obliger à chanter en allemand, eux aussi ? »

De temps en temps, quand je levais les yeux de dessus ma page, je voyais M. Hamel immobile dans sa chaire et fixant les objets autour de lui, comme s’il avait voulu emporter dans son regard toute sa petite maison d’école… Pensez ! depuis quarante ans, il était là, à la même place, avec sa cour en face de lui et sa classe toute pareille. Seulement les bancs, les pupitres s’étaient polis, frottés par l’usage ; les noyers de la cour avaient grandi, et le houblon qu’il avait planté lui-même enguirlandait maintenant les fenêtres jusqu’au toit. Quel crève-cœur ça devait être pour ce pauvre homme de quitter toutes ces choses, et d’entendre sa sœur qui allait, venait, dans la chambre au-dessus, en train de fermer leurs malles ! car ils devaient partir le lendemain, s’en aller du pays pour toujours.

Tout de même, il eut le courage de nous faire la classe jusqu’au bout. Après l’écriture, nous eûmes la leçon d’histoire ; ensuite les petits chantèrent tous ensemble le ba be bi bo bu. Là-bas, au fond de la salle, le vieux Hauser avait mis ses lunettes, et, tenant son abécédaire à deux mains, il épelait les lettres avec eux. On voyait qu’il s’appliquait, lui aussi ; sa voix tremblait d’émotion, et c’était si drôle de l’entendre, que nous avions tous envie de rire et de pleurer. Ah ! je m’en souviendrai de cette dernière classe…

Tout à coup l’horloge de l’église sonna midi, puis l’Angelus. Au même moment, les trompettes des Prussiens qui revenaient de l’exercice éclatèrent sous nos fenêtres… M. Hamel se leva tout pâle, dans sa chaire. Jamais il ne m’avait paru si grand.

« Mes amis, dit-il, mes amis, je… je… »

Mais quelque chose l’étouffait. Il ne pouvait pas achever sa phrase.

Alors il se tourna vers le tableau, prit un morceau de craie et, en appuyant de toutes ses forces, il écrivit aussi gros qu’il put :



« VIVE LA FRANCE ! »



Puis il resta là, la tête appuyée au mur, et, sans parler, avec sa main, il nous faisait signe :

« C’est fini… allez-vous-en. »
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Pereira prétend (BD)

Depuis que j’ai lu « Malaterre », Pierre-Henry Gomont fait partie des auteurs que je suis assidûment. J’ai découvert un auteur avec un style à lui, mais pourtant des projets aux univers différents. Je m’offre un petit retour en arrière avec « Pereira prétend », peut-être l’album où il s’est finalement trouvé graphiquement. Adaptation d’un roman d’Antonio Tabucchi (que je n’ai pas lu), l’ouvrage pèse près de 150 pages et est publié chez Sarbacane.



Pereira est portugais. Alors que la dictature sévit, il travaille dans un journal catholique et s’occupe de la page culturelle. Après avoir lu un article d’un jeune étudiant en philosophie, il contacte ce dernier pour le rencontrer. Va s’ensuivre alors une série d’événement que Pereira provoque sans parvenir à s’en défaire. D’abord, il propose, sans en parler à sa direction, que l’étudiant écrive des nécrologies pour son journal. Or, ces nécrologies engagées, vont mettre en danger Pereira et le faire vaciller.



Pierre-Henry Gomont reprend le concept littéraire de « Pereira prétend ». Ainsi, la narration commence régulièrement par cette phrase, comme pour mettre en doute le récit lui-même, ce qu’aurait dit, pensé ou fait le personnage. Dans le contexte d’un pays où les actes et la pensée sont contrôlés et surveillés, cela apporte une force au texte. Ainsi, la narration est très présente. Je ne suis habituellement pas fan de ce procédé lors des adaptations d’œuvres littéraires, mais cela fait partie du langage de Gomont.



L’ouvrage est long. Il permet à la pensée de Pereira d’évoluer lentement. Pas de grand changement, de retournement de situation. Tout paraît très naturel : une influence de deux jeunes gens, de l’empathie simplement, une envie de ne plus ignorer et se voiler la face. Pereira n’est pas un révolutionnaire, il ne vit qu’à moitié depuis la mort de sa femme. Mais face aux événements, il est bien obligé d’agir. Cet homme difforme, détruit, asocial, nous paraît soudain sympathique dans ses travers. En cela, l’ouvrage est parfaitement réussi.



Graphiquement, le trait de Gomont, dynamique et expressif, marche parfaitement. Les pages sont pleines de cases, la narration maîtrisée. C’est beau et efficace à la fois. Les couleurs sont également une réussite, souvent dans les tons ocres du Portugal avec quelques entorses pour les scènes de nuit. C’est le Gomont d’aujourd’hui dans son trait, on le reconnaît parfaitement.



« Pereira prétend » est un ouvrage réussi. Les personnages sont vivants, crédibles et Pereira lui-même est particulièrement crédible. La montée en tension dans le livre se fait lentement, mais inexorablement. Gomont maîtrise son rythme et nous emporte jusqu’à la fin. Du beau travail.


Lien : https://blogbrother.fr/perei..
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La Tête perdue de Damasceno Monteiro

N°1685 – Octobre 2022



La testa perduta di Damanesco Monteiro – Antonio Tabucchi - Feltrinelli.

(La tête perdue de Damanesco Monteiro)



Imaginez un gitan qui, le matin dans son camp de la banlieue de Porto, veut satisfaire un besoin naturel et tombe sur un cadavre sans tête. C'est Firmino, un obscur journaliste d'un journal à scandale de Lisbonne qui est envoyé pour enquêter sur cette affaire alors qu'il n'aime pas cette ville et est davantage préoccupé par l'écriture d'une thèse universitaire et aussi par sa copine. C'est le début de cette histoire policière où chaque court chapitre balade le lecteur dans la ville de Porto et évoque ses spécialités, notamment culinaires, que Firmino ne goûte pas forcément. Au cours de ses investigations le journaliste se trouve en contact avec des personnages originaux, le gitan qui a découvert le corps, Dona Rosa, la propriétaire décidément bien informée de l'hôtel où il loge, un serveur, un travesti prostitué qui tombe du ciel au bon moment et un avocat, Don Fernando, homme riche et cultivé, à la fois anarchiste et aristocrate, érudit et humaniste, obsédé par la norme juridique qui se consacre à la défense des pauvres et donc qui accepte de représenter la victime pour un procès à venir qui met en cause la police. Firmino et Don Fernando échangent ensemble des propos métaphysiques et littéraires et l'avocat se fera le chantre les beautés de Porto et de sa cuisine. Firmino mène ses investigations avec talent, et aussi pas mal de chance, avec comme fil d’Ariane un tee-shirt publicitaire, une tête repêchée dans le Douro qui s'avère être celle du cadavre, sur fond de trafic de drogue et d'exactions policières. Le journaliste, avec l’aide de l'avocat, révélera cette affaire dans son journal et s’appuiera sur l'opinion publique.

Ce livre est l'occasion d'une critique des dérives policières dans un pays pourtant démocratique, les tortures et les exactions impunies de la Garde nationale, le système judiciaire portugais. L'épilogue est peut-être un peu trop facile.

Ce roman a pour origine un fait réel, l’assassinat d'un jeune Portugais par la garde nationale et la dissimulation de son corps dans un parc public.



Antonio Tabucchi (1943-2012) était un personnage assez particulier. Italien d"origine, il s'est intéressé à la culture, à la société portugaises et aux textes de Pessoa qu'il a traduits au point de s' installer dans ce pays et d'écrire certains de ses romans dans cette langue. Cette attirance pour cette culture est assez originale, lui Italien, qu'on imagine volontiers expansif alors que l'âme portugaise est gouvernée en principe par la "Saudade" qui est une mélancolie atavique.

C'est un roman policier avec une dimension documentaire intéressante sur la société portugaise de l'époque et aussi sur des considérations personnelles sur les romans et la poésie.

Ce roman est traduit en français et publié par Christian Bourgois mais je l'ai lu en italien pour la beauté et la musicalité de cette langue cousine malheureusement si peu parlée en France
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Pereira prétend (BD)

J'ai bien aimé ce récit d'un journaliste portugais qui pendant la dictature de Salazar a commencé progressivement à ouvrir les yeux courageusement pour dénoncer des choses pas très démocratiques. Il y a bien sûr tout le contexte de la surveillance policière qui se fait via des informateurs comme la concierge de l'immeuble par exemple. On dit qu'il n'y a rien de pire qu'une vieille concierge acariâtre et dénonciatrice. Pereira prétend beaucoup de choses mais certaines vont paraître assez justes.



La vie de cet homme solitaire, obèse et veuf était plutôt triste. Elle va progressivement commencer à prendre un tout autre sens. J'aime bien les transformations des individus en quelque chose de meilleur même si le prix a payer peut-être assez lourd.



C'est un roman graphique d'une grande maturité qui nous prévient ce qu'a été la vie sous une dictature pour un petit pays qui a rejoint depuis l'Europe.
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Nocturne indien

Non vraiment, je n'ai pas réussi à apprécier ce voyage ni l'écriture d'Antonio Tabucchi...
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Pereira prétend (BD)

Je lis très peu de BD, voire même pas du tout et pourtant je l'ai dévorée. Une fois commencée, je ne pouvais plus arrêter. Elle a suscité en moi un tel enthousiasme que j'ai maintenant envie de découvrir davantage ce genre.

Cette bande dessinée, même si pour moi cela va au-delà de l'image de la BD que j'aie, aborde de très nombreux thèmes. Tout d'abord, elle a un côté historique, cela se passe sous la dictature de Salazar au Portugal. Ensuite, elle traite du métier de journaliste, et en particulier du journalisme littéraire sous la censure. Il sera question de la position de certains écrivains à cette époque. La religion sera également abordée. Et enfin un peu de psychanalyse.

Et au milieu de tout cela, Pereira Prétend, tente de mener sa barque ou plutôt sa vie.

Tous ces thèmes sont très bien amenés et sonnent justes.

Les dessins sont remarquables, j'ai été impressionnée par les couleurs, les traits des visages et les paysages.

En somme, je la recommande chaudement!
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Pereira prétend

Le postulat de la narration est original, on a l'impression de lire un procès-verbal de police. Perreira est un obscur journaliste, responsable de la page culturelle d'une quelconque feuille de choux. Un peu embarrassé de sa personne, il vit seul avec une photo de son épouse, auquel il demande conseil pour toute décision d'importance. C'est un grand consommateur de citronnade et d'omelette au fromage devant l'Éternel. Il est curieusement le dernier à être informé des événements du monde. Jaloux de sa tranquillité, il se voit entraîné, malgré lui, dans une situation périlleuse, pour avoir embaucher et loger un stagiaire dont les écrits sont dangereusement subversifs dans cette époque de dictature salazariste et de censure. Perreira est foncièrement un homme de bonne composition, une bonne pâte d'homme.





L'originalité de la narration et la personnalité de l'anti-héros, bon comme du bon pain, rend la lecture de ce cours roman fort divertissante et sympathique.
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La Tête perdue de Damasceno Monteiro

Décidément le professeur Tabucchi avait l'art de pimenter ses romans policiers de saveurs exotiques (une pincée de droit, de politique, de philosophie, de poésie...), sans rien sacrifier à l'intrigue. "La tête perdue de Damasceno Monteiro" (1977) l'illustre à merveille.

Un cadavre décapité est trouvé sur le hauteurs de Porto par un tzigane. Un jeune journaliste de Lisbonne est envoyé par sa feuille de chou pour mener l'enquête. Il connait mal la ville, dont il déteste la spécialité : les tripes à la mode de Porto. Et puis, plutôt que de courir après les faits divers, il rêve d'écrire. Par exemple, un essai sur "L'influence de Vittorini sur le roman Portugais d'après guerre" . Mais qui est donc ce Vittorini, qu'il veut étudier à travers le prisme et dans le style de Georg Lukács ?

Premier zigzag. La question de la "Grundnorm" chez Kelsen en est un autre. Acrobatiquement posée à la pointe de la pyramide des normes et invoquée mal à propos, la mère de toutes les normes risque de justifier une cascade fâcheuse d'obéissance, au nom du positivisme juridique.

Et voici Alexander Mitscherlich qui surgit du récit, avec ses étranges théories psychanalytiques sur la torture, que pratique la police portugaise, comme les nazis naguère.

Puis voici Pierre-Jean Jouve, traduisant quelques vers des Poèmes de la folie de Hölderlin : "Moi aussi je te dirai tout le passé"...

On a un peu le tournis, mais on finit par "comprendre le concept"...

Plus bucolique est l'apparition fugace des rabelos navigant sur le Douro avec leur chargement de nectar, toutes voies dehors, et la découverte progressive, au fil des pages du charme de la vieille ville qui vaut mieux que son plat emblématique.

Ces détours, savoureux, ramènent au récit et notre tintin reporter à son complice, qui boit comme Haddock, avocat monumental entre Orson Welles et Charles Laughton. C'est lui qui mène la barque (en l'occurrence une grosse Chevrolet) et montre comment la presse mène le justice par le bout du nez jusqu'au procès.

Voici un roman à tiroirs, policier bien ficelé fondé sur un fait divers réel. On ne lâche pas l'intrigue. Un magistrat, Antonio Cassese, qui présidait le tribunal Pénal de la Haye, a conseillé l'auteur pour la partie juridique. Les bavures policières, la torture, la marginalité sont le support de la réflexion philosophique de Tabucchi. Métaphysique et métaphores s'insinuent à chaque coin de phrase, comme déjà dans le superbe "Pereira prétend", paru en 1994.

Le voyageur partant pour le Portugal, à la découverte de Lisbonne et de Porto serait bien avisé de glisser ces bouquins dans ses bagages.
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Nocturne indien

NOCTURNE INDIEN, Antionio Tabucchi, Ed Poche, 2000

SYNOPSIS : un jeune homme en Inde, recherche une personne disparue. Cette personne est-elle son frère ? Son double ? Lui-même ? Ce voyage sans but nous fait entrevoir les Indes mystérieuses peuplées de personnages improbables et troublants.

TABUCCHI est en quelque sorte un magicien, ou un mystificateur… On peut être tout à la fois envoûté ou agacé par son roman. Ne cherchez aucune rationalité ni véracité dans ce récit à la fois onirique et poétique, sinon vous refermerez vite le livre (fort court) avec le sentiment qu’il s’est moqué de vous !

4/5

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Les oiseaux de Fra Angelico

La première nouvelle de ce recueil qui lui donne son titre est plutôt déroutante. Mais tout bien considéré toutes ces nouvelles sont déroutantes car l'impression domine qu'il nous manque quelques clés pour bien les comprendre. Cet effet est probablement voulu par l'auteur qui a voulu jouer avec les perspectives et les reflets dans les miroirs en nous laissant perplexe comme devant ces tableaux à la composition énigmatique. Cependant au bout d'un moment l'étrange nous devient plus familier et nous acceptons de ne pas comprendre tout-à-fait, nous acceptons cette logique folle qui affirme sans sourciller :

La phrase qui suit est fausse.

La phrase qui précède est vraie.

Et là au détour de cette nouvelle, on croise un auteur qui m'est cher, Douglas Hofstadter, l'auteur du célèbre "Gödel, Escher, Bach".

Oui, j'ai accepté d'être dérouté mais sans enthousiasme néanmoins.
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Le temps vieillit vite

Ensemble de nouvelles très inégal. Globalement sans intérêt et mal écrit – ou en tout cas je n’ai pas aimé cette impression de désinvolture qui émane de l’écriture, même si généralement j’aime le côté spontané d’un écrivain.

Restent quelques belles idées qui auraient mérité un peu plus d’investissement de la part de l’auteur. Je pense ici à la réflexion d’une jeune cancéreuse qui s’émerveille de la beauté de la vie devant un homme en bonne santé blasé, ou à l’influence de la présence de caméra dans les jugements des procès politiques dans les républiques communistes de l’Europe de l’Est …
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Requiem

Au cours de son périple dans Lisbonne sous la canicule, l'auteur croise toutes sortes de personnages hauts en couleur, attachants ou intrigants.



Quelle belle idée : rencontrer des morts que l'on a connus et/ou aimés, passer un moment avec eux en papotant devant un bon repas accompagné d'un bon vin.



Atmosphère indéniablement très particulière et très prenante.



Une rencontre avec les morts qui est un hymne à la vie!
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Le temps vieillit vite

Un recueil de neuf petites nouvelles autour du temps (qui passe, pas celui qu'il fait!). Une promenade sentimentale à travers l'Europe, au fil des rêveries de l'auteur. Une écriture allusive, toute en finesse, qui demande toutefois pas mal d'efforts de la part du lecteur : à se laisser bercer par la petite musique de Tabucchi on perd vite le fil de la narration...
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Pereira prétend

Non, Pereira n'est pas le nom d'un joueur de foot. En cette période de grand spectacle mondial dans laquelle on sert au bon peuple des jeux et des fanions de supporter pour le détourner de sa colère sociale, ce « Pereira prétend » nous rappelle que, lorsque les jeux ne suffisent plus, c'est un monde plus autoritaire et des moyens plus expéditifs que les puissants réservent au peuple.

Les esprits rebelles et subversifs sont aujourd'hui chassés des alentours des stades, et ici, ils sont chassés des villes comme Lisbonne, Barcelone ou Madrid ; les puissants ont tellement peur qu'ils contaminent les autres. Les autres, ce sont les Pereira, c'est Pereira, qui prétend quoi ? Qu'il n'a pas été contaminé ?... 
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Que peut-on ambitionner, désirer, prétendre, rêver, souhaiter, viser, vouloir avec Pereira ?

Qui est Pereira ?

Un détective privé
Un policier corrompu
Un journaliste
Un membre de la milice
Il est tout cela à la fois

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