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Jean-Baptiste Para (Traducteur)
EAN : 9782264027788
89 pages
10-18 (08/06/2000)
3.61/5   14 notes
Résumé :
"Douze nouvelles qui résonnent à l'aube ou au crépuscule, troubles et pâles, bourdonnements lacunaires comme des yeux interrogateurs, Les Oiseaux de Fra Angelico distillent en un chant tantôt léger, tantôt grave, une émotion à rendre muet le babil de nos esprits futiles.
Quand tous les petits accidents et incidents du quotidien se projettent dans un horizon confidentiel, quand les "choses de la vie" dérivent tel un vaisseau fantôme, le futur devient antérieur... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Ce court recueil très dense a été publié en 1987 et contient douze (?) textes ailés que Tabucchi l'enchanteur nomme dans sa note introductive « Extravagances » autrement dit des créations qui errent « comme des bribes à la dérive survivant à un tout qui n'a jamais existé... » Les thèmes en sont le Temps, la mort et la création artistique. Parmi ces treize textes (j'en vois treize, il doit y avoir un fantôme qui volète entre ces pages), je m'attarderai davantage sur mes préférés. Mais tous sont excellents.

1.Les oiseaux de Fra Angelico ouvre le recueil.
C'est une petite nouvelle très riche et pleine de fantaisie. Elle pastiche dans sa forme les Fioretti de Saint François.
Fra Giovanni da Fiesole déjà célèbre à Florence se perçoit toujours comme un humble moine dominicain . A l'heure des vêpres, il est en train de ramasser des oignons à la hâte (avant qu'ils ne pourrissent) dans le potager du cloître Saint Marc. Les gros oignons rouges servent à la soupe et le font bien pleurer. Il entend soudain une voix qui l'appelle par son nom de baptême « Guidolino !», il lève les yeux tout embués de larmes et entrevoit un étrange volatile rose avec de frêles pattes blanches. Il lui demande si c'est bien à lui qu'il s'adresse. de la tête, le volatile lui fait signe que non, et en tenant le doigt d'une patte tendu vers lui il le désigne, lui, Guidolino. le moine est stupéfait. L'étrange oiseau s'est pris les pattes dans le poirier. Il décide de le dégager. Il se défait de sa robe de bure qui entrave ses mouvements, monte à l'échelle et découvre que ses jambes maigres et blanches ressemblent bigrement à celles du volatile. Puis, comme il est nu il s'arrange à la hâte et s'excuse tout confus mais le souvenir de la belle Nerina, une jeune fille blonde couchée sur une motte de paille lui apparaît au mauvais moment et il se confond en excuses. Arrivé au sommet…

Fra Giovanni est le seul parmi les moines à percevoir les créatures étranges, à entendre leur langage et à se souvenir de la jeune fille. le rêve et le souvenir du désir lui permettent de créer une oeuvre immortelle. Les oeuvres de Fra Angelico adoptent une fonction miroir . le peintre y représente les saints comme des miroirs de vertu, destinés notamment aux novices. Dans l'histoire espiègle de Tabucchi la fonction miroir est pastichée également. Les créatures ailées sont maladroites comme l'albatros de Baudelaire : elles ne peuvent ni marcher ni voler bas ; elles restent coincées dans les branches des arbres et finissent en cage. Heureusement ces oiseaux maladroits, peut-être fruits de son imagination et de sa myopie larmoyante, deviennent les anges de ses fresques.

2.3.4 Ce conte est suivi par trois lettres impossibles et mélancoliques sur le thème du Temps. Les destinataires ne pourront ni les lire ni y répondre. La première lettre a été envoyée par le dernier roi portugais de la dynastie Aviz, Don Sebastiano (1554-1578) à Goya peintre de « carnages et caprices »né deux siècles plus tard. La lettre tente de rebâtir le passé. La deuxième est envoyée par la voyante de Napoléon, Mademoiselle Lenormand, à la révolutionnaire Dolores Ibarruri, révolutionnaire, communiste, Pasionaria de la guerre civile espagnole. Cette lettre décrit le futur et ses guerres immuables. La troisième et dernière lettre magnifique est écrite par la nymphe Calypso à Ulysse qui vient de la quitter. Calypso regrette son immortalité qui rend son présent éternellement douloureux.

5. « L'amour de Dom Pedro » est une variation sur la Reine morte.

6. « Message de la pénombre » est une lettre douce et tendre adressée à une défunte particulièrement touchante. La lettre accompagnait le catalogue de l'exposition de Davide Benati, Terres d'ombre et s'inspire de sa peinture. (voir citation de la fin).

7. « La phrase qui suit est fausse . La phrase qui précède est vraie ». C'est un ensemble de lettres de 1985 érudit et drôle entre Xavier Janata Monroy un Indien amateur de paradoxes mathématiques et Tabucchi, auteur de Nocturne Indien et de Petites équivoques sans importance. Tabucchi en profite pour comparer le roman au strip tease (voir citation).

8. « La bataille de San Romano » commence par une ébauche d'une nouvelle spectrale qui n'a rien à voir avec le contenu des dyptiques de Paolo Ucello dispersés à Londres et Paris. Mais l'histoire a été inspirée par un ouvrage sur la perspective de Vitellius. «  le panneau de Paolo Uccello offrirait non la représentation d'êtres réels mais de fantômes ».

9. « Histoire d'une histoire absente » le narrateur détruit le manuscrit d'un roman qu'il aurait dû remettre à son éditeur.

10. « La traduction » est une nouvelle allégorique pleine d'astuces. Un locuteur « je » décrit une toile à quelqu'un. Il interprète le tableau à sa manière en insistant sur la couleur jaune. A la fin le lecteur se rend compte que l'interlocuteur est aveugle. Et il comprend également que l'interprétation proposée par le locuteur pleine d'indices mortifères renvoie à des faits historiques.

11. « Les gens heureux ». Lors d'un repas une jeune femme annonce à un homme, un universitaire plutôt mûr qu'elle est enceinte.

12. « Les archives de Macao » hommage très touchant à son père.

13. « Dernière invitation » Eloge singulier de Lisbonne. La capitale portugaise est la ville la mieux pourvue en entreprises de pompes funèbres : seize pages dans l'annuaire ! Et la plus appropriée par sa structure et sa configuration pour faire des sauts...Une sorte de guide touristique plein d'humour noir pour âmes volantes.

Je vous encourage vivement à voleter avec ces drôles d'oiseaux.
Lu dans la traduction de Jean-Baptiste Para (1989)
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La première nouvelle de ce recueil qui lui donne son titre est plutôt déroutante. Mais tout bien considéré toutes ces nouvelles sont déroutantes car l'impression domine qu'il nous manque quelques clés pour bien les comprendre. Cet effet est probablement voulu par l'auteur qui a voulu jouer avec les perspectives et les reflets dans les miroirs en nous laissant perplexe comme devant ces tableaux à la composition énigmatique. Cependant au bout d'un moment l'étrange nous devient plus familier et nous acceptons de ne pas comprendre tout-à-fait, nous acceptons cette logique folle qui affirme sans sourciller :
La phrase qui suit est fausse.
La phrase qui précède est vraie.
Et là au détour de cette nouvelle, on croise un auteur qui m'est cher, Douglas Hofstadter, l'auteur du célèbre "Gödel, Escher, Bach".
Oui, j'ai accepté d'être dérouté mais sans enthousiasme néanmoins.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Lettre de Don Sébastien de Aviz, roi du Portugal, à Francisco Goya, peintre. P.30.
Dans l'axe central du tableau et bien en hauteur, entre les nuages et le ciel, vous ferez un vaisseau. Celui-ci ne sera pas un vaisseau représenté d'après la réalité, mais quelque chose comme un rêve, une apparition ou une chimère. Parce qu'il sera à la fois tous les vaisseaux qui emportèrent mes gens par des mers inconnues vers des côtes lointaines ou dans les abysses infinis des océans ; et en même temps il sera tous les rêves que mes gens on formés depuis les falaises de mon pays tourné vers l'eau ; et les monstres qu'ils ont créés dans leur imagination, et les fables, les poissons, les oiseaux merveilleux, les deuils, et les mirages. Et en même temps il sera aussi mes propres rêves que j'ai hérités de mes ancêtres, et ma silencieuse folie. À la figure de proue de ce vaisseau, qui aura une apparence humaine, vous donnerez un aspect vivant qui puisse rappeler lointainement mon visage. Sur celui-ci flottera un sourire, mais un sourire incertain ou vaguement ineffable, comme la nostalgie irrémédiable et subtile de celui qui sait que tout est vain et que les vents gonflant les voiles des rêves ne sont rien d'autre que de l'air, de l'air, de l'air.
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Dans ce présent infranchissable où je vis, je regarde chaque jour le char du soleil qui s'élance dans le ciel et suit la même course que toi vers ton occident ; je regarde mes mains immuables et blanches ; de la pointe d'un rameau je trace un signe sur le sable – comme la mesure d'un compte inutile – ; puis je l'efface. J'ai dessiné et j'ai effacé des milliers de signes, mais le geste est le même, le sable est le même, rien ne change et je reste inchangée.
(Passé composé. III, Lettre de Calypso, nymphe, à Ulysse, roi d'Ithaque)
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N'accordez pas trop de crédit à ce qu'affirment les écrivains : ils mentent la plupart du temps. Mario Vargas Llosa, un auteur de langue espagnole que vous connaissez peut-être a dit qu'écrire un roman est une cérémonie semblable au strip-tease. À l’instar de la jeune femme qui sous l'œil impudique d'un réflecteur se dépouille de ses vêtements et montre ses grâces secrètes, ainsi l'écrivain dévoile en public son intimité à travers ses récits. Il y a, évidemment, des différences. Ce que l'écrivain exhibe de lui-même ne sont pas ses grâces secrètes, comme la désinvolte jeune fille, mais les fantômes qui l'assiègent, la part la plus laide de lui-même : ses nostalgies, ses fautes et ses rancunes. Une autre différence existe : alors que dans son spectacle la jeune fille commence vêtue et termine nue, dans le cas du récit la trajectoire est inverse : l'écrivain commence par être nu et finit par se rhabiller.
(La phrase qui suit est fausse – La phrase qui précède est vraie)
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Dans le temps de cet infime infini, qui est l'intervalle entre ce maintenant où je suis et cet alors où nous étions, je te dis au revoir et je sifflote Yesterday et Guaglione. Sur le fauteuil près du mien j'ai posé mon pull-over, comme autrefois au cinéma quand j'attendais que tu reviennes avec un sachet de cacahuètes.
(Fin de Message de la pénombre)
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