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Critiques de Bernard Malamud (110)
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Le tonneau magique

Refugié polonais, misérable, honnête et travailleur, apprenti trentenaire d'un vieux cordonnier juif, dont l'unique passion sont les livres qu'il abonde de commentaires sur leurs pages,....et le dit cordonnier juif dont l'unique objectif est de pouvoir marier sa fille à un homme éduqué et aisé,....une formidable nouvelle sur la magie et le pouvoir des livres...

Un vieux juif, marchand d'oeufs, qui s'obstine à rester dans l'appartement dont il est expulsé, la magie de la providence divine,.....

La solitude de l'écrivain, le désespoir de la feuille blanche, et la magie(?!) d'une nouvelle et d'une correspondance épistolaire.....

L'appel à Dieu de Manischevitz au bord du désespoir, la magie de la réponse surprise truculente....

George et la magie d'un mensonge.....

Et le dernier récit qui donne le titre de ce recueil, “Le Tonneau magique”, simplement, la magie d'une photo.....

Treize nouvelles palpitantes, toutes sous l'emprise du tragique existentiel, que Malamud nous décline avec des chutes surprises, empreintes d'humour et de fantaisie. Les protagonistes sont tous, sans exception des juifs américains, dont souvent des petits commerçants, cordonniers, épiciers, boulangers, dans le New York des années 50, et dont trois récits nous entraînent aussi en Italie, toujours à la même époque. Des hommes vieux, jeunes, à l'âme tourmenté, empêtrés dans les problèmes de la Vie, souffrant et luttant pour s'en sortir sans l'aide d'autrui. Et Dieu qui n'est jamais loin; mais,hélas, souvent aux abonnés absents, à moins que la touche magique finale fusse de sa main .....Car le tragique de la condition humaine débouche ironiquement sur une chute à l'humour noir, avec un poinçon de fantaisie surprenante. L'espoir, même mince, est toujours présent, un optimisme à la sauce Malamud, qui fait sourire même dans les pires des circonstances.



Bernard Malamud (1914-1986) reçut en 1959, le National Book Award pour ces treize nouvelles du Tonneau magique, qui viennent d'être rééditées par les éditions Rivages J'avais adoré « L'homme de Kiev » et « Le commis », j'ai beaucoup aimé ces nouvelles. Un très grand écrivain, encore mal connu et un peu oublié dans les milieux littéraires.



« Inventer des histoires, n'est pas une mauvaise façon d'habiter la solitude humaine. »



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L'homme de Kiev

Ouvrage admirable écrit comme un témoignage de l’absurdité et des dérives de l’antisémitisme à travers les siècles. C’est un symbole très fort de ce qui s’est passé il n’y a pas si longtemps et j’adresse mes pensées les plus émues à toutes ces personnes qui ont été victimes de persécutions.



Publié en 1966, couronné par le National Book Award américain et par le Pulitzer, issu de l’histoire vraie de Menahem Mendel Bellis, c’est l’histoire terrifiante du « Réparateur » Yakov Bok , emprisonné arbitrairement et victime d’une machination l’accusant du meurtre rituel d’un enfant russe et chrétien dans le but de récupérer son sang pour l’utiliser dans la confection des matsot (galettes de pain azyme) pour la fête de Pessah (Pâque juive).



Je suis sortie abasourdie devant tant de cruautés mentales et physiques. Bernard Malamud dissèque cette haine viscérale du juif, ces comportements pervers, cet antisémitisme gangrenant une grande partie de l’Europe de l’Est et qui mènera ce peuple jusqu’à la Solution Finale.



Dès l’enfermement, confronté à tout ce sentiment d’injustice et d’impuissance, j’ai fait le rapprochement avec le capitaine Dreyfus. D’ailleurs page 293, son avocat lui dit « Si vous vous sentez découragé, pensez à Dreyfus. Il est passé par les mêmes épreuves avec scénario en français. Nous sommes persécutés dans les langues les plus civilisées ».



Ce qui est le plus fascinant, c’est la plume de Bernard Malamud qui analyse avec beaucoup d’acuité et de sensibilité l’évolution psychologique de Yakov Bok sans oublier bien sur, de raconter tout sur le déni du droit de la défense dans ces périodes de régime autocratique. Le lecteur en reste médusé. La mécanique mise en place vise à tuer dans l’œuf tout mouvement de révolte, toute velléité de résistance, la description en est époustouflante. On pourrait penser à du vécu. Mais derrière ce roman, il y a une dénonciation et une analyse politique très fine.



Yakov Bok est passionné de philosophie qu’il a découverte à la lecture de Spinoza et c’est en se remémorant ses écrits que Yakov parviendra à ne pas sombrer dans la folie pendant ces deux années et demie terribles de prison.

Il sera soumis à toutes les humiliations, tous les sévices corporels, jusqu’à l’enchainement au fer pour obtenir de lui, dans l’attente de son procès, les aveux de sa culpabilité avec la complicité de toute la communauté juive, entrainant ainsi tous ses coreligionnaires avec lui. Le pouvoir ira jusqu’à le menacer du déclenchement d’un pogrom dont il devra porter la responsabilité.



Le ciel va s’éclaircir légèrement lorsque Yakov rencontrera un juge d’instruction, Boris Alexandrovitch BiBikov, qui sera très vite persuadé de la supercherie et mènera une enquête à décharge. Ce pauvre Bibikov sera suicidé.



La haine antisémite est poussée jusqu’à l’absurdité dans une société farcie de superstitions et de mysticisme. Les Cent-Noirs (mouvement extrême droite antisémite) peuvent ainsi susciter chez la foule la plus ignorante et la plus brutale une haine sans limite, sans discernement, du juif. Sans compter que d’assassiner les juifs avec l’assentiment du Pouvoir arrange bien les politiques.



Le lecteur se sent enfermé avec Yakov du fait de la puissance de la narration de Bernard Malamud. C’est un vrai cauchemar, on participe à sa solitude, à ses périodes de dépression, à sa peur, aux menaces, aux fouilles, aux bruits des verrous de la porte de sa cellule, au froid, à la maladie, à la malnutrition, à la crasse, à la puanteur. Rien ne lui sera épargné.



C’est un très grand roman dont je suis sortie oppressée mais qui devrait éveiller les consciences mais de cela je n’en suis pas certaine.



Un grand merci à notre amie Bookycooky qui nous conseille des pépites !

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L'homme de Kiev

Quel beau livre ....

Ce roman, inspiré d'un fait réel survenu à Kiev en 1911 m'a touché. Il conte l'histoire d'un juif, Yakov Blok, réparateur, qui quitte son sheltel où rien ne le retient - il est orphelin, est sans le sou, et sa femme l'a quitté - pour partir à Kiev. Là, il se voit proposer un travail par un homme dont il a sauvé la vie. Cet homme est membre d'une association anti-juive et ignore que Yakov l'est. La proposition est acceptée par Yakov qui se donne une autre identité et habite alors dans un quartier interdit aux juifs.

Le meurtre d'un jeune garçon chrétien va bouleverser sa vie : il est faussement accusé d'avoir commis un mettre rituel après que l'on ait découvert sa fausse identité. Yakov Blok est pourtant non-croyant, et est plutôt admirateur de Spinoza. Il est emprisonné, le juge d'instruction ne le croit pas coupable mais la pression de ses supérieurs et de l'opinion publique est trop forte, et le juge d'instruction se suicide. On presse Yakov d'avouer, on le laisse moisir dans sa cellule, on lui offre la vie sauve contre un aveu mais Yakov endure tout et refuse, ilt met toutes ses espérances dans son procès.

L'histoire est prenante, les descriptions des états d'âme de Yakov sont bien rendues.

C'est la belle histoire morale d'un homme simple mais fidèle à ses convictions.

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Les idiots d'abord

J'enchaîne par hasard deux livres avec "idiots" dans le titre, ici l'étant dans le titre de la première nouvelle, un idiot pathologique beaucoup moins amusant que ceux du livre précédent .

Douze nouvelles, sur fond de grisaille et de tristesse.... et souvent de sexe non ou mal assouvi. Comme dans le Tonneau Magique, la plupart se passe à New-York, éventuellement en Italie, et les personnages principaux sont exclusivement des juifs américains. Des bonhommes seuls, souvent dans une misère morale ou matérielle , en quête d'une femme qui généralement ne veut pas d'eux; ou simplement affublé d'une femme, source de leurs problèmes, sans connotation sexuelle.

Ces récits malheureusement, bien que non dénués d'intérêt, après ceux

du Tonneau Magique et ses superbes romans "L'homme de Kiev" et "Le Commis " m'ont légèrement déçue, un peu avec leurs chutes et surtout par la morosité de leurs personnages, infestés de "loosers". L'un des récits étant une pièce de théâtre en un acte, dont je n'ai pas saisi du tout la portée, et sa chute, si c'en est une.

Deux récits font quand même l'exception. Celui de "L'oiseau-juif", l'histoire d'un misérable corbeau répondant au nom de Schwartz, qui s'installe chez un couple de juifs ayant un jeune fils. Schwartz parle, ne mange que du hareng et du pain de seigle, surveille les devoirs du gamin qui du coup s'améliore à l'école.... bref tout serait parfait si Cohen, le type du couple ne l'avait pas pris en grippe.....et même si ici la chute est intéressante, elle est trop moribonde. L'autre "Un nu tout nu", une histoire de fausse copie d'un tableau de Titien, intéressante et une chute cette fois-ci un peu plus amusante.

Comme quoi même les grands écrivains ne pondent pas toujours des chef-d'oeuvres.

A propos de ce recueil, une critique professionnelle américaine va jusqu'à dire ( le titre v.o. étant "Idiots first"), que les vrais idiots, concernant ce livre, sont les éditeurs qui l'ont publié, vu la qualité des récits qu'ils ont choisi de rassembler.

Bref si vous n'avez jamais lu Malamud, surtout ne pas l'aborder avec ce livre qui vient d'être publié chez Rivages.
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Le commis

Brooklyn

Dans un décor de cinéma, rue sombre,boutique vieillotte et épicier fatigué, le jour se lève. Morris,debout à l'aube,se dévoue à sa tâche tel un Sisyphe consciencieux.Ses journées s'enfilent comme les perles d'un collier jamais terminé.Les affaires sont mauvaises.Morris n'a plus guère d'espoir,sa femme le houspille sans cesse,mécontente de sa vie mesquine, et leur fille Helen a dû interrompre ses études pour travailler et aider à payer le loyer.Morris se réfugie dans le passé,pensant à son défunt fils et constatant son échec face aux commerces modernes et florissants de son quartier : " On ne peut pas s'appeler Morris Bobber et être riche ".

Un soir,des holdupnicks (voleurs) s'introduisent dans son épicerie.Il est agresssé physiquement,son état se dégrade.

Et Franck Alpine entre en scène.Cet homme,venu de nulle part,va surgir dans cette famille et proposer son aide désintéressée. Méfiant,Morris va pourtant l'héberger et constater l'amélioration de son affaire ...

A l'instar de ses compatriotes, Saul Bellow et Philip Roth,Malamud est un romancier juif américain du XXe siècle mais le moins connu des trois.Homme discret et rigoureux, son roman ressemble au personnage de Morris ,tiré de son père lui aussi épicier au bord de la faillite.J'ai lu cette histoire comme un conte qui parle et interroge la destinée,la religion,le vice et la vertu,la souffrance,la punition, la rédemption. Une telle leçon,tragi-comique, à la Charlie Chaplin,ne peut qu'emporter celui qui lira ce livre.
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Le commis

New-York, Brooklyn, dans les années 50 un couple d'épicier juif âgé peine à survivre avec une épicerie misérable dans un quartier tout aussi misérable.

Un soir, un petit hold-up destiné au voisin finit chez eux. L'épicier est blessé. L'un des malfrats " pris de remords", y retourne et aprés maintes détours s'y fait engager comme commis.....une ambience au parfum des pièces de Tennessee Williams.

On se croirait dans une pièce de théâtre. L'histoire confinée à une épicerie et sa rue se déroule dans un décor figé. Mais l'intensité dramatique de l'histoire nourrie par maintes détails qui nous renvoient à l'histoire des juifs, au rêve américain des immigrés, au quotidien banal des personnages qui subissent leur vie, n'arrivant pas à contourner leur destin, nous ancre dans un récit qu'on lit d'une traite. C'est le génie narratif de Malamud, qui s'est fortement inspiré de son enfance. Lui-même, fils d'immigrés juifs, est né et a grandi à Brooklyn, dans l'arrière-boutique de la petite épicerie familiale.

La figure centrale de l'histoire est le commis, le personnage le plus intéressant du récit.Un homme, mal parti dans la vie, qui oscille constamment entre le Bien et le Mal, et une fois le mal fait essaie d'y remédier à tout prix. Il est intelligent, a des ambitions, mais il est victime de son destin et tombe amoureux d'une juive, la fille du couple..........Il n'est pas juif, et même légèrement antisémite sans vraiment savoir pourquoi, et cette vie parmi eux, va lui faire prendre conscience de l'identité juive ("En faites qu'est-ce qu'un juif ? Voilà ce que je voudrais savoir.....mais expliquez-moi pourquoi les Juifs souffrent tant. On dirait qu'ils aiment ça."). Au début, il ne suscite ni sympathie ni d'empathie, mais par la suite......Malamud jouant sur l'ambiguïté du personnage nous manipule aussi nous lecteurs, jusqu'à la fin (......il y avait chez lui quelque chose de fuyant, de caché. Il paraissait tantôt meilleur et tantôt pire que ce que l'on croyait.").

C'est aussi la rencontre de deux mondes, celui de la famille juive encastré dans ses "Lois" et celui du commis dans la seule loi est sa propre conscience souvent perturbée par les circonstances.

La vraie littérature est intemporelle, ce qui vaut pour ce livre publié pour la première fois en v.o. en 1957, et en français en 1961. Il vient d'être réédité dans les éditions Rivages de chez Gallimard. Un seul mot pour résumer mes sentiments, Brillant !



P.s.Si vous auriez l'intention de lire le livre , je vous déconseille de commencer par la Préface d'Adam Thirlwell, qui à mon avis se référant aux points culminants de l'histoire y compris la fin, gâche le plaisir de la lecture.
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L'homme de Kiev

L'oeuvre de Bernard Malamud lui ressemble.



L'auteur américain parle d'une voix qu'il souhaite absolument faire entendre !

On devine parfois dans son écriture le besoin d'ôter un masque et de penser librement, en se servant des artifices.



Malgré toutes les récompenses reçues, L'homme de Kiev reste un roman un peu complexe.

Basé sur une histoire criminelle vraie, la narration s'apparente au style russe, parfois lente, larmoyante et soulevant sans cesse des questions de moralité dans une société gangrenée par un gouvernement complètement hors de contrôle.



Les descriptions de torture physiques et psychologiques sont très réalistes et crues. le lecteur ressent dans sa chair la souffrance du personnage, dans un espace-temps ralenti et dilaté.



L'antisémitisme est au coeur du roman.

Alimenté de légendes et des superstitions absurdes, il est entretenu par le gouvernement.

On attribue aux juifs une sorte de criminalité sanguinaire imaginaire proche de la paranoïa en distillant la peur et en incitant la chasse !

Etre juif devient alors une malédiction !



Le personnage principal, Yakov, qui a lu Spinoza et a réussi à appréhender l'essentiel de sa pensée devient un libre penseur et sa longue quête pour prouver son innocence sera fortement aimantée par cette pensée philosophique.



On suit de près les enchaînement absurdes qui peuvent faire basculer une vie en quelques instants.

Une succession d'incidents malheureux sera le prétexte pour donner naissance à une insensée chasse aux juifs, dans une sorte de complot qui a besoin d'un bouc émissaire pris dans un piège monté de toutes pièces pour servir les immondes desseins d'un gouvernement, à la dérive.



Le pouvoir et la presse sont manipulés et le nationalisme contre les russes non orthodoxes est attisé.

Persécuter les minorités pour ainsi détourner le mécontentement populaire vers les juifs devient ainsi une puissante arme de guerre.



Les dernières lignes laissent entrevoir une lueur d'espoir et une esquisse de rédemption qui seuls les libres penseurs sont capables d'atteindre.





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Le tonneau magique

"Le tonneau magique" est un recueil de treize nouvelles, treize perles d'humanité, couronnées en 1959 par le National Book Award. Je ne vais pas résumer chacune d'elles, mais elles ont de nombreux points communs : leurs personnages sont des gens modestes, petits commerçants besogneux, juifs immigrés de première ou deuxième génération, vivant dans le New York des années 50 et pour lesquels les tragédies de la deuxième guerre mondiale sont encore palpables. La plupart de ces histoires se déroulent aux USA, quelques-unes en Italie, et ont pour thème la quête du bonheur, que celui-ci se confonde avec l'amour, la fortune ou le succès. Et Dieu (pour autant qu'il existe, mais rien moins sûr depuis la Shoah), que cette quête est difficile, dramatique, tragique. Mais tous les personnages, tous anti-héros, s'entêtent, absurdement, comiquement, n'ayant pas ou plus d'autre sens à donner à leur vie. Certains feraient n'importe quoi pour obtenir de l'aide, y compris s'adresser à un ange aux ailes douteuses (L'ange Levine), tandis que d'autres s'obstinent à refuser la main qu'on leur tend avec une charité parfois extrême (Pitié). Certains réussiront (Les sept premières années), d'autres gâcheront leur chance stupidement (La dame du lac), tous en retireront quelque chose : réponses existentielles, illusions perdues, miracle, changement de perspective.

Un autre point commun : tous ces heurs et malheurs sont racontés avec beaucoup de tendresse, dans une veine tragi-comique qui évite le pathos larmoyant. Avec des portraits attachants, des états d'âme décrits avec finesse et l'universalité de ces drames individuels, ces textes s'impriment pour longtemps dans la mémoire du lecteur.
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L'homme de Kiev

Si ce livre s'était présenté à moi sous une autre couverture que celle des Éditions du seuil, pistache et crème, sans nul doute que je serais passé complètement à côté.

Je ne savais rien de l'auteur, Bernard Malamud, alors qu'il a écrit sept romans et autant de recueils de nouvelles. Encore moins pardonnable puisque ce roman a été récompensé par le National Book Award et le Prix Pulitzer de fiction.

Après bien des déménagements je le retrouvais attendant sagement dans ma PAL et mon inscription à Babelio fut le coup de pouce qui le propulsa en première ligne.

Bernard Malamud s'inspire d'une affaire criminelle, l'affaire Beilis, pour construire son roman qui colle au plus près des faits réels qui se sont déroulé en 1911 dans l'Empire Russe.

Même notion de temps, de lieux, dans une ambiance d'antisémitisme exacerbé.





Dans cette affaire, Menahem Mendel Beilis est un juif, père de famille, qui vit auprès de son épouse et de ses cinq enfants. Devenu super-intendant dans une fabrique de briques à Kiev il est accusé à tort d'avoir assassiné dans des conditions atroces un jeune garçon ukrainien dans le but de pratiquer des rites sanguinaires propres aux Juifs.

L'accusé est arrêté et mis à l'isolement dans les geôles tsaristes.

Après plus de deux années d'instruction, émaillées de faux témoignages, de diverses manipulations de la police politiques et de la presse, il est jugé et finalement acquitté face à la trop grosse pression internationale.





Bernard Malamud présente son personnage comme un Juif vivant pauvrement à la campagne qui se résigne à trouver du travail dans une grande ville après que sa femme infidèle a fui avec son amant. C'est ainsi qu'il va arriver à Kiev et par un heureux concours de circonstances trouvera du travail dans une briqueterie en cachant toutefois qu'il est juif, conscient que c'est bien la dernière chose à révéler dans cette époque tsariste où les pogroms fleurissent régulièrement.

Dès ce moment-là Menahem Mendel Beilis (le vrai) et Yakov Bok (la créature de Malamud) vont vivre les mêmes choses.

Le tour de force de l'auteur c'est d'avoir su faire penser, parler et réagir son personnage dans ce contexte d'antisémitisme et d'injustice. Le moment le plus intense et le plus réussi, c'est la période pendant laquelle Yakov est à l'isolement dans son cachot, et qu'il a pour seule visite son avocat ou le juge d'instruction. Il analyse, suppute de façon très réaliste.

Voilà un roman qui mérite amplement son prix littéraire et je n'aurais nullement été étonné que ce soit l'œuvre d'un prix Nobel de littérature.

Voilà un roman épique couronné de cinq étoiles !

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Le commis

« Il continuait de penser qu’il méritait une meilleure destinée, et que le sort tournerait en sa faveur si seulement, pour une fois, il faisait le bon choix ».



New-York ; un épicier juif émigré de Russie avec sa famille ; une petite affaire qui sombre et qu’une agression n’arrange pas ; un braqueur un peu piteux qui tente de se racheter en se mettant au service de l’épicier ; et un goy qui tombe progressivement amoureux de la fille du patron.



Une vie familiale simple et banale, au cœur de ce petit quartier de Brooklyn dont l’épicerie fut longtemps le point de passage obligé ; un temps qui se ralentit au rythme des clients qui ne passent plus et un monde qui bascule pour Morris, l’épicier dont les repères vacillent.



Morris et un homme qui souffre. D’ailleurs, a-t-il déjà un jour cessé de souffrir entre sa jeunesse violentée, son exil forcé, la mort prématurée d’un enfant et le déclin de ses espoirs professionnels qui devaient faire de sa famille des Américains à part entière ?



« C’est drôle, se dit-il, pour les Juifs la souffrance est une pièce de tissu : ils s’en drapent comme dans un vêtement ».



Ida, sa femme et Helen, sa fille. L’une est furie, aiguillon injuste qui pique là où cela fait mal, vengeance expiatoire à la hauteur de ses espoirs déçus. L’autre est à la fois rangée, résignée, mais secrètement porteuse d’encore un peu d’espoir, que tout pourrait changer si...



Et au milieu de tout ça, apparaît Franck Alpine, jeune rital en déroute mais en mal de rachat. Un seul être débarque, et tout est chamboulé.



Ce qui frappe chez Bernard Malamud, c’est que tout est apparemment simple, et Le commis – traduit par J. Robert Vidal et révisé par Nathalie Zberro - n’y échappe pas.



Mais cette histoire – basique -, ce rythme – lent -, cette atmosphère - familiale - ou cette écriture – apaisée – ne sont là que pour créer le contexte idéal pour passer au révélateur des éléments de messages plus profonds.



La petite boutique de Brooklyn n’est ainsi rien d’autre que le théâtre d’une tragédie, où l’amour et la mort se confrontent à la destinée, où l’alternance du bien et du mal traduisent la quête du rebond, où la violence des coups du sort témoigne des hésitations entre résignation et possibilité d’un pardon ou d’un ailleurs.



Et c’est là qu’intervient la religion, juive en l’occurrence. Si Morris a trouvé sa ligne entre accommodation et compromis dans le suivi général du principe de la Loi, Ida en fait un guide absolu, Helen une hésitation permanente et Franck une découverte initiatrice.



« “Si vous voulez la vérité, dit-il, je n’aimais pas beaucoup les Juifs (…) Je veux dire autrefois… avant de les connaître (…) Je me faisais toutes sortes d’idées…

- C’est souvent comme ça, dit Morris“ ».

Quitter ce petit microcosme du Commis ne se fait pas sans regret, ni sans un prolongement de pensées qui dure quelques jours. Mais que ce livre est puissant, profond et apaisant !



« Et puis un dimanche après-midi le temps s’adoucit assez pour qu’elle put sortir et, soudain, elle pardonna tout à tout le monde. »

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Le commis

J'avais été impressionnée par " L'homme de Kiev", ce roman, le deuxième publié par l'auteur en 1957 m'a plu encore davantage. Et effectivement, comme d'autres l'ont remarqué avant moi, ne lisez pas la préface avant la lecture, plutôt après, elle en dit trop!



Le personnage central de cette histoire est fascinant, imprévisible, tourmenté par le Mal qu'il commet et son désir intense pourtant de s'amender. Il s'agit de Franck Alpine, américain pauvre d'origine italienne, au parcours cahotique, qui tente de survivre grâce à des petits boulots, des larcins aussi.



Et voilà qu'il participe avec un voyou , mouchoir sur le visage, au braquage d'une petite épicerie juive de Broocklyn , tenue par Morris . Ce dernier est blessé. Franck désire ensuite se réhabiliter en devenant le commis du vieux juif, dont il essaie de faire remonter le chiffre d'affaires bien bas. Et il tombe amoureux de la fille de Morris, Helen.



Je n'en dirai pas plus mais ce livre est passionnant à la fois parce que ses personnages, surtout Franck, sont complexes, tout en intériorité, et que des thèmes universels sont soumis à notre réflexion: les souffrances qu'on s'inflige, l'idée de rédemption, les méandres de l'âme humaine, le racisme primaire, qui ne sait pas vraiment se définir, ici concernant les Juifs, l'identité religieuse, les difficultés sociales des immigrés.



On suit avec grand intérêt le chemin semé d'embûches de Franck et sa recherche d'idéal, d'absolu, lui qui est obsédé par l'image de Saint François d'Assise... Un roman que je conseille vivement!
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Le commis

Peu connu en France, Bernard Malamud est, comme Saul Bellow et Philip Roth, une figure emblématique de ce que, à tort ou à raison, on appelle l’école juive new-yorkaise de littérature. Lui-même aurait préféré qu’on le présente tout simplement comme un écrivain américain - virgule - juif.



Le commis, considéré comme un chef d'œuvre en Amérique, date de 1957. Il vient de faire l’objet d’une nouvelle publication en français, après des années d’oubli. On peut le lire comme un roman classique ou comme un conte philosophique.



Il est courant pour Malamud de mettre en scène des familles juives immigrées d’Europe de l’Est, menant des vies besogneuses et modestes dans les quartiers périphériques de New-York. Un monde qu’il connaît bien, car ses parents, nés en Russie, tenaient une petite épicerie à Brooklyn. Dans ce microcosme, être juif a un sens. Pourtant, on n’y observe très peu les pratiques religieuses ; il est rare que l’on parle de la Shoah, ou d’Israël. On s’exprime en anglais – on est Américain ! – probablement avec un accent ... mais dans un livre, ça ne se voit pas... Juste quelques mots ou expressions en yiddish, quand leur équivalent exact est introuvable en anglais.



Morris Bober et son épouse Ida tiennent depuis des années une petite épicerie misérable qui leur permet à peine de survivre. Dans le quartier pauvre de Brooklyn où ils sont installés et dont ils ne sortent jamais, leurs conditions de vie se dégradent encore après une agression par des malfrats qui s’emparent de la caisse, pourtant bien maigre. A soixante ans, Morris est prématurément vieilli. Ida, pourtant moins âgée, est usée, elle aussi, par une vie d’anxiété et de privations.



Morris et Ida survivent grâce à l’emploi de secrétaire de leur fille, Helen, une très jolie jeune femme de vingt-quatre ans qui aurait rêvé suivre des études de littérature. Le manque de moyens et son dévouement filial l’amènent à se replier sur elle-même. Est-elle destinée à rester vieille fille ? Sa mère veille : il y a aux alentours quelques commerçants juifs dont les fils... Pourvu surtout qu’elle ne tombe pas amoureuse d’un goy !



Le goy inattendu, c’est Franck, un bad boy loqueteux. Des raisons qui lui sont propres – des remords, tout simplement ! – le poussent à s’imposer dans l’épicerie et à suppléer Morris dans un rôle de commis, pour un salaire de misère, malgré les réticences d’Ida. Le bad boy a bon fond. Il a aussi des excuses à faire valoir pour ses mauvaises actions passées : une enfance en orphelinat, une adolescence errante et erratique, des mauvais choix, faits sous pression. C’est un pauvre type, en fait.



Comme tous les pauvres types, il n’aime pas les Juifs, sans savoir pourquoi... Mais ça, c’était avant ! Car Franck est un jeune homme intelligent, capable de se remettre en question. Et il a un certain charme. Helen n’y est pas insensible. Lui tombe raide dingue... Ida est morte d'inquiétude.



Le récit est plutôt captivant. Les situations évoluent sans cesse. Dans sa charge de commis, Franck se donne un mal de chien. L’épicerie qui périclitait, se redresse, puis re-périclite... On lui trouve un repreneur, qui se défausse, qui revient... Des évènements qui ne sont pas sans incidence sur le quotidien matériel et moral de chacun. Instabilité aussi dans les états d'âme d’Helen et de Franck, dans leurs relations et dans ce que chacun représente pour l’autre... Jusqu’à la dernière page, que j’ai bien relue vingt fois pour tenter de découvrir un sens caché à une conversion aussi précipitée qu’absolue.



Est-ce ce simplement un geste, une offrande, à l’intention d’Helen ?



Est-ce, à l’inverse, un acte purement spirituel, une renonciation définitive, l’aboutissement d’un parcours de rédemption par la pauvreté et la bienveillance, inspiré par Saint François d’Assise, dont on avait raconté l’histoire à un pauvre gosse, jadis, dans un orphelinat ?



Est-ce un hommage à Morris, cet homme qui savait accorder sa confiance en dépit des apparences, cet homme soucieux d’« être un bon Juif ». Ce n’était pas question de pratique religieuse – Morris n’en observait aucune – mais de ce qu’il appelait respect de la Loi. Avoir des Valeurs – être honnête, bienveillant, généreux – et transmettre ces Valeurs à ses enfants.



Pauvre Morris : son honnêteté n’était-elle pas de la naïveté, sa bienveillance de la faiblesse ? Sa générosité n’a-t-elle pas fait obstacle au bien-être de son épouse et à l'avenir de sa fille ?



Les êtres les meilleurs seraient-ils forcément voués à des destinées perdantes ? Pour Malamud, les Juifs auraient une sorte de monopole de la bienveillance et de la souffrance.



On n’est pas obligé d'avoir le même avis, tout en trouvant beaucoup de plaisir à lire Le commis.


Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Le commis

+++ Lu en VO +++



Bernard Malamud est un écrivain profondément humain qui écrit avec compassion et qui a une faculté naturelle pour nous parler des grands drames de vies minuscules.



Le roman se passe vers les années 50 dans une petite épicerie de Brooklyn tenue par Morris Bober et sa femme, un couple de juifs immigrés d'un certain âge qui assistent impuissants au déclin de leur épicerie face à la concurrence de supérettes plus modernes qui s'installent dans le voisinage. Morris recueille, malgré l'avis de sa femme, un homme errant qui s'était réfugié dans sa cave. En échange d'une chambre et de nourriture, Frank aide à l'épicerie alors que Morris se trouve temporairement alité. C'est un ‘goyim' (un non-juif), un personnage énigmatique, à la moralité trouble, en errance, dont on ne sait s'il précipitera la chute de l'épicerie ou si au contraire il contribuera à lui faire remonter la pente. Toujours est-il qu'il convoite Helen, la fille des épiciers et qu'il s'emploie à la séduire, ce qui ne peut que causer des problèmes puisqu'il n'est pas juif.



Ce très beau roman arrive à nous faire ressentir le désespoir de vies manquées, de gens qui sont passés à côté de leurs existences à force d'occasions manquées, de mauvaises décisions, de faiblesses, de procrastinations ou de malchance. Mais il fait également la part belle à l'espoir, celui qui les fait rebondir en essayant de sauver ce qui peut l'être du passé pour construire un avenir plus heureux. Les deux personnages principaux sont magnifiques, l'un à cause de sa bonhommie résignée, c'est Morris et l'autre, Frank, parce qu'il est continuellement déchiré entre son envie de se racheter et ses mauvais penchants acquis dans un passé accidenté.



Malamud est un écrivain magnifique, un peu oublié, qui sait raconter et camper des personnages aux émotions complexes avec une économie de moyens remarquable. J'ai bien du mal à lui rendre justice, en peu de lignes sans dévoiler plus de l'intrigue qui aborde de nombreux thèmes.

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L'homme de Kiev

« L’homme de Kiev » de Bernard MALAMUD est inspiré d’un fait réel survenu à Kiev en 1911.



Yakov Bock, réparateur de son état, quitte son village où rien ne le retient (orphelin, sans le sou et maintenant abandonné par sa femme) pour aller s’installer à Kiev. Il aspire à une vie meilleure : du travail, une famille et pourquoi pas dans un avenir lointain l’Amérique. Par un heureux concours de circonstances, il va trouver du travail bien rémunéré dans une briqueterie. L’avenir semble lui sourire ; mais lorsqu’un enfant chrétien est découvert sauvagement assassiné, il devient le coupable idéal. Pourquoi ? Parce que sous le règne de Nicolas II, avant tout autre chose, Yakov est d’abord un juif.



Faussement accusé d’un meurtre « rituel », durant deux ans et demi il est emprisonné à l’isolement dans un cachot, subissant les pires sévices et atrocités. Aucune humiliation ne lui sera épargnée. Innocent et avec un courage extrême Yakov, fervent admirateur de Spinoza et grandement inspiré par sa philosophie, n’avouera jamais le crime dont on l’accuse.



Ce roman terrible et magnifiquement écrit m’a profondément ému. Nous ne pouvons qu’être totalement sidéré et révolté par tant de haine dans cette Russie antisémite à l’extrême et à l’opposée qu’être admiratif face au courage de cet homme clamant jusqu’à la fin son innocence. Avec un talent certain, Bernard MALAMUD nous confirme dans son livre que la haine du juif est plus forte que tout et qu’elle engendre les pires atrocités au monde.

L’histoire se passe en 1911, faut-il rappeler que 30 ans plus tard rien n’aura changé. Et qu’en est-il aujourd’hui ?



« L’homme de Kiev » qui a reçu le Prix Pulitzer et le National Book Award en 1967 est un roman fort que l’on ne peut oublier tellement il est sublime et bouleversant. Un grand merci à Sarah de me l'avoir fait découvrir.



A lire absolument.

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Le tonneau magique

Dans la littérature américaine, ce ne sont pas les nouvelles qui manquent tant ce genre s'y est développé de manière bien plus décomplexée que de ce côté de l'Atlantique.

Ce recueil-ci a ceci de particulier qu'il prend essentiellement pour cadre le New York des années 50, pour personnages les communautés de modestes juifs immigrés, mais encore qu'il a reçu en 1959 le National Book Award et que Philip Roth en a fait son livre de chevet.

L'immersion est immédiate dans cette dizaine de textes savoureux, doux-amers, pleins d'humanité, où chaque mot est à sa place mais aussi peuplés des fantômes de "ceux qui n'en sont pas revenus". Un régal!

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L'homme de Kiev

Que dire de ce roman sans hurler les inévitables sentiments contradictoires de révolte et d'impuissance qu'il nous inspire ?

Que dire... sinon que ce n'est pas fini et que cette ignominie qui se déroule en 1911 est, encore et toujours, d'actualité ? Ici... ailleurs... sous les mêmes prétextes... ou d'autres... Qu'importe ! Ni le fond ni la forme n'ont changé. Comment pourrait-il en être autrement puisque l'Homme, lui-même, ne change pas.

Les tragédies se déplacent et reviennent. On ne tire de leçon de rien. On oublie, on passe à autre chose et on s'imagine à l'abri alors que tout peut basculer d'un instant à l'autre, pour un, pour dix, pour cent ou des milliers.

Et il en sera ainsi tant que l'on n'appréhendera notre "évolution" que sous un aspect exclusivement matériel, économique, technologique, que sais-je... alors que c'est sur le plan psychologique qu'une évolution véritable et pérenne doit se réaliser.



La lecture de ce roman m'a été difficile. Non parce qu'il est compliqué (ce n'est pas le cas) mais parce que, chaque soir, en le refermant, je m'endormais avec de sombres images dans le crâne qui perturbaient mon sommeil.

Mais je n'ai aucun regret car le moins que je pouvais faire était d'aller jusqu'au bout de ce récit insoutenable de réalisme et de désespérance.
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Le commis

J'ai lu, ou plutôt avalé ce livre étonnant, d'une traite.



L'épicier juif, dont Bernard Malamud nous narre les mésaventures, est originaire de Russie. Son père, victime des pogroms, envoie son fils en Amérique où celui-ci sera loin de vivre le rêve américain, coincé ainsi que sa femme et sa fille, dans une vieille boutique où il ne parvient qu'à survivre en vendant du jambon aux Gentils.

Un sans domicile italien vient trouver refuge dans l'épicerie et tombera amoureux de la fille de la maison.



L'auteur en profite pour questionner l'anti-sémitisme, ce qui caractérise un Juif, et qui n'est pas la réussite dans les affaires pour notre épicier désargenté, ce qu'est réussir dans la vie ou réussir une vie.



Il ne s'agit pas d'un roman américain au style habituel. J'ai davantage eu l'impression de me trouver devant un livre de littérature allemande ou autrichienne du début du vingtième siècle - le livre date de 1957-.



Le livre, qui était introuvable en français, vient d'être réédité dans une nouvelle traduction. Courrez l'acheter, c'est un petit chef-d'oeuvre classique.

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L'homme de Kiev

Yakov Bok porte sur lui le poids de malheurs divers : celui d’être pauvre, quitté par sa femme, et surtout juif dans une Russie tsariste à la veille de la Révolution où l’antisémitisme règne. Il quitte son village pour Kiev, une suite de circonstances lui fait diriger une briqueterie dans un quartier interdit aux Juifs. Le meurtre d’un enfant à proximité lui est imputé, car c’est bien connu, les Juifs pratiquent les meurtres rituels, et la haine à leur égard permet d’évacuer d’autres sujets de mécontentements de la tête de la population. Malgré l’absence de la moindre preuve réelle, et la bonne volonté d’un juge d’instruction intègre, Yakov Bok est emprisonné dans des conditions de plus en plus inhumaines, pour le faire avouer le crime, et en faire porter le poids sur sa communauté. Il résiste d’une façon étonnante, gardant sa dignité et sa vérité.



Inspiré par un fait réel, L’homme de Kiev n’a rien d’une chronique de fait divers. Il s’agit d’un récit, qui malgré quelques aspects réalistes, transcende le réel, a des visées universelles et métaphoriques. Le personnage de Yakov Bok est celui d’un homme libre, qui met d’une certaine façon à nu tous les rouages de l’antisémitisme, mais au-delà toute la violence et tous les mécanismes de domination d’une société, qui a besoin de boucs émissaire pour régner sur les foules. Le sacrifice de Yakov Bok qui résiste à tous les supplices, en fait presque une figure de rédempteur, de celui qui va mettre en évidence les dysfonctionnements, qui les rend illégitimes. Le tragique de sa situation, en dehors de la question de l’antisémitisme, pose la question de la liberté, de la place de l’individu, quel qu’il soit dans cette société. Bibikov, le juge d’instruction le dit explicitement :



« Car n’oubliez pas que du jour où votre vie est décrétée sans valeur, la mienne ne vaut pas cher non plus, et que si la loi ne vous protège pas, elle ne me protégera pas davantage. »



En allant encore plus loin, le livre interroge toute société, comme la société américaine des années 60 du dernier siècle dont date le livre, années marquées par la loi sur les droits civiques, sa difficulté à être appliquée, les exactions de Ku Klux Kla, des procès célèbres, certaines manipulations de la justice, finalement pas si éloignés de ce que décrit le livre de Bernard Malamud



Un grand livre universel.
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L'homme de Kiev



Yakob, ouvrier très pauvre, réparateur de son état, quitte son shtetl pour aller tenter sa chance à Kiev où il espère trouver une vie meilleure. Les choses ne vont pas si mal pour lui, toutefois, nous sommes dans une Russie où le pogrom peut survenir, où nombre de gens accusent le juif de tous les maux. Arrivant à Kiev, il sauve un homme d'une mort certaine, et ce dernier, pour le remercier, lui donne du travail chez lui, puis dans sa fabrique de briques, le félicitant pour son travail consciencieux, mais Jakob aura la malchance de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment, car un enfant de douze ans est assassiné et trouvé sans vie dans une grotte, vraisemblablement torturé. Yakob est le coupable idéal. Il est arrêté, emprisonné, perd tout appui, victime des faux témoignages de gens qui, ne sachant auparavant qu'il était juif, se mettent l'accuser de sorcellerie, de vol, de mensonge, de viol et le considérant désormais comme le pire des criminels. Il est incarcéré en attendant son acte d'accusation, et subit en prison bien des sévices et des mauvais traitements. La description de cette période de sa vie paraît longue, interminable, volonté certaine de l'auteur de montrer combien Yakob se montre capable de subir tout en continuant malgré la torture, le froid, la faim, à clamer son innocence sans pouvoir s'exprimer face à un interlocuteur qui ne serait pas corrompu. Le lecteur partage le sort de yakob en ce sens qu'il ne voit que le côté " carcéral de la chose", qu'il ne peut que compatir et se révolter contre quelques fonctionnaires véreux, alors qu'à l'extérieur, des passions se déchaînent, les antisémites n'attendant que l'étincelle qui mettra le feu aux poudres et qui leur permettra d'organiser un pogrom.

On comprendra que l'affaire Yakob Bok, est avant tout une affaire politique.



A La lecture de roman, je me suis sentie plus que révoltée et découragée pour notre héros sans y un appui, aucune défense possible. Ce livre montre combien, depuis la nuit des temps, il ne fait pas bon être né sous l'étoile de David. Ce roman a l'écriture limpide décrit le procès du judaïsme, le lecteur, lui, assiste au procès de l'antisémitisme.



Un livre que l'on ne peut oublier !
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Le meilleur

Des hommes plus grands que la vie



Un gamin se tient droit sur la pelouse d'un stade, une balle de baseball bien serrée dans la main comme si sa vie en dépendait ; à ses côtés, un adulte empoigne une batte qui a pour nom "Wonderboy", et qui est capable de scalper des balles. Qui sont cet homme et ce gamin ? Une seule et même personne, tour à tour lanceur et frappeur, rêveur et désabusé. Son nom ? Roy Hobbs. Malgré son âge, 35 ans, en voilà un qui est bien décidé à foutre un sacré swing au destin, lui qui depuis l'âge de 20 ans bouffe de la vache enragée.



Quand il entre dans l'équipe des New York Knights, rien ne va plus et les jeux semblent être faits. Pop Fisher, l'entraîneur, dézingue ses joueurs à coups de vociférations désespérées, mais rien n'y fait : les défaites s'enchaînent inlassablement. C'est à ce moment que Roy va saisir sa chance : celle de devenir le plus grand joueur de baseball de tous les temps, le "meilleur", en somme. Pour décrocher la lune il suffit de bien viser, et surtout de frapper fort : lui envoyer des boulets de canon jusqu'à ce qu'elle tombe d'elle-même comme un fruit bien mûr. Sa batte magique est là pour l'épauler.



D'abord goguenards, ses coéquipiers vont vite comprendre qu'ils n'ont pas affaire à un pied-tendre. le stade est sa prairie, la batte son tomahawk et les adversaires, des bisons auxquels il faut porter le coup de grâce. Alors tout s'accélère et les Knights n'en reviennent pas : le joueur prodige leur trace le chemin qui mène à la gloire. Les "chevaliers" new-yorkais vont partir à l'assaut d'une forteresse qui leur semble de moins en moins imprenable à mesure qu'ils s'en approchent, avec, à la tête de cette forêt d'hommes prêts à en découdre, Roy en Macduff flamboyant. Mais la médaille a toujours son revers…



Dans une prose poétique fabuleuse, Bernard Malamud nous conte une histoire palpitante, qui bat comme un tambour dans la poitrine du lecteur.



Comme le confie Iris à Roy (une femme dont il a fait la conquête) : « Sans héros, nous sommes des gens ordinaires, et nous ne connaissons pas nos possibilités. »



C'est peut-être bien cela qui nous manque aujourd'hui : des hommes plus grands que la vie.



© Thibault Marconnet

Le 7 août 2021
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