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Citations de Charif Majdalani (182)


Durant les années 2008 et 2009, une publicité financée par des groupes écologiques représentait le Liban sous les traits d’une superbe jeune femme recevant progressivement des coups, des blessures, des plaies, des échardes, jusqu’à en être défigurée et rendue horrible à voir. La publicité choqua, et on l’interdit. Pourtant, le visage défiguré du pays était sous nos yeux en permanence et le travail de destruction tous les jours accru.
(Chapitre 31)
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 Nous sommes libres ... Simplement, chaque acte que j’accomplis librement et par choix implique une série de possibles conditionnés par le hasard, au sein desquels je devrai faire un nouveau choix impliquant de nouveaux possibles. Je ne suis maître de ma vie que de manière très limitée, mais dans cette infime limite ma liberté est infinie. 
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Charif Majdalani
Hareth lisait des atlas et des encyclopédies et quand il relevait les yeux il avait devant lui le domaine, toujours le domaine, le jardin, toujours le jardin, les eucalyptus et les pins, le linge sur le toit, le cordonnier qui passait ses matinées au milieu des rangées de chaussures de la maison qu’il réparait en chantant. Je le vis une fois s’arrêter et contempler longuement ce cordonnier qui avait des clous dans la bouche et qui chantait en bougeant à peine les lèvres, ce qui donnait à son chant une allure de pénible mélopée. Je me demande ce qu’il en pensait, Hareth, s’il admirait cette capacité à rester accroupi pendant des heures avec pour tout horizon des dizaines de paires de chaussures, ou s’il la déplorait et essayait de pénétrer le mystère qui fait qu’un homme arrive à supporter sa condition grâce à une languissante chanson.
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Après la fin de non-recevoir du chef du village, Wakim tombe la veste, mobilise ses garçons, se fait aider des fils Batal et Hayek, et on refait le toit en une semaine, avec toutes les difficultés logistiques possibles- refus des habitants de prêter des instruments (on les invente en détournant d'autres de leur fonction), impossibilité de couper du bois pour les piliers et le soutènement (on en emploie de vieux et on utilise ceux ceux d'autres maisons abandonnées) -, après quoi on aide les Hayek pour leur mur et les Batal pour je ne quoi et tout va bien jusqu'au jour où arrivent les gendarmes pour le contrôle. D'après le récit le plus courant chez les Nassar, un mouchard du village attire leur attention et les voilà qui viennent en inspection, constatent les réparations et déclarent que c'est interdit.
- Vous n'avez pas à rebâtir les maisons des traîtres arméniens, déclare le chawich.
- L'hiver arrive, répond Wakim. Comment on fait, avec la pluie et la neige ?
- On se débrouille mais on ne reconstruit pas les maisons des traîtres, insiste le gars.
Et Wakim comprend de quoi il s'agit, disparaît et revient avec une magidié. Mais avant de la donner il hésite un instant, car en y repensant je me dis que ces gendarmes-là n'en sont pas réellement, ce sont les supplétifs de l'armée qui furent employés à l'extermination des Arméniens, des hommes brutaux et sans scrupule. Leur glisser une magidié pourrait bien constituer un acte humiliant et donc fatal.
Wakim hésite un instant et finit par sauter le pas, et je me suis souvent demandé s'il n'aurait pas été plus simple pour les supplétifs de faire fouiller les bannis et d'emporter tout leur argent une fois pour toutes. Mais dans ce cas l'argent aurait été considéré comme "confisqué" et donc restitué au Trésor ottoman, alors que comme ça il va dans la poche des gendarmes. Et il y va allègrement car, après voir fait la même inspection chez les Batal et les Hayek, les gendarmes reviennent la faire tous les mois, et reçoivent ainsi un véritable salaire pour cette seule affaire de toit réparé, après quoi ils feront payer aux bannis le droit d'avoir du bois pour le feu en hiver, des figues en automne ou de l'eau à n'importe quel moment de l'année, sans compter la location d'un lopin de terre ou la vente des couvertures en laine pour l'hiver, des couvertures destinées à l'origine à être distribuées. Ils monnaieront même la distribution des lettres qui arrivent du Liban....
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Le hasard a quelque chose de romanesque, voire de tragique. C’est il y a cent ans exactement, en 1920, que l’État libanais a été fondé, et on ne peut que rester rêveur devant l’ironie du sort qui fait advenir la ruine d’un pays à la date même de sa naissance, et au moment même où l’on s’apprête à en célébrer le centenaire. 
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Mais je dirai que l'échec de cette alliance explosive entre Jamal Pacha et la France devient patent à partir du début de 1916, date du début des persécutions contre les amis de la France au Liban et en Syrie. Il semble donc plausible de voir dans ces persécutions une réaction violente du Généralissime au refus français de ses avances. En avril, sa police découvre dans les anciens locaux du consulat de France les fameux "papiers secrets" dans lesquels des patriotes libanais réclament l'appui des Français contre les Turcs. Début mai, seize de ces patriotes sont arrêtés et pendus. A partir de là, tout ce qui a ou a eu le moindre rapport avec la France ou avec les Français devient suspect et la situation de Wakim Nassar commence à changer. Avec sa famille, le zaïm de Ayn Chir passe alors du côté des réprouvés et des indésirables.

Page 206/207
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Mais Hareth, étendu sous le ciel nocturne des steppes mythiques de Bactriane, ne put fermer l'œil, le regard ébloui par la poussière d'argent qui miroitait au-dessus de lui, presque à portée de main, pas tout à fait la même et pas tout à fait une autre que celle sous laquelle avaient campé les peuples indo-européens en marche vers le sud, les armées d'Alexandre le Grand ou celles des envahisseurs scythes ou chinois. Il ne songeait pas, me dit-il, à la ridicule vanité des hommes face à un cosmos qui les ignorait et ne saurait jamais rien d'eux ni de leurs milliers d'années de civilisation, il ne songeait pas non plus au fait que, au regard du scintillement infini de l'univers, l'histoire humaine n'avait sans doute pas plus de consistance qu'une seconde ou deux de l'existence d'un individu sur terre. Non, il pensait au contraire qu'à un moment éphémère de l'histoire insondable du cosmos et de son temps infini, en un point perdu de l'espace, une intelligence et une conscience éphémères, celles des êtres humains, comme un miroir avaient reflété et pensé cette immensité à laquelle aucune autre intelligence n'avait donné d'existence ni de sens et n'en donnera probablement jamais plus. Lorsqu'il me le raconta, bien plus tard, il conclut en disant avec un sourire et tout en pensant à quelque chose que je ne sus déchiffrer que cette nuit afghane avait été sa part d'immortalité.


Page 235 et 236 - Très touchée par la beauté de cette citation
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C’est ... assez tôt sans doute qu’il commence à lire Galilée. Il a du mal à croire ce qu’il lit sur la corruption des planètes, sur le relief qu’on y voit, semblable à celui de la Terre, sur l’errance de la Terre et du Soleil de concert dans le vide. Au commencement, c’est l’intelligence des textes qui lui plaît, c’est leur argumentation qui le séduit et le convainc, parce qu’elle rompt avec la bêtise de ce qu’on apprend au Collège, et avec la stupidité des arguments de ses professeurs, avec les lassantes et si répétitives leçons de l’aristotélisme.
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Nos vies, écrit-il, ne sont que la somme, totalisable et dotée de sens après coup, des petits incidents, des hasards minuscules, des accidents insignifiants, des divers tournants qui font dévier une trajectoire vers une autre, qui font aller une vie tout à fait ailleurs que là où elle s’apprêtait à aller, peut-être vers un bonheur plus grand si c’était possible, qui sait ?
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Une fois les rênes en main, le cheval bougea et je craignis d'avoir perdu les bons réflexes, mais c'et presque spontanément que mes poignets et mes bras réagirent en tirant sur le mors et aussi mes jambes en serrant la croupe de Ramz. Ce dernier comprit le message et se calma. Je lui tapotai l'encolure en lui disant un mot à l'oreille puis je me redressai, sentis le murmure amusé et approbateur des militaires autour de nous et vis surtout l'œil brillant et rieur de Ghadban qui me donna le signal du départ.
De cette course, je garde le souvenir le plus incroyable. Ghadban oublia ou négligea que je n'étais pas un cavalier arabe. Nous sortîmes de la plantation et chevauchâmes côte à côte. Après avoir traversé la rivière en faisant résonner les sabots sur le fer rouillé du pont, nous quittâmes la route pleine d'ornières et, au bout de quelques dizaines de mètres, le général partit au galop. Je le suivis après une brève hésitation, prenant toute la poussière qu'il levait derrière lui et je le serrai bientôt de près. Il était couché sur son cheval , souverain, impérial, immense. Je le talonnais toujours pour essayer de le dépasser, ce qui me parut vite impossible. Il creusa progressivement la distance et fut bientôt loin devant moi. Je le laissai filer sans ralentir l'allure et me sentis gagné par un sentiment d'intense bonheur devant ma solitude débridée au milieu de ces immensités. Ramz frémissait, tous mes muscles tendus étaient comme à l'unisson de son effort. Sa course avait quelque chose de joyeux qu'il me transmettait. Je ne pensais plus, ce qui était rare, j'étais tendu hors de moi, vers la ligne de l'horizon qui dansait dans la lumière, heureux de me sentir grand, puissant et inatteignable et j'aurais voulu que cela durât très longtemps. La route que je longeais de loin était déserte, le monde semblait m'appartenir comme si je volais sauf qu'à un moment, je me retournai pour m'assurer que j'avais bien entendu et, en effet, derrière moi roulaient deux jeeps qui demeurèrent à une respectable distance durant tout le temps de notre cavalcade.

Page 77 - "Voilà pourquoi j'aime Majdalani, je suis ailleurs"!
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Mon beau-frère était un jeune juriste promis à de hautes fonctions et que tout le monde trouvait extraordinairement cultivé, ce qui me faisait rire parce que, dans nos milieux, être cultivé signifiait savoir aligner des citations et des dates dans les salons.
( Liban années 70 )
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Et puis subitement, l’invisible méchante chose fait aussi son apparition pour participer à la fête, et se démultiplie, parce qu’ici on ne se soucie pas de distanciation, on est riche, on se croit protégé même des virus. En une journée, les clubs, les restaurants et les pubs se vident, la musique assourdissante se tait, les chalets sont refermés à la hâte, les montagnes retrouvent leur paix millénaire. 
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Le lendemain, à l'aube, avant même l'arrivée de Gérios, il se promène entre les arbres à la recherche des premières fleurs. Mais il n'en trouve pas une seule. Pourtant, le soir, et tous les autres soirs, le parfum est là, fugace, rare, précieux, levé par la brise, le surprenant juste au moment où il renonce à le sentir. Et un soir, alors que quelques fermiers qui veillaient chez lui sont sur le perron et s'apprêtent à partir, l'odeur suave et douce s'impose à chacun indubitablement, non pas passagère, libérée soudain par un petit vent, mais bien là, présente dans l'air de la nuit comme si elle en était l'essence même. Le lendemain de ce jour, Wakim découvre les premières fleurs, cachées derrière les feuilles encore jeunes et qui dansent dans la brise matinale.
Sélim et Gérios en découvrent d'autres, il y en a bientôt à tous les coins des vergers et au bout d'une semaine, la plantation paraît comme enneigée à perte de vue en plein milieu du printemps.

Page 92 - Une orangeraie
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La pierre de l’affûteur tournait toujours, ainsi que le monde autour de la maison, de ses jardins, de ses orangeraies. C’était une autre époque, où le vent soulevait les draps mis à sécher sur les toits, où l’on aérait les tapis en les jetant sur les rambardes de la terrasse et sur les plates-bandes, où l’on faisait son eau de fleurs d’oranger soi-même dans le garage et où le marchand de journaux arrivait à vélo, comme le facteur, avec son chargement de paperasse imprimée, de magazines et de journaux.
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La plupart des pères fondateurs de l’État libanais étaient poètes, écrivains, juristes. Mais c’étaient aussi des hommes d’affaires avisés, et des banquiers sourcilleux, lecteurs de Hugo et de Heredia, mais aussi du Commerce du Levant, le vénérable et encore efficace magazine économique fondé à leur époque. Selon Le Commerce du Levant de cette semaine, plus de deux mille entreprises commerciales ont fermé leurs portes ce dernier mois, deux cents pharmacies, ainsi que des enseignes internationales fameuses qui quittent définitivement le pays ...
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La distance entre Marsad et Ayn Chir est d'environ trois kilomètres, dont une partie est constituée par la Forêt des pins, qui marque aussi la frontière entre le vilayet de Beyrouth et le gouvernorat du Mont-Liban. Cette forêt fut plantée, paraît-il, à l'époque des premiers émirs de la Montagne pour empêcher les dunes du bord de mer de ramper vers les terres cultivées de l'intérieur, ces terres qui n'étaient autres que les oliveraies de Ayn Chir. Je ne sais si Ayn Chir est mentionnée dans les vieilles chroniques guerrières du Moyen Age, celles des croisades ou celles du règne des émirs, mais il est certain que ses oliviers noueux et au troncs creux devaient déjà porter au temps de Wakim les stigmates d'un très grand âge. Les mûriers, eux, vinrent plus tardivement, c'est-à-dire aux alentours de 1850, conformément au recyclage général de l'économie du Mont-Liban, qui s'introduisit ambitieusement dans le circuit économique mondial en produisant de la soie pour les manufactures lyonnaises. A ce moment, Ayn Chir n'est pas même un village, et ne le sera d'ailleurs jamais, mais une terre de grandes plantations, parsemée de-ci de-là de fermes isolées, pour la plupart maronites. Les chiites se sont installés à la périphérie, en bordure des dunes dont ils ont apprivoisé les terres mouvantes, et on les rencontre assez peu sur la route qui passe au milieu des vergers et des potagers. Le jour, cette route est assez fréquentée parce qu'elle est la seule qui conduit de Beyrouth à Sayda. La nuit, les hyènes venues des dunes s'en approchent dangereusement, ainsi que des maisons, et il n'est pas rare qu'on entende dans l'obscurité sonore la détonation sèche d'un fusil.
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 Nayla rentre épuisée de son cabinet. De par son métier, elle sait que les crises sanitaire et financière et le confinement réveillent en chacun d’entre nous des peurs et des problèmes plus anciens qui, en faisant retour, peuvent s’avérer dévastateurs psychiquement.
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Marie sortit du salon et cette fois il accepta de la suivre. Elle lui proposa de parer au plus urgent avec ce qui lui restait à elle, quelques bijoux et surtout son solitaire, la chose sans laquelle une femme comme elle perdait son rang. Et cet abruti qui l'avait bousculée en entrant accepta de ressortir avec ses dernières richesses, des richesses dont elle se dépouilla comme on se dénude. Il la prit dans ses bras, les larmes aux yeux, dans une scène mélo dramatique que Marie, qui n'était pas dupe, supporta avec impatience , rigide et glaciale, tandis que là-haut un affreux rictus de triomphe se dessinait certainement sur le visage de la terrible Mado et que nous, le chauffeur, les cuisinières, les bonnes, le jardinier qui assistions impuissant à cet effroyable gâchis, n'avions qu'une seule pensée mais que nous n'osions même plus formuler, que nous percevions dans les regards que nous échangions ou dans les soupirs que nous laissions échapper discrètement, à savoir si Hareth, le fils cadet, avait été présent, s'il était revenu de ses interminables et incompréhensibles tribulations, nous n'en serions peut-être pas arrivés là.


Page 171
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Si les problèmes étaient à chaque fois réglés, le patron n'en sortait pas moins épuisé. Mais, tout cela, je crois qu'il le faisait parce que ainsi il demeurait au courant des affaires, et pouvait protéger ses terres, ses biens et l'usine. Et aussi, pour que le monde tel qu'il l'avait connu puisse durer le plus longtemps possible, alors qu'il devait bien se douter que les changements étaient inéluctables. Si bien que, quand j'y repense aujourd'hui, j'ai cette impression que si notre univers a en partie résisté encore quelques années, c'est grâce à lui. Il tenait les fils de notre destin entre ses mains et tant qu'il tint bon, tout tint, les choses continuèrent de tourner, avec la maison au centre, et le monde autour, avec l'usine qu'il gérait patiemment, avec les orangers et les pins, avec les cueilleurs de pignons perchés au sommet des arbres, avec le va-et-vient devant le portail, avec les bonnes qui passaient la serpillière pieds nus et en chantant à tue-tête quand les patrons étaient absents, avec les lubies de Mado, avec l'élégance de la patronne et avec l'excitante présence de Karine qui, comme toutes les filles de son milieu, était surveillée attentivement, à l'instar de la fille d'un prince promise à quelque altesse et qu'il faut protéger du monde, autorisée à tous les caprices à l'intérieur mais très peu en dehors


Page 119 - Ayn Chir avant la guerre civile
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Il reprend sa marche et n'a pas fait trois pas qu'une imperceptible brise se lève, comme si elle lui parlait, comme si elle cherchait à le retenir, à la manière d'un enfant joueur qui se démasque lorsque vous feignez de cesser de vouloir découvrir sa cachette, et il sent à nouveau le parfum des fleurs.
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