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Citations de Claude Duneton (151)


La Porte reconnut, à la lourde perruque qu’il portait par tous les temps, l’un des auteurs les plus à la mode de ce printemps, qui s’appelait M. Corneille. C’était un homme de stature assez épaisse, à la démarche un peu lourde, qui atteignait la trentaine et avait déjà toutes ses dents pourries. On en disait grand bien, et sa tragédie à l’espagnole, l’été dernier, avait soulevé la passion des jaloux et provoqué entre les parties une querelle qui ne s’était pas encore apaisée…

Première partie. Le fils de mon silence
Chapitre IV
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Marie, que l’on appelait toujours Aurore à l’âge de vingt et un ans, à cause de l’éclat de sa beauté légendaire, était d’une grande et belle taille, avec un air libre et aisé qu’elle déployait sans effort. Son aspect donnait à sa personne un certain air de majesté et de bonté tout ensemble, qui inspirait chez tous ceux qui l’approchaient du contentement, de la tendresse, en même temps que du respect… Elle avait la gorge bien formée et fort blanche, le cou rond, le bras bien rond aussi, les doigts menus et la main pleine. Ses cheveux, du plus beau blond cendré qu’il fût donné de voir sur les épaules d’une jeune fille, longs et bouclés, formaient une masse épaisse et ondulante qui descendait sur ses tempes, sur sa nuque, et qui lui tombait jusques au bas du dos. Son visage avait le front large en son contour, les sourcils blonds aussi, bien fournis mais séparés et arqués, et des yeux d’un bleu soutenu, d’une vivacité surprenante, aux coins fendus en amande, des yeux que tous ceux qui l’avaient vue ne pouvaient plus oublier. Elle avait le nez droit, la bouche assez petite au dessin parfait, avec des lèvres d’un rouge vif qui laissaient voir des dents blanches et régulières quand elle souriait, c’est-à-dire bien souvent. Ces sourires si plaisants lui creusaient deux adorables fossettes sur ses joues lisses où la nature avait mêlé le blanc et le vermeil avec tant de mignardise que les roses semblaient s’y jouer avec les lys, disaient les poètes de la Cour.

Première partie. Le fils de mon silence
Chapitre IV
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Celle qui descendit les marches la première, lentement, tenant ses robes à poignée, suivie d’un grand chien roux qui lui léchait la main dont elle le flattait en marchant, était, dans toute sa grâce, Marie de Hautefort, dame d’atour et confidente de la reine Anne.

Première partie. Le fils de mon silence
Chapitre IV
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Quand elle sortit sur le perron de l’esplanade, Angélique avait coiffé un chaperon de voyage qui ne laissait voir de sa chevelure que les longs bouffons à l’anglaise qui encadraient son visage mat et mince où luisaient ses grands yeux noirs. Il se fit un silence. Elle quittait pour toujours les fastes, les faveurs, la vie frivole de la Cour. Elle choisissait de son propre gré et vouloir, sans contrainte, l’austérité de la règle monastique : elle sentit dans ce silence, et sur les visages de ces femmes, dont presque toutes avaient un jour réfléchi à ce choix pour elles-mêmes, le respect qu’inspirait son renoncement.

Première partie. Le fils de mon silence
Chapitre III
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À ce moment, Mllc de La Fayette n’était plus tout à fait certaine que Dieu l’appelât… Pour la millième fois depuis une année entière, le doute l’assaillait, l’obligeant à considérer interminablement si le cardinal de Richelieu n’était pas celui qui la poussait insidieusement vers le cloître, comme le lui assuraient ses oncles, l’évêque de Limoges, ami particulier de la Reine, et le chevalier de La Fayette, comme du reste tout le parti de Mmc de Sénécey, prudente et digne, qui haïssait le Cardinal. Ceux-là s’étaient tous opposés, dès l’abord, comme le Roi lui-même, à cette vocation où ils voyaient l’inspiration secrète de Son Éminence qui souhaitait se débarrasser ainsi de la favorite afin de placer auprès du monarque une créature qui fût plus docile à ses propres desseins.

Première partie. Le fils de mon silence
Chapitre III
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Car, en ce beau mardi qui suivait les fêtes de l’Ascension, le 19 mai en l’an de grâce 1637, Louise de La Fayette, que le Roi appelait Angélique, se préparait, après de tumultueuses hésitations, à entrer au couvent. La beauté fragile, l’aspect juvénile et la gaieté enfantine de cette demoiselle d’honneur de la Reine avaient attiré l’attention de Louis XIII – une attention habilement dirigée par son premier écuyer, Saint-Simon, lequel, agissant sous la direction de Richelieu, lui parlait sans cesse des mérites de la petite nymphe brune… Depuis un peu moins de deux ans, il en avait donc fait sa chaste favorite et il l’aimait tendrement, remplaçant momentanément dans sa faveur la favorite en titre qu’était Mme de Hautefort, dont la beauté de légende s’accompagnait d’un esprit fort sarcastique et surtout d’une fidélité absolue à sa maîtresse la reine Anne, dont elle était la dame d’atour… Le Roi, qui venait de quitter le château si brusquement, ne s’était résolu à accepter la réclusion de sa chère Angélique que la mort dans l’âme, après bien des débats, des tiraillements à l’infini, tant l’idée de cette séparation lui était douloureuse.

Première partie. Le fils de mon silence
Chapitre III
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La mort soudaine du roi d’Espagne était tombée sur la Reine comme la foudre d’un orage. Après les cris et les agitations du désespoir, que les dames d’honneur avaient en vain tâché d’apaiser – elle avait été la proie de déportements si formidables que l’on avait pu croire un moment à une atteinte du haut mal –, Ana était tombée dans un abattement qui avoisinait la prostration… Ni les efforts de sa chère Marie, à présent duchesse de Luynes et jeune mère, ni les prières et les objurgations de sa vieille nourrice, Estefanía, qui était demeurée auprès d’elle alors que les duègnes avaient toutes regagné l’Espagne, n’avaient pu divertir son ennui.

Première partie. Le fils de mon silence
Chapitre II
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Ana avait conçu une affection très vive pour la mère de Dieu, qu’elle faisait partager à Louis avec enthousiasme, l’obligeant à lire des passages avec elle, lui traduisant avec des rires les mots qu’il ne comprenait pas. Ils avaient décidé alors, d’une ferveur commune, que, lorsqu’ils auraient des enfants, ils les mettraient sous la protection de la Sainte Vierge.

Première partie. Le fils de mon silence
Chapitre II
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Pierre de La Porte était entré pour la première fois au service de la Reine à l’âge de dix-huit ans. C’était au printemps de 1621, Anne d’Autriche avait alors dix-neuf ans passés ; elle se remettait lentement du deuil de son père, le roi Philippe III d’Espagne, dont la mort, survenue brutalement le dernier jour de mars, l’avait affligée profondément, au point de compromettre gravement sa santé. La nouvelle avait atteint Paris le 8 avril, mais le jeune Roi son mari ne la lui confia que très progressivement, deux jours plus tard, tant il prévoyait le tourment qu’en aurait la jeune femme qui était grosse, et dont chacun craignait que le chagrin ne la fît de nouveau avorter… Hélas, malgré tous les soins et les ménagements, sa douleur avait été si intense que tout espoir d’un dauphin s’était encore une fois évanoui…

Première partie. Le fils de mon silence
Chapitre II
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— Et certes, d’où pensons-nous que sont causées toutes ces guerres, pestes et famines qu’on voit souvent en France, sinon des péchés qui y règnent, lesquels ordinairement prennent naissance de cette mauvaise nudité du sein féminin ?…

Première partie. Le fils de mon silence
Chapitre I
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— Entends !… Malheur sur moi de ce que j’ai été ta mère !… Car toutes et quantes fois que tu imites et ensuis les œuvres de mes méchantes coutumes – c’est-à-dire que tu pratiques les vanités et péchés que je t’ai enseignés –, autant de fois ma peine est renouvelée, et mes feux me brûlent avec plus d’ardeur !…

Première partie. Le fils de mon silence
Chapitre I
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— Il se voit des mères qui, étant assez modestement vêtues, permettent que leurs filles montrent leur gorge et sein nus, venait-il de gronder sourdement (et il s’était produit des œillades inquiètes et quelques rougeurs coupables jusque parmi les porteuses de fraises et de collets montés). Il y a une révélation de ceci dans sainte Brigitte (il voulait parler de la damnation des mères tolérantes), car elle rapporte qu’une certaine femme, damnée pour avoir enseigné à sa fille à s’habiller dissolument et mondainement, cette femme s’apparut à elle comme sortant d’un lac ténébreux, ayant le cœur arraché du ventre, les lèvres entièrement coupées, le nez tout rongé, les yeux arrachés de la tête et pendant sur les joues, la poitrine couverte de vers, et, avec des cris et lamentations épouvantables, se plaignant de sa fille comme si elle eût parlé à elle, disant : « Entends, ma fille et venimeuse lézarde !… »

Première partie. Le fils de mon silence
Chapitre I
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Est-ce ainsi que l’on profane le saint temple de Dieu ?… Où sommes-nous ?… En quel siècle sommes-nous ? Veut-on amener le Carnaval dans les églises ? Y veut-on planter des idoles ? Y veut-on jouer des bals ?…

Première partie. Le fils de mon silence
Chapitre I
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— Pour le regard des mouches, que quelques dames vaines ont de coutume d’appliquer sur leur visage pour paraître plus belles, j’en dirai ici volontiers encore quelques mots. Mon avis dans cette matière est qu’il vaut mieux les encourager d’en mettre : attendu qu’avec telles mouches – quoique contre leur opinion ! – elles paraissent plutôt laides que belles et font plutôt soulever le cœur à ceux qui les regardent qu’elles ne leur excitent l’appétit !… Vu qu’icelles mouches appliquées en forme d’emplâtre sur leur visage font ressouvenir de quelque rogne, pustule, clou, bubon ou autre farcin qui pourrait être caché dessous. Quand donc ces pimprenelles se glorifient de ces mouches, c’est comme si un ladre ou un écrouellé se glorifiait des emplâtres qu’il porterait sur son mal ou ses écrouelles. Tout ce qu’il y a de plus à plaindre en cela, c’est la perte de temps qu’elles font et l’inutilité de leur pensée s’appliquant à des choses si basses, si plates et si indignes d’un chrétien ! En quoi elles se montrent semblables à ces petits enfants qui passeront quelquefois tout un jour à chasser aux mouches et papillons, et à courir après les fleurs des chardons que le vent souffle en l’air.

Première partie. Le fils de mon silence
Chapitre I
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— Le premier abus, dit-il avec l’emphase d’un profond ressentiment, est qu’elles osent bien souvent se présenter à la sainte confession et communion en cet état. Deuxièmement, le second abus est qu’elles portent ordinairement une croix ou l’image du Saint-Esprit pendue à leur col. Je leur demanderais volontiers : à quel propos ?… En quoi elles feraient beaucoup mieux, ce me semble, de porter à leur col l’image d’un crapaud ou d’un corbeau !… Attendu que ces animaux se plaisent parmi les ordures.

Première partie. Le fils de mon silence
Chapitre I
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— Jusqu’ici, poursuivit l’abbé, j’ai montré par divers biais et moyens comme c’est grandement mal fait aux femmes de se montrer débraillées… Voyons donc maintenant en quels dangers se jettent ces femmes impudentes qui, par leur accoutrement lascif, cheminant par les rues et dans les places publiques, servent de pierre d’achoppement à plusieurs : qu’elles craignent que le diable, en vertu des imprécations contre elles fulminées par les personnes qui, à leur occasion, sont tombées en quelque péché mortel, et aussi par d’autres qui ont tel spectacle en horreur, n’entre, sinon en leur sein et en leur corps, pour le moins en leur âme ! Sinon par soimême et en propre personne, pour le moins par sa semence, qui est le péché mortel. (...)
Le comble de leur impudence se manifeste palpablement en hiver, lorsqu’il gèle, comme l’on dit, à pierre fendre : car alors – chose prodigieuse ! – on les verra bien souvent par les rues autant débraillées comme dans les plus grandes chaleurs d’été !… d’où vient que quelquefois elles en contractent de très grièves maladies, et même la mort. En quoi elles commettent double péché mortel ! L’un : en tant qu’elles donnent à autrui occasion de pécher mortellement ; l’autre : en tant que par leur propre faute cette maladie ou mort leur advient.


Première partie. Le fils de mon silence
Chapitre I
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Au fond l'identité est comparable à la défense immunitaire du sang dans le corps humain : elle n'a pas de valeur en soi, mais elle empêche les maladies... Elle protège de la mort. En d'autres termes, la perte d'identité est l'équivalent d'un «Syndrome Immuno-Déficient acquis» – sorte de sida social qui entraîne la disparition des rites, des structures, des défenses, de l'autonomie, et par voie de conséquence, pour aller vite, prépare à la soupe populaire
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Elle aimait du reste les vers avec passion et, bien qu’elle n’en écrivît point elle-même, elle les récitait avec une grâce et un goût capables de ravir l’âme la plus fruste et la moins sensible aux effets de la poésie. Cet art naturel lui avait acquis un succès et une réputation inouïs dans le salon bleu de la marquise de Rambouillet, où elle fréquentait avec assiduité dans le temps où elle n’était pas tout entière au soin d’entretenir sa tendre et intime amie la Reine.
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Rien de bien fait n’existe au monde si ce n’est eux qui le font. Ils sont toujours si remontrants que s’ils ne trouvaient qu’un étron ils y trouveraient à remordre !… Si par cas fortuit ceux-là avaient aperçu quelqu’un sur quelqu’une, foi de ma vie !
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Le Cardinal dépensait une part de sa fortune à payer partout des espions : il était tenu au courant de leurs moindres faits et gestes par le premier valet de chambre du Roi, qu’il soudoyait pour se faire rapporter en secret tous leurs discours – sa hâte de la voir partir était grande.
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