Citations de Claude Michelet (190)
Mais le Seigneur était témoin que frère Théodérik était bavard comme deux douzaines de pies et que se taire lui était un très lourd sacrifice.
Quand on pense qu'elle n'avait que vingt-deux ans quand elle s'est retrouvée veuve ; c'est pas vieux pour traverser toute seule la vie (Tranchée des Revenants. 23 heures 35. Page 179).
— Pourquoi pas ? Crois-moi, c’est parce que je doute que je cherche, que je me bats, que je me force à avancer toujours un peu plus loin, que j’essaie de faire un pas de plus alors que mes pieds sont de plus en plus lourds et ma fatigue de plus en plus pesante. Mais je chercherai et agirai ainsi tant qu’il me restera un souffle de vie et le courage de m’en servir pour aller de l’avant et, peut-être, comprendre enfin…
Pourquoi ne pas le dire, je n'ai plus beaucoup d'optimisme quant à la survie de l'agriculture des régions pauvres. Je serais déjà bien heureux si je parviens à m'accrocher à la terre ; c'est dire que je ne suis pas prêt d'encourager un de nos enfants à prendre la relève !
Dans le fond, qu'importe ! Il faut prendre la pluie et le soleil lorsqu'ils viennent, l'organisation de l'avenir lointain est un jeu dangereux et sans pitié. Je ne connais personne qui ait pu me dire : j'ai gagné à ce jeu-là.
De cette vieille agriculture, il faut conserver un certain esprit, celui qui donne la patience, l'entêtement, l'obstination, qui rappelle à l'homme que, quels que soient ses connaissances, son matériel et tout son bagage professionnel, il reste et demeurera à jamais impuissant devant certains phénomènes naturels. Rien ni personne n'arrête une tornade, nul ne peut empêcher qu'un troupeau soit foudroyé, qu'une bête se casse une patte. C'est alors qu'il faut retrouver cet atavisme de terrien, cette espèce d'acceptation paisible de l'événement qui n'est pas du fatalisme résigné ou du défaitisme, mais la pleine conscience de son impuissance devant certains faits, de sa faiblesse d'homme.
Il est sain, et je crois indispensable, d'avoir toujours à l'esprit que nous ne pouvons pas vaincre la nature. Nous l'apprivoiserons de plus en plus, nous la domestiquerons, c'est bien, nous sommes là pour ça, mais jamais nous n'en serons les maîtres au sens rigoureux du terme. Un jour viendra où un événement, tout ce qu'il y a de plus naturel, nous remettra à notre juste place, les pieds sur terre.
Et dans les typhas, carex et rubaniers de l'étang, vocalisaient à en perdre le souffle, les phragmites et les rousserolles, comme pour tenter, en vain, de couvrir les caverneux appels des colverts et les gloussements aigus des poules d'eau., à en perdre le souffle, les phragmites et les rousserolles comme pour tenter
- Je croyais que tu venais ici pour te mettre au vert, tu ne crains pas de te faire repérer ?
- Non, si par hasard je suis recherché, c'est à Paris. Sois tranquille, je ne prends pas de gros risques.
C'était d'abord chez tous les jeunes combattants, un état d'esprit désormais dépouillé de tout ce qui, jadis, avait fait la force de la civilisation rurale ; cette civilisation établie - figée même - dans un patriarcat dont bien rares étaient ceux qui en contestaient la légitimité. Or, presque partout, éclataient maintenant des conflits entre les anciens, pour qui l'autorité dont ils étaient dépositaires était presque de droit divin, et les jeunes, qui, non seulement remettaient cette autorité en question, mais la bafouaient sans respect, la tournaient en dérision et, faute de pouvoir la vaincre, la fuyaient.
"Pour prendre du plaisir à écrire, il n'est pas nécessaire d'être édité, pas plus qu'il n'est indispensable, pour un peintre du dimanche, grand barbouilleur devant l'Éternel, d'avoir ses croûtes exposées et vendues dans les galeries", se répétait-il lorsqu'il s'installait devant une page blanche.
Il n’est un secret pour personne que l’agriculture des, au sens régions pauvres n’est pas une source d’enrichissement.
En fait, il est entré en Résistance comme on entre dans les ordres, dépouillé de tout et de toute attache ; tout devient alors grandiose. Ce n'est plus un choix égoïste, c'est un sacrifice.
Assoupie dans le brouillard opaque qui sévissait depuis deux jours, la forêt perdait ses dernières feuilles. déjà, un mois plus tôt, au lendemain des premières gelées d'octobre, peupliers, charmes et frênes avaient pris leur silhouette d'hiver, grands squelettes grisâtres et griffus entre les bras desquels feulait le vent d'est comme un chat apeuré.
Et maintenant pleuraient les chênes centenaires en de longs sanglots de feuilles brunes qui ruisselaient dans les gaulis avant de se noyer dans la houle rousse des fougères pétrifiées.
Ses rapports avec son père s'étaient bien améliorés, mais il avait la prudence de ne plus faire de provocation.
Il pensa qu'il allait devoir demander un coup de main à Jacques pour visiter ses ruches, les nettoyer, réparer quelques cadres et peut-être les nourrir un peu si le couvain était trop nombreux. Avec un printemps aussi précoce et chaud, il était à craindre que les reines se soient déjà lancées dans une ponte intensive, alors, si par malheur le froid revenait....
- Parce qu'on est jamais sûr de rien jusqu'aux saints de glace ! disait-il toujours.
ce qui le choqua d'abord,ce fut de voir, assise, tassée au coin de la cuisinière, une vielle femme qui dormait. Une vieille femme aux cheveux blancs, dont les paupières baissées, aux franges rougies par les larmes, dévoilaient la résille bleue des veinules, et dont les mains, instinctivement serrées sur le ventre, agrippaient un inutile chapelet.
Devant elle à vingt pas, travaillaient son beau-père et Paul, la petite Mauricette pépiant sans cesse à leurs côtés, enfin, tout au bout du champ, Pierre-Edouard et Jacques conduisaient la faucheuse. Quant au commis de Léon, que Pierre-Edouard louait pour les gros travaux, il était encore plus loin, occupé à ouvrir à la faux un passage pour la machine.
Firmin retrouva donc l'oeuvre de sa vie, et de ce fait, le monde s'estompa un peu plus chaque jour. Comme il l'avait dit à son cousin, ce furent les autres qui le poussèrent dans le silence, qui échafaudèrent autour de lui un autre mur, un mur d'indifférence et de mépris amusé.
Il préférait d'instinct, une lente, profonde mais durable progression, à la flamboyante, vertigineuse mais peut-être éphémère conquête que, par le jeu des marchés industriels, des mines de cuivres et des nitrates, la Sofranco menait tambour battant. p.366