Dan O'brien - Bisons des grandes plaines
Si avoir un "coeur pur" revient à être humble et à essayer de mener une vie noble en harmonie avec son environnement, alors il est logique que l'environnement lui-même s'offre à vous pour servir votre noblesse.
J'ai toujours associé la France à une noblesse distante que seuls illustrent, dans mon univers, les grandes et imposantes charolaises d'un blanc pur, récemment importées de Bourgogne.
« Alors j’ai pensé aux bisons. Ils sont depuis longtemps un emblème de toute vie sauvage en déclin. Pendant la seconde moitié du XIXe siècle, lors d’une des entreprises humaines des plus honteuses de tous les temps, nous avons massacré les bisons, que ce soit par goût du sport, pour certaines parties de leur corps, ou dans le but de décimer les Indiens. A peine un millier d’entre eux ont survécu. Nous avons presque anéanti une espèce unique au monde, qui prospère seulement dans le centre du continent américain. J’ai longuement réfléchi à ça, assis sur la véranda, face au million d’étoiles qui traversaient le ciel. Cette injustice m’a dégouté et avant que l’épée d’Orion pointe Harney Peak, j’ai su qu’il y aurait dans mon avenir au moins une tentative de rétablir l’équilibre des Grandes Plaines. Et que les bisons en feraient partie. »
Mais dans les Grandes Plaines, il est rare que les hommes révèlent ce qu'ils pensent. On n'est ni à Santa Monica ni à New York. Etre franc relève de l'impolitesse et par ici, les conversations sont souvent considérées comme un simple inconvénient.
Quand je suis en forme, le premier rouge-gorge me transporte de joie, le premier orage me grise, le premier gel m’inspire, la première neige m’emplit d’admiration.
Malheureusement, il n"existe aucune technologie pour réhabiliter une couche arable détruite par les mauvaises pratiques agricoles. Elles est constituée de plusieurs siècles de végétaux en décomposition et le processus ne se développe que dans des conditions idéales. Je ne vivrai jamais assez longtemps pour voir renouvelé un seul centimètre de cette couche érodée.
Quand je m'agenouille et que je plonge la main à travers les boucles d'herbe hivernale assoupie jusqu'à toucher la terre, j'imagine les vibrations du sol sous les sabots. Je sens les bisons évoluer parmi ce tout et je comprends qu'ils sont éternels, aussi immuables que la roche, aussi puissants qu'un vent de prairie.
Devant nous, une immense langue de terre s'étendait sur des kilomètres sous le ciel pâle de janvier. De l'armoise, des yuccas et de fines congères s'étalaient à perte de vue jusqu'au-dessous du soleil levant. Entre nous et les Badlands qu'on apercevait au loin, des centaines d'hectares de taches et de stries brunes se déplaçaient comme un banc de poissons sur une immense étendue d'eau salée.
Il m'a fallu quelque temps pour me rendre compte de l'échelle mais j'ai fini par comprendre que toutes ces taches et ces stries étaient en réalité des bisons.
Il déclare avoir mangé du boeuf à chaque dîner depuis qu'il est adulte :
-- Moi, j'adore le boeuf. Le boeuf et les patates. Je ne vois pas pourquoi s'emmerder à manger autre chose.
Le vent s'était levé et des flocons tombaient à l'oblique sur les silhouettes brunes et laineuses qui se découpaient sur le paysage d'un blanc pur.