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Critiques de Ernst Jünger (143)
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Sur les falaises de marbre

Dans un pays imaginaire, un narrateur anonyme dont on sait simplement qu'il fut officier mène à l’Ermitage, en compagnie de Frère Othon, une vie paisible et studieuse au bord de la Marina, sur les falaises de marbre. Rien ne vient troubler la calme et sereine tranquillité des jours, le travail quotidien au milieu des livres anciens, des insectes et des fleurs, ni les douceurs de la réflexion contemplative.



Pourtant, non loin de ce refuge et de cette Marina où depuis toujours sont cultivés comme un art de vivre le raffinement des mœurs et l’élégance de la pensée, non loin de là, donc, et beaucoup trop près, à “la sombre lisière des grands bois”, campe le Grand Forestier, seigneur de la Maurétanie - avec ses troupes, sa doctrine et ses Ordres secrets -, seigneur de violence et de meurtre voilé d’un “nuage de crainte”, sur qui flotte “un souffle d’ancienne puissance”, nocturne, terrible et menaçante…



Écrit en 1939 par Ernst Jünger qui dénonçait là de manière à peine voilée la violence et les dangers du régime nazi, "Sur les falaises de marbre" est un récit de la tension et de l’attente, traversé de métaphores, de signes et de symboles, chambre d’écho de la lente montée de la menace et du péril, de la barbarie à l’oeuvre qui s’approche et qui bientôt déferle - comme poussée en avant par les forces inexorables du destin -, prophétisant avec une déchirante clairvoyance un âge de sang et de ténèbres où naufragera bientôt le cœur des hommes et sa lumière.



"Sur les falaises de marbre" est un texte immense - bien que fort court - où se déploient avec lenteur et comme en majesté l’écriture onirique de Jünger, l’extrême lucidité de sa vision et toute la richesse allusive de son imaginaire. Un roman inoubliable et un chef d’oeuvre de la littérature mondiale, tout comme l’est son texte-frère, plus lyrique encore et plus ample, “Le Rivage des Syrtes” de Julien Gracq.



[Challenge Multi-Défis 2020]

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Orages d'acier

En 1914 quand le conflit éclate Ernst Jünger est un volontaire de 19 ans. Il tient des carnets qu'il remaniera après la guerre. Il y décrit le quotidien terrifiant des soldats, le déroulement d'une guerre de tranchées, au milieu de la boue, des rats et des cadavres, le plus souvent mutilés, sous un déluge de feu quasi permanent. Il y exprime aussi tous ses états d'âmes, de la surexcitation des combats à l'abattement le plus profond. Il semble aussi que cette guerre ait été pour Ernst Jünger une sorte d'expérience initiatique.
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Orages d'acier

Ernst Jünger jeune allemand quitte les bancs de l'école pour s'engager volontaire brûlant d'enthousiasme au début de la première guerre mondiale. Comme simple soldat d'abord, et sur les conseils de son père suivra une formation pour devenir rapidement officier.

Chaque jour, il écrit tout ce qui se passe sur le front. Le premier jour où à peine installé, après une série de grondements sourds et proches, il suit les soldats sans trop savoir pourquoi. Au début la guerre montre ses griffes sans montrer l'ennemi, ce qui le guérit rapidement de ses illusions premières. Il consigne le travail effectué dans les tranchées pour les maintenir en état, la routine qui s'installe au début dans une guerre pas encore très offensive, où des échanges se font parfois avec l'ennemi ( souvent anglais). Les dernières années, il connaîtra une guerre beaucoup plus offensive avec ses orages d'acier. Il sera blessé une douzaine de fois pas trop gravement et reviendra toujours au front.

En fin de guerre, il reçoit la Croix du Mérite jamais donnée à quelqu'un de si jeune que lui.

Ernst Jünger est quelqu'un de cultivé qui a consigné consciencieusement toute sa guerre dans un journal pour en faire un témoignage exceptionnel dans Orages d'acier.

Ce livre témoigne d'une grande intelligence dans ses analyses de situations et de très bonnes relations avec ses hommes.

"Dans l'obscurité , j'entendis la voix d'un bleu, encore peu au courant de nos coutumes:"Le lieutenant ne se planque jamais.

-Il sait ce qu'il fait, lui rétorqua un ancien de ma troupe de choc. Quand l'obus est pour nous, il est le premier par terre". C'était exact. Nous ne nous planquions plus au sol qu'en cas de nécessité, mais alors sans traîner."



Un livre à lire et à garder comme témoignage exceptionnel.
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Orages d'acier

Le lieutenant Ernst Jünger a été blessé 14 fois au cours de la guerre, échappant chaque fois miraculeusement à la mort.

Ces sursis nous permettent aujourd'hui de mieux comprendre, à travers ce récit brut d'évènements vécus, toute l'horreur de cette guerre qui fit dix millions de victimes. Elle n'a malheureusement pas servi de leçon puisque celle qui succéda à la "der des ders" fit six fois plus de morts..

Ernst Jünger nous invite à le suivre, de la Lorraine à la Flandre en passant par la Somme, jusqu'au fond des tranchées et des chemins creux pour nous faire vivre de manière très réaliste l'âpreté et l'horreur de combats au résultat incertain, de tous ces assauts inutiles pour reprendre quelques mètres de terrain aussitôt reperdus.

De quoi faire réfléchir, mais aussi un hommage à tous ceux qui ont combattu, de part et d'autre et dont le souvenir nous permet de faire en sorte que leur sacrifice n'ait pas été tout-à-fait vain.

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Sur les falaises de marbre

Le narrateur et son frère vivent une vie paisible et raffinée dans un ermitage situé dans un pays imaginaire (qui m'a évoqué la Sicile) : la Marina.

Mais une menace se précise, venant des forêts les barbares s'enhardissent et menace d'envahir les côtes...



On présente généralement ce court roman comme une protestation contre la montée du nazisme. Je dois avouer que pour ma part cela ne m'a pas semblé flagrant.

Il est vrai que le récit est avant tout allégorique et symbolique, il est évident que le propos de Jünger ne pouvait être trop transparent.



Quoi qu'il en soit, Sur les falaises de marbre est un magnifique roman, superbement écrit, parcouru de fulgurances et riche de moments forts.
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Orages d'acier

Ernst Jünger, tout jeune engagé volontaire lors de la Première guerre mondiale, tint des carnets pendant toute la durée du conflit. Plus tard, il reprit ses notes et les mit en forme, les compléta de façon scrupuleuse pour livrer un récit autobiographique où il raconte avec force détails et lucidité, l'atroce banalité journalière des soldats c'est à dire l'enfer permanent le froid, la pluie, la vermine, la faim, le vacarme du front , la promiscuité, la peur, la souffrance, la mort, mais aussi la fraternité, l'amitié, la compassion, l'empathie , les gestes d'humanité envers l'ennemi…

C'est un des livres de référence de ce conflit , celui qui décrit sans ostentation, mais avec lucidité et objectivité, celui qui témoigne du vrai. Je suppose que bon nombre de réalisateurs se sont référés à cet ouvrage pour certaines de leurs mises en scène au cinéma.

J'ai lu aussi ce livre pour retrouver des lieux connus, pour savoir comment certains habitants de villes et villages, notamment dans le Pas-de-Calais, que je connais , ( et cela pour retrouver traces de la vie de mes aïeux à cette époque) avaient vécu durant ces années, alors qu'ils côtoyaient , bien malgré eux, l'ennemi (Arleux, Henin -Lietard, Monchy, Croisilles, Berles, Ecoust Saint Mein…)

Jünger fut un soldat qui faisait « son métier », par amour de sa patrie, en tuant, mais en conservant une certaine humanité , n'hésitant pas à laisser la vie sauve à un blessé, à ordonner de donner une sépulture aux corps ennemis, à respecter les civils.

Il échappera à la mort mais sera blessé à plusieurs reprises (14) , Son attitude pendant la seconde guerre mondiale sera profondément marquée par ces années sur le front , dénonçant, combattant la barbarie nazie. A lire pour mieux le connaître ses Journaux Parisiens, c'est ce que je ferai prochainement.
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Sur les falaises de marbre

C'est la 2eme fois que je lis cet ouvrage, quand je l'ai lu la 1ere fois je ne sais plus. Ce livre a été traduit par Henry Thomas. Ce livre fut publie en Allemagne juste avant le début de la guerre ou il fut interprété comme un manifeste contre Hitler et seul sa renommée le préservera des poursuites. C'est comme si je le lisais pour la 1ere fois. j’aime quand il parle des oiseaux et des plantes et des herbiers. C’est le deuxième livre de cet auteur que je lis après le son journal de guerre en France. J ´examine la bibliothèque de l’herbier. Je fais de

la musique dans le ciel et suis serein. Nous étions des chasseurs de plantes. L’air était tranquille et je vis frere Othon. Il était immobile comme fasciné. Il enfonça son bec dans le cou de son adversaire. Je frappais de mon epee sacrée. Braquemart est dans notre demeure. Nous attendions la réponse du moine. J’attends en paix. Il avait à sa tête un fin limier Leontodon. Le vieillard élevait le dogue comme un splendide molosse jaune avec des rayures noires. Je lutte contre le mal.Kerkoven surgit de mes pensées.
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Orages d'acier

On a beau s'investir en lecture de témoignages de guerre, on est toujours à des années lumière du ressenti de ceux qui les ont vécus. Celui de cet auteur allemand me semble pourtant faire exception à cette impression à cause de la distance qu'il insère entre la relation des faits, tirés du journal qu'il a tenu tout au long du conflit, et ses propres sentiments. C'est avec une froideur quasi journalistique qu'Ernst Jünger relate ses années d'une guerre qu'il a vécues de bout en bout, avec l'inestimable chance de s'en sortir après pas moins de quatorze blessures.



Est-ce une forme de mea culpa de son appartenance aux armées de l'envahisseur ou bien son éducation personnelle qui lui impose une certaine retenue dans le langage à l'égard de l'adversaire, une hauteur de vue dénuée d'attendrissement. Penchons pour cette seconde hypothèse, car ce respect du combattant tous camps confondus est assorti d'élans lyriques dans la description des paysages et circonstances de la guerre, y compris les plus dramatiques lorsque : « L'homme au coup dans le ventre, un tout jeune garçon, était couché parmi nous et s'étirait presque voluptueusement comme un chat aux rayons tièdes du couchant. Il passa du sommeil à la mort avec un sourire d'enfant. »



Car pour le reste, ce point de vue allemand évoquant cette boucherie organisée comporte les mêmes scènes d'horreur que ce qu'on peut lire chez nos auteurs nationaux lesquels ont également vécu ces années de cauchemar : des Henri Barbusse, Roland Dorgelès, Blaise Cendras, Maurice Genevoix, Louis-Ferdinand Céline pour ne citer que les plus souvent évoqués dans ce genre de littérature écrite en lettres de sang. Tous autant qui ont tenté de faire savoir aux générations suivantes ce qu'ils ont vécu dans leur chair et leur âme. Leur âme qu'il savait à chaque instant prête à prendre son envol vers des cieux qu'ils avaient la candeur d'espérer plus cléments que le cloaque des tranchées d'Artois ou de Champagne.



On a peine à s'imaginer que des hommes aient pu faire à ce point leur quotidien de la fréquentation de la mort, voyant autour d'eux se déchirer les chairs, s'éteindre des regards. le ton de cet ouvrage amoindri de la sensibilité humaine qu'on peut trouver dans le feu d'Henri Barbusse ou les croix de bois de Dorgelès renforce cette impression d'une forme d'accoutumance à l'épouvante. Faisant des vies humaines une sombre comptabilité au même rang que celle des armes et équipements de la logistique du champ de bataille.



Cet ouvrage reste un récit de ces terribles combats de 14 vécus dans l'environnement restreint d'une unité ballotée par les événements meurtriers. J'allais dire dans l'intimité d'une unité. Mais pour qu'il y ait intimité il faut qu'il y ait durabilité de coexistence. Ce qui n'était pas le cas puisque les unités se reconstituaient aussi quotidiennement que les pertes en réduisaient les effectifs. du sang neuf venait abreuver les tranchées au fur et à mesure que les familles confiaient leur progéniture, de plus en plus jeune, à la voracité de la grande faucheuse. Funeste industrie infanticide commandée par des intérêts très supérieurs dont les traités effaceront la responsabilité à la satisfaction de voir la paix retrouvée.



C'est une forme de fascination d'horreur qui me fait revenir vers ce genre de littérature. La vaine tentative de comprendre ce qui peut jeter les hommes les uns contre les autres dans des boucheries de cette ampleur. Ce qui peut faire qu'il n'y ait pas de conscience supérieure capable d'empêcher une tragédie collective à pareille échelle. Mais non, la « der des der » n'attendait finalement que la suivante pour contredire ceux qui pensaient avoir atteint les sommets de l'horreur. Ainsi est la nature de celui qui tient tant à la vie et se complaît à la mettre en danger.



Orages d'acier d'Ernst Jünger dont le lyrisme qui plut à André Gide au point de lui faire dire qu'il était le plus beau livre de guerre qu'il ait lu m'a quant à moi paru aussi froid que le regard de son auteur en couverture.

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Le cœur aventureux : Notes prises de jour e..

Il s'agit de la première version du "Cœur aventureux" écrite en 1929 et traduite par Julien Hervier. L'auteur d' "Orages d'acier" y évoque encore son expérience au combat durant la première guerre mondiale, et reste ce chantre de l'héroïsme, d'une responsabilité assumée dans un déchaînement de violence. Ernst Jünger critique l'humanisme contemporain : il pressent dans nos sociétés dominées par la technique une sorte d'avilissement : le confort bourgeois s'obtient au détriment de la liberté et de l'instinct. Il lui oppose son goût pour l'aventure, le merveilleux, etc. Bref il reste cet homme intrépide à la vision tragique qui le situe d'emblée en dehors de toute morale commune : Il dit par exemple préférer le criminel au mendiant. Ernst Jünger se place souvent à une altitude où nous ne pouvons aller. Son magnétisme se ressent aussi dans une prose très imagée, celle s'un voyant, d'un initié. Il nous entraîne très souvent dans ses découvertes de naturaliste se détachant du tumulte du monde pour en découvrir les secrets, la profusion des formes. un autre signe de déclin pour Ernst Jünger est la perte de l'étonnement.
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Héliopolis

Il s'est passé quelque chose à Heliopolis, mais on ne saurait dire quoi. Heliopolis n'accueille pas tout le monde, et il manque à l'amateur, dont je fais partie, une exégèse qui permettrait de comprendre non seulement le déroulement factuel de l'histoire, mais aussi ce qui s'est passé dans l'évolution psychologique et spirituelle des personnages.





Je ne saurais résumer sans tricher le motif d'Heliopolis. Cela se passe dans une société futuriste très dirigiste dans laquelle la population semble partagée en plusieurs castes relatives à leurs niveaux spirituels. La technologie émerge à peine -la probabilité de vivre entourés de téléphones portables est évoquée, traversant l'esprit de Jünger dès 1949- et paraît comme l'horizon d'une humanité progressant par paliers.





Les personnages sont aussi indiscernables que l'intrigue qui les retient. Leurs statuts ne sont jamais clairement définis et laissés à l'appréhension du lecteur. Je pensais que leur rôle se résoberait ou s'éclaircirait au fil des pages, mais ce ne fut jamais le cas. Dans l'étroit mélange de philosophie et d'aventure qui constitue Heliopolis, les divagations spirituelles des personnages ne sont pas seulement de savoureux passages laissés à la délectation du lecteur. Ils semblent effectivement concourrir à la réalisation d'une fin compréhensible par les seuls lecteurs qui auront su passer suffisamment de temps à analyser les liens subtils et les menus détails des relations entre les personnages et leurs semblables, leur société, le temps historique et l'éternité spirituelle. Et Ernst Jünger ne nous facilite pas toujours la tache. Son texte n'est pas dense ni obtus, mais semble parfois extrêmement trivial, uniquement descriptif ; il capte si peu l'attention qu'on le survole en attendant de voir paraître les meilleurs moments -ceux où Ernst Jünger brille d'éloquence et d'érudition à travers l'histoire, la philosophie, la psychologie et la mystique. Sans doute a-t-il réussi à reproduire la trame de la réalité même, dispersant des éléments moteurs de la compréhension globale dans l'ensemble de son oeuvre, y compris dans le plus insignifiant.





Sans doute faudrait-il revenir plusieurs fois sur cet Heliopolis pour mieux le comprendre. Je ne ferai pas de relecture. Bien que l'élégance de l'écriture soit grandiose et les anecdotes savoureuses, Ernst Jünger ne me semble pas particulièrement original -pas au point en tout cas de vouloir réfléchir à l'exégèse de son Heliopolis. Pour ceux qu'il illumine immédiatement, l'immersion héliopolienne sera certainement fabuleuse. Pour les autres, ce n'est peut-être pas le bon moment, si tant est qu'il y en ait un.
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Journal, tome 1 : 1939-1940 Jardins et routes

C’est le 2 eme livre de junger que je lis. Il a été traduit par m.Betz. Je me prends pour des Ophites. Il arrive qu’une phrase brève me paraisse inachevée. Durant une nuit de tempête dans le Harz. J’ai déjà lu orage d’acier. J’ai eu le livre Falaise de marbre. Les sagittes. Les hommes vivent comme des animaux. Au centre de gravite, nous sentons depuis longtemps le poids caché.le plus grand écueil du roman est d’insérer des réflexions dans l’action. Dans les intervalles, nous rencontrons des sentences parfaites.la fete de l’homme est de voir mourir ce qui ne paraît pas mortel. Le rapport entre la liberté et le destin est le même qu’entre une force centrifuge et la gravitation. Seules les abeilles peuvent atteindre la mer. Comment expliquer qu’ensuite nos pensées se portent que sur une seule. Les blêmes essaims d’éphémères dont le mécanicien de l’univers emploie des corps a graisser. Le bal masque du neant. 25 juin 1940. On ne peut pas se poser la question de l’extrême droite.
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Orages d'acier

Ernst Jünger nous fait revivre la grande tuerie de 14/18 sous la plume du jeune officier volontaire qu'il fut à cette époque.

Bien que ce soit le point de vue d'un Allemand, on est frappé par la similitude du vécu, des situations, d'avec les récits des écrivains français : mêmes villages, mêmes batailles dont la célèbre bataille de la Somme -, mêmes tranchées, mêmes gaz, mêmes obus, mêmes morts atroces. Sauf que l'ennemi n'est pas le même...

Le texte est très descriptif, très détaillé, intéressant d'un point de vue historique, mais un peu indigeste au fil des pages.

Jünger est blessé à de nombreuses reprises, retourne chaque fois déterminé au combat mais la lassitude finira par s'emparer de lui à la fin, au moment où la victoire allemande perd de son évidence.

On ressent d'ailleurs une certaine admiration voir sympathie pour les Anglais.

Ses conditions de vie - bien que le risque de mort soit identique - sont meilleures que celles d'un simple soldat. Mais l'horreur de la guerre, des corps mutilés, le vacarme des bombardements - malgré quelques éclaircies - sont omniprésents.

Cependant il ne s'en plaint pas. Le courage et le sens de l'honneur ne sont pas de vains mots. La guerre appartient aux combattants de l'avant. Une volonté de dépassement de soi l'anime. Il a reçu la Croix pour le Mérite.

Un beau texte, qui malgré un certain enthousiasme, nous renvoie finalement une fois encore à l'absurdité fondamentale de cette destruction programmée que constitue la guerre.
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Voyage Atlantique

Ernst Jünger s'embarque d'abord dans "Printemps D'Ile" pour un voyage en Méditerranée. Il fait plusieurs escales, et séjourne à Rhodes. Il s'intéresse à l'histoire, à l'architecture, au quotidien des gens rencontrés, mais aussi lors de ses nombreuses promenades à ses "chasses subtiles", celles qui concernent une fleur ou un insecte qu'il observe et décrit avec minutie et poésie. Il en contemple les formes et les couleurs comme si la nature eût été pour lui un spectacle dont il tente de révéler les plans, la force vitale et la part de spiritualité.

Dans "La coquille D'Or" il visite la Sicile.

Il passe deux mois sur la côte dalmate.

Dans "Voyage Atlantique" il accoste au Brésil et découvre l'exubérance et les dangers d'une nature tropicale, avec une fois encore son très grand sens de l'observation et tous ses sens éveillés.

Dans "Myrdun'' il change de latitude en se rendant en Norvège où il accompagne son Hôte qui est à la fois médecin et pêcheur. Il y découvre une mélancolie et une solitude caractéristiques de régions isolées et sauvages.

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Carnet de guerre 1914-1918

Avoir 20 ans et faire son paquetage...

Quand je regarde mes fils, que je les imagine préparer quelques loisirs high tech dans un sac à dos, l'espace-temps disparait et se vrille entre deux mères à un siècle d'écart.



Ernst Jünger s'engage volontaire à 19 ans, porté par le romantisme d'un héroïsme, au décor de médailles et d'honneurs. Rapidement rattrapé par la réalité la plus crue, il est un écrivain-combattant, officier d'élite, envoyant valser dans ses Carnets de Guerre l'idéalisme des premiers jours.

Il est le double d'un Genevoix, d'un Cendras, ou d'autres combattants de l'autre coté de la tranchée, faisant l'expérience de la mitraille, de la boue et des rats.



Les carnets, publiés tardivement sont un instantané brut, authentique dans la spontanéité d'écriture.

Le combattant y est un minuscule rouage sans vision d'ensemble du conflit, parfois grisé par la compétence "sportive" des combats, participant à des beuveries soldatesques pour tenir, subissant les pulsions d'homme jeune aux conséquences inavouables. Le matériau littéraire est brut, factuel, et constitue en une quinzaine de carnets, la documentation dans laquelle l'auteur puise pour "Orages d'acier", publié en 1920.



J'ai lu par étapes cette traduction, m'autorisant des "respirations" plus ou moins longues dans ma lecture. Le quotidien du soldat y est ce que ce centenaire de la Grande Guerre éclaire avec force: une incongruité effrayante.
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Sur les falaises de marbre

Toutes les œuvres de l’essayiste et de l’écrivain allemand témoignent de multiples retournements intellectuels qui ne sont pas dus à quelque opportunisme, mais bien à une pensée vivante, attentive aux évènements, et soucieuse d’entrevoir le destin à l’échelle historique : « Sur les falaises de marbre » n’y échappe pas !

L’histoire se situe dans un pays utopique avec des contrées et des lieux qui sortent tout droit de l’imagination d’Ernst Jünger.



Le narrateur (anonyme) et son frère Othon, deux anciens officiers, se sont retirés à l’intérieur et au creux de hautes falaises situées sur les montagnes d’Alta-Plana. Perchés sur les hauteurs, les deux protagonistes y mènent, en compagnie d’un moine chrétien (incarnant de la tolérance, même) une vie paisible où les activités sont, essentiellement, la contemplation de la nature, la lecture et la méditation.

Cependant, la trame évènementielle de leur vie paisible sera perturbée par le Grand Forestier, (un Etat voisin où les hommes vivent en plein barbarie et où règnent, de surcroît, la tyrannie et les désordres politiques) qui cherche à accroître sa domination meurtrière et la terreur parmi leurs voisins plus policés et menacent, par la même occasion, la Marina, la terre natale des deux personnages principaux (une terre de vignobles où les citoyens vivent dans un grand épanouissement émotionnel et intellectuel) .

« Sur les falaises de marbre » est un roman allégorique sur la violence (les hordes du Grand forestier ne laisseront rien de la Marina, les combats finiront dans un bain de sangs et par un grand incendie) et c’est, également, un réquisitoire contre la barbarie (face à laquelle nos héros sont restés impuissants devant la dévastation de la Marina, leur terre d’adoption) d’un régime totalitaire personnifié, bien évidemment, par le Grand forestier.

En-deçà de la dichotomie des deux mondes: La Marina (symbolisant la quiétude, la tolérance, la vie !) s’opposant à l’Etat du Grand Forestier (représentant la violence, la barbarie, la mort !). Ernst Jünger, qui arrive à nous décrire la monstruosité des faits comme une grande précision chirurgicale. Son imagination s’y allie aussi, dans la description des paysages et l’utilisation d’un vocabulaire qui sont dans ce roman, tout particulièrement, poétiques ! Le tout dans une sorte d’intemporalité…



Un symbolisme cruel et violent, d’une sombre beauté, parfois proche de la manière de Julien Gracq, oppose sages et bourreaux. C’est un livre indispensable, tout comme « Orages d’acier » car il y a un grand intérêt historique et littéraire. Dommage que l’on ne consacre pas plus d’intérêt à cet auteur qui manque à être plus reconnu (donc lu) de nos jours.

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Orages d'acier

Jünger raconte sa guerre et décrit l'enfer de la Grande Guerre.

Ah, encore un livre de guerre !

Oui, mais c'est écrit par un esthète... une plume extra !

Et puis à travers ce récit autobiographique, se dessine une prise de conscience effroyable : l'homme en guerre est doublement broyé, par la violence inouïe de la mort et, pour la première fois dans notre histoire, par celle des machines.

L'auteur nous livre son parcours à travers les bois dévastés et les tranchées. Où est passée cette guerre "idéale" où les nobles sentiments justifient le sang versé ? Il n'y a hélas nulle grandeur, nul honneur dans ces combats hallucinants décrit par une plume précise et chirurgicale.

Et quand au terme de son récit, le soldat en vient au corps à corps, la barbarie est étourdissante. L'avancée dans les tranchées est proche de l'expérience visuelle du Débarquement filmée dans le Soldat Ryan. Voilà un témoignage important sur les ravages de la guerre et la barbarie de notre époque.

Scotché sur place.
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Orages d'acier

Ce livre fut le premier de mon été de lecture 2017.

Je me souviens que j'avais été saisi par le détachement avec lequel Jünger raconte son expérience ; il parvient à expliquer les sentiments qui l'envahisssaient au moment des assauts, mais sans tomber des un discours haineux envers ses ennemis. Si l'horreur du conflit est bien présente, cela ne constitue pas le fond du livre, on aborde plus la psychologie que le sang (omniprésent malgré tout...).


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Orages d'acier

Les jeunes élèves français apprennent que leurs compatriotes mobilisés en août 1914 sont partis au front 'la fleur au fusil', persuadés de revenir rapidement en vainqueurs. Dans ce 'journal de guerre' Ernst Jünger témoigne que les jeunes Allemands partirent dans le même état d'esprit.

Tous déchantèrent vite, en voyant leurs camarades tués à leurs côtés.



Le titre de ce récit autobiographique résume parfaitement son propos.

Balles, grenades, schrapnels (obus à balles inventé par Henry Shrapnel), et obus, firent partie de la vie des soldats affectés en première ligne.

Certains furent tués sur le coup ; les soldats grièvement blessés s'en sortaient rarement ; ceux qui furent plus légèrement touchés avaient une chance de survie s'ils ne restaient pas du mauvais côté de la ligne de front et échappaient aux complications médicales (gangrène) ; certains sombrèrent dans la folie.



L'auteur eut souvent de la chance, il fut blessé plusieurs fois mais n'en garda pas de séquelles majeures, et semble avoir conservé les idées claires, même si ses prises de risques répétées semblent a priori moins compréhensibles que la terreur qui s'emparait de beaucoup.

Jünger évoque peu sa peur, non qu'il veuille se montrer en héros, plutôt parce qu'elle semble s'être effacée dans le feu de l'action, sous le poids de la fatigue physique, ou derrière son engagement patriotique.



Ce témoignage est intéressant même si les nombreux récits de combats deviennent lassants à lire.

Il permet d'appréhender ce conflit autrement qu'à travers les chiffres de ses victimes. Il y eut durant la 'Grande guerre' plus de 9 millions de militaires tués (dont 2 millions d'Allemands représentant 15 % des mobilisé de ce pays, 1.8 millions de Russes, et 1.4 millions de Français - soit 18 % de ceux mobilisés), et plus de 8 millions de civils morts (hors les victimes de la grippe espagnole). Et les blessés, bien sûr...

Il montre aussi le conflit tel qu'il put être perçu du côté allemand.

Les français connaissent bien la bataille de Verdun, avec 53 millions d'obus tirés (plusieurs par mètre carré, mais près d' ¼ était défectueux), une "cote 304" rabotée à 297 mètres d'altitude, environ 135 000 soldats français et 140 000 allemands tués !

Ici, Jünger décrit des combats auxquels il a participé lors de la bataille de la Somme. En quelques mois, 200 000 soldats britanniques, 135 000 français, et 170 000 allemands y furent tués, et une portion de la ligne de front déplacée d'une dizaine de kilomètres vers l'est. Les historiens ne résument cependant pas le bilan de la bataille de la Somme à ces nombres de victimes et à cette faible conquête territoriale. En effet, cette bataille amena le commandement allemand à limiter son engagement à Verdun et à déclarer un blocus maritime qui s'avéra finalement contre-productif puisqu'il incita les américains à entrer dans le conflit.
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Visite à Godenholm - La Chasse au sanglier

Deux hommes assez différents, mais tous deux assoiffés de connaissance rendent visite , dans une île très au nord, à un savant fascinant. Après une longue et belle introduction à ce morceau de vie bien terrestre, Jünger nous invite à partager une expérience mystique et esthétique. Tous les sens participent à ce moment de révélation, dont la beauté répond aux questionnements intellectuels des participants.



C'est un livre très étrange, où beaucoup est dit sur la surface de la vie et sur des visions d'une puissance extraordinaire. Mais comme lecteur admiratif je n'ai pas pu suivre en profondeur ce qui pour les personnages est une révélation de l'essentiel.



Une courte nouvelle suit ce texte : au contraire bien ancrée dans la vie matérielle, elle raconte comment une partie de chasse peut marquer durablement un adolescent.



Les deux textes sont pour moi recommandables, comme tout ce que j'ai lu de Jünger, surtout par une qualité d'écriture qui m'impressionne. Peut-être aussi importants que ses premiers récits sur la guerre et son action politique, ils montrent des aspects annexes de ce formidable auteur.



On sait que Jünger a expérimenté les effets du LSD et d'autres produits hallucinogènes.
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Orages d'acier

Un livre surprenant, sans doute du fait de la distance qui nous sépare aujourd'hui de 14-18, mais aussi par le fond et la manière de cet « Orages d'acier ».



Surprenant car il y a dans ce récit peu de peur perceptible. Surprenant car le ton est froid, avec des descriptions sans émotion des déluges de balles et d'obus et des massacres, sauf vers la fin du livre où l'on sent l'épuisement et la folie qui guettent. Surprenante guerre pour nous par la proximité physique avec les soldats de l'autre camp, dans cette guerre en face à face.



Un livre qui crée aussi un malaise car Ernst Jünger, engagé volontaire à 19 ans, éprouve une fascination pour la guerre, ou tout au moins pour l'héroïsme du combat ; malgré les atrocités des combats, les amoncellements de cadavres, et malgré le nombre grandissant de soldats épuisés ne voulant plus aller au combat, surtout à partir de 1917. Une journée de victoire et de massacre en Novembre 1917 est encore qualifiée de prodigieuse.



Fascinant malgré tout par le courage et l'humanité de Jünger, qui n'a aucune animosité envers ceux d'en face, les soldats de l'autre camp – comme en témoignent ces scènes étonnantes de conversation avec des soldats anglais, par-dessus les tranchées, ou au moment de capturer des prisonniers.



Etonnants encore les moments de bonheur relatés dans ce livre ... telles ces journées de lecture dans l'abri des tranchées.



Quant à la fin, le livre ne contient pas un mot sur l'issue de la guerre.



Un récit qui permet en tous cas de ressentir le souffle des orages d'acier de 14-18.

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