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Critiques de Fiodor Dostoïevski (1694)
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Crime et Châtiment

Malgré le côté mélo de jeunes filles pauvres mais jolies, propres et instruites secourues par de riches veufs, j'ai bien aimé en arrière plan les scènes de tous les jours à Petersbourg, intéressé également par l'évocation d'unions libres et d'émancipation des femmes.



C'est aussi l'histoire du jeune désaxé Raskolnikov, étudiant en droit défendant la thèse que certaines personnes supérieures à la loi peuvent impunément faire couler le sang et en face de lui, le caustique juge d'instruction Porfiri Pètrovitch qui met une pression à rendre fou le criminel, voir le lecteur lui-même!



Un peu longuet, j'ai préféré Anna Karénine.
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Le Double

Ce n'est pas un vaudeville ou une des histoires inspirées de la mythologie grecque. Parmi lesquelles on trouverait Zeus qui, après une de ses promesses de fidélité à Hera, prendrait l'apparence d'Amphitryon, et deviendrait son sosie... pour coucher avec sa femme.



Pas non plus une histoire de jumeaux puisque Goliadkine n'en a pas. C'est plutôt une histoire qui allie la bizarrerie du réel et, peut-être, la folie du héros.



Le personnage principal s'appelle donc Goliadkine et n'a rien d'un héros. Il est un modeste fonctionnaire sans ambition affichée qui travaille à Saint Petersbourg, non loin de la Perspective Nevski.



Il connaît l'anxiété quotidienne de faire un faux pas et de décevoir son directeur Filippovitch ou pire, son Excellence.

Pourtant, un jour, il se réveille et décide la chose extraordinaire d'employer une bonne partie de ses économies à s'acheter de beaux vêtements et faire des tours de carrosses de luxe pour commander dans les plus grands magasins.

Et c'est là qu'il croise son chef étonné et se la joue en saluant à peine et c'est là qu'il arrive à se convaincre qu'il peut être quelqu'un d'autre: "je suis mon portrait craché mais ce n'est pas moi!".



Mais le doute s'installe quand le double s'installe.



Toute le savoir-faire du jeune Dostoïevski -25 ans à l'époque- est de nous embarquer dans une histoire aux apparences fantastiques avec un style déjà reconnaissable entre tous, heurté et obsessionnel.



Ce roman de Dostoïevski n'est pas au niveau de ses chef d'oeuvre que sont "Les frères Karamazov" et "Crime et châtiment" mais tout de même! A 25 ans, cet auteur a déjà tout: un style, une histoire et un scénario à suspense.

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Les nuits blanches

« C'était une nuit merveilleuse, une de ces nuits qui ne sauraient exister que lorsque vous êtes jeune. Le ciel était si clair, si étoilé qu’en le regardant, on se demandait involontairement : Peut-il vraiment exister des méchants sous un tel ciel. »



Voilà, c’est pour ça que j’aime Dostoïevski, pour lire de telles phrases où les mots simples s’ajoutant les uns aux autres se répondent comme les instruments d’une incroyable symphonie.



J’ai été tellement éblouie par cette histoire belle par sa simplicité que je referme ce livre avec une immense nostalgie, celle des brèves rencontres, des confidences trop vite échangées, trop vite oubliées.

Lorsque l’union entre deux êtres est tellement intense que l’on se surprend à espérer que le temps s’arrête.









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Les nuits blanches

Moi aussi j’aime me promener seule, à mon rythme, rêvasser, flâner dans les rues calmes de Paris. Seul moyen pour voir les bâtiments, leurs couleurs, leur architecture et les petits trucs qui font toute la différence. Un rayon de soleil qui luit sur une cheminée argent, une petite tour dont on ne sait pourquoi elle sort du toit à cet endroit sauf peut être pour saluer la girouette sur la crête d’en face ou même sourire à la vieille pendule qui n’a plus d’aiguilles. Ils peuplent ma solitude. Je peux même me parler et partir dans mes rêves avec le décor que j’organise suivant mon humeur, en fonction de ce qui se trouve autour de moi. Je le comprenais d’autant mieux, ce doux rêveur de Saint-Pétersbourg que j’aime également être dans la lune, la voir alors que la nuit n’est pas tombée, même si ces derniers temps les jours sont encore bien courts.

Fatiguée des pieds, je me pose alors sur un banc, entre deux crottes de pigeons -Paris oblige- et je regarde les passants. Quel plaisir de croiser cet homme, voilà plusieurs jours que je le voie attendre dans ce square. Une femme, sans doute. Une rencontre inespérée ? ...il doit maudire le temps qui passe si lentement. Il sort parfois de sa poche une lettre, la parcourt des yeux puis la froisse dans un geste de colère et l’enfouit dans le fond de la poche de sa gabardine et relève son col. Cela fait déjà trois jours que je le voie ici. Oh, il reste encore une quatrième nuit à attendre et je suis certaine que demain elle viendra. Nastenka. Comment je le sais ? Je rêve ne vous l’avais-je pas dit ? Mes nuits blanches me valent quelques merveilleux rêves éveillés. Mais en attendant que son merveilleux advienne, cet homme pourrait changer d’avis ? Qui sait, ne suis-je pas assise, face à lui ? Un éclair et il pourrait m’aimer ? Oublier l’autre ? Tout est possible… Oh il me regarde ! « Mon Dieu ! tout un instant de bonheur ! N’est-ce pas assez pour toute une vie ? » Il m’a aimée ...gui sait...
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Crime et châtiment, tome 1

Dans cette première partie, Raskolnikov, un ancien étudiant traverse une crise énorme de personnalité due à sa situation actuelle. Contraint d’arrêter ses études par manque de moyen, menacé par sa logeuse d’être mis à la porte par le cumul des dettes du loyer, Raskolnikov est encore perturbé en apprenant le mariage prochain de sa sœur avec Loujime, il a une sœur et sa mère qui sont restées à la campagne, il comprend que c'est pour lui venir en aide que sa soeur va se donner à ce coquin de Loujime qu'il n'admire pas, ceci dit, il n'approuve pas le mariage....



Il faut qu'il trouve une solution à ses problèmes, voilà qu'il se retrouve dans un restaurant où il une idée du crime alors qu'elle jaillissait entre deux personnes qui était sur une autre tacle à côté de lui. Il se saisit de cette idée et avec pourtant le sang froid il l’accomplit. Donc il commet le crime en tuant la vieille, celle auprès de qui l'on fait gage de certains objets de valeur en échange d'un prêt...c'est la naissance du crime...



D'une écriture exquise, on suit les perturbations psychologiques de Raskolnikov avec beaucoup s'attachement, on se demande forcement dans quel état d'esprit l'auteur a écrit ce livre, il nous fait voyager non seulement dans les profondeurs d'un personnage mais aussi dans les profondeurs de l'homme notamment dans son âme où se bagarrent farouchement deux tendances celle d’accomplir le bien ou celle d'accomplir le mal comme dirait certains croyant la pensée de l'homme est le siège du combat entre dieu et satan...



Enfin, c'est avec grand plaisir qu'on veut vite retrouver le deuxième tome!
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Les Frères Karamazov

D'abord, je dois dire que j'ai lu ce livre plutôt naïvement. Je ne vais donc pas parler longuement de qualités littéraires et philosophiques indéniables ; mais surtout du plaisir personnel que j'ai pris à la lecture.



C'est donc l'histoire de la famille Karamazov. Il y a le père Fiodor, complètement débauché, qui a eu des enfants de plusieurs femmes différentes et ne s'en est jamais occupé ; Dimitri le débauché passionné avec des accès de lucidité ; Ivan l'intellectuel cynique qui ne parvient pas à être athée ; Aliocha le choupi attiré par la religion, qui tous ont hérité de lui un fond de sensualité ; aussi, peut-être un de ses domestiques qui serait son fils illégitime.



Au début, c'est principalement des querelles de famille, une présentation progressive et bien longue des personnages (la famille Karamazov, les femmes autour desquelles ils ont des triangles amoureux, quelques autres), de leurs relations. La façon dont les frères si différents, s'aiment quand même, est très touchante, et tous les personnages principaux sont très intéressants. Mais je dois reconnaître que c'est long. Il y a en particulier de très longues déclarations en mode profession de foi, des répliques qui prennent plusieurs chapitres. Moi j'aime bien - parce que clairement, il y a de la profondeur, chez les personnages comme chez l'auteur ! Les frères ont réussi à m'être tous sympathiques (pas le père, mais c'est fait exprès). Mais j'ai une petite préférence pour Ivan, je suis prévisible. Intellectuel, plus torturé qu'il en a l'air, vil corrupteur de la jeunesse et capable de faire un chapitre entier sur "petit frère, je vais te raconter le livre que je n'ai pas encore écrit mais j'y pense"... cela reste mon avis très personnel.



Et puis, au milieu du livre, éclate le coup de théâtre que tous les gens un peu cultivés savaient déjà, ainsi que les lecteurs qui se sont fait avoir et ont lu l'introduction (mais pas moi). Et pour le coup, l'histoire devient assez palpitante, et je voulais vraiment savoir, pas seulement qui c'était, j'avais une idée, mais pourquoi, et ce qui allait se passer. Pour le coup, même s'il est très bon aussi, l'arc mystique personnel d'Aliocha m'intéressait moins parce que je voulais la suite !



J'étais très satisfaite de la révélation sur ce qui s'est passé exactement. C'était émotionnellement, et - comment dire - philosophiquement très satisfaisant. Par contre, le tome, pour le reste, se termine un peu en queue de poisson, sans donner la résolution pour un plan important qui a été préparé, une maladie et plusieurs triangles amoureux. Et pourtant, malgré ce points que j'aurais considérés comme des défauts dans un autre livre, j'ai adoré.

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Souvenirs de la maison des morts (Les carne..

Voilà bien longtemps que je n'avais plus lu Dostoievski. Et pourtant je me suis immédiatement retrouvé en pays de connaissance.

Le récit est assez terrible. Sous un artifice littéraire qui ne trompe personne, le grand Fiodor raconte sa propre expérience de déportation au bagne en Sibérie. Nous sommes au milieu du 19e siècle (de 1849 à 1854 exactement) et à cette époque les conditions du bagne étaient effroyables. La raison de cette peine est la participation supposée à un complot contre le tsar. Dostoievski avait 28 ans.

Et il raconte.

Les fers, le marquage au front (auquel il échappe en tant que 'noble'), la nourriture infecte, les 'casernes' (baraquements) où les forçats dormaient côte à côte sur des bas-flancs, le travail forcé, les punitions corporelles qui conduisaient les condamnés aux portes de la mort, le major sadique, les séjours à l'hôpital qui apportent un peu de réconfort malgré les conditions d'hygiène épouvantables, les vols et les querelles incessantes, l'espoir et le désespoir.

Car au milieu de tout cela, Fiodor s'intéresse vraiment à ses co-détenus. Il tâche de connaître leur histoire, de comprendre leurs réactions, de sonder ce qui motive leurs attitudes. Au début, dit-il, il les voyait seulement comme des bêtes fauves, mais il a su découvrir en eux l'humanité recouverte par les déboires de la vie.

Et quel talent de conteur! Malgré le côté repoussant de ce qui est décrit, la lecture n'est jamais désagréable. Dostoievski semble posséder naturellement cette juste distance qui nous fait percevoir les personnages décrits sans sombrer avec eux dans l'abjection. Cela tient sans doute aussi su style d'écriture du 19e siècle, qui ne pratique pas l'immersion dans les réalités décrites, comme on le fera au 20e.

Je ne dirais pas que ce récit est bouleversant, mais il frappe avant tout par sa recherche d'humanité dans les lieux où elle semblait avoir disparu.

Et peut-être avons-nous là une constante de l'auteur qui se retrouvera dans les grands livres à venir.

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Crime et Châtiment

Ce roman me fait définitivement penser que la littérature russe est une des plus riches et une de celle qui me plait le plus, qu’elle a des caractéristiques bien à elle et qu’elle regorge de romans à lire au moins une fois dans sa vie, de ceux qui vous font sentir différent après les avoir terminés.



Raskolnikov est un personnage très complexe et un des plus difficile à cerner qu’il m’ait été donné de rencontrer. Tout au long du roman, ses errements à travers Saint-Pétersbourg ou son enfermement dans son logement font alterner nos impressions sur lui entre compassion et dureté à son égard. Tandis que ses paroles et actions à l’égard de ceux qui l’entourent nous font hésiter entre la folie et le génie. Mais finalement, n’est-ce pas tout simplement le comportement d’un homme désabusé ? En cela la plume de Dostoïevski rend très bien compte de la complexité de la psychologie de tous ses personnages.



Au-delà du destin individuel du héros, l’auteur dépeint toute une galerie de personnages secondaires qui permet au lecteur de s’immerger dans le quotidien de Saint-Pétersbourg au XIXème siècle et de se rendre compte des difficultés de la vie des classes populaires de l’époque. Les personnages sont variés, leurs personnalités fouillées mais tous sont empreints d’un esprit russe indissociable au roman, celui du destin auquel on ne peut échapper.



Cela faisait plusieurs années que je me disais qu’il faudrait un jour que je lise ce roman et il aurait probablement patienté dans ma PAL encore longtemps si je n’y avais pas été incitée par la proposition d’une lecture commune. Expérience très enrichissante qui m’a permis de confronter mon point de vue avec celui d’autres lectrices.

Je termine ainsi ce livre avec la satisfaction de l’avoir enfin lu, le sentiment agréable d’avoir pu prendre le temps d’analyser et de partager mes impressions tout en m’enrichissant de celles des autres et surtout en gardant l’impression d’avoir lu un roman intemporel et universel.
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Les Démons (Les Possédés)

Je ne sais pas si c'est le génie ou la complexité de ce roman qui m'a valu une année de lecture pour arriver jusqu'au bout, avec plusieurs pauses et plusieurs reprises! Dès les premières pages, la présentation dont l'auteur fait de son personnage principal nous promet qu'on aura affaire à une espèce d'héros purement antipathique, mais c'est au fur et à mesure qu'en avançant dans la lecture, qu'on comprend que toutes les faiblesses de ce personnage sont le fruit d'un monde totalement corrompu...

Un roman étourdissant! Ca vacille un peu partout, ça tangue dans tous les personnages, dans toutes les familles, on se perd bien souvent dans tous ces flux de situations. Les possédés, c'est l'image d'une Russie cisaillée, segmentée, morcelée tant sur le plan idéologique que su le plan politique, où les dessous présagent déjà l'éclatement de la révolution. Un livre qui se lit avec beaucoup d'attention! Véritable chef-d'œuvre du XIXe Siècle, on sort de là avec une tête engorgée, trop de philosophies, de croyances, de doctrines, on assiste à une confrontation des intelligences!
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Le crocodile

S'il y a bien un domaine dans lequel je ne m'attendais pas à croiser Fedor Mikhaïlovitch Dostoïevski, c'est bien celui de l'absurde et du burlesque ! Là où je suis accoutumée à voir briller Gogol, j'ai donc été surprise de découvrir l'auteur de "Crime et châtiment" et ce n'est sans doute pas un hasard si en lisant cette incroyable (et improbable) histoire de fonctionnaire vivant dans un crocodile, j'ai très souvent songé au "Journal d'un fou" dudit Gogol.



Oui, oui, vous avez bien lu, ce récit nous narre comment un fonctionnaire, Ivan Matveïtch - venu avec sa femme et un ami assouvir sa curiosité au spectacle d'un énorme crocodile (ça change des ours) produit en plein Petersbourg - est dévoré par le saurien et s'installe confortablement dans les entrailles du monstre. Aux cris de la foule, de sa femme, de l'ami et du propriétaire du crocodile, répond la calme résignation d'Ivan Matveïtch qui voit dans cette circonstance une heureuse opportunité de booster sa carrière, d'une part par le sensationnel de la chose, et d'autre part par l'étude approfondie qu'il peut ainsi mener sur la gent reptilienne.



Vous aurez compris que Dostoïevski se sert de cette farce pour disséquer non pas le crocodile mais la nature humaine, pointant du doigt ses nombreuses contradictions, son ridicule, sa vanité et son égoïsme. Les réactions qui découlent de cette situation atypique ont de quoi surprendre le lecteur et heurter le bon sens. De sa plume exceptionnelle, Dostoïevski brosse notamment un tableau cynique de l'administration et de la vénalité.



Même si ce court récit - resté inachevé - ne manque ni de mordant ni d'originalité, mon intérêt n'y aura pas complètement adhéré.





Challenge XIXème siècle 2017

Challenge Petit Bac 2016 - 2017

Challenge MULTI-DÉFIS 2017
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Le Double

Vertigineux. Ce livre est vertigineux.

Il commence dans le Pétersbourg de la Russie impériale avec cet incipit prometteur : « Il était tout près de huit heures quand Jacob Piètrovitch Goliadkine, conseiller titulaire, sortit d’un long sommeil, bâilla, s’étira, se décida enfin à ouvrir tout à fait les yeux. ». Une narration classique bien assise par un narrateur invisible apparemment au fait du récit qu’il veut nous conter. Bien.

Mis en confiance par ces premières lignes, le lecteur suit avec un intérêt plein de bienveillance l’affairement de Goliadkine. Ce dernier finit de s’ébrouer, se regarde dans un miroir pour n’y trouver qu’une image « si insignifiante en elle-même qu’elle n’avait de quoi arrêter au premier regard l’attention de personne ». Puis on apprend qu’il a loué pour la journée un splendide coupé bleu ciel ainsi qu’une livrée pour son domestique. Quelque chose de grand se prépare.

Allons-y pour la satire des mœurs bureaucratique sous l’empire, pourrions-nous nous dire. Il y aura assurément des scènes de saouleries humiliantes, des réconciliations émues et peut-être un duel ou un pari d’argent. Apprêtons-nous aussi à rire du ridicule de ce pauvre homme au physique ingrat et aux ambitions sans doute d’autant plus grotesques.

Si ce n’était que cela...

Car très vite, on perd tout surplomb ricanant. Certes, il y a des côtés farce dans ce qui arrive à Goliadkine. Les scènes avec son domestique ont à voir avec les tirades d’un maître à son valet rusé. Ses amours entre l’idéale Clara et l’obscure logeuse allemande sont celles d’un vieux barbon sur le retour. Et heureusement qu’il y a ces quelques courtes respirations comiques.

Pour le reste, impossible de garder le pied sur quelque chose de stable. Impossible aussi de vous expliquer ce qui se passe dans ce roman. Goliadkine fait beaucoup d’allées et venues. Loue des voitures, rencontre des gens. Il se rend sur son lieu de travail. Dépense beaucoup d’argent. S’entremet avec quelques-uns de ses collègues. Il soupire auprès de Clara aussi. Un peu.

Et partout, avec lui, s’infiltre, tantôt enjôleur, tantôt grimaçant, tour à tour humble et méprisant son double exact. C’est-à-dire un personnage qui porte le même nom que lui, qui parvient par des moyens obscurs mais imparables à pénétrer les mêmes cercles. Et qui n’en est pas lui pour autant. Le lecteur en veut pour preuve que les autres personnages du roman voient bien deux Goliadkine tout comme Goliadkine lui-même. Et trouvent cela tout à fait normal.

Ce Goliadkine le jeune, l’autre donc, a tout du djinn malfaisant, de l’émanation d’un cerveau agité. Mais sur la foi du narrateur imperturbable et des autres personnages qui en cautionnent la présence, que faut-il croire ? Nos prémonitions de lecteur averti ou la vraisemblance romanesque qu’assoit l’assurance de la narration ?

A mesure que l’on avance, il est de plus en plus difficile de se repérer. C’est que notre Jacob Piètrovitch est lui-même assez perdu. Il ne cesse de tourner et de virer, de trouver essentiel avec la dernière énergie ce qu’il mettra la même fougue à combattre l’instant d’après. D’aller ici ou de repartir là-bas. De dire ou de taire.

Autour de lui, on se rit, on se gausse. Peu à peu, de personnage falot et inexistant, Goliadkine va devenir, si l’on en croit ce que nous en dit le narrateur omniscient au moins, l’objet de toutes les attentions, de toutes les moqueries. Partout, on ne regarde que lui. Partout on devine sa honte et son embarras.

Avec une grandeur d’âme exemplaire, notre héros va tenter de s’expliquer, d’être chevaleresque. Il va poursuivre tel ou tel haut fonctionnaire dont il estime la considération et se perdre devant lui en obscures justifications à propos de « ceci ou cela ». Réalisant soudain à quel point il se noie, il se répand alors dans de lourdes larmes émues, incapable de réparer ce qu’il ne comprend même pas avoir commis. Et tout cela sous le regard de son double hilare. Alors on repart pour une nuit agitée, une lettre écrite ou reçue, une justification alambiquée, une autre course dans Pétersbourg gelée.

Et nous, lecteurs, nous sommes ballotés. Nous sommes dans la tête de Goliadkine, nous vivons chacun de ses émois, de ses frayeurs. Nous frissonnons avec lui à chacune des trahisons qu’il ressent si intimement. Et puis, tout de même, nous ne pouvons porter crédit à tout cela. Nous voyons bien qu’il s’agit d’un délire. D’une remarquable peinture de ce que Freud appellera des années après la psychose paranoïaque. Pourtant nous en sommes aussi, la narration nous englue dans ce discours et nous souffrons d’être Goliadkine, d’être son double parfois aussi. Emportés par la grandiloquence de l’âme russe, par la bêtise d’une bureaucratie n’ayant d’autre fonction que de s’entretenir elle-même, nous rageons dans le froid et la neige. Nous grelottons de désespoir.

Ce serait un roman fantastique si l’on croyait à l’hypothèse du double venu d’un autre monde. Ce serait un cas clinique d’une précision exemplaire si l’exergue ne l’appelait pas « poème pétersbourgeois ». Ce serait une satire sociale si la folie ne rodait pas.

On ne peut renoncer à aucune de ces lectures et pas une pourtant n’épuise ce roman. Plus grave peut-être, la douleur et la confusion du personnage résonnent avec tant d’acuité qu’on ne peut rester sur le bord à seulement admirer le talent littéraire qui sait nous les restituer. Seul quelqu’un fréquentant intimement ces contrées peut nous les peindre ainsi. Et si nous y sommes si sensibles, n’est-ce pas alors qu’elles nous rappellent quelque paysage connu à nous aussi ? Voilà qu’à nouveau, nous glissons.

Vertigineux !

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Le Joueur

Premier roman que je lis de ce célèbre écrivain russe dont je n'avais, lors de mes études, lu que des extraits. J'ai choisi ce roman, car d'après mes quelques recherches à l'occasion du bicentenaire de sa naissance, il s'agit de son texte le plus autobiographique et ce roman marque un tournant dans son œuvre, annonçant les grands récits qui marqueront la littérature.

Cette lecture fut un réel plaisir et me donne envie de découvrir d'autres romans de ce géant de littérature russe. On y trouve dans un style à la fois intelligent et malicieux des personnages d'une rare profondeur et plein de surprises. De plus, est traitée de manière très habile, l'addiction au jeu.

Un roman que je conseille tant il est accessible à ceux, qui comme moi auraient envie de lire Dostoïevski.
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Crime et Châtiment

Il arrive parfois qu'une rencontre tant attendue ne se déroule pas comme escompté... l'une des deux parties est peut-être dans un mauvais jour, ou bien les deux ne se comprennent pas à ce moment-là, trop de malentendus, d'impatience... et c'est plutôt déprimant quand ça arrive, surtout quand cette rencontre reste exceptionnelle (celle avec un auteur qu'on adore par exemple).

C'est ce qu'on qui m'est arrivé avec ce roman, mais heureusement, j'aurai tout le loisir de le relire un jour!

Je connais en partie les raisons de cette rencontre ratée, trop longues à expliquer et sans intérêt ici. Le résultat est que je ne suis pas parvenue à me lier ni à Raskolnikov ni à Sonia ni aux autres personnages, à part peut-être à Razoumikhine et Dounia, sans doute parce qu'ils étaient les seuls à rester calmes au milieu de ce que j'ai vécu comme une averse de gémissements et de cris de désespoir (mais gardez en tête que ma lecture est restée en surface).

Vu tous les commentaires, les critiques, et le résumé du livre, il n'y a aucun doute qu'il aurait dû me plaire voire me captiver, mais voilà... rencontre ratée je vous dis et j'en suis la première frustrée et pourtant, j'aime beaucoup l'auteur, et je garde un souvenir éblouissant des Frères Karamazov.

Tant pis!







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Souvenirs de la maison des morts (Les carne..

Bienvenue dans l'univers carcéral russe du XIXème siècle !



Certes c'est un livre pas franchement, franchement feel good. Mais bon c'est peut-être aussi le moment idéal de le lire, entre les vacances insouciantes et les jours trop courts trop gris, la Toussaint et les réveillons ...



Lecture difficile mais nécessaire. Dostoïevski est un excellent observateur et nous décrit parfaitement ses compagnons de bagne, tant sur le plan physique que sur le plan psychologique, leurs conditions de vie et les travaux forcés. Il nous parle des coups de verge et autres punitions corporelles, des chaines portées pendant cinq ou dix ans, de la corruption des gardiens, des vols entre détenus et des trafics en tout genre dans le camp, de la malnutrition, du manque d'hygiène (épisode mémorable de la chemise de nuit qui passe de malade en malade à l'hôpital du camp, sans jamais être lessivée, accumulant sueur et autres sécrétions corporelles – pour rester décente). Mais aussi il évoque les moments plus légers, comme la représentation de théâtre au moment des fêtes, moment privilégié où « on avait permis à ces pauvres gens de vivre, ne fût-ce que quelques instants, à leur guise, de s'amuser, de passer une heure autrement qu'en galériens – et ces brèves minutes les avaient moralement transfigurés ». Ou encore le très touchant partage des croissants donnés en aumône par les habitants du village.



C'est un témoignage historique aussi, bien sûr. Mais surtout une expérience grandeur nature de sociologie et de psychologie. Dostoïevski décrit admirablement le crétinisme des petits chefs qui appliquent le règlement à la lettre, la perversion de certains individus qui s'enivrent de leur pouvoir de vie ou de mort sur les bagnards. Mais surtout je trouve qu'il parle excessivement bien de la misère morale des hommes voués à effectuer une tâche qui n'a pas de sens, de la soif insensée parfois de liberté que chacun de nous porte au plus profond de ses entrailles, du pouvoir effrayant de l'argent dans ces lieux où il permet d'acheter un semblant de liberté, celle de le dépenser comme bon nous semble. Et il rappelle fort justement que « aucun homme ne peut vivre sans un but qu'il s'efforce d'atteindre ; s'il n'a plus ni but ni espoir, sa détresse fait de lui un monstre ».



Un livre essentiel. Pour essayer de comprendre l'Homme. Et méditer sur notre époque.
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Les frères Karamazov, tome 1

Le talent de conteur de Dostoïevski façonne une oeuvre exceptionnelle au style poétique et magnétique. La magie opère dès les premiers chapitres grâce à l'omniscience de l'auteur. Le récit est composé essentiellement de langage parlé mais respecte parfois la structure d'une pièce de théâtre. 

On trouvera dans cette saga familiale absolument tous les ingrédients nécessaires à l'aboutissement d'une grande oeuvre : meurtre, religion, histoires d'amour, problèmes de société, philosophie et beaucoup d'humanité.

Les personnages ont tous une grande profondeur et même les mal-aimés suscitent de l'intérêt à cause de leur belle densité fictionnelle. La condition humaine y est disséquée avec habileté. L'auteur dénonce la condition du peuple russe, épuisé par le travail et le malheur et victime de l'injustice perpétuelle. Dostoïevski est également visionnaire lorsqu' il aborde les comportements futurs des hommes par rapport aux dictateurs, les théories politiques du communisme au nazisme, de la société de consommation et de ses frustrations, ainsi que de la perte de spiritualité, etc.



On ne peut que succomber à ce grand classique hors du temps et pourtant terriblement actuel. Sans doute une de plus grandes oeuvres de Dostoïevski.





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La Douce (Une femme douce - La timide)

Veillant sur le cadavre de son épouse qui vient de se suicider, le mari raconte l’histoire de leur rencontre. Prêteur sur gage, notre homme a l’habitude des gens qui viennent le voir avec beaucoup, énormément d’humilité et de déférence ; aussi, la jeune fille qui vient régulièrement lui apporter des objets la tête encore haute l’intrigue. Fort de sa position, il n’hésite d’ailleurs pas à punir ces accès de fierté en lui faisant sentir la différence de leur situation respective.



Quand il apprend que cette femme est sur le point d’être donnée en mariage à un marchand par la famille qui cherche à se débarrasser d’elle, il n’hésite pas une seconde et fait une proposition plus avantageuse pour remporter sa main.



Le voici aux anges, persuadé d’être honoré par une épouse reconnaissante d’avoir été tirée de la boue, et respecté par le voisinage pour avoir fait une aussi belle bonne action. Seulement voilà, on peut acheter un corps, mais pas un esprit ; tout ce que le nouveau marié récolte, c’est du mépris, qui se mue en haine au fil des discrètes piqûres de rappel sur la situation passée. S’ensuit alors une spirale infernale faite de menaces sourdes et de coups humiliants sur les points sensibles des deux époux.



Quinze jours après avoir refermé cette courte nouvelle, je reste surpris de la violence de mes propres sentiments envers cet homme, qui, sur le papier, ne semble pas particulièrement dangereux. Mais Dostoïevki a un don certain pour peindre ses personnages, et dans cette nouvelle, pour extraire toute la cruauté qui peuvent se cacher dans des remarques a priori anodines. Les dernières pages viennent adoucir un peu le portrait de l’époux, mais bien trop tard pour que je puisse changer d’opinion à son sujet.



En terminant ces 80 pages de pur plaisir littéraire, je me demande ce qui m’a pris de délaisser la littérature russe depuis aussi longtemps !
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Le rêve d'un homme ridicule

Wouch ! Je crois que pour mon premier auteur russe (et oui, c'est la honte...), et pour mon premier Dostoievski, j'ai choisi le bon. le très bon, même !

Je l'ai commencé hier soir, alors que j'étais moi-même un peu cuite (C'est très ponctuel, je vous rassure, un motard alcoolo est un motard mort. La raison en étant comme qui dirait un besoin de "déconnecter" suite à de menus soucis de début de semaine qui ne m'intéressent plus du tout aujourd'hui...). le livre était à côté de moi et je l'ai attrapé.

La première page est étrange. Et j'ai tourné pour lire la seconde... Et ainsi de suite jusqu'à plus de 30 pages... Halluciné et Hallucinant voyage que de lire ce bouquin en étant soi-même un peu parti, c'est une étrange expérience.

Je pense que le nouveau traducteur, qui n'a pas cherché semble-t-il à "améliorer" quoi que ce soit du style ou de la façon d'écrire, rend exactement l'espèce de délire qui précède "le rêve".

Or, pour qui l'a vécu, cette sensation de "nonsense" est vraiment très réaliste. Alors oui c'est halluciné, mais en fait, non. Je ne suis pas claire, je sais. Mais pour moi, Dostoïevski a clairement vécu tout ce qu'il a écrit dans cette nouvelle, du moins ce qu'il se passe avant le rêve.

Après, le rêve mystique, en lui-même, redevient assez classique, et m'a moins touchée, même après l'avoir relu "à jeun" ce matin... le "paradis perdu", ma foi, ça me laisse assez froide, car je sais combien l'être humain peut être moche, au fond, et je ne crois pas une seconde qu'on pourrait échapper à la société qu'on a construit depuis des millénaires. Les cultures vont et viennent, mais à la base, c'est toujours la même rengaine, la loi du plus fort qui écrabouille et esclavagise les plus faibles.

Mais c'est une belle nouvelle, le rêve d'un homme ridicule, ridicule d'y croire, ridicule de vouloir ce monde-là, ridicule de rêver de coopération et non de compétition.

Je sais que je suis une femme ridicule... mais, contrairement au personnage du livre, je n'ai aucun espoir, je n'y crois pas une seconde.

Bref, j'ai un beau coup de coeur pour ce très court Dostoïevski, idéal pour découvrir l'auteur, ce qui était mon cas... ça donne envie de lire autre chose de lui !



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Les Frères Karamazov

Je reste les bras ballants, devant l'immensité du talent de Monsieur Dostoievsky !

Plus de 800 pages version La Pléiade, maîtrisées à la perfection !

La profondeur de l'analyse psychologique, la narration, logique, imparable, ... je reste scotchée ! Comment pouvait-on si bien comprendre l'humain, son fonctionnement psychologique, dans la Russie du XIXème siècle ?! On retrouve bien sûr les personnages excessifs dans leurs passions, chers à Dostoievsky, les question mêlant religion et philosophie, la description de la vie quotidienne dans la Russie profonde de l'époque, le frémissement historique qui commence à se faire sentir...

Mon seul petit bémol concernerait la traduction : disposant d'un exemplaire de la Pléiade, je m'attendais à une traduction de haut vol, or, j'ai été déçue, certaines tournures "sentaient" le russe, des termes paraissaient anachroniques, désuets... mais peut-être est-ce simplement dû à l'ancienneté de la traduction dont je dispose...

Concernant Les Frères Karamazov eux-mêmes, la seule chose qui m'a un peu "chiffonnée" était la manière dont les enfants s'exprimaient, trop littéraire et non naturelle. mais ceci est un petit détail qui se perd dans l'immensité de ce chef d'oeuvre que nous a offert Dostoievsky !

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Le crocodile

Et, déjà en 1865, Dostoievski de dénoncer les excès du capitalisme.



En prenant deux tickets pour aller voir un crocodile, propriété d'un couple d'Allemands en tournée à Saint Petersbourg, Ivan et Elena ne se doutent pas des conséquences de cette rencontre.

A la fois absorbés par la bête, au sens figuré, mais aussi au sens propre pour l'un d'eux.

Mais pas dévoré, simplement un peu à l'étroit, bien entier, dans une enveloppe de chair presque accueillante. Ivan se retrouve en symbiose avec le monstre.



Faut-il éventrer la bête pour qu'Elena retrouve son mari maladroit et l'état, ce fonctionnaire imprudent?



Dans ce cas, le propriétaire du crocodile ne peut-il pas faire valoir ses droits à la propriété et surtout garantir ses revenus?



Ces questions auront leurs réponses dans ce qu'il faut appeler une fable où l'absurde règne et masque une attaque cinglante, non seulement contre le libéralisme mais aussi contre une certaine administration.



J'ai apprécié la concision du propos. Sans être vraiment emporté par l'humour de la situation, j'ai surtout goûté cette fable pour le fond politique allié au courage de Dostoievski, quand on sait que ce genre de propos pouvait déplaire et faire gagner un voyage en Sibérie à son auteur.
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La Douce (Une femme douce - La timide)

La nouvelle date de 1876. Elle est parue à l'époque dans la revue "Le journal d'un écrivain" dont le rédacteur unique est Dostoïevski. Elle s'inspire d'un fait divers.

Le narrateur est un prêteur sur gage. Sa jeune femme vient de se suicider. Elle est étendue sur une table, ainsi que le veut la tradition orthodoxe. Dostoïevski nous indique lui-même avant le récit que le narrateur est en plein désarroi. Il passe d'une pièce à l'autre à la recherche d'une "élucidation". Il se met à parler tout seul, se remémore sa vie, leur rencontre, leur mariage, avec des à coups, d'une manière embrouillée.



C'est une nouvelle remarquable; une introspection, criante de vérité. Un récit où l' on ne s'ennuie pas. Il n'y a pas de pleurnicheries. Je trouve la nouvelle résolument intemporelle ( le suicide, l'incommunicabilité, la solitude des êtres) et plutôt féministe. On comprend les deux êtres mais on plaint cette douce jeune femme que son mari n'a pas su prendre dans ses bras.

Lu dans la traduction de Michel Tessier, 2017 ( blog Mediapart).

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