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Critiques de Fiodor Dostoïevski (1682)
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Nétotchka Nezvanova

"C'était l'homme le plus étrange et le plus délicieux que j'aie jamais connu. Son influence sur mes premières impressions d'enfant a été si forte qu'elle a marqué de son empreinte toute ma vie".C'est avec ces mots que la narratrice nous débute l'histoire d' Efimov, son beau-père,violoniste de son état. S'attendant à un homme assez exceptionnel.....on se retrouve face à une sorte de Thersite, un naufragé.

La narratrice c'est Niétotchka , enfant précoce, -l'homonyme de la Niétotchka du dernier livre de Marina Stepnova, grâce à laquelle j'ai rencontré celle-ci-. Ayant perdue son propre père à deux ans,elle passera les quelques années suivantes avec ce beau-père,qu'elle croyait son pére.Malgré la misére, la mésentente forte des parents, le pére sans travail et ivrogne, l'enfant aime cet homme et s'y attache .....mais le destin lui réserve deux autres foyers dont dans le premier son chemin croise celle d'une autre petite fille, et là les choses se compliquent un peu pour y pouvoir donner un nom .....et dans le deuxième, les livres et un secret.

Mon personnage préféré du roman est Falstaff,le bouledogue, le personnage phare de l'histoire, ("Elle supporta hardiment le regard terrible du bouledogue furieux et ne tressaillit pas devant sa gueule épouvantable. Il se dressa ; de sa poitrine velue sortit un grognement effroyable ; encore un moment et il allait s'élancer. Mais Catherine posa fièrement sur lui sa petite main, et, par trois fois, triomphalement, le caressa sur le dos. le bouledogue eut un moment d'hésitation. Cet instant fut le plus effrayant. Soudain il se leva lourdement, s'étira et, pensant probablement qu'il n'était pas digne de lui d'avoir affaire à des enfants, il sortit tranquillement de la chambre".).Je plaisante bien sûr, mais c'est le seul qui éclaire ce roman pâle ( adjectif omniprésent dans le texte) ,et où les larmes coulent à flot. Mais c'est du Dostoïevski , même la morosité se lit avec plaisir.

Ce livre est son premier roman, resté inachevé dû à sa déportation en Sibérie.

Même inachevé, construit en trois parties assez abouties entre elles, il est intéressant à lire, bien que ce ne soit pas un de mes préférés de lui.
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Crime et Châtiment

Une relecture faite dans le cadre du challenge MULTI-DEFI 2021 avec Christine, Carole, Manuela et Marie! Merci à elles d'avoir choisit ce roman dont la relecture m'a permis de mieux cerner la complexité du personnage de Raskolnikov! Ca a été un réel moment de dégustation mais je garde ma critique de 2014!



Un véritable coup de coeur! Su point de vue de la structure, de la pure folie qui accompagne chaque fait, chaque personnage, ce roman est un chef-d'oeuvre! Il nous offre un voyage initiatique où l'on s'en va chercher l'homme dans son propre moi, un voyage psychologique où chaque personnage trimbale lourdement sa folie...



Dostoïevski nous plonge pleinement dans la société russe du XIXe Siècle où se mêle la vie de campagne à celle de la ville, où l'instruction et la justice sont des moteurs importants pour cette société. On sillonne la vie estudiantine de cette époque où seuls des étudiants faisant partie de la bourgeoisie avaient plus de chance de parvenir dans leurs études. La justice aussi n'est qu'un moyen par lequel que la classe bourgeoise se sert pour anéantir de plus bel la basse classe d'où la révolte de Raskolnikov qui, bien qu'entaché lui-même d'un sérieux crime, reproche à la justice et à la société de se focaliser sur des petits crimes des petit individus, alors que des grands crimes ou des crimes de masses sont simplement enregistrés comme des actes héroïques...



Raskolnikov est un pauvre étudiant vivant à Pétersbourg où il est contraint d'abandonner ses études par manque de moyens mais il perd la tête lorsqu'il apprend le mariage prochain de sa soeur avec Loujine, sachant que sa soeur s'y engage pour lui venir en aide alors qu'il estime que Loujime n'est pas crédible à ses yeux...Il doit lui même apporter les solutions à ses problèmes....Il décide de commettre un crime...



Raskolnikov, après avoir tué à coup de hache la vieille préteuse d'objets de valeur et sa soeur pour pouvoir les voler, après avoir bien maquillé son crime, il devient paranoïaque, il accomplit un sérieux voyage vers sa propre conscience, ce qui est pire que la torture judiciaire...



En effet le livre nous tient en haleine dans cette conduite psychologique que nous propose l'auteur de son personnage. Dans la première partie, on suit Raskolnikov dans ses positions jusqu'à l'accomplissement de son crime, et dans la deuxième partie, on s'attend à le voir être châtié par la justice...non le plus grand châtiment qu'il subit est celui du rendez-vous de son moi face à son crime...
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Crime et Châtiment

Aaaah, Crime et Châtiment... si je m'attendais à ça!! Dostoïevski attirait depuis un certain temps mon attention, en adorateur du XIXème, et des romans totalisants (au sens de la volonté romantique d'accomplir à chaque fois l'oeuvre totale, ultime...). Mon prof fétiche avait évoqué le roman en cours, ainsi que Les Frères Karamazov, et je savais que le discours des personnages de l'auteur avait fortement influencé ceux de Dantec (commettre des crimes, enfreindre les règles pour le plus grand bien, exception autorisée à des individus au-dessus de la masse) Mais j'ignorais à quel point j'aurais affaire, avec Crime et Châtiment, à, en plus d'un roman politique et social, religieux... à un roman policier avant l'heure!



Beaucoup de critiques le considèrent ainsi, mais c'est totalement juste, et sa plus grande force, pour moi, est son rythme hallucinant, effréné par moments, dont ont hérité les polars depuis. Dostoïevski a un sens du suspense grandiose grâce à la paranoïa de Raskolnikov, son interprétation du moindre mot, de la moindre formule pouvant sous-entendre que les soupçons se portent sur lui... Dans notre tête défile un vieux film en noir et blanc pré-Hitchcockien, expressioniste et très tendu, ainsi qu'une pièce de théâtre complètement folle. On pardonne donc aisément les quelques longueurs, le rythme se réaccélérant toujours ensuite, faisant de Crime et Châtiment cet espèce de théâtre-thriller fusionné au roman du XIXème. Énormément de passages cultes : le meurtre, la rencontre avec Loujine et le débat qui le tourne en ridicule, celle entre Razoumikhine et la famille de Rodia, la révélation émouvante et exaltante du coup de foudre entre Dmitri et Dounia, les visites de Rodia à Sonia, la mort de Catherine Ivanovna (j'ai eu du mal à m'en remettre, elle me rappelait ma mère, prête à tout pour ses enfants), le suicide de Svidrigaïlov... et puis tout bêtement, la moindre divagation, la moindre errance de Raskolnikov... Impossible de tout citer. Les seuls passages qui m'ont moins plu sont ceux entre Raskolnikov et Porphyre. Je sais que Dostoïevski et Hugo étaient amis, je me demande si Porphyre a pu être influencé par Javert, y avait certes ce rapport de force Valjean/Javert entre les deux, mais Porphyre, dans son one-man show perpétuel pour décupler la confusion dans l'esprit de Rodia, m'a plus agacé qu'autre chose...



C'est un roman aux multiples interprétations, par son appel constant aux symboles, l'escalier, l'errance, l'enfermement, Sonia et la figure religieuse qu'elle incarne tout du long... Et tous ces personnages sont à fleur de peau, pour la plupart pathétiques (sauf évidemment le détestable Pierre Petrovitch Loujine). J'ai tout particulièrement aimé Svidrigaïlov, qui passe de criminel bon vivant à amoureux torturé... À ce sujet, lui, comme Razoumikhine, sont facilement vus comme des doubles difformes de Raskolnikov, partageant beaucoup de traits avec lui, biographiques ou philosophiques, mais ayant agi différemment, ayant pris d'autres décisions, et donc, ayant eu des destins différents. Razoumikhine, onomastiquement, la raison, est en effet la version raisonnable de Raskolnikov. Svidrigaïlov est Raskolnikov moins froid, en proie à l'amour, qui a aussi tué, violé (du moins c'est ce que l'on pense) et qui cherche le repentir en faisant des bonnes actions, mais avec bien plus d'ampleur et d'efficacité que les dons hasardeux et compulsifs de Rodia à la famille de Marmeladov.



On pourrait parler des heures de ce roman, comme d'un vieux film... Ce n'est pas tellement l'écriture qui m'a séduit, mais cette richesse, tous ces thèmes, et bien sûr, je le redis, cette narration si particulière, qui en fait un thriller avant l'heure. Je comprends par ailleurs qu'il ait été aussi adapté au cinéma et surtout au théâtre, c'est LE roman théâtral par excellence. Comme je disais au début, la sur-interprétation de Raskolnikov, en pleine psychose, de la moindre phrase à son égard, engendre sans cesse des quiproquos de l'esprit, et une tension absolument incroyable...



J'ai hâte de lire Les Carnets du sous-sol et le reste de l'oeuvre de cet auteur particulier, très social, bien que très critique envers le socialisme à proprement parler. Le roman défait à plusieurs reprises le socialisme et l'assistanat, pour mettre en valeur ce que peut accomplir l'individu de son propre chef, mais je ne suis pas sûr que ce soit toujours pertinent dans le monde occidental de 2014 ni que Dostoïevski aurait réagi de la même façon de nos jours...
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Un coeur faible

le grand romancier russe du XIX e Siècle a été décrit par ses biographes comme une personne maladive et souffrait de maladies nerveuses telles que l 'épilepsie .Cet état de santé déteint sur l 'atmosphère et l 'ambiance de plusieurs romans de l 'auteur où l 'on remarque la présence de personnages :

agités , surexcités ,hystériques souvent proches de l 'état de folie , on a qu 'à se rappeler : Les Possédés , l''Idiot , Crime et Châtiment , Les Frères Karamazov ...la liste est longue .

Dans "Coeur faible",une nouvelle courte ,il s 'agit de Vassia ,un modeste fonctionnaire qui avec son collègue et ami Arkadi logent ensemble . Vassia a été pris par Julien Mastakovitch, un haut fonctionnaire , dans son service comme copiste car il a une belle écriture car il excelle dans la calligraphie .

Un jour Vassia arrive tout excité et joyeux pour annoncer

à son ami la nouvelle de son mariage avec Lise ,sa fiancée . Durant cette période un banal travail lui a été confié .Il

s 'agit de copier quelques feuilles . Pris par l 'excitation de

tout ce qui se passe autour de lui , Vassia se laisse aller et

n 'arrive plus à se concentrer sur son travail .Au fur et à messure que le temps passe , il déprime , se laisse aller .

Se croyant et estimant qu 'il est fautif et qu 'il n 'est pas digne de l 'estime de son chef . Il culpabilise de plus en plus . Son ami Arkadi fait de son mieux pour que son ami se ressaisisse .

Vassia se laisse choir jusqu 'il perde le contact avec le monde réel . Il sombre dans la folie . Vassia est emmené à

l 'asile .

Récit triste et mélancolique . Vassia méritait un sort meilleur .





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Le Joueur

Un court roman passionné et passionnant

Dostoïevski était un joueur de roulette compulsif, toujours à cours d'argent. Il a également vécu une folle passion pour une certaine Pauline. Au début des années 1860, la roulette est interdite en Russie. Les riches aristocrates rallient donc les "Roulettenbourg" que sont les villes d'eau allemandes : Baden-Baden, Hambourg, Wiesbaden ou suisses comme Saxon-les-Bains près de Genève.

le narrateur, Alexeï , qui vient d'arriver à Roulettenbourg est un noble cultivé qui ne possède rien. Il est le précepteur des enfants d'un général russe ruiné qui sauve les apparences grâce à un train de vie fastueux. le général est entouré de ses deux enfants ; de sa belle-fille Pauline dont le narrateur est follement amoureux ; du marquis des Grieux, son créancier français aimé de Pauline et honni du narrateur ; de Blanche sa maîtresse française et de la mère de celle-ci. Toute la famille et les parasites qui l'environnent attendent ardemment le télégramme annonçant la mort de la tante du général, la richissime comtesse Antonina Vassilievna. Mais celle-ci débarque toute fringante sur son trône à porteur avec la farouche intention de bien profiter du séjour. Après avoir rembarré le général et jugé toute sa cour , elle charge Alexeï de la guider au casino...

Jusqu'à l'arrivée de la "Baboulinka", il est surtout question de passion amoureuse et d'argent. le narrateur Alexei est éperdument amoureux de Pauline, une femme de caractère, arrogante, cruelle et aussi orgueilleuse que lui. Elle l'envoie insulter un baron allemand pour ensuite se moquer de lui. Il est son bouffon, sa chose. Alexeï en est parfaitement conscient, se rebelle, se montre insolent avec elle mais il finit toujours par retomber à son état d'esclavage. Comme Pauline a de pressants besoins d'argent, elle lui demande de jouer pour elle. Elle n'a pas prévu ce qu'il va se passer. Lui non plus. Il deviendra l'esclave de la roulette comme il a été celui de Pauline. Cependant Alexeï est toujours lucide. Il se sait malade compulsif et nous dresse un compte rendu très clinique de son esclavage : fébrilité, effervescence, fièvre, angoisse, euphorie, désarroi, certitude de pouvoir se refaire...Il décrit la folie du jeu, la dénonce le plus souvent mais vante aussi le tempérament passionné des Russes, tempérament tellement supérieur à celui de ces froids et cupides calculateurs français.



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Crime et Châtiment

Crime et Châtiment est un roman puissant, époustouflant, inoubliable à plus d'un titre.

Le roman dépeint l'assassinat d'une vieille prêteuse sur gage, Aliona Ivanovna, et de sa soeur, par un ancien étudiant de Saint-Pétersbourg, Romanovitch Rodion Raskolnikov, et des conséquences émotionnelles, mentales et physiques qui vont s'accomplir sur le meurtrier.

Crime et Châtiment est le roman que je préfère de Dostoïevski. Je m'en vais tenter de vous convaincre des raisons de cette passion, même si, tout comme le crime dont il est question ici, je ne suis pas certain de savoir bien me justifier...

Tout d'abord, c'est une vaste fresque qui porte une réflexion sur l'acte gratuit d'un crime, la folie et la justice.

Lorsque Raskolnikov décide d'assassiner Aliona Ivanovna, a-t-il des raisons précises ? Au début, il y a quelque chose qui pourrait expliquer ce crime, non pas le justifier entendons-nous bien, - quoique j'y reviendrai un peu plus tard sur cela -, l'assassinat de cette vieille femme, Aliona Ivanovna, prêteuse sur gage qui s'enrichit sur le dos des étudiants les plus démunis.

Prendre son argent pour servir la cause commune et l'humanité dans son besoin, l'idée est belle, à la manière de Robin des bois. Un seul petit crime de rien du tout porté à l'encontre d'une vieille usurière, phtisique, haineuse, nuisible, ne justifierait-il pas cette noble cause ? Ce n'est pas moi qui le dit, mais c'est bien le propos du début du roman qu'un étudiant évoque devant Raskolnikov et qui ne tombe sans doute pas dans l'oreille d'un sourd. Alors, cette explication serait-elle donc le seul et véritable mobile du crime ? Trop simple peut-être pour l'âme tourmentée de Dostoïevski. Raskolnikov entend le propos rationnel de l'étudiant. Ce n'est peut-être pas dans cette discussion que l'idée de ce meurtre naît et germe, peut-être vient-elle bien avant, longtemps avant, dans les tourments lointains d'une âme d'enfant...

Raskolnikov est un ancien étudiant en droit âgé de vingt-trois ans, sans le sou. Il a dû abandonner ses études et vit désormais dans un quartier mal famé de Saint-Pétersbourg. Après qu'il a vendu son dernier bien, la montre de son père, à la vieillee usurière, une idée lui vient à l'esprit : assassiner celle-ci.

Le texte décrit avec une énorme précision comment il la tue. La scène est horrible. Mais les choses ne se déroulent pas tout à fait comme prévu... Je n'en dirai pas plus, bien que tout cela soit déjà passé à la postérité. L'intérêt du roman figure ailleurs et sans doute dans la complexité du personnage principal. Voyager dans la tête de Raskolnikov, dans les tréfonds de son âme, c'est plonger dans une odyssée abyssale à part entière, une immersion en terre inconnue.

Il y a des moments étranges, avant, pendant et après ce crime, où l'on ne sait pas trop ce que Raskolnikov pense de son acte. Est-il fou ? Est-il rêveur ? Est-il naïf ? Est-il malade ? Est-il dans un état second ? C'est sans doute l'une des forces du roman, nous interroger sur le dessein de cet homme. S'empare-t-il d'une raison factuelle qui pourrait éventuellement trouver une justification, non pas au sens pénal, mais au sens de la morale, d'une forme de légitimité ?

Le crime que commet Raskolnikov n'est pas construit comme une tragédie antique, ni comme une enquête policière, un drame qui serait bien ficelé selon les codes classiques, bien que tous les ingrédients du procédé soient au rendez-vous. On connaît le coupable dès le début de l'histoire. Tout l'art du récit est de comprendre le cheminement de l'assassin, pendant et après, et c'est là que l'auteur est génial.

Ce crime crapuleux, horrible dans des gestes qui s'apparentent à de la folie, est sans doute l'acte fondateur du roman.

Il n'y a pas d'idée rationnelle établie pour expliquer, ni même comprendre. On est dans l'acte pur et non dans l'interprétation. Impossible de dire ce qui l'a poussé à faire ce crime... Peut-être est-ce tout simplement une chaleur épouvantable sur la ville de Saint-Pétersbourg qui empêche de respirer, aussi brûlante que la lumière sur la lame d'un couteau, qui poussa Meursault au meurtre de l'arabe dans l'Étranger de Camus.

Raskolnikov va même jusqu'à convoquer Napoléon, c'est grandiose, grotesque et osé, cette justification pour expliquer ce droit de tuer dont pourraient prétendre les hommes extraordinaires.

À quel endroit se situe le commencement absolu de la pensée de Raskolnikov, où prend-elle sa source ?

Là où je trouve que le talent de Dostoïevski est terriblement prodigieux, c'est qu'il nous amène à visiter des zones sombres de notre âme qui nous paraissaient jusqu'alors totalement inconnues. Ah, si nous n'étions dotés que d'un cerveau reptilien, que de meurtres nous serions alors coupables !

Il serait absurde de rechercher une explication psychologique à ce roman. Il n'y a sans doute aucune interprétation psychologique. Même Raskolnikov tente de le faire auprès de Sonia Marmeladova, fille d'un ami et prostituée auprès de laquelle il a avoué son crime, elle ne comprend pas, comme si les paroles étaient impuissantes à toutes tentatives de vouloir trouver un sens. J'ai particulièrement aimé ce personnage de Sonia Marmeladova, personnage central dans l'itinéraire de Raskolnikov. Elle est emplie d'empathie et d'humanité et veut à toutes forces ramener Raskolnikov à la communauté des humains, le convaincre qu'il doit pour cela avouer son crime. C'est un moment particulièrement beau, qui permet de jeter un peu de lumière dans la noirceur de cette histoire.

C'est en ce sens que ce roman est peut-être moderne et aborde les prémices du nouveau roman. Ce roman nous oblige sans cesse à revoir nos codes, à nous coller à la réalité, une réalité crasseuse certes, mais à ne jamais cogiter, imaginer ce qui fut et ce qui sera, seulement se cantonner à ce qui est.

J'ai été émerveillé de découvrir des rais de soleil au travers de la nuit nébuleuse que propose Dostoïevski, par exemple l'amitié entre les personnages, la tendresse envers une prostituée qui veut à toute force porter son aide à Raskolnikov...

Certains des autres personnages du roman sont tout aussi troublants et rendent de surcroît Raskolnikov sympathique et presque attachant.

Se pose alors la question de la justice, de toute justice face à un crime : coupable ou pas, responsable ou pas ? Bien sûr, Raskolnikov est coupable et aucune justice ne le démentira...

La légitimité que s'octroie Raskolnikov vis-à-vis de son crime est l'absence apparente de conscience dans la dimension de ce crime, cette vigie censée nous aider à faire le tri entre le bien et le mal dans nos actions, cette torture qui pourtant peut se réveiller et marteler sans cesse certains coupables.

Vous vous rappelez, l'oeil de Caïn, thème magnifiquement décrit dans le poème de Victor Hugo, La conscience, dans La Légende des siècles. Pourtant, cette conscience va s'éveiller, sans doute grâce à l'aide de Sonia Marmeladova, explique alors cette métamorphose, comme un saut de puce, du crime crapuleux jusqu'à la prise de conscience, non pas forcément que Raskolnikov trouve son crime horrible, mais parce qu'il doit en faire l'aveu afin de tenter de réduire sa peine devant une probable justice à venir, éviter la peine capitale... Ce que lui transmet alors Sonia Marmeladova, c'est cette envie de vivre, continuer à vivre... J'y ai vu ici comme une magnifique preuve d'amour... Et une possible résurrection pour Raskolnikov, sortir de sa folie...

Enfin, je ne peux pas résister à imaginer ce que de célèbres détectives ou policiers auraient pensé de ce crime...

À la manière de Sherlock Holmes :

- Mon cher Holmes, ne pensez-vous pas que ce fameux Raskolnikov, à vouloir sans cesse s'accuser du crime de cette prêteuse sur gage, à nous convaincre presque qu'il serait le coupable idéal, n'use en fait d'une stratégie habile pour justement chercher à se disculper totalement ?

- Élémentaire, mon cher Watson !

À la manière de l'inspecteur Colombo :

« Pardonnez-moi Monsieur Raskolnikov de revenir vous importuner un peu, mais il y a quelque chose qui me chiffonne, tout de même... Ma femme qui est une grande admiratrice de Napoléon, mais qui a aussi une âme sensible et généreuse, me dit souvent que rien ne peut excuser le fait de perpétrer la mort, que ce soient venant d'hommes ordinaires, ou bien d'hommes extraordinaires. Or, justement, je voudrais revenir sur vos derniers propos concernant Napoléon, si vous me le permettez. Je ne vous dérange pas au moins ? »

À la manière d'Hercule Poirot :

« Je trouve que ce Monsieur Dostoïevski n'a aucune élégance, dans sa manière de divulguer le nom du coupable dès les premières pages de l'histoire. C'est pour le moins indélicat et même choquant ! »

Écrire ce billet m'a donné une envie furieuse de continuer de cheminer dans l'oeuvre de ce romancier sublime.
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Le rêve d'un homme ridicule

I Have A Dream. Dostoïevski signe ici une courte nouvelle fantastique et engagée sur la place de la religion dans la vie des hommes à la fin d’une ère de forte industrialisation qui a vu la science et la rationalité succéder à la foi et à l’ésotérisme.



Ce texte m’as fait penser (excusez cette petite fantaisie, mais en littérature tout est permis) au Monsieur Scrooge de Dickens qui renaît à la vie en une nuit, porté, comme notre narrateur, par une sorte de fantôme dans un songe initiatique.



Je suis toujours un peu perplexe face à la genèse d’une humanité pure et bonne. Cet historique de la naissance de la corruption du monde est quelque peu manichéen. Mais peut-être a-t-il le mérite de nous montrer que chez l’homme la bonté est instinctive et même si le monde est corrompu, les hommes gardent ce désir utopique et cette conscience de ce que le monde devrait et pourrait être, et cet instinct Dostoïevski l’explique par l’allégorie du paradis perdu.



Par la foi retrouvée, l’ancien nihiliste nous propose sans suspense (suffit hélas de lire la 4ème de couverture) d’arrêter de réfléchir, de penser, d’analyser et plutôt d’agir pour la vie, pour les autres et pour le bonheur sans se perdre dans des pérégrinations mentales sans fond sur la connaissance, le savoir et la science.



Certes le narrateur est touché par la grâce divine, mais on aurait tort de ne pas voir dans cette nouvelle une critique féroce de la religion et notamment du christianisme. En effet notre narrateur fustige le paradoxe de ces fidèles qui érigent des temples et prient pour un paradis sans être fichus de le faire advenir hinc et nunc, dans cette vie. Les peuples croient tout à fait possible un monde parfait dans l’au-delà et s’abritant derrière cette croyance renoncent à le faire éclore sur la terre. Comme s'il suffisait d'adorer un Dieu pour se dispenser de vivre selon ses préceptes.



Pour finir sur la forme, je vous parlerai des deux écoles de traduction, la française et l’allemande (Actes Sud) par André Markowicz. J’ai appris que si la tradition française est d’adapter le style de l’auteur à la langue et la culture française quitte à le dénaturer (enrichir le vocabulaire, langage soutenu, tournures de phrase alambiquées etc.) afin de le rendre plus fluide et attractif pour le public français, la tradition allemande met un point d’honneur à restituer la langue de l’auteur dans toute son originalité. J’ai désormais le souci de trouver la meilleure traduction pour éviter le maximum de perdition de l’œuvre originale sauf que j’avais déjà acheté ce livre avant de prendre conscience de ces différentes traductions ! Au final tout va bien j’avais l’édition d’Actes Sud avec la traduction « à l’allemande » qui me parait être la meilleure philosophie (d’ailleurs : qu’en pensez-vous ?).



Le style est très vivace, saccadé, excité, empreint d’ironie et sans boursouflures. Le fantastique, c’est-à-dire la part du rêve, est pittoresque. Cela permet au lecteur de vivre de manière vertigineuse le songe du personnage. En perspective : de belles réflexions sur l’onirisme et l’état psychosomatique du sommeil paradoxal. A lire les yeux fermés !
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Le Joueur

Le joueur est un court roman de moins de deux cents pages. Je m’attendais à une description de la compulsion du jeu menant à une sorte de damnation, avec force descriptions de chute dans un abîme. Quelle ne fut pas ma déception à la lecture de ce livre d’un des deux géants de la littérature russe du XIXe siècle !



Mais j’inclinai vite à l’indulgence envers ce pauvre Dostoïevski lorsque j’appris que, piégé par son éditeur, il s’était engagé à produire ce roman dans un court délai (il l’écrivit en un mois), ce qui l’obligea d’interrompre la rédaction de Crime et châtiment.



Comment ficeler une intrigue pertinente dans ces conditions ? Qui plus est, ce n’est pas dans la brièveté que cet écrivain a révélé son génie. Alors bien sûr, Le joueur n’est pas dénué d’intérêt. Quelques passages sont bons, mais l’unité dramatique n’y est pas. L’histoire flotte beaucoup trop, certains aspects méritaient des développements qui les eussent justifiés.



La qualité d’écriture d’une histoire requiert de prendre le temps de bien penser et sentir les choses, voilà ce que je retiens de cette lecture. Que l’on soit ou non un génie, que l’on soit un débutant ou un romancier au talent déjà affirmé, rien de bien ne peut se faire sans que l’on y accorde le temps nécessaire.
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Les Carnets du sous-sol (Notes d'un sous-te..

Un jour qui devait être particulièrement sombre, Dostoïevski décida de dépeindre l’homme le plus abject qu’il puisse imaginer.



Voila comment on pourrait résumer Le Sous-sol. L’homme que Dostoïevski imagina n’est pas un assassin, ni même un petit criminel. C’est un être infect et méprisable en tout point. Un anonyme, à qui personne ne s’est jamais intéressé et ne s’intéressera jamais. Totalement insignifiant. Sa seule façon d’exister, c’est d’enquiquiner les autres. Il ne conçoit pas l’existence autrement.



Pour lui, le fait d’avoir mal aux dents est une jouissance : cela lui donne une bonne raison de se plaindre, de gémir et d’empêcher les autres de dormir. L’amitié ou l’amour, pour lui cela n’a qu’une seule signification, et il le revendique fièrement : c’est accepter d’être torturé moralement par l’autre. On l’évite comme on évite une crotte de chien sur le trottoir. Et même cela lui procure une forme de jouissance.



Forcément, il y a une prostituée avec un visage un visage un peu enfantin. On est dans Dostoïevski. Et la façon dont il va se comporter avec elle est… Plus basse encore que ce qu’on est en droit d’attendre.



Dostoïevski a-t-il eu besoin de creuser profondément dans l’âme humaine pour composer son personnage ? Non. En fait il a plutôt tout enlevé. Et simplement laissé un égoïste dans la solitude au milieu des hommes.



Et pourtant même cet homme-là peut espérer son rachat, nous dit la fin. S’il se repend au plus profond de lui-même. Et si on accepte cette interprétation, alors ce livre représente probablement l’apogée de ce courant étrange et torturé que fut l’existentialisme chrétien...
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Le Joueur

Au xixè à Roulettenbourg en Allemagne, dans une petite ville thermale à l’apparence paisible se déchaîne la passion pour le jeu dans un casino fréquenté par la haute société.

Un jeune précepteur russe Alexis Ivanovitch est au service d’un général retraité et de sa famille composée de deux enfants et de sa belle fille Paulina Alexandrowna dont Alexis est follement épris.

Autour de cette famille russe, vient se greffer des personnages tels que Blanche jeune et belle française opportuniste convoitée par le vieux général, Astley jeune et riche anglais amoureux de Paulina, et le marquis Des Grieux un français homme d’affaires sans scrupules aimé de Paulina qui possède l’hypothèque des biens du général ruiné.

Paulina qui est liée à une dette, traite cruellement le précepteur, Alexis fou d’amour s’avilit tel un esclave aux exigences de la jeune femme, au point de se risquer à tous les dangers quitte à mourir pour elle. Celle-ci lui demandera de jouer à la roulette afin de résorber sa dette.

Dans l’attente de l’héritage escompté de sa vieille tante qui doit prochainement mourir, le général espère épouser Blanche et rembourser le marquis, un marquis impatient de saisir des opportunités sur ce fameux héritage.

Mais un beau jour la vieille tante « La Baboulinka » débarque à la surprise de tout ce petit monde, la vieille dame acariâtre qui n’a pas de leçons à recevoir, se risque au jeu de la roulette au grand désespoir du général, de Blanche et du marquis angoissés à l’idée que sa fortune se dilapide.



Mais la chance du débutant ne dure pas, et la passion du jeu prend le dessus sur la raison !



Alexis est également emporté par la fièvre du jeu, conscient que lui seul pourrait changer sa destinée « renaître et ressusciter », il aimerait redevenir un homme capable de tenir bon et de ne pas rechuter afin que l’amour ressorte vainqueur et que la passion du jeu se perde.

Mais Alexis est un esclave du jeu mais surtout esclave de lui-même !



Un livre sur les passions de l’amour et du jeu, « le joueur » roman autobiographique vous entraîne dans une tension diabolique, on vit le jeu de la roulette avec frénésie, comme le joueur nos jambes tremblent, nos mains sont moites, nos fronts ruissellent, la peur nous saisit en attendant les annonces du croupier.

En parallèle Dostoïevski dépeint la noblesse russe, la positionne sur un piédestal face à une Europe qu’il a tendance à dénigrer : « je vis ce vilain, ce faux sourire français que je déteste » mais qu’on lui pardonne ce roman est (à mes yeux) un petit chef d’œuvre.

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L'éternel mari

Veltchaninov, venu à Saint-Pétersbourg pour un procès, s’agace d’un « Monsieur au crêpe » auquel il se heurte un peu trop souvent. Il lui semble qu’il a connu autrefois, mais qui est-ce ? L’homme se présente à sa porte, c’est Trousotsky, dont l’épouse, Natalia, a été la maîtresse de Veltchaninov alors qu’il se trouvait à T… quelques années auparavant. Trousotsky lui apprend la mort de Natalia qui a laissé derrière elle une enfant, Lisa, née quelques mois après le départ de Veltchaninov de T… L’enfant aime sincèrement son père, mais il la néglige et même pire. On comprend, par les yeux de Veltchaninov qu’elle est probablement sa fille et pourquoi Trousotsky se comporte ainsi avec la petite. Comprenant que la petite fille est malheureuse, Veltchaninov la confie à des amis, en ayant arraché la permission à Trousotsky.

Très vite, la petite fille comprend qu’elle ne reverra jamais le père qu’elle aime. Elle tombe malade.

Une tragédie avec une victime innocente, et deux hommes qui ne valent pas grand-chose.

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La Femme d'un autre et le Mari sous le lit

De surprise en surprise, et toujours plus agréable. Avec cet ouvrage, Dostoïevski s'approche dangereusement (pour notre plus grand bonheur) de la comédie, dans tous les sens du terme. Toujours en s'intéressant à la tourmente d'un être, en la matérialisant même, l'auteur met ici en scène le sentiment de jalousie face à son impossibilité de ne pas être. Ce ton léger, qui en couvre un plus grave, confère au récit une dérision qui donne presque envie d'être triste avec le sourire. Dostoïevski ou la clé de la folie, un grand merci.
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Le Double

« Le double » (en russe : Двойник), deuxième roman de Dostoïevski est très différent du premier » Les pauvres gens » car il s’attèle à un sujet cher à l’auteur : la folie. Il affuble son héros d’un nom prometteur qui voudrait dire « Nu » ou « insignifiant ».



Au début on peut parler d’hallucination : Goliadkine voit apparaître un double, une réplique de lui, comme dans un miroir. En regardant de plus près, il est plus jeune : on les désignera donc le jeune, et l’aîné (que l’auteur appelle souvent « notre héros »). En fait, c’est plus compliqué, on est au-delà d’une simple hallucination car tout le monde voit les deux personnages… mais est-ce vraiment le cas ?



On hésite entre le dédoublement de la personnalité, le délire paranoïde et le fantastique, de type Dr Jekill et Mr Hyde, durant une bonne partie du récit.



On a un dédoublement de la personnalité, un délire de persécution : son double est mieux apprécié que lui, toute sa hiérarchie le dénigre. Il est constamment dans la suspicion, et surtout l’interprétation, ce qui donne des cogitations incessantes, parfois obscures.



L’état de notre fonctionnaire se dégrade brutalement dans le froid, la neige, la boue qui sont omniprésent au propre et au figuré. Analogie avec le froid de son âme ? En tout cas, cela joue un rôle dans la décompensation des troubles.



On peut aussi faire le parallèle avec : le petit moi étriqué, enfermé de Goliadkine, les pulsions de vie qui s’expriment chez son double qui semble sociable mais manipulateur, en gros comme le théorisera Freud plus tard : le ça, le moi et dans le rôle du surmoi le médecin, que l’on rencontre deux fois dans le récit, ou l’administration et ses règles rigides…



On sent la fascination de Dostoïevski pour la folie, l’aliénation mentale, il en perçut certains aspects, alors que c’était le flou artistique à son époque. On reste dans le visuel, alors que les hallucinations sont souvent auditives (entendre des voix, les ondes émises par les extraterrestres…) en tout cas il réussit très bien à mettre en évidence le mode de fonctionnement de son héros, à nous faire entrer dans son mental.



Ce livre a été écrit, pour la première fois, en 1846 (le terme psychose a été évoqué pour la première fois en 1845 !) : on a parlé de « démence précoce » à la fin du XIXe siècle et schizophrénie au début du XXe… la première classification psychoses et névroses remontant à Kraepelin en 1898 mais Dostoïevski était mécontent de son texte et aurait voulu le réécrire entièrement.



Un texte hallucinant et halluciné percutant, dérangeant, qui rappelle « Le journal d’un fou » ou « Le manteau », donc un hommage à Gogol au passage. L’auteur met bien en évidence avec son style torturé, les paroles étranges et le récit heurté de la « folie » dont le rythme va crescendo. Freud a dû apprécié ce texte, lui qui aimait à dire : « j’ai bien compris Dostoïevski mais j’ai suffisamment de patients ».



Ce court roman est très particulier, avec plusieurs niveaux de lecture, on l’aime ou le déteste, en tout cas, il ne laisse pas indifférent car il soulève beaucoup de réflexions et je ne suis pas sûre d’avoir donné envie de le lire, tant ma critique est décousue…




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Une sale histoire (Une fâcheuse histoire)

Dostoïevski nous livre ici le portrait d’un fonctionnaire, Ivan Iliitch Pralinski, rempli d’idéal mais également d’orgueil.



Lors d’une pendaison de crémaillère, il discute avec deux autres fonctionnaires de haut grade comme lui et essaie de démontrer qu’il est libéral alors que ses collègues sont attachés à leurs privilèges. Il boit plusieurs coupes de champagne alors qu’il ne boit pas d’habitude et s’échauffe un peu.



Lorsqu’il veut rentrer chez lui, son cocher n’est pas là, alors il décide de rentrer à pied, passant devant une maison où se déroulent les noces d’un de ses subalternes et désirant mettre en pratique ses grands principes, il décide de s’inviter. Il prépare son entrée en scène, ce qu’il va dire dans ses pensées, construit son scénario mais rien ne se passe comme il l’avait imaginé et il va continuer à boire, disant un peu n’importe quoi.



Dostoïevski est sans pitié face à ce fonctionnaire qui n’est pas si ouvert que cela sur les idées « révolutionnaires » et qui se conduit de façon plutôt méprisante avec les invités, lui qui voulait montrer qu’il n’avait pas l’esprit de classe et qu’il était plein de bienveillance, prouve au contraire son orgueil, son mépris de l’autre, sa condescendance.



Cette nouvelle caustique qui ne ménage pas le milieu des hauts fonctionnaires, les castes, les différences sociales, a été écrite en 1862, alors que la Russie commence à frémir…



« Ceci se passait au temps où, emportés par leur foi en la renaissance de notre chère patrie, les meilleurs de ses enfants s’élançaient, enthousiastes, vers de nouveaux espoirs et de nouvelles destinées. »



Cet auteur me plaît de plus en plus, et j’aime son style percutant ainsi que la manière dont il interpelle le lecteur au cours de ses récits.



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Le Petit Héros

Une année seulement sépare cette nouvelle de « Un cœur faible » dont j’ai parlé précédemment et Dostoïevski livre ici un petit chef-d’œuvre. Il est vrai que la situation a changé puisqu’il a été arrêté et emprisonné pour complot politique, et c’est là qu’il a écrit ce texte.



On retrouve une nouvelle fois cette société aisée baignant dans l’oisiveté, où l’on discute sans fin, jetant l’argent par les fenêtres.



L’auteur raconte de façon subtile l’enfance, les premiers émois amoureux pour une femme mariée, la manière dont son corps réagit, le cœur qui s’accélère, les pensées qui n’arrivent pas à s’exprimer, les actes de bravoure quand il n’hésite pas à monter un cheval rétif qui a découragé les adultes, pour prouver à sa belle ce dont il est capable.



Dostoïevski nous livre un texte magnifique sur les espoirs et les souffrances qu’engendre l’amour, sur la beauté des sentiments tout en rendant un bel hommage à la nature, la campagne russe et ses paysages qui vont rester gravés mais on sent qu’après cette expérience amoureuse, rien ne sera plus jamais pareil, comme un rite initiatique d’entrée dans le monde adulte.



On peut faire aussi un parallèle avec l’emprisonnement qui changera la vie de l’auteur, car au moment où il écrit cette nouvelle, il ne sait quelle sera la condamnation et s’attend au pire.



Il analyse de façon très fine les tourments de l’enfant, à hauteur d’enfant, et on sent poindre à l’horizon la manière si particulière dont l’auteur parlera plus tard de ses héros torturés.



Bref, j’ai adoré…



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Les pauvres gens

Avec ce roman, Dosto montre qu'il avait déjà du talent à 22 ans (quand il l'a commencé). Déjà un style, haletant, déjà une écriture d'écorché.



Il s'intéresse à une relation ambiguë entre un homme très mûr et une jeune femme non mariée. Ils ont fenêtre sur cour, ils perçoivent leurs ombres derrière les rideaux mais ils ne se rencontrent pas, ils s'écrivent!

Et quelles lettres!



Pourtant, entrer dans l'histoire par ce procédé m'a paru ardu, un contexte pas si évident à cerner, il faut bien une cinquantaine de pages pour enfin s'épanouir dans le roman.



On découvre ainsi la vie de pauvres gens qui se répondent comme au pingpong. L'un est un fonctionnaire peu payé l'autre est couturière. Ils sont des travailleurs pauvres et ils peinent à joindre les deux bouts.

Dostoïevski cerne les sentiments qui les accablent tous les jours: la honte (les bottes percées) et la peur (d'être jeté à la rue).

Ces mornes vies sont cependant traversées par des fulgurances, des coups du sort qui vont modifier leur équilibre précaire.

A lire pour se rendre compte du niveau du jeune Dosto. Il fait partager son art d'écrire des lettres enflammées pour l'autre qui me lit, me comprend, me soulage et peut m'aider.

La nouvelle traduction, d'André Markowicz, est une réussite.
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L'Idiot

Conseillé par un ami qui était son livre préféré, je me sentais obligé au moins de commencer à le lire. La littérature russe pour moi n'était pas très avenante. En plus, cet ami m'avait prêté les 2 tomes (bien épais) en livre de poche. J'ai pris mon courage à deux mains et je l'ai carrément dévoré. Il ne m'a pas lâché. Pour ma part, c'est un chef d'oeuvre. J'ai vraiment adoré. Si vous ne l'avez pas encore lu, je vous le conseille.
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Un coeur faible

Je suis partagée devant cette nouvelle écrite en 1848. J’ai aimé certains thèmes, notamment l’approche de la folie, avec ce petit fonctionnaire hypersensible mais de manière différente de celle du prince Muichkine de "l’idiot" qui est beaucoup plus abouti.



Dostoïevski décrit ici la montée en puissance de l’obsession : Vassia qui baigne dans le bonheur, avec son projet de mariage, qui remet toujours à plus tard son travail de copie calligraphie pourrait-on dire, tant le héros se met la pression tout seul.



Son colocataire le voit sombrer peu à peu, usé par le manque de sommeil, l’exigence qui frôle le perfectionnisme. Il se comporte de façon anarchique parfois, et la logorrhée fait place, peu à peu, à des propos décousus, voire délirants ; l’auteur parle même de catalepsie.



Donc l’aspect psychologique m’a plu, de même que la description de la société, des fonctionnaires, mais j’ai trouvé le texte trop larmoyant : Vassia et son ami pleurent beaucoup, se consolent souvent l’un l’autre.



Une scène très touchante: l'achat d'un bonnet à rubans pour la fiancée de Vassia...

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Le Joueur

Dans ce roman, Dostoïevski aborde avec lucidité et cruauté l’univers du jeu. Comme toujours il nous présente des personnages hauts en couleurs, étudiés avec soin qui gravitent autour du héros : Alexeï Ivanovitch, jeune précepteur de la famille du général. Le décor est planté : « Roulettenbourg » la bien nommée avec ses tables de jeu.



Tout commence comme une comédie légère : le général, amoureux d’une aventurière, Blanche, joueuse reconvertie en prêteuse sur gages, attend avec impatience le décès de la grand-mère, la « Baboulinka » pour pouvoir hériter et payer ses dettes de jeu.



Alexeï est amoureux de Pauline, belle-fille du général ; engluée dans les dettes, elle-aussi, elle lui propose de jouer à sa place et il va tomber dans l’engrenage.



Dostoïevski, joueur lui-même nous livre, à travers son double Alexeï, un brillant récit de l’addiction : le regard hypnotisé par la petite boule qui s’agite devant les yeux des joueurs, les pièces d’or qui tintent, l’impossibilité de s’écarter de la table sans avoir conscience de ce qu’on perd car on pense toujours pouvoir se refaire, les décharges d’adrénaline, l’obsession pour le jeu qui occupe toutes les pensées, tous les autres centres d’intérêt ayant fini par disparaître.



L’auteur égratigne au passage la société russe, les nobles oisifs qui perdent de l’argent sans se soucier des autres (le général claque au jeu aux dépens de ses propres enfants), mais il n’épargne pas les Français, tel l’intrigant des Grieux, les Allemands ou les Anglais comme Mr Astley. Par exemple, il décrit sans ménagement, avec férocité même, la société patriarcale de l’époque pages 42 et 43:



« Eh bien, toutes ces braves familles d’ici sont complètement soumises et asservies au Vater. Tous, ils travaillent comme des bœufs et épargnent l’argent comme des Juifs. Admettons que le Vater a déjà amasser tant de florins et il compte sur son fils aîné pour lui transmettre son métier ou son lopin de terre. A cette fin, on ne dote pas la fille qui restera vieille fille. Toujours pour la même raison, on vend le cadet en servitude ou à l’armée et cet argent va alimenter la caisse patriarcale. » P 42



Il règle ses comptes avec tout le monde, il a suffisamment fréquenté les salles de jeu, où il a perdu beaucoup pour se le permettre et il réussit à raconter quand même une histoire d’amour mais l’amour est-il possible dans l’univers infernal du jeu?



Une scène d’anthologie : l’arrivée de la Baboulinka, censée avoir un pied dans la tombe, et sa chance insolente lorsqu’elle s’assied pour la première fois à la table de jeu…



Ce roman est court, mais d’une intensité incroyable, le rythme de l’écriture suit celui de la boule sur la roulette; l’auteur parvient à susciter l’exaltation du lecteur : c’est vif, ça tourbillonne… Fiodor Dostoïevski l’a composé et dicté à sa future épouse, Anna Grigorievna Snitkina, en seulement trois semaines, en octobre 1866 car il s’était engagé à fournir rapidement un manuscrit à son éditeur (« Crime et châtiment » était en cours de rédaction).



J’ai lu et aimé « crime et châtiment », il y a quarante ans, mais je n’avais pas lu d’autres romans de Dostoïevski, remettant toujours à plus tard jusqu’à l’été dernier, en voyant la retransmission des « Frères Karamazov », magistralement joué au festival d’Avignon qui m’a scotchée…



Je continue l’aventure, en gardant « les frères… » pour la fin car il est considéré comme son meilleur roman.



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Souvenirs de la maison des morts (Les carne..

Souvenirs de la maison des morts me rappelle beaucoup Une journée d’Ivan Denissovitch, écrit par Alexandre Soljenitsyne en 1973. C’est étrange de constater que, malgré la centaine d’années et le changement de régime (de celui des tsars à celui des communistes de Staline) qui les séparent, ces deux œuvres se rejoignent, l’une faisant écho à l’autre. Camp de travail forcé, goulag, à croire que le temps n’avait rien changé dans cet immense empire. Les deux auteurs ont été condamnés au bagne et cette expérience les a amené à raconter ce qu’ils y ont vécu.



Dostoïevski raconte la vie d’un prisonnier dans un camp de Sibérie. L’arrivée, d’abord, comment survivre à ces premières journées, se faire des amis ou, du moins, ne pas se faire d’ennemis, tant parmi les forçats que les gardiens. Surtout le travail et les façons de s’occuper les longs mois d’hiver. Aussi les petits gestes quotidiens (s’occuper du chien, se faire raser la tête, etc.). Sans oublier l’eau de vie que certains parviennent à faire entrer dans le camp. Puis les fêtes occasionnelles, Noël, Pâques, qui permettent de rompre avec la routine. Quelques uns profitent de séjours à l’hôpital.



Mais ce sont surtout les petites histoires qui touchent. Pourquoi un tel se trouve-t-il ici? Qu’a-t-il commis? Un meurtre? Certains, oui. D’autres ont peut-être imprimé de la propagande jugée dangereuse? Après tout, une bonne partie des prisonniers sont des lettrés, des intellectuels. Comme l’écrit l’auteur, à très peu d’endroits dans la Russie du 19e siècle on ne peut trouver un groupe de 250 personnes dont la moitié sait lire et écrire…



Le tout est écrit avec sobriété et réalisme. On ne s’apitoie pas sur le sort des prisonniers, on ne cherche ni à les excuser ni à les condamner. Le lecteur assiste au châtiment de ces hommes, jour après jour après jour… Jusqu’à la libération, pour ceux qui s’y rendent.

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