Citations de Françoise Chandernagor (608)
...ce qu'il y a de bon à la prison c'est que, si l'on n'y fait point sa volonté, au moins l'on n'y fait pas celle d'autrui ; c'est toujours la moitié de gagné. Votre mère me donne trop souvent à regretter mon cachot.
Il n'y a pas de "beau divorce", pas de "bonne guerre". Le divorce est fait pour détruire, arracher, broyer. Le pire , c'est que, comme le hachoir du boucher, ce qu'il broie, il l'infecte aussi. Et cette gangrène contamine tout : amis, parents, enfants.
« Mon nom est Saül, de la tribu de Benjamin, je viens de Damas où l’un de vos adeptes m’a baptisé. Après ce temps, je me suis retiré dans le désert pendant trois années pour prier et méditer. »
Il parlait la langue de nos pères. Il me raconta comment, revenant de Damas où il voulait prêcher la voie de Jésus dans les synagogues. […]. Bien qu’il fût israélite, Saül était citoyen de Rome ― ce qu’il annonça avec la même fierté que s’il eût dit « descendant d’Aaron »
J’ai craint les pierres, les couteaux, reprit-il, c’est pourquoi, j’ai fui Damas pour Jérusalem.
Ce petit homme aux yeux brillants, dont la langue ne restait jamais en repos espérait une lettre de Pierre pour porter la parole à nos frères des synagogues d’Asie, car, étant né à tarse dans la Cilicie ― « ville qui n’est pas sans importance », disait-il ― il prétendait connaître tous les juifs de la côte. Pierre, l’ayant entendu, le renvoya vers Jacques : tous deux ne désignaient aucun émissaire sans s’être concerté.
Alexandre et Séléné étaient des enfants de l’amour. Autant naître orphelin ! Les couples amoureux sont trop occupés d’eux-mêmes pour s’intéresser à leur progéniture : l’arbre qui pousse se soucie-t-il des fruits qui tombent ?
L'HISTOIRE est faite de hasards auxquels les historiens trouvent après coup de la nécessité.
On se veut,
On s'enlace,
On se lasse,
On s'en veut.
(Extrait de L'alphabet des aveux de Louise de Vilmorin)
Il se trouve que le monde s'attache tant aux apparences que quelques règles exactement suivies suffisent à tromper le plus grand nombre.
Je suis en deuil. En deuil de mon mari vivant.
On ne règle à l'amiable que ce qu'on règle sans aimer.
Je trouve mes plus grands bonheurs dans les petits plaisirs
tous les dragons commencent comme des nains, tous les tyrans ont été des enfants.
page 450.
Les batailles, vois-tu, se gagnent bien avant d'être livées. C'est vrai dans tous les domaines...
page 307.
Or l’inspiration est capricieuse : quand elle frappe à la porte, si on ne lui ouvre pas tout de suite, elle s’en va !
Je m'amusai à apprivoiser des singes. Je fus bientôt rassasiée de ce divertissement pour me dispenser de rechercher plus tard la compagnie de ces animaux comme le faisaient toutes les dames de Versailles; j'avoue que la faveur de ces bêtes, du temps de leur plus grande mode, n'a pas laissé de me surprendre; ayant jugé leur conversation un peu courte quand je n'étais qu'une enfant de douze ans, je n'ai jamais pu concevoir que leur entretien pût suffire à des marquises de quarante; mais on dit que qui se ressemble s'assemble et je ne suis qu'à demi étonnée que quelques unes de ces dames aient reconnu là leur vraie famille.
Sur le seuil du sanctuaire , du mausolée ou du sépulcre , il nous lance un ultime adieu .Un adieu ? Non , il sourit trop largement : ce n'est qu'une feinte , on sent qu'il va revenir ........
Aujourd'hui , c'est le passé qui me renie , sa lignée qui me répudie : ses parents , frères , sœurs , cousins , voient quoi de plus naturel ? Elle est de toutes les fêtes , toutes les cérémonies; peut-être va-t-elle sur les tombes aussi........
...les fournées de la mort étaient souvent des fournées de hasard, on ratissait large - les rigolos avec les pas-marrants, les purs et les impurs, les gauchistes avec les droitiers, les natifs de l'Aube avec les natifs de l'Orne, les Parisiens avec les Savoyards. " Y a-t-il guillotine aujourd'hui? - Oui, car il y a tous les jours trahison"...La roue tourne, et en tournant elle écrase; il faut du sang dans le pressoir: "Certains y teignent leurs piques, d'autres leurs mouchoirs, leurs mains.L'exécuteur, étonné de l'empressement de plusieurs à y tremper leur sabre, s'écrie:"Attendez donc, je vais vous donner un baquet où vous pourrez les tremper plus aisément". (page 156)
Un jour, j'apprenais que les maîtresses avaient ôté aux petites filles les dés que je leur avais donnés, avec d'autres jeux, pour leur récréation et la raison en était, me disait-on, que les dés avaient joué un rôle dans la Passion de Notre-Seigneur. Je convoquai aussitôt mon chapitre : "Fort bien, Mesdames, leur dis-je, je pense que vous ne vous arrêterez pas en si bon chemin et que, dès demain, vous ôterez les clous de toutes vos portes et les épines de vos rosiers. Car, si je ne m'abuse, ces choses aussi ont servi à la Passion de Jésus-Christ!".
Les murs qui ferment ma retraite seront ceux de mon tombeau.
Un visage aux traits brouillés, des yeux qui pleurent sans raison, un corps de squelette habillé ; ma lassitude me représente que je suis mortelle, les miroirs me disent que je suis déjà morte.
La petite fille apeurée de mes cauchemars, je l'ai vue comme aucun ne l'avait montrée : voyageuse de l'aube, debout à l'avant d'une barque légère ; messagère silencieuse, condamnée, tel le passeur des contes, à refaire éternellement le même chemin...
Son bateau fend la nuit comme cette lampe-vaisseau qu'utilisaient les Anciens : elle en est la mèche, elle en est la flamme. Et, dans les marges de la "grande Histoire", je la devine errant sur la mer, quand -renvoyée de Cléopêtre à Antoine et d'Antoine à Cléopâtre, craignant l'un et craignant l'autre, admirant les deux- elle va de la rive de l'île à la rive du cap, déchirée, transie, figée. Je la vois, pétrifiée comme une gisante, mais dressée, cariatide fragile qui porte ses parents sur ses épaules. Impuissante, mais invincible, dans la ville assiégée.
Le génie laboure, et toujours le même sillon, quand l'intelligence butine; il fouit comme la taupe, tandis qu'elle vole, comme la mouette. Il sépare, et elle relie.