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Critiques de Gustave Flaubert (1589)
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Madame Bovary

Je fais partie de cette génération où Madame Bovary était une lecture incontournable des élèves de 1ere pour figurer sur la liste de l’oral du Bac de français.... dans ma classe de filles ( et oui à l’époque les classes littéraires semblaient réservées aux filles...) il était de bon ton de clamer que ce livre était chiant et cette Bovary insupportable et que le prof était debile de nous faire étudier ce vieux navet ...donc, comme les autres, je me foutais et me moquais d’Emma, sous les volutes de patchouli dont la classe empestait !

Et pourtant , déjà, j’avais adoré ce livre, cette histoire me parlait et déjà je comprenais cette pauvre Emma et en voyais son triste côté universel de la déprime, de la jalousie et du surendettement.

Je l’ai relu et je l’ai dévoré alors que je me souviens du labeur lors de sa 1ere lecture ....

Quel merveille ! Quel chef d’œuvre . L’écriture est sublime . L’histoire me parle encore plus aujourd’hui, les années m’ayant ouvert les yeux .

Ce roman est vraiment un chef d’œuvre.

Et une fois de plus je vérifie qu’une deuxième lecture est une vraie source de bonheur, quand celle ci intervient plus de quarante ans après la 1ere et que le temps nous a façonné tranquillement....et donner enfin la possibilité d’encore mieux comprendre les personnages, les situations, le talent de l’écrivain .

Sacré Flaubert .

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Madame Bovary

La quintessence des affres de l'amour où le couple passé au vitriol par la plume de Flaubert dissèque les sentiments , distille sur le chemin de la mélancolie la vie de cette femme passionnée et tourmentée par l'existentialisme, Emma se morfond à la campagne, se délite dans sa morne vie… sublime peinture des turpitudes du coeur et de la raison.

Chef d'oeuvre absolu !
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Salammbô

IIIè siècle avant JC. Le suffète ( premier magistrat ) Hannon, avide et avare, pour éviter de payer les mercenaires (appelés Barbares ) qui ont aidé les Carthaginois dans la première guerre punique contre Rome, leur offre un banquet dans Carthage : c'est l'orgie !

Salammbô, impériale, fille de l'autre suffète Hamilcar, les calme, et ils quittent la ville. Mais bientôt, les mercenaires réclament leur solde à Carthage...

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Que dire de ce classique ?

J'ai eu beaucoup de mal à me mettre dans l'atmosphère, car je ne connais rien à la culture carthaginoise. On sent que Flaubert a très bien préparé son sujet, qui parfois frôle l'essai social, au dépends de l'intrigue, de l'histoire. Le grand nombre de termes spécifiques qu'il cite, tant sur le plan religio-mythologique que sur le plan guerrier des deux clans, Barbares et Carthaginois, me laissent sans voix, mais me coupent du récit dont on sent la puissance entre Hamilcar et Mathô d'une part, et entre Mathô et Salammbô d'autre part.

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Les différentes stratégies et les horribles cruautés que se livrent les opposants me rappellent un peu l'Illiade, avec ces allers et retours d'une ville à l'autre, entrecoupés de batailles tant féroces que sanglantes.

Mais surtout, Flaubert montre l'impossibilité de maîtriser une passion (Mathô / Salammbô) d'un bout à l'autre du roman.

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La passion,... excusez-moi, je prends une définition qui me collait tellement à la peau, pour exprimer des émotions particulières :

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"Dans son sens philosophique, plus large que le sens courant, la passion, du latin patior, pati, homonyme grec πάθος (pathos) , signifiant la « souffrance », le « supplice », l'« état de celui qui subit », désigne l'ensemble des pulsions instinctives, émotionnelles et primitive de l'être humain qui, lorsqu'elles sont suffisamment violentes, entravent sa capacité à réfléchir et à agir de manière raisonnée."

La passion donc, je l'ai connue, c'est à la fois merveilleux, aveugle et destructeur, j'ai réussi à en sortir, et je crois que cette épreuve m'a rendu un peu philosophe : )
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Madame Bovary

Qu'il soit entendu ici : j'aime Emma Bovary. Voilà, c'est dit. Et puisqu'il s'agit d'amour, je ne serai pas objectif dans le propos qui va suivre.

Tout d'abord, je vais vous rappeler les principaux faits qui jalonnent ce très beau roman, Madame Bovary, ou plutôt ceux que j'ai retenus, la mémoire en amour est toujours un peu sélective.

Il y a tout d'abord la première scène très forte qui ouvre le roman et plante le décor ainsi que la manière de la narration qui repose beaucoup sur la moquerie. Nous prenons ainsi connaissance du personnage de Charles Bovary alors qu'il est collégien, nouveau venu dans une classe et dont l'entrée crée la risée des autres élèves par sa gaucherie. Il faut dire que si la description des couleurs de son accoutrement est à la hauteur de la description, nous pouvons imaginer plutôt l'entrée d'un clown que celle d'un futur médecin. Dès lors, Flaubert installe ainsi la médiocrité et le ridicule d'un personnage qui sera l'époux d'une des femmes les plus célèbres de la littérature française.

Ensuite, il y a la rencontre d'Emma Bovary et de son futur mari, donc Charles Bovary, dont je viens de vous présenter ce portrait si flatteur.

Puis s'ensuivent la scène du mariage et l'installation du couple dans un village de Normandie. Ces différentes scènes sont marquées par la rapide désillusion d'Emma Bovary quant au sort d'épouse provinciale qui lui est réservée et qui efface ses attentes romantiques d'une vie plus sublime. S'installe alors un temps d'ennui et de mélancolie dans lequel celle-ci plonge tout doucement.

La scène du bal où est convié un soir le couple Bovary est un moment important car il ravive les idéaux romantiques d'Emma Bovary.

Puis le couple déménage et s'installe dans un autre village normand. C'est l'occasion de rencontrer deux personnages importants du roman : le pharmacien Homais, un genre de monsieur-je-sais-tout, qui tient une position centrale au sein du village et Léon, un jeune clerc de notaire dont Emma Bovary tombera amoureuse dans la seconde partie du roman. Cependant, ce qui la rapproche déjà de ce jeune homme, c'est leur point commun à savoir l'ennui qu'ils éprouvent tous deux dans cette campagne provinciale monotone.

Lors d'une fête des comices agricoles, Emma Bovary rencontre un riche propriétaire terrien, Rodolphe, qui la trouve belle et la séduit. Oui, j'ai oublié de vous le dire : Emma Bovary est belle. En tous cas, c'est ce que je pense. Elle en tombe tout de suite amoureuse. On sent rapidement que la réciproque n'est pas tout à fait vraie et comme à ce stade du roman, nous commençons déjà à connaître les petites fragilités de notre héroïne, nous nous disons qu'elle est en train de s'engager dans une voie où elle va ramasser de nouvelles désillusions. Et c'est ce qui arrive alors que Rodolphe s'était engagé à lui proposer de s'enfuir avec elle vers une nouvelle vie. Il lui pose un lapin au dernier moment. S'ensuit chez Emma Bovary une sorte de dépression, proche du suicide, dans laquelle elle se laisse couler.

Durant cette période du roman, je me souviens d'une scène très forte car elle est terriblement cruelle à plus d'un titre. C'est celle où le pharmacien Homais et Charles Bovary ont l'idée saugrenue de proposer à Hippolyte, le garçon d'écurie de l'auberge du village, de soigner son pied-bot. Cette scène est dure car on voit ici Emma Bovary tenter de s'accrocher dans un élan désespéré à une dernière illusion qui pourrait sauver son couple et avoir de l'admiration pour son mari. Cette scène est également cruelle car l'opération rate et le pauvre homme sera en définitive amputé du pied, à cause de la stupidité des deux apprentis sorciers.

Ensuite, Emma Bovary et Léon qui avait, entre temps, déménagé sur Rouen, se retrouvent par hasard. Ils deviennent amants. En filigrane de leur relation adultère, se développe la situation d'endettement voire de surendettement du couple Bovary, provoquée par le train de vie d'Emma Bovary. La relation amoureuse et clandestine d'Emma Bovary avec Léon, permet d'offrir, selon moi une scène à la fois cocasse, coquine et finalement d'une portée profondément érotique par la mise en situation : c'est celle du fiacre qui n'en finit pas de sillonner les rues de Rouen avec le couple adultère à son bord. Nous pouvons imaginer aisément ce qui se passe et pourtant aucun mot direct n'y fait allusion à proprement parler. Ici le procédé du style permet au contenant de révéler le contenu. Cette scène m'a fait penser à la scène finale d'un film d'Hitchcock (il me semble qu'il s'agit de la Mort aux Trousses), qui pour contourner la censure du Maccartisme de l'époque, suggère la scène érotique qui s'apprête à se dérouler dans un compartiment du train entre les deux héros du film, par la vision des pistons de la motrice lancée à vive allure et de la locomotive pénétrant alors dans un tunnel. Je vous laisse imaginer la métaphore…

Emma Bovary tente désespérément par tous les moyens, de faire face à la situation de surendettement dont elle est victime et de résoudre la situation à l'insu de son époux. Mais elle n'y parvient pas. Elle se suicide alors. Selon moi, je ne suis pas sûr que ce soit le désespoir amoureux qui l'amène à ce geste désespéré, ni même la situation de surendettement. Selon moi elle se suicide, par désespoir en le genre humain, en le genre masculin plus précisément, à cause de la médiocrité humaine qui triomphe finalement, contre elle. Elle parvient à la conscience de son échec face à sa quête désespérée qui tient le livre.

La scène de l'agonie d'Emma Bovary qui se suicide à l'arsenic puis celle de sa mort dans d'horribles souffrances ainsi que la veillée funèbre qui s'ensuit, sont également des moments clés et très rudes du roman. Ce sont des scènes d'un réalisme très fort au sens physique et visuel. Nous noterons au passage, que la scène de l'extrême-onction est d'une très grande sensualité. J'ai trouvé cette scène insupportable, puisque j'aime Emma Bovary.

Mais la scène la plus touchante du roman est sans doute la fin, lorsque Charles Bovary découvre par hasard l'adultère de sa femme. Il n'en éprouve aucun sentiment de jalousie ni de vengeance. A peine de la souffrance, non pas par cette vérité qu'il découvre mais par l'absence d'Emma qui continue de peser sur lui. Il en arrive même à entrer à reprendre contact avec Rodolphe pour d'une certaine manière retrouver à travers cette rencontre, le fil invisible qui continue de le relier à son épouse défunte. On pourrait se dire « Mais quel sot ! ». Mais non, je pense qu'à cet instant-là la prouesse de Flaubert nous amène à entrer en empathie avec Charles Bovary et à compatir à sa peine.

Que faut-il penser de ce personnage d'Emma Bovary. Si je peux émettre une suggestion : n'est-elle pas un des plus beaux personnages féminins de la littérature mondiale, rejoignant ainsi par l'adultère Anna Karenine ou Lady Chatterley au panthéon des femmes libres ou souhaitant le devenir, dans l'amour… ? Allez, je me lâche : Flaubert n'est-il pas un des premiers grands féministes, se faisant l'apôtre de la condition des femmes du XIXème siècle. Car au fond, que dit-il d'autre ? Qu'une femme de la condition d'Emma Bovary à son époque n'a que deux espaces pour se sentir libre : l'adultère ou la mort. Nous savons ce que sera la destinée d'Emma Bovary face à ces deux choix. D'ailleurs Anna Karenine n'est guère éloignée de cette trajectoire.

La censure de ce roman fut impitoyable, le roman étant présenté comme une menace pour la société bien-pensante de l'époque, non pas pour la scène de la calèche, mais tout simplement parce que Emma Bovary pourrait donner de mauvaises idées à de nombreuses autres femmes comme elle. Flaubert fut poursuivi en justice et son accusateur au procès dresse un réquisitoire impitoyable, le procureur de la république, un certain Ernest Pinard, ce nom ne s'invente pas, réquisitoire qui ferait se plier de rire aujourd'hui. Flaubert est bien défendu. Il s'en sort, mieux que Baudelaire attaqué sur les Fleurs du Mal, qui rencontre le même Pinard, le spécialiste de la justice des meurs de l'époque. C'est pour cela que je dis que Flaubert est féministe. Il a payé de sa personne pour défendre son héroïne et le désir de celle-ci d'aimer en femme libre.

Imaginons notre ami Flaubert plongé dans la société française de 2018, plus moderne que celle du XIXème siècle, mais quoique… Imaginons Eric Dupont Moretti défendant Flaubert, clamant son innocence et son intégrité sur les plateaux télés, dénonçant le procès à charge dressé à l'encontre de son client, s'énervant, mais nom de Dieu ! contre la moquerie des journalistes… Vous y avez pensé ? Ah ! comme le spectacle serait beau…

J'aime Emma Bovary et je voudrais tant à présent que vous l'aimiez comme je l'aime.

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Madame Bovary

Que dire qui n'ait déjà été dit sur Madame Bovary ?...

Sinon qu'il fait partie de ces très rares livres qui jamais n'ont vieilli, ne vieillissent ou ne vieilliront.

Flaubert, dans l'effort et la souffrance a produit un intemporel chef d' œuvre littéraire. L'une de ces sommes qui se suffisent à elles-même.

J' ai le souvenir de cette lecture d'il y a longtemps, si passionnante pour l'adolescent que j'étais et dont je relis souvent des passages, au hasard d'une visite dans ma bibliothèque numérique. J'y retrouve Homais le pharmacien, ce pauvre Charles, et cet éphémère papillon nommée Emma.

Je reprend un morceau de cette vie de province normande, une part de cette fulgurance d' Emma, cet appétit d'existence, cette lumière qui s'enfonce dans un tunnel et disparaît.

Alors oui, Madame Bovary ne cessera jamais de me nourrir, comme un très bel arbre dont les fruits reviennent chaque année.

Et cette inéluctable fin de l'histoire qui me hante et me revient.

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Madame Bovary

Autant l’avouer tout de suite : Emma Bovary fait partie de ces personnages qu’on adore haïr. Elle donne l’impression de passer son temps à se plaindre, souhaite un plus beau service de table, de plus belles robes,… C’est une femme qui n’est jamais satisfaite de ce qu’elle a et, même lorsque ses possessions paraissent plus que suffisantes aux yeux des humbles mortels qui lisent ce roman, elle parvient encore à se trouver malheureuse et à s’apitoyer sur elle-même.

Mais une fois que l’on est rentré dans le roman, même les défauts du personnage principal semblent fascinants. Et ces défauts donnent en fait l’impression d’être le reflet de quelque chose de plus profond que Flaubert aurait souhaité illustrer.



J’ai eu l’impression, en lisant le contraste entre les personnalités de Charles et Emma Bovary, que l’auteur tentait de nous faire comprendre à quel point la réalité diffère pour chacun d’entre nous. Charles semble heureux de sa vie et de sa situation ; il m’a paru plutôt optimiste. Emma, par contre, semble vivre son mariage et la vie quotidienne qui en découle comme un enfer : rien ne se déroule comme elle le souhaite et cela la rend profondément malheureuse. Pour Charles, la vie est belle (ou du moins sans surprise et donc, sans déception) ; pour Emma, vivre est un enfer. Comment expliquer cette vision contrastée d’une même vie commune ? C’est un peu ce que fait Flaubert.

Emma Bovary a l’esprit obnubilé par les personnages et les histoires qu’elle découvre dans les romans qu’elle lit. Elle semble avoir beaucoup de mal à faire la part des choses entre la réalité de sa propre existence et la vie idéalisée des héroïnes des fictions qu’elle dévore. Et c’est cela qui la rend malheureuse, c’est ce manque de réalisme qui l’empêche de profiter de son existence. Emma a passé sa vie à imaginer son existence au lieu de la vivre : elle s’est vue dans des situations idéales et ne s’est pas rendue compte un seul instant que sa vie pourrait différer du scénario qu’elle a élaboré dans son esprit.

Pour faire un peu d’humour, Emma devrait appliquer le conseil que le professeur Dumbledore donne à Harry dans Harry Potter à l’école des sorciers :

« Ca ne fait pas grand bien de s’installer dans les rêves en oubliant de vivre, souviens-toi de ça. »



L’héroïne de Flaubert m’a également paru profondément désœuvrée. A un moment de l’histoire, Madame Bovary mère (la mère de Charles) explique à son fils que les problèmes d’Emma découlent en partie du fait qu’elle n’a rien à faire de toute la journée. D’après elle, si Emma devait tenir sa maison et faire son ménage, comme la plupart des femmes, elle aurait moins de temps pour se complaire dans le désespoir qui l’assaille régulièrement.



Si je ne devais retenir qu’une chose de ce classique, ce serait celle-ci : il faut apprendre à se contenter de ce que l’on a et de ce que l’on est. Emma pourrait être heureuse ou, du moins, ne pas être aussi malheureuse. Mais elle décide, en quelque sorte, d’aller jusqu’au bout de son malheur, de ne pas accepter les bons côtés de l’existence car ils ne correspondent pas à ce qu’elle s’était imaginé après avoir lus ses romans et après avoir été éduquée au couvent.



C’est peut-être stupide comme comparaison, mais elle me rappelle un peu l’Antigone de Jean Anouilh : Antigone a le choix entre se sauver ou aller jusqu’au bout de ses idées et mourir pour celles-ci. Emma Bovary se retrouve confrontée au même choix : elle peut accepter de se contenter de son existence (« s’en faire une raison ») ou continuer à désespérer et essayer par tous les moyens d’atteindre l’idéal inaccessible qu’elle s’est fixé.



Ce roman est un véritable coup de cœur, même si l’héroïne est franchement agaçante. J’ai apprécié la qualité de la plume de Flaubert et ses descriptions longues et détaillées mais jamais ennuyeuses. Le récit a un ton « très XIXe siècle » et est donc extrêmement agréable à lire après plusieurs romans contemporains.
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Bouvard et Pécuchet

Il est inutile d’apprendre : la connaissance ne s’acquiert ni dans les livres, ni ailleurs. Il est inutile de lire, à moins de vouloir se rendre fou, pédant ou désespéré. Il est inutile d’écrire, à moins de vouloir contaminer le reste du monde des relents dégénérés de son individu. Et pour le prouver, Flaubert nous livre une démonstration par l’absurde : non seulement il apprendra en se gorgeant de toutes les connaissances mémorisées jusqu’à son époque, mais en plus il tirera cet enseignement de ses pires ennemis les livres, après quoi il vomira cette mélasse d’enseignements par la plume, participant ainsi au massacre qu’il souhaite mettre en évidence.





Flaubert met en scène Bouvard et Pécuchet, deux pauvres bougres qui n’ont pas sa lucidité. Employés dactylographes menant une vie ordinaire, leur existence se met seulement à dévier lorsqu’ils tombent l’un sur l’autre. De leur fréquentation mutuelle, une troisième volonté surgira : celle qui aspire à un au-delà libéré des contraintes financières et de la monotonie professionnelle. Le destin aidant, Bouvard et Pécuchet trouvent finalement le moyen de se retirer à la campagne. Enfin, la belle vie ? Certes, mais… tout comme Emma Bovary, les deux anciens secrétaires ne parviennent jamais à l’entière satisfaction. Il manque quelque chose à leur épanouissement, sans qu’ils ne sachent précisément le nommer. L’ennui est là, qui guette le moindre fléchissement de leur humeur.





Pour détourner leur attention de cette menace, Bouvard et Pécuchet se lancent dans l’étude. Se projetant corps et âme dans une discipline après l’autre –biologie, géologie, philosophie, littérature, religion, psychologie, médecine, au choix…-, ils en aspirent toute la moelle avec un appétit de charognard, ne relevant la tête que lorsqu’il n’en reste plus rien, et découvrant alors le peu de consistance de la matière absorbée. Les sciences ne sont qu’un moyen, que Bouvard et Pécuchet dévorent pour atteindre une fin qu’ils ne connaissent pas. Les querelles idéologiques qu’ils se livrent ne sont que des divertissements, espérant peut-être aviver assez de foi en eux pour leur conférer une identité qu’ils ne maîtrisent pas.





Flaubert ne peut être comparé à ses personnages : il se situe bien au-delà d’eux et il les a surpassés depuis longtemps. Passant peut-être, comme eux, par les phases de la satisfaction, de l’ostentation, de la déception puis du désespoir, il n’a pas sombré à leur manière dans la résignation mais s’est gorgé d’une lucidité rageuse qui exacerbe son ironie et son dégoût. Le roman qu’il écrit pour rendre ses lecteurs aussi abattus que lui constitue une étrange mise en abyme : avant de l’écrire, Flaubert se sera infligé la lecture de centaines d’ouvrages scientifiques, en relevant toutes les incongruités (et nous livrant ainsi un Dictionnaire des idées reçues et un Sottisier truculents), et en résumant les grandes idées qu’il fait ensuite tenir à Bouvard et Pécuchet. Les références abondent en tous sens, les théories se contredisent les unes les autres, les idéologies s’affrontent dans des querelles dont la multiplication appauvrit l’intérêt, et tout l’édifice culturel s’effondre devant le constat d’une absurdité insolvable. Et si encore on s’amusait… mais non, même pas. Bouvard et Pécuchet, malgré quelques traces d’ironie cinglante et bouffonne (« Afin de produire artificiellement des digestions, ils tassèrent de la viande dans une fiole, où était le suc gastrique d’un canard –et ils la portèrent sous leurs aisselles durant quinze jours, sans autre résultat que d’infecter leurs personnes »), se lit dans la torpeur et l’ennui.





Le travail de sape est réussi… ou presque. Malgré tout le dégoût qu’on suppose être à la base de l’écriture de ce roman, le lecteur ne pourra être totalement contaminé par l’abattement originel de Flaubert car, en détruisant l’objet de ses espoirs et de ses désillusions, celui-ci parvient enfin à trouver du plaisir là où les théories scientifiques n’ont su lui inspirer que du découragement. Sapant de bon cœur un édifice culturel fondé sur des sables mouvants, la rage triste de Flaubert devient rage joyeuse, et réussit parfois à nous tirer un sourire et même un soupçon de plaisir au milieu de notre ennui…


Lien : http://colimasson.over-blog...
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Madame Bovary

Flaubert, c'est nous...

C'est drôle comme on peut côtoyer un certain livre, le frôler, l'apercevoir à droite ou à gauche, en posséder un bel exemplaire (en pléiade s'il vous plaît ! ) et ne pas le connaître !

Salambô, coché.

Trois contes, coché.

Et Madame Bovary ? même pas en film parce qu'au fond, je savais qu'un jour...

Il aura fallu, comme souvent, la concordance de deux temps.

a) L'anniversaire de la mort de G. Flaubert et la lecture publique et musicale d'un texte intitulé :

"MES SOUVENIRS SUR GUSTAVE FLAUBERT" paru dans

"Le Figaro, Supplément littéraire du dimanche, samedi 11 décembre 1880" par l'immense Émile ZOLA, qui décrit l'enterrement, chez moi, de l'écrivain Normand. Texte admirable que je conseille à qui peut se le procurer (l'écouter fût encore mieux, tellement les interprètes faisaient vivre le moment).

b) Le cadeau m'étant fait, de retour de Porto et de sa célèbre librairie Lello, d'une version locale ("The collection") de madame Bovary.

Comme un clin d’œil du destin, plus d’hésitation, je décidais de m'y mettre...

Avec appréhension car les classiques, à mon âge...

Et là, boum ! énorme révélation ! Ce livre est simplement magnifique. Les états d'âme d'Emma Bovary, ses rêves et ses illusions sont tellement réels...

Les personnages gravitant autour, médecins, apothicaire, vendeurs filous et clercs de notaire, leurs motivations, jamais expliquées mais si compréhensibles...

Je passe sur la description de la vie au siècle de Flaubert, de Rouen, ses rues et ses auberges à l'entrée de la ville, de la campagne avoisinante : Yonville qui serait Ry en réalité, des moyens de transport de l'époque...

C'est saisissant.

Et surtout, cela se lit comme le meilleur roman d'aujourd'hui, pas une longueur de trop dans la langueur de l'héroïne. C'est un roman d'amour mené à un rythme de polar.

Pour résumer, si vous voulez vous frotter à un classique de la littérature française (certains prétendent AU classique) sans vous ennuyer une seconde, procurez vous Madame Bovary, vous ne serez pas déçus du voyage sur les chemins cabossés de Normandie.







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Madame Bovary

Le moins que l'on puisse dire, c'est que Flaubert, ici, nous offre une belle contextualisation de la médiocrité. Pas un seul personnage ne brille par sa sagacité, mais tous brillent par leur incapacité à percevoir réellement la cause d'agitation de leurs congénères. le summum étant Emma Bovary, seulement fixée sur les palpitations de son cœur, qui ne peuvent être déclenchées que par la passion amoureuse romanesque.



Une histoire qui aurait pu m'être aussi ennuyeuse que le ressenti d'Emma sur une vie routinière, mais ce ne fût pas le cas. Gustave Flaubert ajoute à toutes les situations qu'il met en scène, une dimension tristement absurde, alors qu'elles devraient être profondes ou émotionnellement fortes. Il dénigre finement.

Procédé qui n'a pas manqué de me faire lire ce roman avec un bel appétit.
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Madame Bovary

Qu’il est bon de se replonger dans un tel classique ! C’est à la fois se remémorer une époque, un contexte d’écriture (et de lecture), se rapprocher de quelques analyses critiques et toujours se réapproprier une œuvre et s’émerveiller devant son actualité…



Flaubert a été élevé dans une ambiance suffisamment mélancolique, triste et pessimiste pour y puiser par la suite des sources d’inspiration. Ses prédispositions observatrices et méticuleuses datent aussi de son enfance proche du milieu médical où évoluait son père. Plus tard, c’est dans la solitude de sa maladie nerveuse qu’il va travailler méthodiquement à l’écriture de ses romans, dont Madame Bovary qu’il mettra plus de quatre ans à écrire. C’est ce roman et surtout le procès intenté « pour offense à la morale publique et à la religion » qui a rendu Flaubert célèbre. Même s’il a été acquitté, on lui a reproché d’aller bien trop au delà du dicible admis à son époque sur des thématique comme le corps, la maladie, la sexualité ou la mort.

Faut-il rappeler que Flaubert s’est inspiré d’un fait divers bourgeois et provincial, d’une histoire vraie, celle de l’épouse infidèle d’un médecin qui se serait empoisonnée et dont le mari, inconsolable, serait mort de chagrin ? Ses personnages seraient, à peu de choses près, les portraits très ressemblants des vrais protagonistes… d’où, pour ses contemporains, une impression de réalité accrue. Le roman paraît d’abord dans La Revue de Paris en 1856 puis en librairie l’année suivante.



Ce qui frappe dans ce roman, c’est la finesse de l’analyse psychologique au travers de ses manifestations perceptibles de l’extérieur. Flaubert donne l’impression de ne pas faire intervenir son jugement personnel ; il expose des faits, se pose en narrateur omniscient, en écrivain qui s’est réellement mis dans la peau de ses personnages, qui les a fait vivre de l’intérieur sans les juger. L’écriture flaubertienne veut coller à la pensée : Flaubert a énormément retravaillé son style, toujours en recherche d’une manière plus absolue de dire les choses, de faire fusionner le fond et la forme, le mot et l’idée ; les sentiments, les paroles, les attitudes font vrai et sonnent juste : Bovary est médiocre, Homais est un prétentieux doté d’une profonde bêtise, Léon est une caricature de héros romantique très timide… Même les personnages secondaires présentent cette recherche de vérité ; je pense à la nourrice de la fillette des Bovary, par exemple, décrite dans sa maison modeste… Flaubert ne représente pas les choses comme elles sont objectivement, mais plutôt comme les perçoivent ses personnages. Ainsi, par exemple, les détails de la scène du bal chez le marquis sont vus à travers le prisme du regard d’Emma…

Dans une représentation de la vie réelle, la dérision et l’ironie sont constamment présentes, tout comme le tragique et le drame, dans une alternance de rire et de larmes, de bons et de mauvais moments.



Comme Emma, son héroïne, Flaubert a connu une adolescence exaltée par la littérature romantique, héritier du René de Chateaubriand ou de l’Antony de Dumas, grand admirateur de Victor Hugo, il va mêler son réalisme de sensiblerie, de tendresse et d’enthousiasme même si c’est pour faire une peinture sans concessions des élans et des illusions de ses personnages et de lui-même à travers eux.

Madame Bovary est d’abord et avant tout un roman réaliste, un étude clinique des personnages et une satire du romantisme. Ainsi, Emma voudrait vivre dans la passion et l’ivresse décrites dans les livres qu’elle a lus en cachette au couvent même si elle a du mal à s’en faire clairement une idée. Si elle avait été élevée en ville, elle aurait peut-être acquis une certaine ouverture d’esprit, mais Emma est une fille de la campagne et elle subit l’influence de son milieu : si elle est à ce point malheureuse, c’est parce qu’elle a reçu une éducation trop bourgeoise pour sa condition paysanne et qu’elle aspire à une ascension sociale que ses origines ne lui permettront jamais d’atteindre.

Elle devient romantique dans le mauvais sens du terme, romantique à outrance : avec elle le romantisme devient une perversion, davantage nourrie de presse féminine et de mauvais romans que d’œuvres littéraires. La satire de Flaubert s’organise autour de poncifs ridicules : promenade au clair de lune, leçons de piano fictives, rêve d’enlèvement…

Emma sera enfin victime d’une forme de déterminisme et suivra une pente descendante et sans issue de l’ennui au mensonge, des dettes à la négligence de sa famille, de l’infidélité au suicide, dans un enchainement naturel et fatal.

Mais il ne s’agit pas ici seulement de stigmatiser le romantisme féminin : le bovarysme est un travers mixte, qui peut aussi toucher les hommes : chacun peut être victime de ses illusions et de ses rêves. Flaubert a d’ailleurs reconnu que le personnage d’Emma lui ressemble beaucoup, sorte de double de son auteur : comme Flaubert, elle souffre d’une grande sensibilité nerveuse, est toujours insatisfaite. Elle est souvent décrite avec des postures masculines : elle fume, monte à cheval… Mais la ressemblance s’arrête là : Flaubert a su sublimer son romantisme par son art tandis que son personnage s’est autodétruit, restant esclave d’un romantisme mal compris.

Emma Bovary est devenue un type universel, presque mythique.



Personnellement, malgré le titre éponyme, je ne peux m’empêcher de remarquer que le personnage d’Emma est encadré par la figure de son mari dont elle constitue seulement une partie de la vie et de l’histoire ; en effet, Charles a donné son nom à Emma, et il ouvre et clôt le roman puisque les quatre premiers chapitres sont consacrés à sa présentation tandis que les trois derniers décrivent son chagrin et sa mort.

De plus, le récit donne l’impression que le narrateur a bien connu Charles Bovary. C’est ce personnage qui donne une forme d’humanité au roman. Emma demeure antipathique car comme Flaubert, son auteur, le lecteur prend de la distance vis-à-vis d’elle.

Et si Charles Bovary était le seul véritable héros romantique de ce roman ? Il est bien le seul à mourir d’amour même s’il a été ridiculisé la plupart du temps. À sa manière, bien que pitoyable, il revêt une dimension tragique et sublime dans sa sincérité, dans les choix et les sacrifices qu’il fait, dans la préparation des funérailles d’Emma, dans la manière dont il accorde son pardon à Rodolphe... Il meurt en tenant une mèche de cheveux d’Emma dans la main.



L’histoire d’Emma Bovary est toujours très actuelle car, même si les mœurs ont évolué, il arrive que l’on rêve d’une autre vie, qu’on souhaite être quelqu’un d’autre et il existera toujours un décalage entre le rêve et la réalité. Les problématiques autour du couple mal assorti et de l’infidélité parlent toujours aux lecteurs d’aujourd’hui même si la destinée de la femme peut s’accomplir hors du mariage et si les modalités de séparation sont grandement facilitées.

De même, la surconsommation et l’endettement sont des attitudes compulsives de plus en plus présentes dans nos sociétés. Quant au suicide, il reste le dernier recours et laisse désemparés ceux qui y sont confrontés.

Enfin, il faut bien avouer que le rapport aux modèles véhiculés par les médias ou les réseaux sociaux rappelle étrangement la pathologie décrite à partir d’Emma Bovary par Jules de Gaultier, sous le nom de bovarysme, dans un essai de 1892, comme un excès d’identification et d’empathie touchant les lecteurs de romans. Simplement, de nos jours, ce phénomène dépasse le domaine littéraire et touche autant les hommes que les femmes.

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Madame Bovary

" L'impossibilité de voir, et d'honorer, les limites, les siennes, et celles des autres, est la marque de la plupart des pathologies mentales".



C'est ce que me disait une amie, psychologue, clinicienne.



Penible, la lecture de Mme Bovary. Je me suis traîné à marches forcées de vingt à trente pages à travers ce livre. C'est que je n'abandonne pas un livre commencé, sauf à n'y rien comprendre ou à ne plus pouvoir tolérer la nausée.



Soyons charitables, et pensons que la déscription interminable du monde mortifère où Emma végète entourée de ploucs de pédigrés divers - je suis charitable comme vous le voyez - est un artifice littéraire déstiné à nous faire ressentir tout son écoeurement devant cette vie où les autres se complaisent. On la comprend. Surtout qu'élevée au pensionnat des bonnes soeurs, pétrie de romans chantant l'amour idéal - romans lus en cachette au dortoir - oui, intelligente et jolie, elle aime à attirer l'attention.



Que peut-on faire, là-bas, à cette époque, d'une fille qui a terminé ses études secondaires? Et bien, elle retourne naturellement à la maison paternelle en attendant que quelqu'un demande sa main ! On reprise des chaussettes, on s'occupe, on attend. J'ai dit : on attend !



Voilà que se pointe un brave garçon, médecin de campagne, qui demande sa main. C'est lui qui doit être le prince revé ! Allons-y ! Alors commence une vie conjugale qui correspond aux désirs de l'un, mais qui fait déchanter l'autre : Charles s'attend à une vie tranquille, où il développe sa pratique, mange, parle, dort avec sa femme, qui, aidée d'une servante, tiendrait la maison. Elle, elle lui déclame des vers, le soir, au jardin,en espérant (r)éveiller l'amour, le vrai ! Et, vous ne me croirez pas, mais ca ne marche pas ! Pourtant, au dortoir de l'internat, ca faisait des merveilles !



Commence alors la déscente aux enfers d'Emma, déscente interrompue - non, accélérée - par des images d'une autre vie : le bal du marquis, des fantaisies de vie Parisienne, mais surtout les liaisons, qui se succèdent. Celles-ci sont poussées de plus en plus loin, et s'affichent progressivement au grand jour, dans un petit pâtelin du XiXième siècle. Le comportement scandaleux d'Emma, ses exigences de plus en plus baroques chassent les amants. Ne trouvant pas l'Amour - fantasmé comme une sorte d'orgasme total, final et perpétuel - elle enrage, et accumule les dépenses extravagantes entre deux week-ends avec un amant. C'est cela qui finira par mettre fin à l'aventure : la ruine financière, pure et simple. Et le suicide, comme seule issue. Au fond, son suicide est la seule chose qu'elle n'aura pas raté. Ah non, j'oubliais : elle a réussi à faire une gosse. Pas qu'elle s'en soit occupée, d'ailleurs. Elle avait mieux à faire ailleurs. Quelle conne.



Et quel con, l'imbécile de Charles, le mari qui n'a rien vu, rien compris, tout laissé faire, et qui continue à l'aimer même quand elle l'écrase d'un mépris froid et total, lui, le pauvre médecin de campagne qui voulait simplement vivre heureux avec elle, croyant et continuant à croire qu'elle partagerait ses vues, sans doute par simple manque d'imagination. Garçon pas trop futé, dont l'horizon est celui des limites du village, il n'a rien compris à sa femme. Dépassé par la situation depuis le debut, Charles ! Quand on s'aime, c'est assez, non ? Mais elle ne t'ame pas ! Elle aime quelqu'un qui n'existe pas, qui ne peut pas exister : l'amant idéal .



Apprendre à vivre avec ses limites, et celles des autres. Ou devenir dingue.



J'ai le début de la soixantaine. Mes rêves d'adolescent, de jeune adulte, je n'ai pas pu les réaliser. En tous cas pas comme je les voyais d'abord. Il a fallu prendre des virages. C'est que je ne suis pas qui je croyais être. Et que la vie n'est pas comme je la voyais au début. J'ai appris qui je suis. Et je continue d'apprendre à vivre avec. Avec moi, avec le monde. Je vous souhaite d'en faire autant. Je crois que cela vaut le coup. Et ca vaut bien mieux que l'alternative !

























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Madame Bovary

Voilà une oeuvre classique que son exploitation scolaire dessert un peu, bien qu'il soit nécessaire de la faire lire à l'école, puisqu'elle est ... classique (à savoir, formatrice, indispensable à la maturation des esprits et des plumes). Comme beaucoup de grands romans du XIX°s, la première lecture (surtout sous contrainte) peut sembler pénible et ennuyeuse, comme d'ailleurs les années de création que le roman coûta à son auteur. En fait, c'est la seconde, voire la troisième lecture, qui vont révéler toutes les qualités comiques du roman, toute la satire du romantisme qui enjolive l'affreux monde comme il va, toute la drôlerie de l'entreprise. Mais pour arriver à ce plaisir comique de la relecture, il aura fallu en passer par la première lecture et ses souffrances. Mais qui a dit que le beau se gagne sans effort ?



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Madame Bovary

Flaubert est un orfèvre des mots. Il n'y a qu'à regarder la génétique de Madame Bovary.

Rares sont les écrivains qui travaillaient tant sur une seule phrase. Chacun de ses mots est un condensé de sens, tous ont leur place, ont une signification.

Rares sont les écrivains qui ont tant travaillé pour un seul roman. Cinq ans de travail pour cinq cents pages. C'est une litote que de dire que la minutie fut de mise durant la rédaction de l'ouvrage.

Mais à l'issue de ce dur labeur, Gustave Flaubert nous donna à lire une sorte de beauté froide devant laquelle, lorsque l'on sait, on ne peut s'empêcher de s'extasier.
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Trois contes : Un coeur simple - La légende d..

j'ai souffert et compati avec cette servante si confiante, sincère, bafouée comme il se doit ... ce coeur simple nous fait quand même voyager au bord de l'âme humaine et de ses facettes rutilantes ou sombres ... ouvrage musical comme souvent chez Flaubert qui se lit très vite et se savoure de même. Ne boudons pas notre plaisir.
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Madame Bovary

Au départ, il y eut la lecture d’un livre bien éloigné des romans : “L’homme augmenté”.

L’essai d’un psychiatre qui aboutit de manière surprenante à l’apologie de la lecture.

Il note accessoirement que Flaubert racontait que le plus sincèrement du monde il avait passé six semaines à chercher un mot, c’était le verbe “secouer”.

Il cite également l’analyse que fait Proust à propos de son style : “ Les adverbes, locutions adverbiales, etc., sont toujours placés dans Flaubert de la façon la plus laide, la plus inattendue, la plus lourde, comme pour maçonner ces phrases compactes, boucher les moindres trous…”, tout en complétant son propos : “mais nous les aimons ces lourds matériaux que la phrase de Flaubert soulève et laisse tomber avec le bruit intermittent d’un excavateur. Car si, comme on l’a écrit, la lampe nocturne de Flaubert faisait aux mariniers l’effet d’un phare, on peut dire aussi que les phrases lancées par son “gueuloir” avaient le rythme régulier de ces machines qui servent à faire les déblais.”

Flaubert criait son texte car “les phrases mal écrites ne résistent pas à cette épreuve.”.



Alors, j’ai eu envie - et ce fut un enchantement - de lire ce ”Madame Bovary” dont il considéra l’écriture comme un pensum de cinq ans : “Depuis qu’on fait du style, je crois que personne ne s’est donné autant de mal que moi.”

Flaubert avait la volonté de bâtir une œuvre qui devait tenir debout par son style : “ce qui me semble beau, c’est un livre sur rien, un livre sans attache extérieure, qui se tiendrait de lui-même par la force interne de son style…”



Madame Bovary est une femme qui rêvait d’un destin comme on en voit dans les livres.

A aucun moment je n’ai imaginé que ce que je lisais était répréhensible et condamnable à un an de prison pour outrage à la morale publique et la morale religieuse, rien que ça !

Mais faire d’une femme le personnage principal, qui plus est revendique ses désirs, ses fantasmes, était réellement outrageux !



Heureusement que la censure de son éditeur a amputé l’édition incriminée de 71 passages (restaurés dans nos éditions contemporaines).

Heureusement que l’auto-censure a opéré car dans ses notes Flaubert a écrit à propos d’Emma que : “l’habitude de baiser la rend sensuelle.”

Le texte du procès de “Madame Bovary” suit le roman proprement dit dans mon édition Folio.

Le réquisitoire de l’avocat impérial Ernest Pinard s’interroge sur le rôle du ministère public et choisit de raconter “tout le roman sans en lire, sans en incriminer aucun passage” (et il fait un résumé tout ce qu’il y a d’objectif qui pourra vous remettre en selle si vous avez décroché !) .

Puis il relève et incrimine certains passages en les lisant.

Je vous ai mis des extraits en citation, qui selon Pinard font “la poésie de l’adultère”.

Le juge attira l’attention de l’auteur sur les “limites que la littérature, même la plus légère, ne doit pas dépasser.” Il prononça un blâme sévère, premier niveau de peine “car la mission de la littérature doit être d’orner et de recréer l’esprit en élevant l’intelligence et en épurant les mœurs…” Il argua pour expliquer l’acquittement : “Mais attendu que l’ouvrage dont Flaubert est l’auteur est une oeuvre qui paraît avoir été longuement et sérieusement travaillée, au point de vue littéraire et de l’étude des caractères ; que les passages relevés par l'ordonnance de renvoi, quelque répréhensibles qu’ils soient, sont peu nombreux si on les compare à l’étendue de l’ouvrage…”



Il n’en sera pas de même quelques mois plus tard avec “Les fleurs du mal “ de Baudelaire que Pinard fera censurer de six poèmes à cause d’expressions obscènes et immorales !



Il a fallu que je progresse dans la lecture pour m’apercevoir que j’avais déjà lu ce roman quand j’étais adolescent ! Arrivé à l'opération du pied-bot, me sont revenues quelques réminiscences, montrant en quoi la mémoire cinquantenaire est singulière ; car il ne me restait que vaguement le souvenir de la séduction de Rodolphe associé à ma masculinité en construction, mais de Mme Bovary, qui est pourtant l’essentiel, peu de choses.



Si comme moi, et peut-être en lecture imposée au lycée, vous avez lu ce premier roman moderne de la déception de l’amour, vous pourrez peut-être considérer que “le style c’est la vie, le sang même de la pensée.”

Ce style dont Théophile Gautier dira qu'il était “rythmé comme le vers, précis comme le langage des sciences, et avec des ondulations, des renflements de violoncelle, des aigrettes de feu…”



Laissons le dernier mot simple à Victor Hugo.

Il est extrait d’une lettre qu'il a adressée à Flaubert depuis son exil : “Madame Bovary est une œuvre…”





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Madame Bovary

Quel roman, mais quel roman!

Et quelle révélation, avec cette relecture bien loin après sa découverte à l'adolescence, que de reconsidérer cette coloration assez méprisante qu'avaient laissé dans mon esprit ces analyses et convocations régulières du "bovarysme" comme elles-mêmes méprisables, en tout cas tant que s'appliquant à cette femme-là, Emma Bovary!



Eternelle insatisfaite et "phantasmatrice" d'elle-même, Emma? Peut-être, mais quelle étroitesse de vue de résumer à cela une femme qui rêve large dans une société minuscule, dont l'âme et le coeur déborde d'un univers bridé, une femme qui veut vivre, bon dieu! Qui ne brûlerait pas de danser de nouveau quand elle aura une fois valsé sous les lustres? Qui ne succomberait pas à la flamme du premier oeil mâle croisé après avoir végété durant des heures dans une maison terne à contempler son bon gros Charles de mari laper sa soupe? #Je suis Emma! #Emma MeToo!

Bien sûr cette femme a d'épouvantables défauts, égoïste, capricieuse, incapable de se tenir sa place, mais, magnifié par la plume extraordinaire de Flaubert, son personnage est d'une grandeur qui emporte ses défauts.

Et d'ailleurs, qui encore, doté d'un minimum de sève vitale, saurait se contenter de la place qui est la sienne dans une société provinciale triste à pleurer et immobile à mourir, mesquine et sans ambition? C'est là bien sûr l'autre sommet de ce roman monumental que l'évocation grinçante de ce monde étriqué à la face duquel Flaubert jette la crudité d'une Emma pour en ébranler les bases, du curé au notable.



Et pourtant de ce roman sulfureux me reste aussi le ressenti d'une véritable tendresse pour "Charbovari", le mari si aimant mais si benoitement en dessous de tout.

Quel roman!
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L'éducation sentimentale

Flaubert et moi, c’est une grande histoire d’amour qui dure depuis 20 ans, depuis le jour où j’ai décidé d’ouvrir Madame Bovary, comme ça, pour voir ; je fus charmée par Emma, bien sûr, pour qui j’avais un regard bien naïvement bienveillant, mais encore plus par le style de ce bon vieil ermite aigri et perfectionniste, qui s’astreignait à un travail rigoureux d’ascète huit heures par jour pour réussir à écrire, un jour, le Roman qui engloberait toutes ses aspirations et toutes ses envies, peine perdue malheureusement. Enfin, je ne suis pas là pour gloser sur Flaubert, mais pour évoquer plus précisément L’Education sentimentale, que je lis et relis ces derniers mois, puisque je prépare l’agrégation de lettres, et qu’il est en effet au programme.



J’avoue que ces nombreuses relectures me montrent à chaque fois davantage à quel point ce roman est une pépite, bien encore davantage que Madame Bovary. Emma Bovary, c’est une femme qui s’ennuie, mais qui agit, malheureusement jusqu’au bout. Frédéric Moreau, c’est un jeune homme qui s’ennuie aussi, mais qui reste passif face à son désenchantement progressif, face au désenchantement de la société qui l’entoure. Il se nourrit de rêves et d’illusions, de fantasmes de plus en plus grandiloquents, sans être capable de profiter du peu qu’il obtient, quand il l’obtient, ce qui est bien rare. Il rêve sa vie, et la voit s’écouler tout en passant son temps à regretter ce qu’il ne fait pas, à défaut de ce qu’il fait, bien entendu. Il est représentatif de son époque, plus précisément de la société de 1848, en pleine désillusion, tout autant politiquement, que socialement ou culturellement, qui ne sait comment agir, et qui donc n’agit plus vraiment.



Alors oui, Frédéric peut être particulièrement agaçant, oui, on peut avoir envie de lui foutre un bon coup de pied au cul pour qu’il se bouge enfin, mais où résiderait alors le charme, et surtout la nouveauté de ce roman qui, en décrivant un jeune homme qui ne fait rien de sa vie, a la capacité de décrire par son intermédiaire toute une époque, par une série de tableaux tous plus frappants de réalisme, mais aussi de cynisme, les uns que les autres ?



Je crois que c’est vraiment ce qu’il faut comprendre quant à ce roman, si l’on veut en saisir tous les enjeux, et prendre du plaisir à sa lecture, qui peut être ardue – notamment toutes les descriptions de repas et les scènes pendant les révoltes, que je trouve personnellement truculentes, enfin les goûts et les couleurs… – : Flaubert n’a pas fait son roman chiant juste pour le plaisir et pour gaver des ribambelles d’étudiants de fac de lettres, il a parfaitement mimé la vie de son personnage principal, tout simplement, pour faire prendre conscience à son lecteur ce qu’est l’essence même de l’ennui, du désenchantement, de la désillusion. Car ce qui aurait dû être un roman d’apprentissage, comme l’annonce le titre, n’est qu’un roman sur rien, inclassable et foncièrement moderne pour 1869.
Lien : https://lartetletreblog.fr/2..
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Un coeur simple



Ce " conte" ou nouvelle, paru en 1877, est , selon moi, très réussi.



Flaubert nous trace le parcours d'une humble servante, Félicité,que nous suivons jusqu'à sa mort.Une vie peu gaie, rude, mais la naïveté, la tendresse du personnage, ses affections intenses et successives pour des êtres( un homme, les enfants de sa maîtresse, un neveu, et même un perroquet !) la rendent très attachante.



Flaubert, comme il l'explique,n'a pas voulu se montrer ironique, il veut " faire pleurer les âmes sensibles, en étant une moi-même".



C'est vrai qu'on peut trouver le trait forcé, le récit hyperbolique, pour ce qui est des nombreux malheurs du personnage mais Flaubert sait bien rendre compte du sort d'une domestique, à la campagne, au 19ème siècle.Le poids de la religion et de la superstition mêlées,la dureté du travail, le manque de reconnaissance des employeurs.Félicité est pourtant toute( trop) dévouée à sa maîtresse, Madame Aubin.



L'image d'un perroquet géant vu dans son délire achève son destin.Une vie désespérante, mais une vie...
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Le dictionnaire des idées reçues - Catalogue de..

De temps à autre, je me replonge dans ce livre qui m'amuse toujours autant. Ce n'était visiblement pas le but initial recherché par l'auteur, mais il faut croire que la patine du temps a joué en sa défaveur (et/ou, en la notre ?!).



En effet, dans une correspondance adressée à Louise Colet le 16 décembre 1852, Flaubert écrit en parlant de son projet d'écriture : "Je rentrerais par là dans l'idée démocratique d'égalité, dans le mot de Fourier que les grands hommes deviendront inutiles; et c'est dans ce but, dirais-je que ce livre est fait. On y trouverait donc, par ordre alphabétique, sur tous les sujets possibles, tout ce qu'il faut dire en société pour être un homme convenable et aimable. (…) Il faudrait que, dans tout le cours du livre, il n'y eût pas un seul mot de mon cru, et qu'une fois qu'on l'aurait lu on n'osât plus parler, de peur de dire naturellement une des phrases qui s'y trouvent."



Flaubert aura passé 30 de sa vie à rédiger, raturer, affiner, compléter ce dictionnaire qui restera cependant inachevé au moment de sa mort en 1880. Il ne sera publié pour la première fois qu'en 1913, à titre posthume. Il aurait été publié de son vivant, il aurait vraisemblablement fait scandale. Car dans chacune de ses définitions, qui sont le plus souvent de l'ordre de l'aphorisme, son écriture incisive et sarcastique dénonce les préjugés et la bêtise convenue de la société bourgeoise du XIX.



Après plus d'un siècle, l'impact s'est un peu émoussé. Mais en aucun cas le contenu.



C'est aujourd'hui un ouvrage drôle, piquant, ironique, à prendre quand même au deuxième, voire au troisième degré!

Si certains de ces aphorismes sont aujourd'hui tombés en désuétude, ils reflètent le contexte et les moeurs d'une époque. Et c'est franchement SA-VOU-REUX. Mais contrairement au but recherché à l'origine par Flaubert, d'autres de ces aphorismes sont parvenus à transcender les époques jusqu'à nous, et sont encore d'actualités ! Et c'est encore plus SA-VOU-REUX !



A chaque époque son lot d'idées reçues. Et la nôtre, qui en a pourtant accumulé bien d'autres depuis (!), continue à cohabiter avec celles du XIXème siècle. En soi, c'est beau et c'est triste Mais c'est un moment de détente assuré !



Le plus "parlant" est peut être de citer quelques extraits :



CALVITIE : Toujours précoce, est causée par des excès de jeunesse ou la conception de grande pensée.

COLÈRE : Fouette le sang ; hygiénique de s'y mettre de temps en temps.

DOIGT : le doigt de Dieu se fourre partout.

EXCEPTION : Dites qu'elle confirme la règle. Ne vous risquez pas à expliquer comment.

FUSILLADE : Seule manière de faire taire les Parisiens.

OUVRIER : Toujours honnête, quand il ne fait pas d'émeutes.

TERRE : Dire les quatre coins de la terre, puisqu'elle est ronde.



Et il y en a tant, et tant d'autres ! (environ un millier pour donner un ordre d'idée... c'est beaucoup et si peu)



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L'éducation sentimentale

Le sous-titre de "L'éducation sentimentale" est "L'histoire d'un jeune homme", qui me semble plus approprié que ce titre qui apparaît, après lecture, trompeur et plutôt ironique.

Ce jeune homme, c'est Frédéric Moreau, dont on suit les vicissitudes de l'existence depuis ses 18 ans en 1840, alors qu'il est étudiant à Paris -et amoureux de Madame Arnoux, mariée et mère de famille. Cet amour va évoluer pendant des années, au gré des rencontres, intérêts et opportunités, dans le climat pré- et post-révolutionnaire de1848.

Je n'ai pas aimé Frédéric Moreau, personnage ambitieux, tergiversant et égoïste, et je n'ai pas été touchée par ses intrigues amoureuses. Je n'ai pas aimé non plus cette bourgeoisie oisive et mesquine décrite par Flaubert, son obsession de l'argent et son mépris de la République. Je n'ai pas plus aimé les socialistes exaltés, manipulateurs ou naïfs, dépeints par l'auteur. En outre, l'histoire m'a paru par moments décousue et mal articulée (mais Flaubert l'a écrite sur une période de 24 ans, ceci explique sans doute cela).

Néanmoins, ce roman est un témoignage précis et mordant sur la vie des Français sous la Monarchie de Juillet et la IIe République. L'auteur saisit sur le vif les travers de cette époque confuse, et se délecte à brosser les turpitudes de ses contemporains. Ce n'est qu'à ce titre que j'ai apprécié ce roman, même s'il m'a un peu rebutée par son cynisme, et si je me suis parfois égarée dans les nombreuses références politico-culturelles de cette période.

C'est donc davantage un roman social qu'une bluette, avis aux romantiques !
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Fumichon, concernant la propriété, évoque les arguments d'un homme politique dont Flaubert parle en ces terme dans une lettre à George Sand: "Peut-on voir un plus triomphant imbécile, un croûtard plus abject, un plus étroniforme bourgeois! Non! Rien ne peut donner l'idée du vomissement que m'inspire ce vieux melon diplomatique, arrondissant sa bêtise sur le fumier de la Bourgeoisie!". De qui s'agit-il?

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