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Critiques de Hugo Hamilton (74)
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Les Pages

Ce qui aurait pu être kitsch se révèle ici intéressant, le narrateur de ce livre est Un Livre, « La Rébellion » de Joseph Roth. Il échappe en 1933 à la nuit d'autodafé en grande pompe funèbre sur la place de Berlin, près de l'opéra, instigué par Goebbels et ses acolytes. Son propriétaire, un professeur prévoyant le confie à un jeune étudiant qui n'est autre que le grand-père de Lena notre protagoniste , qui émigrera aux États Unis, et La Rébellion survivra , étant la seule chose qu'il ait gardée le reliant comme un souvenir irrésolu à sa terre natale. Transmis d'une génération à l'autre on le rencontre en début de notre histoire dans le sac à main de sa petite fille Léna à l'aéroport JFK de NewYork, en partance pour Berlin.

Notre livre narrateur écrit par un juif en 1924 sera classé comme littérature de l'asphalte, la nouvelle écriture des grandes villes multiculturelles, considérée comme réactionnaire donc symbol de danger pour le national socialisme. À part cet attribut le petit livre porte aussi sur sa dernière page un mystérieux petit plan dessiné à la main , une des raisons pour laquelle Léna se rend à Berlin . Un plan qui faisant surface de temps en temps tout au long du récit animera notre curiosité . Hamilton croise habilement les deux histoires de « Rébellion » et celle de la vie de son écrivain, qui se passe aussi majoritairement à Berlin, non moins intéressant, mais peut reluisant quand à son image ; s'y ajoutent d'autres histoires de vie, brèves mais passionnantes , qui vont étonnement converger vers une fin surprise.



Recueillant des histoires au fur et à mesure qu'il voyage de propriétaire en propriétaire et d'étagère en étagère - observant les gens, conversant avec d'autres textes, notre survivant incarne joliment la capacité de la Littérature à nous lier et à nous rendre compréhensibles les uns aux autres à travers les décennies, les océans, les langues et les frontières. Ici précisément elle reconstruit l'histoire d'un livre et celle de plusieurs personnes les rassemblant comme un puzzle dans leur cheminement de par le monde.



Hugo Hamilton est un auteur irlandais dont j'ai déjà lu deux livres autobiographiques et beaucoup appréciés. Celui-ci basé sur une vraie histoire me reconfirme qu'il est un excellent écrivain. L'ayant reçu des éditions Phébus en français et l'ayant aussi déjà en anglais, j'ai fait l'expérience de les lire l'un à la suite de l'autre 😊.





“– là où on brûle des livres, on finit par brûler des hommes.– là où l'on sauve un livre des flammes, on finit par sauver des hommes.”



Un grand merci aux éditions Phébus et NetGalleyFrance pour l'envoie de ce livre.

#LesPages#NetGalleyFrance
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Les Pages

Objets inanimés, avez-vous donc une âme? La première édition de la Rébellion de Joseph Roth en possède une, comme tous les ouvrages. « Nous autres, -les livres, avons tendance à nous tenir à l'écart des situations vécues. Nous parlons entre nous la nuit dans les bibliothèques. On s'imagine souvent que les bibliothèques publiques sont des lieux calmes. Vous devriez entendre le brouhaha, les débats, le simple volume d'opinions échangées d'une étagère à l'autre jusqu'à l'aurore. Tout le monde parle en même temps. C'est comme un immense pugilat d'idées. »



Cet exemplaire écorné, rescapé par miracle des autodafés nous livre son histoire depuis le sac de sa propriétaire, Lena Knacht, une artiste américaine de père allemand. Hérité du grand-père, jadis élève de David Gluckstein, un professeur d'université juif qui voulut lui épargner les buchers de 1933 en le lui confiant, le livre raconte Roth, raconte l'Allemagne de la grande Guerre, de la République de Weimar, de la montée du nazisme, il dit le destin de ceux qui le lirent ou le possédèrent. Il contient sur l'une de ses pages un mystérieux croquis esquissé par Gluckstein qui doit livrer son secret. Et il est enfin de retour à Berlin, sa ville natale, là où tout a commencé.



Personnifier un livre, exercice périlleux s'il en est, est parfaitement maîtrisé par Hugo Hamilton, romancier germano-irlandais (les traductions de Roth dans la version anglaise sont les siennes), qui a déjà raconté son double héritage linguistique et culturel dans Sang impur et le Marin de Dublin. Les Pages, c'est le pouvoir des mots, des idées, de l'écho qu'elle trouvent dans la population. Les Pages, c'est le destin de Roth, et celui de son épouse, Frieda, qui fut l'une des victimes du programme d'euthanasie des Nazis en 1940. Les Pages, c'est la montée des nationalismes, et des tragédies qui se répètent, avec les personnages de deux tchétchènes, Amin et sa soeur Madina. C'est un dénouement inattendu qui en fait une Fable ingénieuse et étrange sur le pouvoir de l'Art et le passé dont on ne parvient jamais à tirer des leçons de vie.

Je remercie Babelio et les Editions Phébus pour l'envoi de ce roman reçu dans le cadre d'une Opération Masse Critique.
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Comme personne

Des longueurs sur l'état psychologique du héros , certains passages auraient mérité plus d'intérêt. Une bonne étude sociologique de la génération des babyboomer berlinois. Ça ressemble un peu au " dernier des nôtres" en moins captivant . Avis mitigé pour moi

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Sang impur

Très beau récit d'enfance irlandaise, largement autobiographique, couronnée du prix fémina étranger en 2004, et que j'ai lu il y a déjà plusieurs années, mais dont je reparle à l'occasion de ma future rencontre avec l'auteur dans le cadre des prochaines assises du roman qui auront lieu fin mai sur Lyon.



Vue décapante d'une famille pas comme les autres dans le Dublin un peu miséreux des années 50, l'enfance d'Hugo Hamilton, tiraillé entre un père violent qui accumule les échecs, et une mère allemande antinazie et si aimante.



Drole, cocasse, parfois tragique, intense, et plein d'espoir, un de ces nombreux très beaux livres irlandais, qui prouvent la diversité et la qualité de la littérature irlandaise.
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Je ne suis pas d'ici

Cela fait quelques années que je ne suis pas d’ici non plus. J’ai beau changer de région régulièrement, chercher une petite place qui deviendrait mienne, c’est mission impossible. Et pourtant je n’ai pas changé de pays, je parle parfaitement la langue de ce pays, j’ai la même religion, les mêmes défauts et qualités que mes congénères. Mais je ne serai jamais d’ici et si je retourne dans ma région natale je ne serais plus d’ici. Alors avoir un point de vue objectif, humoristique d’un étranger qui parle mal le dialecte régional et l’anglais en général, qui ne connait ni les coutumes ni les habitudes des irlandais et qui va faire confiance aux premières personnes rencontrées ce qui lui vaudra un séjour en prison est… Jouissif. Oui d’accord, je pourrais pleurer sur le sort de Vid mais il raconte tellement bien ce qui peut vous arriver si vous partez ailleurs. Un livre bourré d’humour sur le sort d’un étranger.
Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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Sang impur

La vie n'est pas simple pour Johannes, Franz et Maria, les enfants Hamilton. Il leur faut apprendre l'anglais, la langue de leur père puis l'allemand, la langue de leur mère et encore le gaélique, la langue que leur père, un irlandais nationaliste, tient ardemment à sauver de l'oubli . Engagé dans une guerre linguistique anti-britannique, il utilise ses enfants comme une arme destinée à la préservation de la culture irlandaise. Les petits ont l'interdiction formelle de prononcer le moindre mot anglais à la maison sous peine de sévères corrections. Leur mère est une femme douce qui a la nostalgie de son pays natal. Elle en parle beaucoup à ses enfants, elle chante et leur raconte des histoires en allemand. Elle fait rentrer un peu de son pays en se faisant envoyer des livres, des vêtements et des jouets par sa famille.

Dans ce contexte culturel compliqué, les petit Hamilton se sentent bizarres, différents des autres gamins. Ils sont des "brack people ", des bigarrés à double identité à l'image de leur tenue vestimentaire: lederhosenen en bas et pull-over à torsades en laine d'Aranen en haut.



J'ai eu un peu de mal à entrer dans cette histoire racontée par un enfant d'une dizaine d'années qui n'est autre que l'auteur lui même. Les tournures volontairement maladroites pour correspondre à l'âge du narrateur contrastent trop étrangement avec le réseau complexe d'allusions à la littérature, la politique et l'histoire. La sensation est désagréable mais disparaît rapidement pour laisser place au plaisir de découvrir cette famille pas ordinaire.
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Sang impur

Véritable coup de coeur que ce livre , l'auteur nous fait partager son enfance atypique entre un père irlandais , sans concessions , qui oblige ses enfants à parler Irlandais ( il faut savoir que la langue irlandaise est très peu parlée et que le fait de ne parler que cette langue marginalise les enfants ) et d'autre part une mère allemande , dans le contexte de l'après seconde guerre mondiale . Une mère vue bien sûr comme une étrangère , mais aussi comme une ennemie de la communauté irlandaise , et voilà l'auteur et son frère ballotés dans des querelles qui les dépassent , mais qui arrivent à trouver un peu d'amour dans leur enfance grâce à leur mère . Un très beau témoignage , sur l'enfance des années après-guerre.
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Je ne suis pas d'ici

Hugo Hamilton possède un réel talent pour explorer le thème universel de l’exil, de la solitude des immigrés et des réactions de rejet qu’ils peuvent subir leur rappelant incessamment qu’ils ne sont pas d’ici…ceux que Tahar Ben Jelloun décrit comme « des invités qui ne veulent déranger personne ».



Vid Cosic fait partie de ceux-là : il a quitté la Serbie avec sa besace de menuisier pour l’Irlande, terre d’accueil des migrants après avoir été une terre d’exil pour Londres. Armé d’une solide volonté de reconstruire sa vie et de s’enraciner à Dublin, il prend très vite conscience de la difficulté à être un habitant ordinaire en accumulant des petits boulots jusqu’à sa rencontre fortuite avec Kevin Concannon, avocat fantasque. De cette rencontre nait une amitié aussi soudaine que fraternelle, animée par le désir commun de garder enfouis leurs souvenirs d’un passé douloureux, un père parti pour l’un et des parents tués dans un accident de voiture pour l’autre.

Profondément altruiste et crédule, Vid voit son rêve d’appartenir à la communauté prendre des airs de réalité lorsque Kevin lui présente sa famille et lui confie les travaux de rénovation de la maison familiale. Grande demeure dans laquelle Vid va très vite découvrir l’intimité et les secrets des Concannon. Il tente alors d’y ancrer son histoire mais elle lui échappe très vite. Littéralement happé par les problèmes de cette famille qui ne lui attire que des ennuis, Vid réalise l’illusion de sa condition et de l’affection que semblaient lui porter chacun de ses membres. On ne lui pardonne rien car il ne fait pas partie des leurs.



L’auteur fait de Vid un fin observateur de la société irlandaise face à ce qui a été appelé le « miracle irlandais » : il dépeint la réalité de cette terre où « la brume flotte au-dessus de la mer et remonte dans les rues » avec des effluves de sel portées par le vent, une terre qui peut susciter un sentiment d’hostilité pour celui qui est étranger aux mœurs du pays, aux subtilités de la langue et ne maîtrise pas suffisamment les usages pour éviter la franchise du candide. C’est un constat qui sonne comme une vérité universelle et se reflète à travers les malentendus et les maladresses. Cette incompréhension renvoie sans cesse Vid à ses insuffisances et le conduit à se retrancher derrière une espèce de "politesse de l’immigrant", un dévouement sans commune mesure à faire le bien en oubliant sa propre révolte. L’ostracisme est insidieux.

Ainsi au-delà de la fiction, c’est l’occasion pour Hugo Hamilton de dresser le portrait avec intelligence de ces gens venus d’ailleurs en quête d’un avenir meilleur ou voulant laisser derrière eux le passé. Pour Vid : le passé est nébuleux et douloureux qu’une balle a recouvert d’amnésie, il s’échine à renier cette mémoire dans un pays paradoxalement riche de légendes qu’il tente de connaître, un pays où les gens et les lieux ont une mémoire vivace. Cette mémoire qu’elle soit cadenassée ou nostalgique s’impose fortement dans le récit sans être étouffante.

Pour autant ce n’est pas un roman sombre, l’auteur use d’un style détaché qui rejette tout misérabilisme, il porte un regard lucide qui écarte les faux-fuyants et les subterfuges propres aux romans à l’intrigue un peu faiblarde. Il y a un réel sens de la narration et un foisonnement romanesque très bien maîtrisé dans "Je ne suis pas d’ici" au point que la lucidité de l’auteur refuse de compromettre l’espoir de Vid d’apprendre les banalités du quotidien des gens d’ici. Même si le désarroi guette celui qui court tête baissée après son rêve de vie meilleure et tisse les nœuds de l’intrigue, Vid n’abandonne jamais.

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Les Pages

Années 1930 en Allemagne. Un roman de Joseph Roth est sauvé des autodafés par un homme "ordinaire". Cet homme, le grand-père de Lena, personnage qu'on retrouve de nos jours aux États-Unis et qui décide d'aller en Europe avec ce livre sauvé des flammes.

Ce voyage est semé de multiples rebondissements, avec des chapitres qui alternent les époques, le fil conducteur est le roman qui est aussi le narrateur de l'histoire.



Avoir fait de cet objet le narrateur de l'histoire tient pour une grande part dans l'originalité de ce roman qui a demandé un travail conséquent à son auteur. C'est un récit érudit et documenté avec une réflexion intéressante sur la société et ses modèles qui ont mené à des rapports de force, de domination et de violence. Si le livre traverse les époques et que les codes ont évolué, la violence reste une constante. Le romancier aborde bien sûr de nombreuses formes que la violence peut prendre (genre, minorités, conséquence de frustration, sentiment d'aliénation ou d'inadéquation des individus qui en usent,...).



Avec ce roman j'ai découvert Hugo Hamilton autant que Joseph Roth. Pourtant le premier a été lauréat du prix Femina avec son autobiographie, mais jusqu'à maintenant je n'y avais pas prêté d'attention.

Le personnage/la personne de Joseph Roth, si on le découvre en artiste visionnaire avec des propos d'une justesse étonnante, n'en demeure pas moins un homme particulièrement antipathique. Mais ce qui a freiné ma lecture ce sont principalement les longueurs qui prennent beaucoup de place à mon goût dans ce récit. Il m'a semblé qu'Hugo Hamilton cherchait à être bien trop exhaustif dans son œuvre, alors que le but de celle-ci n'est pas d'être une étude sociologique. Néanmoins certains passages, notamment les passages historiques qui concernent l'une des femmes de Joseph Roth m'ont glacées le sang (à cause de cette fameuse violence de certains individus sur d'autres).



Cela n'en reste pas moins une ode à la littérature et à son pouvoir de relier les gens par quelque chose d'impalpable mais de présent - au même titre que la foi ou l'amour. Hugo Hamilton nous montre aussi comment la littérature relie les individus à travers les époques, à travers les cultures ou les continents les plus éloignés et transcende ces différences "apprises" grâce à la transcription de ce qui nous réunit : l'expérience humaine et ce qu'est être un humain, à titre individuel et dans une communauté.



Je remercie donc les éditions Phébus et Babelio pour cette expérience de lecture.
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Sang impur

La vie d'une jeune gamin, l'auteur, dans les années 50-60, dans une Irlande de plus en plus anglaise, de moins en moins irlandaise! Un gamin balloté entre, d'une part, son père violent, farouche nationaliste, défenseur de la langue et de la culture irlandaise, toujours à la recherche d'idées nouvelles, de coups plus ou moins tordus pour accroître les ressources du ménage...un homme toujours en échec, et, d'autre part, sa mère qui l'aime, un mère douce, d'origine allemande, qui a la nostalgie de ses origines et de son pays mais antinazie. Une origine qui lui colle à la peau et qui pèse encore quelques années après la fin de la guerre. Une origine qu'elle ne veut pas oublier et dont elle garde la nostalgie. Au contraire, elle en parle souvent à ses enfants, leur chante des chansons ou leur raconte des histoires dans sa langue natale, faisant ainsi de cette Allemagne une seconde patrie

Les parents ont interdit aux enfants de prononcer la moindre parole en anglais, sinon ils sont punis.

La mère a conservé des liens avec sa famille qui lui envoie des vêtements, des jouets, et des livres.

Du fait de la proximité de la guerre le gamin et ses frères sont confrontés à des réactions racistes, à des insultes du voisinage, à des mises à l'écart de la part des autres gamins de leur âge...un récit autobiographique touchant et émouvant
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Un voyage à Berlin

Un livre sorti il y a un mois et dont personne ne parle en France : pas un article dans la presse "traditionnelle", pas une interview. Silence total. Ca me choque parce que Hugo Hamilton n'est pas un inconnu, ni ici, ni en Irlande où il est l'un des plus grands auteurs de son pays. Et puis, comme le dit la quatrième de couverture, on ne peut pas ne pas penser à Nuala O'Faolain qui se cache derrière les traits de Una et ce n'est pas une inconnue non plus en Irlande Nuala !! C'est "juste" une journaliste connue, qui, un jour, a décidé de prendre sa plume pour raconter son enfance, sa vie personnelle et intime, à la première personne, dans laquelle beaucoup d'Irlandaises se sont reconnues. Si vous n'avez jamais lu On s'est déjà vu quelque part - journal d'une femme de Dublin et J'y suis presque, je ne peux que vous inciter à le faire.



Le narrateur ici, c'est Liam qui accepte d'accompagner Una à Berlin, une ville qu'elle veut absolument découvrir avant de mourir du cancer qui la ronge. Vêtue de Converse rouges et d'une casquette qui la fait ressembler à Steven Spielberg, Una se laisse pousser par Liam, dans son fauteuil roulant à travers Berlin, sous l'oeil professionnel et bienveillant d'un chauffeur, que tous les deux ont décidé de surnommer Manfred. Una ne se sépare jamais d'un sac à main un peu particulier qui se résume à un grand sachet en plastique transparent fermé par une glissière, où elle fourre toutes ses affaires et ses médicaments.



Pourtant ne vous attendez pas à faire une visite touristique de la capitale allemande en compagnie de ce couple détonnant. En effet, nos deux Irlandais n'ont pas vraiment la tête à Berlin mais bien ailleurs. Una précise que ses "poumons sont en Roumanie [sa] tête à New York, [ses] pieds à Berlin et le reste à Dublin". A chaque fois qu'Una fixe son regard sur un monument ou un tableau, le texte rebondit, s'échappe ailleurs, se joue de la géographie et du temps pour permettre aux personnages d'évoquer leurs blessures intimes.

Una est obsédée par son frère mort, persuadée jusqu'à la fin de ses jours qu'il a été tué par son père et sa mère. Elle raconte son enfance difficile, entre une mère alcoolique et un père journaliste violent. Elle raconte comment ils ont fait d'elle, malgré eux, ce qu'elle est : une femme libre (au caractère sacrément bien trempé et jusqueboutiste), une femme qui "voulait voir les femmes gagner la liberté d'être elle-même, sans avoir à porter des bébés si elles ne le désiraient pas, de devenir artistes, écrivains ou musiciennes au lieu de sacrifier leur existence entière à élever des enfants, ainsi que l'avait fait sa mère".

Liam raconte son père très sévère : pas de fish & chips parce que le fish & chips n'est pas fait à la maison mais cuisiné ailleurs, alors hors de question ! Un oncle jésuite qui a "fauté". Une enfance douloureuse qui faisait qu'il se sentait étranger en Irlande. On devine forcément un trait autobiographique de l'écrivain car Hugo Hamilton est de père irlandais (ultra-nationaliste) et de mère allemande. Ce qui lui a valu bien des déboires en Irlande quand il était enfant (il faut lire Sang mêlé et Le marin de Dublin). Liam est aussi obsédé par Maeve, sa fille, du moins l'a-t-il cru pendant longtemps, parce qu'il dira à Una quelque chose que personne ne sait, mais qui a fait basculer sa vie d'adulte.



Si vous vous attendez à un roman sur la maladie, ce n'en est pas un. Ce n'est pas non plus une histoire de couple. C'est avant tout une histoire d'amitié sincère et fidèle jusqu'à la mort :

"Nous n'étions pas liés l'un à l'autre, ni ne vivions sous le même toit, tels des amoureux, nous n'étions pas mariés ni apparentés d'une quelconque manière, comme avec sa famille. Nous étions bon amis, c'est tout. Nous nous sommes rencontrés à un moment où notre vie était un peu en vrac. Elle était mon aînée en livres, en tout." "Nous nous sommes trouvés des atomes crochus simplement en échangeant, en riant ensemble, je suppose."



Un roman où l'humour est loin d'être absent, superbement écrit, fidèle à l'image que l'on garde de Nuala O'Faolain, qui transpire à travers les traits de Una pour chaque lecteur qui a lu ses livres et ses articles (réunis dans Ce regard en arrière) . Le roman d'une grande lectrice, "qui avait la faculté de lire comme si rien ni personne n'existait au monde, en dehors de son livre", d'une journaliste à l'oeil aguerri sur son époque et finalement d'un grand écrivain.



Un magnifique hommage par le très discret Hugo Hamilton qui écrit ici un roman à la fois très intimiste et très pudique. Un livre dont on savoure Every Single Minute (titre original).
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Les Pages

Gros coup de coeur pour ce livre, très original et qui est un très bel hommage à la littérature.

Le héros de ce livre, c'est un livre justement, et pas n'importe lequel, Un livre qui a échappé à un autodafé sous l'Allemagne Nazie. Il s'agit de La Rebéllion, de Joseph Roth. Ce livre a été sauvé grâce au grand-père de Lena. Deux générations plus tard, Lena, qui est américaine, revient en Allemagne pour comprendre ce que signifie la carte à la fin du livre. Alors, c'est l'intrigue du livre, l'histoire du livre objet et le présent qui se lient entre eux. Ce qui a été écrit, ce qui s'est passé et ce qui se passe ne seraient-ils qu'une répétition permanente ?

J'ai vraiment adoré ce livre, de par sa construction générale, de par ses personnages, de par l'amour qu'il transmet de la littérature. J'ai trouvé cette lecture puissante, renversante.

Merci à Phébus et Netgalley pour cette magnifique découverte.
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Sang impur

Un bien beau récit, à hauteur d'enfant. Père irlandais, mère allemande, Dublin dans l'immédiat après-guerre. La langue maternelle pour la vie sur le continent, pour les souvenirs de la mère et ce que les enfants s'en représentent, de la barbarie nazie à l'héroïsme des sœurs de cette mère déracinée, la langue paternelle, le gaélique, puisque l'anglais n'a pas droit de cité au domicile familial dominé par ce père qui use de violence si ses enfants osent parler la langue honnie. Et les enfants, en butte aux moqueries, au racisme, à l'exclusion du fait de leurs différences, à cette fratrie qui se tient les coudes.

Un bien beau récit, oui, qui évite l'apitoiement en nous laissant entrer dans un quotidien loin d'une enfance rêvée.
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Sang impur

Sang Impur raconte l'enfance de l'auteur à Dublin dans les années 50, entre sa mère allemande ( que tout le monde prend pour une nazi) et son père nationaliste rigoureux, qui ne veut absolument qu'aucun mot d'anglais soit prononcé chez lui. L'auteur raconte ses peurs et ses souffrances face aux brimades des autres enfants, et cette façon d'être tirailler entre l'Allemagne et l'Irlande, pourtant il ne le fait avec aucun misérabilisme, mais avec de la poésie, de l'humour et de la tendresse.
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Sang impur

La mémoire est un sac à souvenirs. Les nôtres, ceux de notre enfance, puissants. Et puis ceux de nos parents. Tellement lourds.

Surtout quand on est à moitié irlandais, à moitié allemand. Tacheté, comme ils disent.

Surtout quand on grandit entre la haine des Anglais et la culpabilité allemande. Comment crier qu'on ne nait pas nazi, quand on est enfant ? Quelles racines trancher pour devenir adulte sans être bancal ?

Dans les rues d'Irlande, Hugo, ses frères et sœurs sont maltraités par des garnements, par des adultes aussi parfois. On leur reproche les millions de morts juifs, on les menace, on les tabasse.

A la maison, la douceur maternelle, de cette allemande qui s'est dressée contre le régime d'Hitler, et la rage paternelle s'affrontent. Sous le toit du père, interdit de parler une autre langue que l'irlandais. Sous peine de coups de ceinture. La famille doit servir l'engagement.

Un roman autobiographique très beau. Dans la veine de Salinger.
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Je ne suis pas d'ici

Challenge ABC 2014/2015

Légendaire hospitalité irlandaise...

Vic Cosic, charpentier de son état, serbe d'origine, tente sa chance à Dublin. rencontre un avocat fort sympathique, et après une soirée bien arrosée, "couvre" son nouvel ami. Alors qu'il pense s'intégrer dans cette famille irlandaise, il déchante bien vite, de secret de famille en disputes alcoolisées.

Il reste un roman sur l'Irlande des années fastes, la désillusion des amitiés superficielles, la difficulté d'intégrer un nouveau pays, une nouvelle culture et de maîtriser les subtilités d'une langue.



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Sang impur

Je suis en ce moment dans des relectures. Valeurs sûres ou potentielles déceptions ?

"Sang impur" se classe dans la première catégorie, sans aucune hésitation.

L'histoire autobiographique de cette enfance, entre deux langues et deux cultures me touche toujours autant.

Les difficultés financières, le père brutal et les remarques racistes des petits camarades sont évoquées sans patos, et noyés dans la poésie du quotidien, notamment d'une mère incroyablement positive.

Nous suivons d'ailleurs en filigrane son histoire sous le régime nazi, qui rappelle la double peine de ces allemands, brimés dans leur propre pays puis taxés de nazisme à cause de leur nationalité.

Une magnifique lecture, à laquelle il existe une suite : "Le Marin de Dublin".
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Sang impur

Quel magnifique roman!

Donnant la parole au petit garçon qu'il fut dans les années 1950 et 1960, avec une écriture rappelant celle de Salinger dans l'Attrape-cœur (une prose faussement simple mais vraiment envoûtante), l'écrivain irlandais évoque les souvenirs de son enfance à Dublin. Et quel enfance particulière !



Né d'une mère allemande et d'un père nationaliste irlandais, Hugo et ses frères n'ont pas le droit de prononcer un seul mot d'anglais, langue pourtant parlée par la majorité des irlandais. Obligés de parler uniquement les langues des perdants (l'irlandais et l'allemand), ils sont traités de nazis et considérés comme des parias dans leur propre pays.



Au centre de ce flot de souvenirs se trouve, imposante, la figure du père, un père auquel le narrateur, pour se construire,se confronte, se compare. Honnête et aimant ses enfants, le nationaliste irlandais est pourtant violent et tyrannique. Mais il est aussi risible et pathétique tant toutes ses entreprises semblent vaines. Délirant, agissant uniquement pour le bien, supposé, de la patrie irlandaise, il impose des règles à ses enfants qui paraissent absurdes car la guerre des langues a été perdue depuis longtemps. Mais quelle identité est possible pour une Irlande ne parlant plus sa langue?



Le personnage de la mère est attachant et introduit de la douceur dans cette autobiographie, aux nombreux passages très violents. L'auteur évoque "le film" de son histoire, une histoire que cette femme aimante et courageuse a voulu raconter à ses enfants. Ayant beaucoup souffert du nazisme, elle porte, malgré elle, la culpabilité de tout un peuple et n'a de cesse de vouloir transmettre à sa famille des messages de paix et d'amour ainsi que sa haine "des gens du poing" et la force du "non silencieux"...



Dans ce livre captivant, il est ainsi question du rapport entre langages et identité mais aussi d'héritage et de transmission. Très intéressant!



VOUS POUVEZ LIRE CETTE CRITIQUE: http://lola.mirabail.fr/2014/01/sang-impur-de-hugo-hamilton.html
Lien : http://lola.mirabail.fr/2014..
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Sang impur

C’est son enfance que nous conte Hugo Hamilton dans "Sang impur", récit qui se déroule dans le Dublin des années 50 et 60. La famille du jeune Hugo n’est pas comme les autres. Sa mère est allemande, et son père, irlandais "pur et dur", partisan fanatique du 100% gaélique, ne tolère pas qu’un seul mot d’anglais soit prononcé sous son toit.

Leurs origines maternelles valent aux petits Hamilton brimades, coups et injures de la part des autres enfants : la seconde guerre mondiale n’est pas loin, et les amalgames sont faciles… amer constat pour Irmgard, la mère du foyer, dont la famille a toujours manifesté sa désapprobation vis-à-vis d’Hitler et du régime nazi. C’est une femme peu ordinaire et très attachante, cette Irmgard, qui exhorte ses enfants à ne pas être des "gens du poing", à répondre à la violence par le "non silencieux". Conciliante et tendre, toujours positive en dépit du mal du pays et de difficiles souvenirs qui parfois la rongent, elle est la parfaite représentation de la douceur maternelle, qui contrebalance l’intransigeance et la dureté du père.



Ce qui m’a paru intéressant dans ce roman, c’est que l’on devine, à travers le récit des souvenirs que l’auteur égrène avec une simplicité toute enfantine, le terreau dans lequel sa future personnalité d’adulte pourra planter ses racines. Un terreau davantage enrichi par son héritage familial multiculturel que par un éventuel sentiment d’appartenance à une nation ou une communauté.



"Peut-être que votre pays, c’est juste un endroit que vous vous fabriquez dans votre tête. Un truc qui vous fait rêver et chanter. Ce n’est peut-être pas du tout un endroit sur la carte, mais juste une histoire pleine de gens que vous rencontrez et de coins où vous allez, pleine de livres et de films que vous avez vus".



La langue que l’on parle, le lieu où l’on vit n’ont effectivement sans doute pas tant d’importance… Ce qui compte, c’est de parvenir à grandir, malgré ou grâce à ce qui vous a été transmis, de façon consciente ou pas, et pouvoir, un jour, se dire que vous pardonnez à vos parents leurs erreurs et leurs maladresses. C'est en tout cas le constat qui m'a semblé découler de l'analyse qu'effectue l'auteur, avec le recul et la maturité, sur les rapports entretenus notamment avec son père. J'ai ressenti à la fois son amertume (qui vire parfois au sarcasme) vis-à-vis du comportement paternel, mais aussi son affection pour cet homme buté, investi dans des projets échouant presque toujours, mais fier d'assumer ses différences.



Ce fut donc une lecture plutôt agréable, et pourtant, je ne crois pas que je garderai un souvenir impérissable de ce roman, auquel j’ai trouvé quelques longueurs, et dont certains passages m’ont semblé répétitifs.
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Sang impur

Je n'ai pas réussi à rentrer pleinement dans ce récit d'enfance à Dublin et j'ai abandonné la lecture après une centaine de pages. Le style est étrange, mélangeant le présent et les temps du passé, abusant (à mon avis) du parler indirect ("il me dit que..., elle racontait que ..."), avec un vocabulaire très pauvre (peut-être dû au "drame linguistique" qui fait la trame du livre) : le tout donne un récit très froid, en tout cas dans le premier tiers du livre. J'ai enchaîné avec un autre récit d'enfance "La cicatrice" qui a heureusement ramené un peu de chaleur - malgré les larmes.
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