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Citations de J.-H. Rosny aîné (251)


L'homme vit dans un état de résignation douce, triste et très passive. L'esprit de création s'est éteint ; il ne se réveille, par atavisme, que dans quelques individus. De sélection en sélection, la race a acquis un esprit d'obéissance automatique, et par là parfaite, aux lois désormais immuables. La passion est rare, le crime nul. Une sorte de religion est née, sans culte, sans rites : la crainte et le respect du minéral. Les Derniers Hommes attribuent à la planète une volonté lente et irrésistible.
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Chaque soir, nous nous tournions vers Elle [la Terre] ; bientôt, elle deviendrait une resplendissante étoile. La reverrions-nous, pauvres atomes vainqueurs de l'éther, humbles navigateurs de l'océan impondérable...N'importe, nous ne regrettions rien ; la nostalgie n'éteignait pas la passion de connaître.
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Sa poitrine s'enfla, ses bras se raidirent : une lueur persistait sur une des brindilles. Alors, soufflant avec prudence, il fit grandir la flamme : elle dévora sa faible proie, elle saisit les hautes herbes... Et Naoh, immobile, tout haletant, les yeux terribles, connut une joie plus forte encore que lorsqu'il avait vaincu la tigresse, pris le feu aux Kzamms, fait alliance avec le grand mammouth et abattu le chef des Nains Rouges. Car il sentait qu'il venait de conquérir sur les choses une puissance que n'avait possédée aucun de ses ancêtres et que personne ne pourrait plus tuer le Feu chez les hommes de sa race.
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Et pourtant, quand elle revient, la Nuit aimée, la Nuit pensive, une ombre tomba sur ma béatitude, le chagrin que l'homme et le Xipéhuz ne pussent pas coexister, que l'anéantissement de l'un dût être la farouche condition de la vie de l'autre.
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Un engourdissement irrésistible saisissait sa pensée. S'il attendait encore une minute, malgré l'excitation du café, il savait qu'il tomberait dans un sommeil de plomb. D'un geste mou, il rejeta la tête d'Evelyn et, la gorge serrée d'angoisse, il s'exclama :
- Malheureuse !
Un sanglot éclata dans l'ombre, et, comme il allumait la lampe électrique, il vit Evelyn, prostrée sur le lit, qui tremblait de tous ses membres :
- Malheureuse ! répéta-t-il, que t'ai-je fait, pour que tu me tues ?
Leurs yeux se pénétraient. La jeune femme avait les pupilles palpitantes ; tout son visage exprimait une terreur mystérieuse ; elle répondit comme dans un rêve :
- Je ne peux pas faire autrement... je mourrais!
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Naoh guettait, dans les ténèbres, les crocs qui coupent, les griffes qui déchirent, l’œil en feu des mangeurs de chair. Beaucoup discernaient dans les hommes des bêtes puissantes et ne s’attardaient point. Il passa des hyènes avec des mâchoires plus terribles que celles des lions : mais elles n’aimaient point la bataille et recherchaient la chair morte. Il passa une troupe de loups, et ils s’attardèrent : ils connaissaient la puissance du nombre, ils se devinaient presque aussi forts que les Oulhamr. Toutefois, leur faim n’étant pas excessive, ils suivirent des traces d’antilopes. Il passa des chiens, comparables aux loups ; ils hurlèrent longtemps autour du tertre. Tantôt ils menaçaient, tantôt l’un ou l’autre approchait avec des allures sournoises. Ils n’attaquaient pas volontiers la bête verticale.
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Il frappait, cruel, gracieux et jovial, ivre des sensations qui firent triompher l'homme, dans un monde où les êtres mangent les êtres ...
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L'impuissance de l'homme était dans sa structure même : né avec l'eau, il s'évanouissait avec elle. (167)
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Targ avait la tête basse, les épaules rentrées ; il était comme un homme qui va s’écrouler. Et il murmura, plein d’horreur :
— Est-ce, enfin, la mort des hommes ?
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Les Xipéhuz
Dernière période du livre de Bakhoûn

La Terre appartient aux Hommes. Deux jours de combat ont anéanti les Xipéhuz ; tout le domaine occupé par les deux cents derniers a été rasé, chaque arbre, chaque plante, chaque brin d'herbe a été abattu. Et j'ai achevé, pour la connaissance des peuples futurs, aidé par Loûm, Azah et Simhô, mes fils, d'inscrire leur histoire sur des tables de granit.
Et me voici seul, au bord de Kzour, dans la nuit pâle. Une demi-lune de cuivre se tient sur le Couchant. Les lions rugissent aux étoiles ; sa voix éternelle raconte le temps qui passe, la mélancolie des choses périssables. Et j'ai enterré mon front dans mes mains, et une plainte est montée de mon coeur. Car maintenant que les Xipéhuz ont succombé, mon âme les regrette, et je demande à l'Unique quelle Fatalité a voulu que la splendeur de la Vie soit souillée par les Ténèbres du Meurtre !
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Les Xipéhuz
Les formes

C'était mille ans avant le massement civilisateur d'où surgirent plus tard Ninive, Babylone, Ecbatane. La tribu nomade de Pjehou, avec ses ânes, ses chevaux, son bétail, traversait la forêt farouche de Kzour, vers le crépuscule, dans la nappe des rayons obliques. Le chant du déclin s'enflait, planait, descendait des nichées harmonieuses.
Tout le monde étant très las, on se taisait, en quête d'une belle clairière où la tribu pût allumer le feu sacré, faire le repas du soir, dormir à l'abri des brutes, derrière la double rampe de brasiers rouges.
Les nues s'opalisèrent, les contrées illusoires vaguèrent aux quatre horizons, les dieux nocturnes soufflèrent le chant berceur, et la tribu marchait encore. Un éclaireur reparut au galop, annonçant la clairière et l'eau, une source pure.
La tribu poussa trois longs cris ; tous allèrent plus vite : des rires puérils s'épanchèrent ; les chevaux et les ânes même, accoutumés à reconnaître l'approche de la halte, d'après le retour des coureurs et les acclamations des nomades, fièrement dressaient l'encolure.
La clairière apparut. La source charmante y trouait sa route entre des mousses et des arbustes. Une fantasmagorie se montra aux nomades.
C'était d'abord un grand cercle de cônes bleuâtres, translucides, la pointe en haut, chacun du volume à peu près de la moitié d'un homme. Quelques raies claires, quelques circonvolutions sombres, parsemaient leur surface ; tous avaient vers la base une étoile éblouissante comme le soleil à moitié du jour. Plus loin, aussi étranges, des strates se posaient verticalement, assez semblables à de l'écorce de bouleau et madrées d'ellipses versicolores. Il y avait encore, de-ci de-là, des Formes presque cylindriques, variées d'ailleurs, les unes minces et hautes, les autres basses et trapues, toutes de couleur bronzée, pointillées de vert, toutes possédant, comme les strates, le caractéristique point de lumière.
La tribu regardait, ébahie. Une superstitieuse crainte figeait les plus braves, grossissante encore quand les Formes se prirent à onduler dans les ombres grises de la clairière. Et soudain, les étoiles tremblant, vacillant, les cônes s'allongèrent, les cylindres et les strates bruissèrent comme de l'eau jetée sur une flamme, tous progressant vers les nomades avec une vitesse accélérée.
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Il n’y a pas d’autres mondes : tout cela se touche. Si l’on a si peur de partir, c’est que tout départ est triste, et c’est que c’est le plus grand de tous les départs.

(Le Jardin de Mary, page 130)
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— Est-ce que ça te chante, mon garçon, d'aller [à l'orphelinat] ?
— Oh ! non, répliqua Richard avec dégoût et tristesse... ça me fait peur !
Et il tournait vers le menuisier un regard suppliant.
— Ben quoi ! fit l'artisan... moi, ça m'chavire le coeur... un joli petit frisé comme ça, avec de bons yeux (...) ! J'trouve ça pire qu'd'aller à la fourrière... Savez-vous quoi ? Ça m'dirait de l'emmener... J'gagne ma pièce de dix francs... J'ai qu'une fille... Y s'rait très bien à la maison... et j'vous promets, pisque vous êtes comme qui dirait des barons, malgré vos frusques, qu'j'y donnerais un métier distingué (...)
Le comte Népomucène et les autres avaient daigné entendre ce discours. Au fond, c'était une solution moins humiliante pour le Nom que l'orphelinat : le petit serait perdu dans un faubourg ; il ferait peut-être à la famille la grâce de claquer. Ils se regardèrent, puis le comte dit avec sévérité :
— Vous savez, mon brave homme, si vous le prenez, il n'y aura pas à s'en dédire !...

[Contes - La fille du menuisier]
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La vie du Feu avait toujours fasciné Naoh. Comme aux bêtes, il lui faut une proie : il se nourrit de branches, d'herbes sèches, de graisse ; il s'accroît ; chaque Feu naît d'autres Feux ; chaque Feu peut mourir.(...) C'est une bête et ce n'est pas une bête. Il n'a pas de pattes ni de corps rampant, et il devance les antilopes ; pas d'ailes, et il vole dans les nuages ; pas de gueule, et il souffle, il gronde, il rugit ; pas de mains ni de griffes, et il s'empare de toute l'étendue; Naoh l'aimait, le détestait et le redoutait.
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- Vous m'avez accablé ! Tout ce que vous venez de dire paraît désespérément lucide, et ai-je bien le droit de douter après ce que déjà vous m'avez appris de merveilles ?
- Doutez, lui dis-je avec chaleur, doutez hardiment... Vos expériences n'en seront que plus fécondes !
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Les heures coulèrent ; un crépuscule fugitif précéda la nuit : à l'autre rive, une troupe noire de Siamangs, pareils à des nègres nains, surgit et disparut, avec des cris qui étaient peut-être des cris de joie, mais qui semblaient le gémissement des brutes en proie à l'immense tristesse de vivre.
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Et me voici seul, au bord de Kzour, dans la nuit pâle. Une demi-lune de cuivre se tient sur le Couchant. Les lions rugissent aux étoiles. Le fleuve erre lentement parmi les saules ; sa voix éternelle raconte le temps qui passe, la mélancolie des choses périssables. Et moi j'ai enterré mon front dans mes mains, et une plainte est montée de mon coeur. Car, maintenant que les Xipéhuz ont succombé, mon âme les regrette, et je demande à l'Unique quelle Fatalité a voulu que la splendeur de la Vie soit souillée par les Ténèbres du Meurtre !
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Sa vie, elle était là ! Elle était à ces grands plateaux et aux massifs, aux défilés, aux cimes, aux précipices, aux pacages apparus comme un joyau glauque. Sa vie était dans ces cavernes et ces créatures. Elle planait parmi les aiguilles de granit, les flancs de basalte, les coupoles, les piliers de gneiss, de porphyre, les ravins tendres ou pleins d'éboulis stériles, les mâchoires s'abattant sur les mamelons, les cratères ou reste le vomissement de feux antiques, les pyramides et les cônes debout comme des sentinelles de l'éternité. Et sa vie avait gravi les glaciers argentins, les escarpements plantés de forêts noires, les adorables gorges où bavardent les eaux fraîches.
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Tout le monde le sait, l'histoire de la littérature n'est faite que de contradictions et de paradoxes - et ils sont si nombreux, si résistants qu'on aurait beaucoup de peine à les énumérer tous. Un des plus curieux à trait au destin de certains livres qui ont cet étrange pouvoir de passer presque en silence à travers les mailles de l'oubli et qui, régulièrement, nonobstant des périodes de hauts et de bas, sont réédités, alors même qu'ils sont dus à des auteurs qui, dans les manuels littéraires généraux sont rarement étudiés.
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Que la terre engloutît ses habitants, que les mers noyassent les continents, qu’une épidémie funeste enlevât tous les êtres, que le soleil s’éteignit, qu’un astre de feu les calcinât ou qu’une planète désorbitée fracassât notre planète, - c’étaient des évènements concevables, à l’image de ce qu’il s’était accompli depuis les origines… Mais cette mort fantastique de la lumière, cette agonie des couleurs qui atteignait la plus humble flamme aussi bien que les rayons du soleil et ceux des étoiles, démentait dérisoirement l’histoire entière des animaux et des hommes ! 
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