LA MORT DE LA TERRE
Ce court roman de 1911 est le plus lu de
Rosny Aîné après
La Guerre du feu.
Il est dans la droite ligne de certaines de ses plus anciennes nouvelles, de la fin des années 1880, précurseurs de la science-fiction, que l'on appelait alors le "merveilleux scientifique", terme que l'auteur emploie
lui-même dans l'avertissement (intéressant d'ailleurs, il y parle de
HG Wells et défend l'anglo-saxon, visiblement accusé à tort de l'avoir plagié).
Bon, on va pas se mentir : c'est pas très gai tout ça. D'ailleurs, le livre aurait pu s'appeler "la mort des hommes" plutôt que
la mort de la terre, et ce n'est pas trop spoiler que de dire que tout cela va très très mal finir, car on en a une assez nette idée dès le début, tant cette prose a quelque chose d'inexorable, de résigné et de résolu.
C'est un livre de son époque, très lyrique, parfois même suranné, et j'ai eu du mal à me représenter certaines choses, comme ces fameux ferromagnétaux, sortes de créatures minérales qui anémient les hommes jusqu'à la mort. J'ai donc mis un peu de temps à accrocher.
Mais on ne peut que s'incliner devant le côté incroyablement visionnaire de l'auteur, qui anticipe déjà les dégâts de la radioactivité alors qu'elle venait à peine d'être découverte, et qui ressent déjà le destin exterminateur de l'espèce humaine, à la fois sur la faune et sur la flore, et le fait qu'elle est en train de se condamner elle-même.
Un livre que l'on pourrait conseiller à pas mal de gens d'aujourd'hui, afin de leur rappeler que nous ne sommes finalement qu'un pet de
mouche dans l'histoire de la Terre, une espèce de passage qui ne vivra sûrement pas aussi longtemps que les dinosaures, et certainement pas la plus glorieuse. Afin de retrouver un peu d'humilité, tout simplement, si tant est que ce soit possible.
CONTES
Le roman précédent étant trop court pour les standards de l'édition à l'époque peut-être, il s'accompagne de 32 "contes" très courts, de véritables "novelettes" qui se lisent quasi toutes en moins de cinq minutes.
Aucun rapport avec la science-fiction, il s'agit de petites histoires réalistes dépeignant les moeurs de l'époque de l'auteur, tout particulièrement les moeurs bourgeoises.
Écrits dans un style flamboyant et souvent très juste, ces contes sont souvent intéressants et force est de constater que l'auteur excelle dans ce format, même si on devine souvent la fin dès le début, ce qui paraît normal pour des textes aussi courts.
Le principal reproche qu'on pourra faire à ces textes est la grande redondance des thèmes abordés, au point de flirter parfois avec l'obsession.
- L'héritage : abordé de manière analogue dans La mère, L'oncle Antoine, et de façon nettement plus originale dans L'avare.
- L'accident mortel qui vient gâcher
une vie partie pour être merveilleuse : La petite aventure, la plus belle mort, au fond des bois.
- le sauvetage : le sauveteur, après le naufrage, le sauvetage de Népomucène, le lion et le taureau
- Les actes de générosité désintéressés qui finissent par rejaillir sur leur auteur : le vieux biffin, les pommes de terre sous la cendre, le dormeur (2è série), un soir, la jeune saltimbanque... Certaines de la liste étant d'ailleurs liées également au thème de l'héritage.
La morale bourgeoise et l'obsession de l'argent sont souvent omniprésentes, avec une ressemblance parfois frappante avec les nouvelles
De Maupassant.
Les textes peuvent aussi être très critiques vis-à-vis des habitudes bourgeoises, ainsi du dégoût de l'oisiveté rentière dans La marchande de fleurs, et de l'immoralité des nobliaux désargentés dans La fille du menuisier, toutes les deux excellentes.
"Mon ennemi" est une bonne histoire de western.
"Le dormeur" (1è série) donne une version horrifique de ce que peut donner une bêtise d'enfant.
"Le condamné à mort" est une belle diatribe contre la peine capitale, avec des accents hugoliens.
"La bonne blague " est touchante.
"Le clou" est une bonne histoire de vengeance dans le cadre de la guerre de 70, très maupassantesque elle aussi.
"La bataille", enfin, est une assez bluffante prospective sur la première guerre mondiale à venir, la seule du recueil ayant un élément de science-fiction, mettant en scène une guerre austro-ottomane où l'auteur analyse très bien le risque de conflagration résultant des alliances. Hélas, elle se termine un peu brutalement.