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Critiques de J.M.G. Le Clézio (1112)
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Avers

Emettre un avis sur un ouvrage de JMG Le Clézio est une demande en légitimité quasi organique. Qui suis-je, moi, pour juger de la qualité de textes qui sont, et de loin, très au dessus de la moyenne des ouvrages qui sortent chaque semaine en librairie. Ce monsieur, en dehors de l'écriture, a eu une vie très cosmopolite, riche d'incursions immersives en des cultures fort éloignées des nôtres et en des temps où la modernité n'avait pas encore détruit toute forme d'identité. Il est question ici des laissés pour compte, de celles et ceux qui ne peuvent que constater leur inaptitude à être accepté, à simplement avoir le droit de vivre. Le choc des cultures crées des zones de subduction dans lesquelles sont happés les invisibles de tous temps, disparaissant dans les fractures de la croûte terrestre, où seuls survivent ceux qui n'existent pas.

Plusieurs histoires, peut-on parler de destins, sont contées. Vous ne connaissez pas ces lieux. Nous avons aperçu au hasard de documentaires ces zones meurtries, anciennes forêts tropicales primaires, royaume de trafiquants en tous genres, violence brute faisant table rase du végétal comme de l'animal et de l'humain. Vous n'irez pas voir, il n'y a rien à y faire, que d'y perdre la vie. Il n'y a rien à comprendre, là où l'être humain s'abaisse plus bas que terre, même les animaux ont fui. Seuls, à la lisière, l'incompréhension a laissé des êtres vivants attendre la mort ou l'esclavage, la servilité pour une survie biologique.

Le Clézio n'est pas dans l'empathie. Il décrit des quotidiens incompréhensibles, là le mot "sens" n'existe pas.

Combien de fois entendons-nous des poseurs :

Cela a-t-il du sens ? Cela fait sens... Cela défie le sens commun...

Dire " je suis vivant", le verbaliser n'a pas de sens en soi, vous avez les mots et vous les prononcez, les codes sont acquis, processus éducatif complexe.

Processus ?

Lequel ?

Ici, nous n'avons pas entamé de marche vers le vivant, niés qu'ils sont dès la naissance, expulsion du ventre maternel, bon débarras...

Alors, le sens paraît un mot vide, il n'existe pas...



Bonne lecture, bienvenue chez les absents.
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Avers

Il psalmodie la solitude du désert des vivants. Il dit ce qu'on ne voit plus, qu'on ne veut pas voir. Avec des mots si prenants que des êtres étranges me paraissent familiers, humains comme moi. Son écriture porte le lyrisme des vies désespérées, mâtinée de la rage de survivre et de l'espoir ténu d'un jour meilleur.

Il, lui, son, c'est J.M.G. le Clézio, un écrivain du monde. le prix Nobel de littérature, appuie là où le regard fuit ; secoue le lecteur, oublieux des inégalités que charrient guerres, immigrations, exploitations, pauvreté. La solitude existe, le regard implore ou défie. Chacune et chacun aspire à un signe, à une lueur, à un geste, même infimes, tous happés dans une même quête d'amour et de considération. C'est poignant, jamais sordide.

Les récits courts sont intenses, condensés de détresse et d'envie. Ils donnent chair au quotidien délavé de millions de vivants, sur lesquels les médias braquent de fugitives caméras, un drame chassant l'autre, au risque d'ensemencer l'indifférence.

Après avoir lu Avers, j'ai envie de descendre dans la rue et de hurler pour un monde meilleur, purgé de la solitude et de l'iniquité. Seul un grand écrivain pouvait ainsi me faire réagir.



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Avers

Huit nouvelles sur les vies et les morts de ceux que JMG le Clézio appelle les indésirables, un mot très dur qui porte tout le sens de la misère de l'exclusion, des viols, de la guerre, des espérances effondrées.



Il faut un auteur comme Le Clézio pour exprimer, par son style, et par petites touches, où viennent se mêler les beautés de la nature, de la mer, des arbres, des nuits étoilées, les souffrances variées d'enfants, d'adolescents et d'adultes à travers le monde.



La première de ces nouvelles, la plus longue, conte l'histoire d'une jeune orpheline, qui parvient malgré les douleurs qui lui sont infligées à trouver divers réconforts et un chemin d'espérance. le chant est très présent dans cette nouvelle, il intervient comme un magnifique contraste avec les duretés de l'existence de ces jeunes.



Les autres conduisent le lecteur à travers le monde, par exemple dans les égouts reliant Mexique et Etats-Unis où se faufilent des enfants en quête de petites richesses américaines.



On a aussi un "Chemin lumineux" aux abords d'un grand fleuve d'Amérique du Sud avec de très beaux portraits d'enfants qui s'accrochent à la vie et parviennent peut-être à réchapper de la maltraitance de leurs bourreaux.



La guerre est aussi présente en des lieux non nommés du Moyen-Orient avec encore des fuites, des solidarités, des détresses que JMG dépeint avec son talent capable d'une relative poésie parmi tant de noirceur.



La qualité de ces différentes nouvelles peut paraître inégale selon les attentes ou la réceptivité des lecteurs, elle témoigne toujours de la plume parfaite d'un écrivain capable de transmettre une palette d'émotions qui finissent toujours par convaincre le lecteur le plus hermétique s'il en est.
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Avers

Recueil de 8 nouvelles se déroulant à différents endroits du monde : Île Maurice, Mexique, France... et racontant la vie de marginaux au destin compliqué.Ils sont définit comme des "indésirables".



Dernière oeuvre en date de JMG Le Clézio avec certaines nouvelles très réussies et touchantes, en particulier "Avers" ou "Etrebemma" qui sont pour moi les plus marquantes. L'auteur sait décrire avec justesse le tragique de chaque personnage sans apitoyer et juger pour autant le lecteur.



Les décors diverses occupent aussi une place d'intérêt dans cette oeuvre comme au habitude de l'auteur. Chaque protagoniste évolue dans un univers différent : rue d'une grand ville, île, forêt tropical... qui contribue à le définir.
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Avers

JMG Le Clézio - Avers - **** - fini le 8 mai 2023



Ce livre est un recueil de nouvelles. Mes fidèles lecteurs s’en souviennent (!), j’avais eu du mal à apprécier le Procès Verbal, le livre qui a fait la réputation de Le Clézio, même s’il avait diffusé en moi petit à petit, mais je trouvais qu’il ne s’y passait pas grand chose. Là, il se passe énormément de choses et le point commun de toutes ces « choses » ce sont les « petits », les oubliés, les sans-grades qui peuplent nos villes, le plus souvent dans l’hémisphère Sud du Monde. Le Clézio écrit très bien, et il a quitté (depuis longtemps, peut être) le fusmato de son premier livre. Là, tout est clair, parfois une lueur d’espoir apparaît à la fin de la Nouvelle, à la faveur d’une rédemption par le chant, où parce qu’un bon samaritain recueille l’enfant perdu. La dernière nouvelle est proche de Garcia Marquez, par la luxuriance des adverbes et la description d’un monde aux confins du fantastique. Garcia Marquez, un de mes auteurs favoris.



Bref ce recueil de nouvelles est très riche en ce qu’il décrit le monde par le « bas » et nous montre un Monde qui vit quand même…qui s’en sort, grâce à tous ces inconnus qui se battent pour s’en sortir.
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Avers

POIGNANT

Ce bouquin m'a vraiment mis le moral en berne. A ne pas lire si vous déprimez un peu.

Au travers de 8 nouvelles, Le Clezio nous raconte les invisibles ceux qu'on ne veut pas, ceux qu'on ne veut même pas voir.

Les enfants, les enfants de la guerre, les enfants de la pauvreté, les enfants du désamour. des enfants qui luttent pour leur survie par des moyens dérisoires et qui sont très rarement aidés par des adultes.

Des adultes qui ont tout perdu, amour, travail, famille et qui se retrouvent à la rue, en marge de cette société qu'ils ont si bien connue.

Des Indiens d'amazone, peuplades primitives aux mains des narcos et autre.



Le Clezio nous offre une plongée dans les inframondes, et on en ressort le souffle coupé... et pas indemnes. Chaque récit vous prend par les tripes. Tant de misère, tant de douleur, et tant d'impuissance aussi.

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Avers

JMG Le Clézio a dit qu'en écrivant ce livre, "son objectif avait été de faire naître chez le lecteur un sentiment de révolte face à l'injustice de ce qui arrive à ses personnages". L'exercice me semble bien réussi. Les héros de ces huit nouvelles sont le plus souvent des enfants, principales victimes des deuils précoces, des guerres, des rapts, ou encore des déplacements imposées à leurs parents. Ses "personnages" sont aussi des gens plus âgés, ceux qu'on ne voit pas tant ils sont discrets ou effacés, également ceux qui restent "au bord du chemin" dans les villes sans âme mangées par le bruit, la vitesse et l'indifférence. Il oppose à cela la présence de quelques êtres lumineux rencontrés par hasard, mais surtout un monde, quasi disparu aujourd'hui, où le temps n'a pas le même sens, où la vie ne se joue pas sur les mêmes valeurs, où l'être humain n'a pas perdu son lien originel avec la nature.

Au fil de ces pages qui emportent le lecteur aux quatre coins du monde, l'auteur distille, en même temps que l'émotion,, le plaisir de se lover dans de longues phrases mélancoliques, à la fois fluides et cadencées, nourries par des mots dont la poésie, la sensualité et la musicalité pourraient se prêter aisément à une lecture à voix haute.
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Avers

Recueil de nouvelles composées à des moments différents par JMG Le Clézio. Leur thématique commune : la souffrance, la solitude, la peur parfois de ces êtres chassés par la guerre, la violence familiale, la faim et devenus dans un territoire d'exil des "indésirables" qu'on préfère ignorer.

Les premières nouvelles , les plus émouvantes, concernent des enfants. C'est Maureez Samson fille de pêcheur disparu en mer obligé de fuir la maison de ses parents. Elle sera sauvée par le chant et la qualité de sa voix. C'est Chuche et son petit frère, enfants esclaves échappés de l' Apurimac ( Pérou), ce sont ces enfants Mexicains "les rats" qui passent la frontière par les égouts. En eux tous, une rage de vivre et une capacité à s'émouvoir devant la beauté.

En France, c'est une caméra de surveillance qui observe les adolescents et adultes, clochards du métro et autres "Fantômes".

Les dernières nouvelles sont plus exotiques avec Yaya, la nounou mauricienne et surtout l'histoire d'une tribu indienne Etrebbema, société proche de la perfection anéantie par les narcotrafiquants.

Et la guerre toujours avec Hanné la fillette sourde muette et deux petits garçons libanais Mehdi et Marwan.

JMG Le Clézio donne à voir les paysages, les cadres de vie (de survie plutôt) et donne de la profondeur à ses personnages même dans des nouvelles courtes. Le lecteur est ému, amusé parfois, et s'interroge : la littérature a-t-elle le pouvoir de lutter contre toutes ces injustices ?
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Avers

Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu un texte de le Clézio.

J'avais oublié comment son écriture nous happe, nous berce, nous envoûte comme une musique classique.

On retrouve dans ces 8 nouvelles les obsessions humanistes de le Clézio : l'enfance malmenée, les opprimés du travail ou des conquêtes territoriales, la brutalité, les ritournelles d'enfance, les cultures et sociétés disparues ; et aussi la force de caractère et la résistance physique de ces mêmes enfants et opprimés, l'amour qui résiste au fond de leurs âmes, l'émerveillement et l'humilité devant la nature.

J'ai été particulièrement touché par la dernière nouvelle du recueil, "Etrebemma" qui raconte comment des indiens sont chassés de leurs terres, de leur culture par des narcotrafiquants, pour finir dans la périphérie d'une ville ; ainsi que par "La rivière Taniers", avec sa composante auto-biographique. "Avers" est également marquante, sur le thème plus classique de l'enfance maltraitée, voire esclavagisée. "Fantômes dans la rue" est surprenante.
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Avers

JMG Le Clézio, on le sait, est un écrivain qui dans ses livres, a toujours pris le parti des invisibles, les laissés pour compte de la société, ceux que l'on ne voit pas ou ceux que l'on ne veut pas voir.

Dans les huit histoires de son recueil "Avers : Des nouvelles des indésirables", il met une nouvelle fois en avant ces femmes et ces hommes que la société trouve souvent gênants, ceux que le pouvoir rejette car improductifs et inutiles. Ceux qui font tâche en somme...



Ils s'appellent Maureez, Chuche, Juan, Aminata, Renault, Abdelhak, Marwan, Mehdi, Yaya , Yoni et Népono. Ils sont d'ici et de partout.

Des foyers de l'île Rodrigue, des rues de France, des déserts du Moyen -Orient, des camps de coca du Pérou, des bidonvilles du Mexique ou des forêts panaméennes.

Ce sont des ados maltraités, des enfants-esclaves, des clodos, des émigrés, des domestiques, des enfants perdus, des déracinés et des exilés.

Ils fuient la violence de leur foyer ils fuient les soldats et les trafiquants, ils fuient la violence sociale de notre époque, ils fuient la misère de leur pays, ils fuient la guerre. Ils fuient un monde qui ne veut pas d'eux. Et ils cherchent leur voix.



Qui d'autre que JMG Le Clézio, grand voyageur qui connaît bien chacune des régions citées, pour nous parler de la solitude et de l'abandon de ces gens qu'il a si souvent rencontrés ? Comme dans chacun de ses récits, nous retrouvons le thème de l'exil, de l'errance et chacun de ses mots est nourri par de multiples cultures en voie d'extinction. Un réalisme triste à mourir transcendé par la beauté des mots. Comme dans tous ses recueils, JMG Le Clézio nous émeut par la poésie de son écriture fondamentale, et réaffirme la valeur inestimable de chaque être, particulièrement des plus déshérités d’entre eux.

C'est du Le Clézio. Les esprits chagrins diront qu'ils n'y trouvent rien de nouveau. Pour ma part, c'est une chance. L'auteur reste fidèle à lui-même et à ses valeurs humanistes, qui on peut le dire, ont bien besoin d'être criées aujourd'hui.

Coup de coeur spécial pour le très beau texte sur la belle et tragique histoire de Renault ainsi que pour le dernier récit sur le désastre causé par les narcos.
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Avers

« Pour moi, l’écriture est avant tout un moyen d’agir, une manière de diffuser des idées. Le sort que je réserve à mes personnages n’est guère enviable, parce que ce sont des indésirables, et mon objectif est de faire naître chez le lecteur un sentiment de révolte face à l’injustice de ce qui leur arrive » … Ces mots de l’auteur en quatrième de couverture annoncent au lecteur ses rencontres avec les exclus du bonheur, les indésirables. Qu’ils essaient de vivre en Amérique du Sud, au Moyen-Orient, à l’Ile Maurice, à Paris ou partout ailleurs… ils ont fui la ségrégation, la guerre, l’invasion, la détérioration de leur pays, tenté d’échapper à la misère et emprunter des chemins inconnus qui auraient pu les mener vers la lumière.



Dans les huit nouvelles, de nombreux acteurs transportent leur culture et leurs peines, leurs plus beaux souvenirs aussi, avec au fond du cœur un rayon d’espoir qui les ferait vivre. Parmi eux, le récit des gamins, des enfants esclaves qui empruntent les égouts pour découvrir la vraie vie, un pays paradisiaque « un pays où les enfants ont des baskets propres, décorées de bleu et de rouge, avec des bulles lumineuses dans les semelles ». Sans oublier la main-d’œuvre issue de l’immigration employée dans nos usines, « les Couscous-tapis », dont les femmes mijotent d’excellents couscous aux indigènes et le mari qui reviendra de vacances au bled avec un beau tapis de qualité commandé par son chef. Il s’appelle Ahmed, elle c’est Fatima… ils ont tous les mêmes prénoms forcément !



Seulement quelques exemples puisés dans ces textes, qui ne pourront jamais traduire les émotions, la sensibilité, la poésie, la pudeur véhiculées par les indésirables si bien honorés par l’écriture et la délicatesse de J.M.G. Le Clézio dans ces nouvelles criant les ravages des fléaux perpétrés par la race humaine.




Lien : https://mireille.brochotnean..
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Avers

Avers, c'est pour moi l'occasion de renouer avec l'univers littéraire de J.M.G. le Clézio.

Dans ce recueil de huit nouvelles, c'est toute une galerie de personnages que l'écrivain désigne comme des indésirables, face à l'injustice qu'il leur arrive. le sort qui leur est réservé convoque des univers sombres où les règles du jeu établies par la loi des plus forts condamnent par avance les plus faibles.

J.M.G. le Clézio, le temps de quelques pages, donne voix à ces indésirables, fait naître en notre coeur un sentiment de compassion et de révolte. Ce sont souvent des enfants au quatre coins de monde, - raison de plus de sentir notre coeur étranglé par l'émotion, parfois ce sont des histoires anciennes...

La guerre, la misère, la fange nauséabonde de la rue, les trafics de drogue, les terres, les forêts dépouillées de ceux qui y vivaient depuis des siècles, des millénaires...

Avers, c'est un recueil de huit nouvelles, dont celle éponyme qui raconte l'histoire de la jeune Maureez Samson la petite Mauricienne dont je fais la connaissance au bord de cette baie de l'Océan Indien, dont le père a disparu en mer alors qu'il était parti à la pêche avec sa frêle barque. Alors, elle va connaître l'enfer des autres, mais le bonheur parfois aussi comme un rai de lumière traversant des volets mal fermés, battant dans le vent...

Ces nouvelles comme des fables de la vie, ce sont des textes vibrant d'humanité, irrigués par ces voix multiples qui nous appellent à mieux les regarder dans un instant fugace.

J'ai entendu leurs mots, leurs respirations, leurs battements de coeur comme des battements d'ailes, j'ai été cueilli par ce souffle inouï qui nous empêche de les oublier.

J.M.G. le Clézio nous invite à prendre le pas dans le parcours de personnages en marge, souvent « invisibles », de Paris à l'Île Maurice, en passant par l'Amérique latine ou le Moyen-Orient, c'est une traversée du monde sur des rivages à la fois beaux et hostiles.

Non, je n'oublierai pas les voix de Maureez, de Chuche et de Juanico, de Juan, de Mano, d'Aminata, deYoni et Népono, de Chepo. Ce sont des prénoms qui me sont devenus familiers à force de les côtoyer dans leurs existences abîmées.

Je n'oublierai ni leurs voix, ni leurs silhouettes fragiles éprises d'azur et de liberté, rasant l'asphalte des rues pour éviter les balles perdues, blottis dans des fossés, se cachant de la violence des hommes qu'ils soient policiers ou bandits, - là-bas c'est parfois à peu près la même chose -, oubliés, déshérités, affligés par les outrances et le désordre du monde, la part de bonheur qu'ils revendiquent paraît pourtant si infime...

Ils sont nés tout simplement du mauvais côté de la rue.

Dans cette douleur âpre de la réalité, il n'y a jamais aucun pathos et rien n'est forcément désespéré. Une joie mélancolique se tient en embuscade, le chant d'une berceuse, la magie d'une forêt ancestrale, le regard d'un vieillard bienveillant, un rire à gorge déployée, l'amour peut-être aussi... J.M.G. le Clézio sait nous débusquer ces instants fragiles épris de lumière dans la gangue des ténèbres. « Est-ce que ce qui est perdu est perdu à jamais ? »

J.M.G. le Clézio donne voix aussi aux peuples minoritaires, en voie d'extinction, rappelant que la mondialisation participe à blesser encore un peu plus cette humanité sacrifiée, mais la mondialisation n'est-ce pas aussi le fait des hommes, ceux des plus forts sur les plus faibles ?

Dans une écriture qui semble toujours simple en apparence, J.M.G. le Clézio ne se contente pas d'écrire des histoires, il les porte en son coeur, il nous les délivre dans une colère mutique qui invite à une révolte non négociable en nous.

Les gamins de la rue, les enfants esclaves, les enfants de la guerre, ceux qui grandiront trop vite, porteront des armes presque aussi lourdes qu'eux...

Ce sont parfois des silhouettes fantomatiques qui traversent les pages, bercées par les chants du monde, celles des paysans chassés de leurs terres, de leurs forêts ancestrales, par les narcotrafiquants...

Brusquement ces histoires prennent une portée universelle et je ne peux que me laisser emporter alors dans cet écho ineffable qui a continué de se prolonger longtemps après ma lecture...
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Avers

Je retrouve Jean Marie Gustave le Clézio, dans son dernier et magnifique recueil de nouvelles.

Avers: Ceux et celles que l'écrivain sensible, précis et bon nous offre à voir en face. Ceux et celles avec qui L'auteur nous invite à partager un morceau d' existence, un long bout de chemin.

Avers: Ce volume de vies, de souffrances, de lieux, d'errances et d'aventures que Le Clézio présentait, un soir, invité aux côtés de Florence Aubenas... Florence Aubenas qui venait présenter, aussi, son dernier livre.

Je ne pouvais faire autrement que d'acquérir Avers pour me nourrir de ces

huit histoires avec Maureez, Chuche, Aminata, Renault, Abdelhak, Marwan, Yoni, la bande du collecteur numéro 74 et toutes ceux et celles rencontrés au cours d'un long voyage: La pérégrination autour d'un monde dans lequel les destins d'enfants sont trop souvent piétinés par le mal et la mort. Dans lequel, aussi, des rêves se sont transformés en cauchemars affreux et lancinants.

Ma compagne, mauricienne, va pouvoir maintenant entrer à son tour dans le livre de celui qu'elle appelle affectueusement "Tonton"... Et retrouver cette rivière Taniers (Elle m'en a montré une photo du temps où l'on y lavait le linge) qui inspira cette si belle berceuse créole dont Le Clézio, généreux, nous offre quels quelques beaux extraits.

Et voilà! La magie-Le Clézio a encore peuplée ma mémoire de nouveaux personnages, de nouvelles couleurs.... Voici le moment de quitter le port d'Avers pour cingler vers d'autres terres littéraires connues ou encore inconnues!

Mais soyez sûrs, amis babéliotes, que je retournerais visiter les îles de J.M.G. le Clézio. Promis!





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Avers

Le souffle un peu coupé, je referme Avers avec un mélange de sentiments: malaise et envoûtement, culpabilité et infinie tristesse.

Le Clézio déploie, tout au long de ces 8 nouvelles, de ces 8 destinées, sa prose mélancolique, sa poésie chantante et un brin surannée.

Certaines ont été écrites il y a vingt ou trente ans, d'autres sont contemporaines, mais peu importe, les indésirables sont de tous temps et de toutes contrées. D'ailleurs il faut souvent deviner, jouer avec Google Maps, pour s'y retrouver.

J'ai beaucoup aimé suivre dans les égouts les "petits rats de Nogalés", ces mômes des rues qui passent la frontière américano-mexicaine juste pour la journée.

On verra ainsi la misère de Rodrigues, l'île si précieuse de notre prix Nobel (2008!), la fuite éperdue d'adolescents traqués entre Pérou et Amazonie brésilienne, les conditions abominables des travailleurs marocains à l'issue des trente glorieuses, la destinée terrible des indiens du Panama fuyant les narcotrafiquants pour s'abimer dans les grandes cités colombiennes, l'errance de deux frères dans un Liban de feux et de sang.

L'auteur, comme souvent, évoque les esclaves mauriciens dans un beau texte autobiographique "La rivière Taniers".

Et puis "Fantômes dans les rue" dont le narrateur parisien est...vous en aurez la surprise, car vous lirez Avers c'est certain.

En écrivant ce petit billet d'autres images s'imposent à moi : enfants ukrainiens de Bakhmout, petits syriens du tremblement de terre tentant de rejoindre la Turquie en passant par Bab-al-Hawa, miraculés de Gaziantep...



Mais revenons à Jean Marie Gustave Le Clézio, grand parmi les grands: son recueil est d'une humanité sidérante, jamais confondante ou moralisatrice, toujours implacablement mélancolique...

Difficile de passer à coté.
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Avers

Des gamins pauvres d'une baie Malgache,

Les enfants esclaves du Pérou,

Les gamins des rues de Nogales qui passent aux Etats-Unis par les égouts et qu'on appelle les rats,

Les orphelins oubliés de la guerre du Liban, Les inconnus assis dans la rue ou sur les quais du métro,

Tous sont des indésirables, ils sont nombreux mais on ne "veut" pas les voir. Ils dérangent et n'ont pas de place.

Et pourquoi les nantis ont tous les droits ?

J'ai entendu, il y a peu, une belle phrase, " on n'est ni mieux ni moins bien que les autres".

Le Clézio prend sa plume pour écrire de magnifiques nouvelles. Dans un style très beau, avec les mots justes. Il passe encore par la littérature pour dénoncer l'indifférence à la souffrance : un prix Nobel lumineux aux service des invisibles.

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Balaabilou

avec Balaabilou, jai pris un chemin de traverse pour donner une deuxième chance à Le Clezio, dont ma première approche avait été plutôt ratée.

Bien m'en appris car ce conte tout en finesse et poésie est d'une délicatesse délicieuse; j'ai particulièrement apprécié la complémentarité de la double narration, celle du conte lui-même, drame oriental troussé en ode à l'amour, et celle du contexte dans lequel un groupe d'enfants reçoit ce conte d'un vieux pêcheur qui répare son bateau sur une plage qui ouvre à la rêverie. La plume comme les illustrations sont de toute beauté.

Un très joli moment de grâce.
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Ballaciner

C'est un agaçant fourre-tout. On y trouve des réflexions hors sujet sur les documentaires et les reportages pour mettre en avant le pouvoir de l'image. On tombe sur des brefs entretiens avec des metteurs en scène coréens d'une mortelle banalité. Sans oublier des impardonnables lieux communs, par exemple : " Il n'y a aucun but à la comédie musicale que le divertissement. Mais quand elle réussit, c'est magnifique. C'est amusant. C'est épatant."

D'autre part, voici des points positifs :

Des pages intelligentes sur Ugetsu Monogatari de Mizogouchi. Des réflexions bien senties sur L'Avventura de Michelangelo Antonioni. Une évocation touchante de sa découverte du cinéma, lorsqu'il était gamin, pas dans une salle de cinéma, mais dans l'appartement de sa grand-mère qui possédait un projecteur Pathé Baby. Bref, un ouvrage de commande dont la moitié c’est du remplissage.

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Ballaciner

Dans ce contexte de confinement, j'ai beau avoir une dvdthèque très bien fournie, le cinéma commence à me manquer. C'est dans cet état d'esprit que j'ai sorti "Ballaciner" de mes étagères. Néologisme constitué des mots "ballade" et "cinéma", ce livre aurait pu me servir de patch. Mais non.

Le problème vient du non-choix de l'auteur entre deux propositions. J. M. G. Le Clézio ne propose pas une théorie étayée de sa vision du cinéma ; et ce n'est pas non plus réellement une ballade dans ses souvenirs de spectateur puisqu'il cite un certain nombre de textes théoriques.

Il parle de films dont je n'ai, pour certains, jamais entendu parler malgré des études de cinéma, et confond "chef d'oeuvre" avec "rareté introuvable de préférence étrangère". Si ces films étaient utilisés pour illustrer une thèse quelconque, j'aurais pu trouver cela justifié.

Mais qu'il narre ses pseudos souvenirs en ne parlant d'aucun film étant sorti dans le circuit normal (j'entends par là hors cinémathèque), c'est d'une condescendance incroyable. D'autant qu'aucun film sorti après 1985 ne trouve grâce à ses yeux, excepté des films bollywoodiens que, dit-il "il y a ceux qui détestent, et ceux qui aiment pour de mauvaises raisons" (p. 161).

J. M. G. Le Clézio est né en 1940. Prenons une année au hasard : cela signifie qu'il avait 20 ans en 1960 et qu'il a potentiellement pu voir cette année-là des films aussi différents que "L'affaire d'une nuit" d'Henri Verneuil, "Classe tout risque" de Claude Sautet, "Plein soleil" de René Clément, "Terrain vague" de Marcel Carné, "Le testament d'Orphée" de Jean Cocteau, "Tirez sur le pianiste" de François Truffaut, "La Vérité" de Henri-Georges Clouzot ou "Zazie dans le métro" de Louis Malle... et que pas un seul d'entre eux ne mérite d'être dans "Ballaciner". Il faut croire que nous n'aimons pas le même cinéma.
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Ballaciner

🎬 « Lorsque j’ai commencé à fréquenter les salles de cinéma, à l’âge de seize ou dix-sept ans, je suis entré dans un cycle qui m’a apporté beaucoup de plaisir et d’émotions. C’était à Nice, qui à l’époque s’enorgueillissait de posséder cinquante salles de cinéma. Il y en avait pour tous les goûts, pour tous les prix, pour tous les quartiers. J’allais au cinéma jusqu’à deux ou trois fois par jour. On m’objectera qu’il fallait avoir les moyens. C’était une autre époque. »



"Ballaciner" est l'un des textes les plus personnels de Jean-Marie Le Clézio. Un essai solaire sur son rapport au cinéma et son initiation niçoise au 7e art. Hélas introuvable en poche, ce texte a injustement déserté nos librairies.
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Ballaciner

Je viens de découvrir cette nouvelle pépite que cet immense auteur nous a offerte il y a quelques années.



Véritable déclaration d'amour au cinéma (qui nous manque tant en ce moment!).



J.M.G. Le Clézio y dépeint et analyse les films qui l'ont marqué depuis sa jeunesse à Nice où il a découvert le cinéma et la magie des salles de cinéma. Les films des grands cinéastes notamment japonais, italiens, coréens, indiens et iraniens.



Il analyse également, et c'est passionnant, le rôle qu'ont pris les images dans nos sociétés occidentales contemporaines.



C'est érudit, intelligent, sensible, terriblement humain.



A recommander bien entendu à toutes et tous les cinéphiles, mais pas seulement.
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