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Citations de Jacques Chessex (174)


Les Corbeaux

Les gais corbeaux si appliqués
A piétiner
Les viandes fanées
De la prairie

Les gais corbeaux, silhouettes nettes
A sautiller
De cœur en caillot
Aux coquelicots du champ jaune

Les gais corbeaux s'apprivoisant
A revenir à travers flaques
Pattes bien teintes aux fleurs de sang
Aux cavernes du récent rêve

Quel vent mangent-ils les gais corbeaux
Quel caillou rare à becqueter
Ils ont fini l'herbe des morts
Ils ont crié au purgatoire

Ô corbeaux boules de feu noir
Sous la méthodique lumière
Vous êtes plus morts que les morts, fantômes gras

Plus errants que les âmes mortes
Maintenant riez mes chers frères
C'est votre tour de jouer la farce
Des corbeaux morts sous le vieux ciel
Où déchiffrer vos cris inverses
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Chant d'été

J'aime le rouge des coquelicots
Et le sang luisant des martyrs
J'aime le charbon rouge
Et le disque japonais du soleil à l'aube
J'aime la bouche bien-aimée
Et le caillot de la langue renégate
J'aime la paix des haies aux fraises rouges
Et la crête tremblante des coqs criant la fin de la nuit

J'aime tes lèvres ô Sœur
Saignant sous le soc des affamés
J'aime la poitrine du rouge-gorge
Becquetant la prairie au passage des errants
J'aime les gouttes figées en larmes rouges
Nouvelle résine du siècle au bois des chevalets
J'aime la couleur éclairante dans le lointain
Tous les colliers de perles roses des bûchers
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En rêve

Cette nuit-là sans inquiétude et sans blâme
Tu me verras venir comme à l'ordinaire
Et tu me détesteras d'être mort
Tu n'auras pas la force de t'éveiller
Ni de pleurer ni de me repousser ô complice
Dans ce songe sans herbe
Tu ne pourras appeler ni fuir mon image trop éprise de toi
Ni ma bouche encore plus inutile
Qu'au temps sans épaisseur maintenant de ma vie
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Tout se détruit

Avril et le grésil si fin fulgure
Nous sommes entrés dans le printemps
Je m'appuie à la claie du vent
Je regarde les dons, les grâces
Toute présence alors s'efface
Don maudit, piège quand la trace
Du diable est seule à me narguer
L'air s'emplit d'ailes, d'appels fastes
Même l'oubli paraît un zèle
A ma mémoire coupable

Forêt, torrent, ravin, colline
Qu'ai-je fait pour hériter vos ruines
Qu'ai-je outrepassé dans l'infâme
Pour assister à votre fuite
Chemin, rocher, ruisseau, vallée
Pour vous perdre jour après jour comme Tantale
Sans cesse volé de l'eau limpide et du fruit
Volé moi-même de vos magnificences
Dans la poudre haineuse d'avril

L'air noircit
Le cerisier tombe en cendres
Je vois la lumière descendre
Et se coucher parmi les os des siècles inutiles
Que dois-je expier dans avril
A tout instant dépossédé de mes regards, pauvres songes

Le vent porte un épervier déjà mort
La neige des vergers s'éteint
La forêt flotte comme une troupe de fantômes
Dans la phosphorescence d'un plat d'étain

[.................................................................]
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Cimetière de Ropraz

Quel églantier devant l'ombre
Guérira mon regard
Quelle ancolie sur la nuit
Je suis pareil à l'oiseau pris au réseau traître
Je me débats dans le piège des apparences
Quêtant la source, la lumière
Qui se dérobe dans le village des morts
Jardin de la béatitude et du lierre
Où la beauté pleure
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Sur une photographie

Je lis ton regard, insensée
Dans le mensonge ramifié du vent
Je déchiffre l'an de ton sépulcre
Dans le reste des pommiers agrippés au jardin réel
Mais les jaune gagne, insensée
Sur ces broderies d'avant
Tu es bien morte, heureusement, et toute photographie
Ne te montrera jamais qu'à l'instant de l'éternité
Quand tu jouas un seul instant la mésange à la lèvre
De l'amant qui ne te valut jamais
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Ô lèvre au souffle effacé, et toi mémoire du lilas
Haleine des fins de printemps
Toi rose dans l'été s'accomplissant
Quelles batailles vous livrez-vous dans mes songes
A me déchirer comme infidèle à tout instant
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Nouvelle : « Le moment de vous décider ».
Maintenant il est vieux, il joue exactement au même jeu, il lui suffit de se répéter : je suis mort, je suis mort, tout de suite la neige fond, le nuage coule, nage, dérive, plus loin le vent secoue des branches calmes et si haut, si doucement affectueuses au regard qu’elles caressent comme des plumes nocturnes en plein jour. Attention, plumes, maintenant je vais jouer à être mort. Voilà. Je ferme les yeux. Je ne bouge plus. Je ne sens même plus mon poids, ni le modelé de ma tête, ni la forme de mon corps. C’est cela la mort. On se retire de l’apparence. On est avec le vent des branches, l’écume, l’eau blanche, l’air qui s’aiguise sur le glacier. On est avec les oiseaux et leurs ailes, la lueur du pré plein de pluie à l’aube, la branche imperceptible qui danse, l’odeur du sol, l’odeur de l’hiver.
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Votif


Extrait 2

À ma mort qu’il n’y ait pas d’ange
                     mais qu’il me soit donné
D’entendre encore une fois la mésange de l’âme
Et le rossignol qui a égrené si souvent
                     ses trilles autour de mon cœur
Que je sois seul moi aussi


Mais que s’ouvre l’air à ma bouche
Que vienne une dernière fois le vent que j’ai bu
Avec l’avidité d’un enfant qui tête
Et que mes os commencent à descendre avec lenteur
Dans la terre printanière


Je bois la mort maintenant
L’eau de la mort
J’ai les seins du vide aux dents
Et les regrets du corps aimé
                     en creux dans l’ombre sonore
Ah Mozart chante encore à mon cœur sans forme
Ce chant céleste où toi et moi
N’avons part dans nos espaces
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Votif


Extrait 1

Quand j’irai à la vraie place
Au moins que ce soit un jour de cerisiers
                     et de lilas
Et que ma tête ne ressemble pas encore
                     à celle des morts
Avec cette mâchoire qu’ils ont
Avant qu’elle se détache et tombe seule
                     dans l’ossuaire


Ce matin je pense à toi, Mozart
Dans ta fosse de tibias et de crânes
Ô glorieux, et ce jour-là qui était ton jour
                     ton ange pleurait
Parce que Dieu avait voulu pour toi
Ce Golgotha inversé dans la pluie du vieux novembre
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Il ne sait pas assez, le spirituel avocat citadin, les remords qui étranglent et paralysent sous la fraîcheur des paysages et la robustesse des corps. Il ne connaît pas la folie opaque dans les têtes et dans les corps. La méchanceté sous l'idylle. Le désir de mort. La peur qui se tait et qui rôde.
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La peur qui rôde. A la nuit on dit les prières de conjuration ou d'exorcisme. On est durement protestant mais on se signe à l'apparition des monstres que dessine le brouillard.
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La misère sexuelle, comme on la nommera plus tard, s'ajoute aux rôderies de la peur et de l'imagination du mal. Solitaire, on surveille la nuit, ébats d'amour de quelques nantis et de leur râlante complice, frôlements du diable, culpabilité vrillée dans quatre siècles de calvinisme imposé. Sans répit déchiffrer la menace venue du fond de soi et du dehors, de la forêt, du toit qui craque, du vent qui pleure ; de l'au-delà, d'en haut, de dessous, d'en bas : la menace venue d'ailleurs.
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Il y avait surtout en nous, du fond des siècles, la certitude de la punition de la punition suspendue là-haut, sur nos vies.
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En attendant, la rumeur enfle. Et la peur. On s'arme de plus belle, la nuit on se barricade, et la délation va son train.
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- Je me souviens d'une femme qui aimait être vue en train de pisser dans la neige, les cuisses largement ouvertes, elle disait qu'uriner dans toute cette étincelante blancheur, signe de pureté absolue, l'excitait au plus haut point. Neige, urine, transgression pire.
- Voir uriner. Et goûter. Le sexe encore humecté d'urine a un goût âcre et sucré. Et écouter. Dans le poème de Neruda, c'est le bruit "au fond de la maison". Pour moi, le bruit très sonore du liquide. D'où il vient. Des caves secrètes. Par où il gicle. Puis on revient à l'essuiement, et l’œil reprend l'aguet.
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Élégie dans l’hiver


Extrait 5

Beaux instants où revoir le désert vert
Le temps où le royaume fut offert
La table où polirent les coudes, où les corps tremblèrent de joie
L’eau des plaies, des paroles
le pain intermédiaire, le poisson médium
La main affectueuse au cal connu
Le filet des doutes assemblés
Tout détruit au feu de l’enfance
Le labyrinthe s’effondra
Tout put renaître à la source du visible
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Élégie dans l’hiver


Extrait 4

Dans l’horreur entremêlée blanche et noire
Se retourner comme un chemin des enfers sur l’arbre sur la bête moussue
Alors passe la lueur illogique
Tendre au centre de l’air
L’instant de la beauté nue s’assied sur l’horizon
Comme une femme de chair dorée devant le vide
Ses cheveux viennent dans mes mains, sa bouche
Parle partout en moi, ses seins s’ouvrent
Promettent le lait, la salive gonflée contre la mort
Voilà je suis revenu à mon paysage
Sans témoin sans dieu dans la pierre
O grille, ô tombe à honnir
Leur œil, leur sexe d’œil
L’air noir des environs recule
La douce robe et l’empoigné
La remontée dans le bleu seul
Le bleu gagne en or diaphane
Les oiseaux retrouvent leur territoire
Le délicat ourlet du plaisir tremble rose

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Élégie dans l’hiver


Extrait 3

La seule ouverture est sale
L’espace promis au crachat
le gel ronge les murs, les remparts cèdent
La place est désolée où les feuilles tournoient
Au souffle glaireux des décombres
Alors ceux qui se lèvent dans les vomissures
Tâtonnent vers leur lampe comme des damnés
Les fenêtres du grand hôpital s’allument et s’éteignent
Nous ne crions pas, nous ne parlons pas
Nos rêves se défont comme des bandages à la lumière

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Élégie dans l’hiver


Extrait 2

Mais quelle mousse dispersée au vent pourri
Quelle écume cette voix, quelle neige le mot !
Le vert reviendra, rameau précaire
L’aubier tendre, l’écorce verte, le bourgeon fragile
Le cœur de l’oiseau aux gorges des arbres
Le dôme cristallin des appels suspendus sur les prairies
La flûte d’air
Toutes les voix, toutes les issues
Mais quelle poussière cette promesse
Quelle farine, quelle sciure cette parole crue certaine

J’étais, je serai le présent
La phrase du temps s’use, se rompt
Jamais l’éclat n’a duré
L’hiver recouvre un pan puis l’autre
Rouet de cendre
Je perdais, je perdrai
Le désert consume ma pauvre halte
Je revenais, je reviendrai, les pierres riront de ma tristesse
Je n’aurai plus qu’à me défaire avec le vent

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