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Citations de Jacques Chessex (173)


Des damnés, ou ils se croient tels, des ascètes, des innocents acharnés à s'accuser de toutes les fautes, de pèlerins, des ermites contemplatifs. des fous de Dieu. Quelques fous de cour. Des errants, même lorsqu'ils ont persisté à se fixer, parce que l'âme demeure inquiète, le coeur insatiable, l'esprit prométhéen. Ils vivent en moi de leur rumeur et de leur plaie.
Leur plaie : je m'aperçois (mais je le sais depuis toujours) que la plupart de ces poètes saignent, qu'à l'origine il y a en eux une blessure inguérissable et qu'ils écrivent pour étancher l'hémorragie. Solitude, folie; faute imaginaire ou trop réelle, l'une et l'autre également accablantes. L'effroi de la fuite du temps, l'obsession de la mort. Le suicide pour deux d'entre eux, seul ressource. La foi douloureuse aux protestants. La punition divine, le regard du dieu jaloux et la terrible compagnie du remords fixé aux pas du vivant comme les furies des antiques.
Ceux qui ont perdu cette foi instaurent une cosmogonie hautaine, parfois désolé. c'est l'austérité (Philippe Jaccottet), c'est la recherche du paradis perdu ( Gustave Roud), ou l'exaspératio violente de la chair et de l'esprit furieux (Pierre-Louis Matthey). Tels demeurent les effets d'un calvinisme abrupt : méfiance à l'égard de la figure humaine -la créature si souvent péjorative des prêches remontés de l'enfance-, culte de la solitude ennoblissante, particularisante, mais souffrance aussi de la solitude qui pèse comme une tare sur cette race biblique privée de prophètes. certaine sévérité aussi à l'égard de soi-même, qui fait les oeuvres rares, longuement portées, d'autant plus nécessaires et d'un sens plus lourd.
Dieu craint, Dieu perdu, Dieu nié : mais il demeure, il taraude, il questionne, il est interrogé, pressé, sommé jusqu'au vertige, jusqu'à l'extase frénétique (Yves Velan) et s'il se tait, énigmatique, son silence scandaleux retentit en révolte dans le désert où s'acharne le pasteur Friedrich (...).

Préface
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Laissez donc faire la Nature. C'est elle qui décidera du jour et de l'heure de notre ami. Il est déjà admirable, après la vie qu'il a menée, qu'il soit encore parmi nous, dressé contre la Mort comme la sentinelle de son propre destin !
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On arrive Rue-à-Thomas. Le bref trajet a été silencieux. Arthur Bloch ne se doute toujours de rien. Est-il fatigué? Endormi par les bonnes affaires de ce matin? On peut s'étonner, de la part d'un homme aussi avisé, de son peu de discernement à l'endroit de Robert Marmier, paysan raté et dévoyé, du valet à tête de brute, et surtout du jeune Ballotte, dont l'allure de voyou aurait dû l'inquiéter.
Mais il n'y a pas de logique devant la mort. En pénétrant dans l'étable de la Rue-à-Thomas, Arthur Bloch ne sait pas, ne sent pas, qu'il va à la pire boucherie.
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Qu'est-ce qui nous pousse à des actions,-enquêtes, traques de documents, visites, conversations intéressées, - dont nous savons que nous les regretterons à peine les avons-nous entreprises? J'étais à la recherche d'un crâne. Et je ne le savais que trop :un crâne c'est une vanité plus ironique, plus tenace, plus nouée sur son os arrondi, ses orbites creuses et le rire de sa mâchoire en ruine, qu'aucun autre objet de désir ou de répulsion, masque ou jouet mensonger, tout juste capable de me distraire provisoirement de mon vrai sort.
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J'ai le temps. Nous avons le temps. Je me le répétais sans répit, c'était dit par moi et c'était implicite en moi, à toute minute je le formulais, à toute minute je le sentais, le savais en moi sans le formuler. J'ai le temps de montrer à ma mère que je l'aime. J'ai le temps de ne plus la décevoir par ma conduite et mes propos. J'ai le temps de cesser de l'injurier. Un jour je me découvrirai, elle me découvrira, ce jour viendra, je le sais, et la paix s'installera entre nous et nous tirerons joie et bonheur de nos deux êtres enfin légers et ouverts l'un à l'autre.
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...il leva les yeux vers la petite chambre qu'il venait de quitter, et ce qu'il vit le déchira, achevant de remplir sa blessure de nostalgie tendre et rageuse: sur le rebord de la fenêtre il y avait une bouteille de lait pareille à une première image de l'enfance.Quand il monta dans sa voiture, des larmes roulaient sur son visage.
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Car partout on a ressorti le Christ qu'on gardait des temps catholiques. Dans tous les villages, le hameaux, maintenant sont accrochés aux cadres des fenêtres, aux espagnolettes, aux linteaux, aux balcons, aux grilles, même aux portes dérobées et aux caves, des guirlandes d'ail et de saintes images qui révulseront le monstre de Ropaz. À nouveau les croix se dressent dans ce pays protestant où on ne les voyait plus depuis quatre siècles. Sur les collines, sur les chemins, on replante l'objet abhorré depuis la Réforme. Le vampire craint le signe du Christ ? « Là, ça le fera réfléchir ! Et le chien est détaché. »
(p. 32)
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C'est parce que l'Homme est seul qu'il a si terriblement besoin de symboles. D'un crane, d'amulettes, d'objets de conjuration. La conscience vertigineuse de la fin de l'ere dans la mort. A chaque instant la ruine. Peut être faudrait-il regarder la passion d'un crane et simplement d'un crane hanté, comme une manifestation désespérée d'amour de soi et du monde déjà perdu.
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Jeanne! Mes lunettes! Jeanne! Ma valise! Ma canne! Un pot de café! Et ces sales gosses que tu élèves mal. Et ces repas que je ne viendrai pas prendre. Attends-moi donc. tu es faite pour m'attendre. Jeanne. Tes mains omt tourné la soupe, cuit la viande, ouvert la bouteille. Je ne viendrai pas. Je rôde. Je suis le maître. J'ouvre des ventres, moi. Je fouille dans la chair. Je tranche. C'est moi qui menace, qui console, qui guéris, moi qui donne l'espoir, moi qui veille à la porte de l'empire de la mort. Elle n'ose pas se montrer, la mort, la pauvre! Elle recule quand j'arrive, elle bat en retraite, elle se terre dans ses domaines! Je coupe, je pince, je fouille, je redresse, j'attache, j'arrache, je recouds, je suis un soldat infatigable, un mercenaire, un légionnairey, allez la mort, tu ne me fait pas peur. Alors, vous avez compris, foutez-moi la paix avec vos horaires et vos airs minables, j'ai tous les droits, moi le guerrier, le maître de la vie, vous n'avez qu'à m'attendre et me subir. (p.89).
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- Pourquoi vous êtes -vous fait moine ? avais-je demandé à un père de Fribourg.
- Pour n'avoir rien à laisser de trop encombrant à ma mort.
Longtemps j'ai été travaillé par sa réponse. Elle m'a fait croître et me développer. Savoir qu'au dernier moment rien de pesant , rien de salissant que ma pauvre dépouille ne sera à charge. C'est déjà trop de ce corps !
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Moi aussi j'ai commis l'irréparable. Je n'ai pas étreint à temps ce pauvre corps, Je n'ai pas réconforté cette âme souffrante lorsque j'en avais le pouvoir, j'ai préféré mon confort, qui était distraction du seul amour.
Toi, mon Dieu, si tu as pitié de ta créature, aime ma mère là où elle est. Dieu aime-la. Protège -la. Donne-lui ce que je ne lui ai pas donné. Et s' il te reste quelque pitié, Dieu, pour l'ingrat misérable qui écrit ces mots pleins de larmes et de fissures, pardonne-moi ma très grande pingrerie d'amour en donnant à ma mère, de ma part, où qu'elle soit, et qu'elle le sache, ce que je ne lui ai pas donné tout le temps que tu nous avais accordé l'un avec l'autre, et dont j'ai si mal usé.
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Mère tu m'habites. Où es-tu dans ta mort, ce matin ? Ô mère où écoutes-tu ces mots que j'écris en toi comme si nous ne faisions qu'un dans cette aube, pourtant je sais que tu es morte et que cet étrange mot, l'au-delà, s'est alourdi et éclairé depuis que tu y vis ta nouvelle vie si loin et si prés de moi ?
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Il revit les très fins ongles aux orteils que Thérèse tend vers lui du fond du lit : "Mords-moi, dit-elle, prends mes doigts de pieds dans ta bouche, c'est comme quand j'étais petite avec mon père, il criait, ça chatouillait, il mettait mon pied nu dans sa bouche
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Alain et Jacques prennent des photos : Isabelle couchée sur la tombe de son voisin, Isabelle marchant a sa tombe, pieds nus, ses sandales sous le bras, le vent soulève sa robe sur ses cuisses.
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La part errante



Ce fut la mort ? Vous le direz
          fantôme devant l’air
Et toi corps qui étais colline brillante
Tu ne laisseras plus la main du maître
          te saisir
Ni son éternité dissoudre un temps qui n’appartient
          qu’à cet air rare
Odeur ni humidité revenant parmi ce vide
Que tu es maintenant, ni poids pesant
Sans aucun sol fleuri pour te fixer

Ce fut la mort ? Mais quel arrêt
Jamais dira la part errante ?
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L'Aveugle

J'ai vu tes filles, Dieu des armées
Et tout de suite j'ai aimé leurs yeux de brume
J'ai aimé leur chevelure de fougère nocturne
Et l'odeur de la menthe des ruisseaux à leurs tempes

J'ai respiré tes filles, ô Éternel
J'ai bu les gouttes de sueur à leur aisselle
La poussière de l'été à leur cou
J'ai bu leurs larmes à leurs paupières

J'ai mangé tes filles, Dieu jaloux
J'ai tenu la pointe de leurs seins entre mes lèvres
J'ai tenu leur pulpe entre mes dents
J'ai pressé ma bouche sur leur bouche noire et sur leur
[bouche blanche
J'ai happé le serpent charnu de leur langue avec ma
[langue

Maintenant je suis vieux et je suis aveugle, Dieu
[vainqueur
Je n'ai plus ma force d'arbre et mes mains tremblent
Que me reste-t-il de tes filles innombrables ?
Que me reste-t-il de leur rire sous mes doigt morts ?
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Les Grandes croix

Le peuple qui ne fait pas la guerre
Regarde les puits souillés
Les mares pleines de sang
Les ruisseaux couverts de pustules
Le peuple qui ne fait pas la guerre
Scrute épouvantablement les grandes croix
Au profil noir des collines
Ces branches dressées
Tous ces perchoirs à corbeaux
Dit l'hérétique dénoncé
Car je ne pense plus qu'à ma mort
Brisé moulu jeté en braise
Quand les oiseaux à capuchon de bure tourne en
[couronne
Sur la persécution des Parfaits
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[...............................]
Regarde Ernest la fin de l'été sur les éteules
La marche du roux sur la colline
La grappe du sorbier enfle chaque jour
L'ombre est plus longue sous le tilleul plein d'air aimanté
Le grain sous l'orage étonne la sagesse des plus anciens
Le sucre s'épaissit dans la reinette du Canada
Et les corneilles lasses de tourner sur la gadoue qui fume
[sans cesse
S'écrasent dans la dernière herbe du soir et se tiennent
[immobile
Comme des bornes enfin heureuses
[..........................................................................]

(élégie à Hemingway)
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Le Jardinier

Une autre fois c'était une fin d'après-midi en août
Le jardinier avait bu trois litres d'Algérie en plein soleil
Il était allé au pavillon ombreux dormir une heure
Avait poussé paresseusement la porte fraîche

Soudain voit la maîtresse ouverte en face du haut miroir éblouissant
Voit le chien qui s'acharne et qui grogne
Referme la porte en titubant, zigzague entre les buis
Sous les coups noirs de la lumière

Depuis n'a plus au crâne que ce tableau
L'emmêlement du fauve et du blanc
Le mufle qui bave et qui râle
L'étoile rose entre les colonnes très lisses

De quoi détruire sa vieillesse d'homme pur
Ah leçon de l'été bienveillant
De quoi obéir mieux à la dame
Révérer le dogue, boire plus
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Les Corbeaux

Les gais corbeaux si appliqués
A piétiner
Les viandes fanées
De la prairie

Les gais corbeaux, silhouettes nettes
A sautiller
De cœur en caillot
Aux coquelicots du champ jaune

Les gais corbeaux s'apprivoisant
A revenir à travers flaques
Pattes bien teintes aux fleurs de sang
Aux cavernes du récent rêve

Quel vent mangent-ils les gais corbeaux
Quel caillou rare à becqueter
Ils ont fini l'herbe des morts
Ils ont crié au purgatoire

Ô corbeaux boules de feu noir
Sous la méthodique lumière
Vous êtes plus morts que les morts, fantômes gras

Plus errants que les âmes mortes
Maintenant riez mes chers frères
C'est votre tour de jouer la farce
Des corbeaux morts sous le vieux ciel
Où déchiffrer vos cris inverses
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